« Je suis accro… » Le médecin m’observe, me regarde d’un air réconfortant. Ça faisait trois ans que je ne l’avais pas vu. Je pensais même que jamais je ne le reverrais… il sourit d’un air entendu. « Dîtes-m’en plus. » « Euh… j’ai pris des cachets, fumé… et l’alcool. » je me sens défaillir sur mon siège, déjà jugé alors que mes mains tremblent. Il note des choses et finit par m’annoncer « Vous faites ce qu’il faut. Ne vous inquiétez pas. » Que je ne m’inquiète pas. J’avais envie de sourire, mais au lieu de ça, je crois que j’étais désolé. Parce-que j’avais replongé… même si ce n’était pas la cocaïne, c’était tout le reste. Et cette idée me déplaisait. Si j’étais venu ici c’était parce-que Kitae me l’avait demandé. Maintenant que j’allais être… père… je déglutis à cette idée. Me passe une main dans les cheveux. « Il Kyang, après notre première séance, j’ai établis qu’il n’est pas nécessaire de vous… garder avec nous. Je vais vous fixer un programme. Des rendez-vous avec moi, trois fois par semaine, et des réunions. Obligatoire cette fois. » Ah… je devais me sentir ravie je crois, aller à ces réunions, c’’était m’éviter de rester ici, dans une chambre comme la première fois. J’hausse les épaules, peu convaincu. Il me tant un papier, je grimace mais n’est pas d’autre choix que d’y aller. Le lendemain, je me retrouve planté devant la porte. Déjà plusieurs personnes sont assises, à discuter entre elles pour certaines. J’hésite… j’ai envie de faire demi-tour, mais les paroles de Kitae résonnent encore dans ma tête. Je me décide enfin à entrer, prend une place qui espère aura l’air d’être en retrait. Croisant mes bras, je tente de calmer ma respiration, alors qu’une silhouette entrant dans la pièce me fige… Gong Young Min. Mon colocataire de chambre… et depuis son overdose, nous n’avions pas vraiment parlé. Il faut dire que j’enchainais les soirées à boire, il m’arrivait même de ne pas réussir à arriver jusqu’à la chambre… honteux de cette constatation, je baisse les yeux soudainement nerveux. Et comme j’aurais dût m’en douter, nous sommes les premiers à être interpellé… Un tour de tout le monde, celui de Young Min et mon cœur se serre. Quand vient le mien, j’ai envie de courir hors d’ici. Mais je me force à dire « Moi c’est Il Kyang… je suis euh… alcoolique je crois… et ancien cocaïnomane… mais… » J’ai du mal à devoir dire tout ça. Le titre me parait long. Est-ce que je dois vraiment tout leur dire ? Le directeur de la réunion m’observe, esquisse un sourire pour m’encourager. Mon regard se perd sur Young Min… il n’a pas eu honte de parler de son overdose. Peut-être dois-je prendre exemple sur lui ? « Même si je n’en ai jamais reprit j’ai… prit d’autres drogues et… j’ai aimé ça. » et voilà au moins j’avais tout balancé. Mon regard baissé, je suis mal à l’aise sur ma chaise. Me redresse comme je peux alors que l’homme parle « Bonjour Young Min et Il Kyang. Bienvenu parmi nous. Ici, vous pouvez parler de tout ce qui vous tracasse. Si vous avez eu des envies, si vous craqué, nous sommes là pour vous. » J’arque un sourcil presque amusé et observe mon coloc. C’est gênant non ? Qu’on soit là tous les deux. « Personne ne vous jugera. » et sur cette phrase, j’ai envie d’y croire. De me dire aussi que Young Min pourra peut-être un jour me pardonner. Je l’ai sorti de la merde oui… mais il y a eu tout le reste avec Ye Won. Je lui ai menti à lui aussi. Je n’ai jamais assumé la drogue… aujourd’hui je dois l’accepter.    

Qui a eu cette idée folle d’assister aux réunions ? C’est ce sacré Jed ! Désolé mais mon meilleur ami, frangin avait une influence sur moi que je ne soupçonnais pas. Evidemment il a donné les flyers sans aucune obligation d’achat. Je ne me sentais pas non pressé comme un citron, une partie de ma personne aimerait bien dire que le jeune homme a abusé de ma confiance pour me trainer dans cet endroit épouvantable. Malheureusement ce serait un mensonge ! Mentir, c’est mal. Ce moment allait être une torture. Je devais tout faire pour sortir la tête hors de l’eau sinon la noyade était garantie. Je préférais faire une croisière sur laquelle on pourrait s’amuser mais on faisait avec ce que l’on avait sous la main. Quand mon frangin annonce son départ pour que je puisse être un grand garçon en affrontant seul cette réunion – ouais en cette seconde, je me vois bien les bras enserrant ses genoux, moi pleurnichant pour qu’il me ramène à la maison – j’esquisse un sourire avant de me rendre dans le réfectoire. Une fois mes fesses posées sur une chaise, je suis cloué sur place en apercevant la bouille de mon colocataire : IL KYANG. Qu’est-ce qu’il fout là ? Ce mec ressemble à Captain America avant de devenir ce superhéros connu et adulé de tous mais avec la force de Hulk. Mon visage garde des souvenirs douloureux de notre bagarre… mais je savais aussi que cet homme est mon ange gardien parce que sans lui jamais on m’aurait retrouvé à temps quand j’ai fait mon overdose. Je ne lui avais jamais réellement adressé la parole depuis cet accident. Pourquoi il se trouve ici ? Il lui arrive quoi ? Nous sommes des cas désespérés apparemment.
Attention mesdames et messieurs ! Nous avons deux petits nouveaux dans l’assemblée alors on va les mettre bien mal en leur demandant d’ouvrir la bouche tout de suite. Je vous jure que cette agression verbale me donne envie de partir en courant. Je comprends que l’on commence par nous sinon les histoires des autres peuvent prendre du temps et nous on restera silencieux. On cherche à faire attention à nous mais moi cela ne me plait pas. Je lance des regards désespérés vers Il Kyang qui l’appellent au secours silencieusement. Comme il y a aucune échappatoire, je me présente vite fait. Mon colocataire se lance aussi sauf que cette fois son énumération me glace le sang. Il avait autant de problème ? Je m’en suis pas rendu compte. Suis-je aveugle ? Egoïste ? Cela me rongeait parce que je ne me trouvais pas trop amical envers lui. Certes je connaissais son passé avec Yewon mais il était aussi mon colocataire, un être qui faisait partie de mes potes à mes yeux. Nous ne sommes pas proches comme Jed ou Mok mais cela importait peu. Il avait pris la décision de me sauver les fesses quand j’avais fait ma grosse connerie. Je baissais les yeux pendant que le directeur poursuivait son laïus. Mes lèvres scellées, je me murais dans un silence obstiné en attendant la suite des évènements. Je voulais aussi discuter avec Il Kyang pour comprendre ce qui se passait. Le mec reprit la parole en se tournant vers nous. « Souhaitez-vous nous dire ce qui vous a poussé à venir ici ? » Pourquoi on nous force la main de cette façon ? Je rêvais de me comporter comme un enfant puis soupirai avant de me lancer encore une fois. « Mon copain… et mon frère… je le fais pour eux. »

« Souhaitez-vous nous dire ce qui vous a poussé à venir ici ? » pas vraiment non. Je préférais d’ailleurs être dehors loin d’ici. Même partir dans un autre pays tant que je n’étais pas obligé d’être assit sur cette chaise. Dans mon esprit les choses s’embrouillent, cette envie folle de fuir, de prendre mes jambes à mon cou mélangé à cette promesse que je ne devrais pas briser. Outre le fait que Kitae me tuerait, je lui devais ça. Pour toutes ces nuits d’horreurs que je lui avais faites passées ces derniers temps. J’inspire doucement, jette un regard à Young Min alors que lui aussi a du se faire trainer ici. Je ne reproche rien à mon meilleur ami, il a eu raison de m’ouvrir les yeux. Et même si ça faisait mal d’avouer que j’étais encore… un toxico. Au fond, je savais que c’était vrai. Je n’avais jamais su m’arrêter, une pilule par ci par là, c’était déjà de trop avec mon passé. Et j’étais déçu de moi, de ces mauvais choix que j’avais fait. J’avais pris la décision d’arrêter pour devenir quelqu’un de mieux. Pour ce bébé, pour Kitae, pour Sawan… mais aussi pour Ye Won. Je crois qu’une part de moi voulait lui prouver que je pouvais m’en sortir aussi. Que malgré qu’elle me déteste, elle pourrait voir que j’allais devenir quelqu’un sur qui on pouvait compter… enfin, même si ce n’était pas avec elle. Et cette simple idée m’arrachait une grimace. Alors que je me lançais « Je suis là pour mon meilleur ami… et parce-que je vais devenir… père. » je n’ose pas relever les yeux vers Young Min. j’ai peur qu’il me juge, peur qu’il conclut des choses qui sont fausses. Je le pensais assez proches de Ye Won pour savoir qu’il ne s’agissait pas d’elle… et il connaissait les aller venus de Sawan dans notre chambre alors… je ne pouvais pas me cacher derrière des excuses bidons. Oui j’allais devenir père et il fallait que je montre l’exemple. L’homme ne nous juge pas, il nous jette un regard bienveillant, nous félicite avec les autres d’être venus ici. Mais au fond est-ce que ça changera quoique ce soit ? Je n’ai jamais été fan de ces réunions. Pour en avoir déjà faite lors de ma première cure, je préférais de loin les exercices à faire seul dans son coin. Mais il fallait bien que je me jette à l’eau, c’était mieux que d’être enfermé. Les autres individus prennent la parole à leur tour, évoque leur problème. Certains accro à de la drogue, certains jeunes, plus que nous. Je pousse un soupir nerveux, lève les yeux vers Young Min et tente d’y lire quelque chose sans savoir quoi. Je me sens bizarre d’être face à lui, encore plus à devoir avouer ces choses. « Il Kyang, commençons par vous. Voulez-vous évoquer certaines choses sur vos addictions ? » je dois le jouer le jeu n’est-ce pas ? Alors je me redresse « Je ne suis qu’au début de mon sevrage… alors c’est compliqué à gérer. Mais je veux vraiment avancer… alors même si je déteste parler devant vous. Si je me braque, je sais que je n’y arriverais pas. » J’ai parlé un peu vite, presque brusquement. Mais je me fais surtout la réflexion à moi-même. Je ne peux pas me braquer, sinon je n’avancerais pas. Je me souviens des premiers temps lors de ma cure. Je ne voulais rien faire, et finalement je reculais, je restais prostré dans mes problèmes. Puis quand j’ai décidé enfin de faire un pas en avant, ça à tout changer dans ma vie… malgré que je n’ai pas su gérer tout ce qui se passait. « Je veux m’en sortir. C’est tout ce qui compte. » Et sur ces mots, les autres se mettent à applaudir. Me mettant mal à l’aise, au point que je grimace en cherchant Young Min du regard. 

 

Cette séance me donnait envie de prendre mes jambes à mon cou pour disparaitre le plus vite possible. Je pouvais faire des efforts concernant mes addictions… mais mettre mes faiblesses sur la table devant des inconnus… franchement je doutais du bien-fondé de cette méthode. Pourquoi avais-je accepté de suivre ces réunions ? Jed avait vendu le truc comme quelque chose de positif mais je ne suis plus franchement convaincu. « Souhaitez-vous nous dire ce qui vous a poussé à venir ici ? » Cette question me mettait mal car mes raisons ne me paraissent pas avoir une quelconque valeur aux yeux des autres. Je ne le faisais pas pour moi, encore moins pour me sortir de mes conneries. A mes yeux, elles sont encore rien. Ce n’est pas grave ! Nous faisons tous des erreurs, non ? Pourquoi je devrais échapper à cette règle et me comporter sagement pour satisfaire les autres ? Evidemment que je me rends compte que mon raisonnement est con. Actuellement je veux le suivre parce que bordel j’ai juste 25 ans. Je fais toujours tout ce que l’on attend de moi. Laissez-moi partir en vrille au moins une fois dans ma vie. Certes mes conneries m’ont fermé les portes du sport de haut niveau. J’avais failli y laisser la peau… mais écoute je suis encore con dans ma tête. Je réponds rapidement en baissant les yeux car je me sens honteux de ne pas avoir une meilleure motivation que faire plaisir aux autres. Le silence qui suivit ma confession me glace le sang mais comme on faisait attention à Il Kyang, je me suis détendu. Ce soulagement est de courte durée puisque mon colocataire avoue ses raisons. LE CHOC ! Comment avais-je pu louper à ce point la vie de mon compagnon de chambre ? Il allait être papa ? Cette nouvelle me surprit tellement que j’en tombais de ma chaise. Je me retrouvais sur le cul, les jambes en l’air avec une expression mi-bêbête et mi-surprise. Bonjour, tu viens de te faire remarquer ?! Mon visage vire au rouge pivoine alors que je me relève comme je peux. Purée ! Mesurer 1m91 ça vaut pas le coup quand on est étalé au sol. On dirait une espèce de grand dadais qui s’emmêle avec ses membres spaghettis. Je finis par reposer mes fesses sur la fesse et lève les yeux, rencontrant par la même occasion ceux de Il Kyang. J’esquisse un sourire, faute de pouvoir lui hurler que je serai là. Voilà comment se résume mon existence ?! Je suis présent pour les autres, peu importe ce qui se passe mais je fais des conneries… et parfois, en dehors de Jed, il y a personne pour moi quand tout part en vrille. Les paroles de mon coloc font écho en moi… Si je me braquais aussi, est-ce que j’avancerai ? Avais-je envie d’avancer ? Qui serait près de moi si je chutais ? Je me sentais dans une espèce de flou effrayant. Je me mordis la lèvre inférieure avant de regarder à nouveau mon camarade pour lever les pouces avant de faire une grimace amusante. Evidemment le mec qui dirige la réunion choisit ce moment gênant pour me mettre en avant. « Young Min, voulez-vous évoquer certaines choses sur vos addictions ? » La panique me gagna ! Je ne suis pas encore assez réfléchi pour savoir si je peux parler de mes addictions comme ça. « … » Bonjour le silence ! Quoi dire ? Quoi faire ? Je me sens un peu prisonnier ! Je veux Jed ! Je veux un câlin ! Je veux partir ! « Je suis ici parce que je me suis blessé au genou, je voulais être le meilleur alors j’ai déconné… » Je baisse la tête parce que je me sens honteux de mon comportement. Finalement il y a du plomb dans ma cervelle. « Excusez-moi ! » Je me levais pour quitter le réfectoire afin de prendre l’air. Je me retrouvais plier en deux essayant de respirer.

Je lâche un petit rire, nerveux peut-être en voyant Young Min tomber. Au moins, il a le don de rendre la séance un peu moins compliquée. Et surtout moins oppressante. Je crois que sa présence m’aide un peu. Je veux dire, je ne pensais pas qu’il serait ici, mais tomber sur lui c’est peut-être un signe du destin ? Tous les deux avions finit par nous éloigner. Chacun à vivre notre vie sans jamais entrer dans celle de l’autre. Je me contentais simplement de le considérer comme mon colocataire. Mais peut-être était-il plus que ça ? Je l’observe, reste focalisé sur lui avant de lui échanger un petit sourire. Je me sens soulagé finalement, parce-que j’ose parler de ce que j’ai sur le cœur. Je le fais pour moi, mais aussi pour les autres. Et cette fois c’est différent. Plus que la première. J’avais eu l’impression d’être égoïste lors de ma première cure. De n’avoir pensé qu’à moi sans cesse. Sans jamais avoir le courage de m’excuser auprès des gens que j’avais blessé. Cette fois, je le fais parce-que je sais que ça compte pour Kitae, pour Sawan… et puis parce-que je le veux, pour ce bébé. Je n’ai pas envie qu’il naisse, alors que je serais trop bourré pour le voir. Je n’ai pas envie qu’il soit là et qu’on est peur de me le confier parce-que je déconnerais. C’est aussi ces raisons qui me poussent à être ici et affronter mes démons. Et je sais que l’exercice n’est pas simple. Young Min est nerveux, il se sent mal à l’aise de parler de tout ça. Peut-être n’était-il pas encore prêt mentalement ? Je ne sais pas, mais au même moment il se relève brusquement et fuit cette salle. Regardant les autres, je me redresse instinctivement « Euh… je vais le voir. » L’homme ne juge pas bon de me retenir. L’entraide c’est le plus important dans ce genre de séance. Alors je me précipite déjà à l’extérieur à sa recherche pour aller le trouver. Il a l’air perturbé… si nerveux. « Young Min ? Ça va ? » Et je me rends compte que depuis cette overdose, tout nous sépare. Nos vies, nos choix… je n’ai fait que me concentrer sur ma petite personne. J’ai été si égoïste putain. Ce n’était pas rien, sa prise de drogue n’était pas anodine. Et moi j’avais juste fuit le problème. Sans jamais me rendre compte qu’il souffrait peut-être. Me mordillant la lèvre, je m’approche de lui, fourre mes mains dans mes poches. Je deviens gêné « Tu… je ne savais pas que tu suivais un programme. » j’avais cru bêtement que ces mois sans se parler, l’avait aidé à aller mieux. Je veux dire, je pensais qu’il se soignait. Il avait dû être obligé de voir des psys non ? Je grimace, inspire doucement avant de fixer devant moi. Je ne sais pas combien de temps nous restons à côté l’un de l’autre. Silencieux, à réfléchir surement sur nos propres erreurs. Puis au bout d’un moment je finis par lâcher « Je suis désolé Young Min. D’avoir été con. » Avec toi, avec le reste aussi. « Je n’ai pensé qu’à moi. Et je n’aurais pas dût te mêler à mes histoires. » Chacun sa merde après tout. Je le comprends désormais, en le voyant que ses soucis n’étaient pas anodins. J’avais trouvé les miens plus important… et je me rends compte à quel point j’étais con de penser ça. « Je n’ai jamais vraiment prit le temps de te parler après ce qui est arrivé. » et je suis désolé, sincèrement. Je me tourne vers lui, retire mes mains de mes poches avant de la passer dans mes cheveux. Je soupire, contrarié. Mais je crois qu’être ici, essayé de me soigner, c’est aussi se rendre compte un peu plus de ses erreurs. « Je regrette ce qui s’est passé. » je grimace un peu embarrassé, mais cette fois j’assume pleinement mes actes. Il n’est plus question de fuir ou de mentir. J’ai merdé ! Et Young Min fait partie de ces personnes que j’ai dut blesser. « C’est un peu impressionnant hein ? J’ai détesté la première fois. Et je n’y suis pas retourné. » Je parle de ma première cure de ces réunions que je détestais. J’étais interné, ça suffisait à m’aider, du moins c’est ce que je croyais. Celle que je n’avais pas vraiment évoquée avec lui. Je m’étais caché derrière ce que je voulais être. Mais cette fois, c’est différent. Je dois faire des efforts. Je dois me soigner, admettre que je suis un putain d’accro. 

Les citrons ressentent-ils la même chose quand ils sont pressés ? Je me sens affreusement mal, nauséeux alors que le type posait encore et encore des questions. Il faisait seulement son boulot ! Je ne devrais pas me laisser submerger par toutes mes émotions. Je devrais être capable de les contrôler, de les analyser mais non… je suis encore trop fragile pour comprendre que cet interrogatoire est une main tendue pour me mener vers la lumière. La panique avait gagné chaque cellule de mon corps. Je ne supportais plus de rester dans ce réfectoire. Il me fallait de l’espace pour reprendre mon souffle. La tête me tournait. Je me sentais affreusement mal. Au secours ! Je perds pied… Je quitte la salle puis cherche un endroit où je pourrais reprendre ma respiration. Je ne trouve rien de mieux que de m’allonger sur le carrelage dans l’entrée du centre. Une grande étoile de mer de 1m91 de hauteur qui gêne pas du tout le passage des gens. Je m’en fous que ma présence dérange. Le froid du carrelage mord ma peau à travers mon t-shirt large. Cela me fait du bien. Mes poumons sont en feu. Combien de temps s’écoule avant que Il Kyang ne pointe le bout de son nez ? Aucune idée ! Mes yeux papillonnent avant que je le regarde concrètement en face. Je secoue la tête parce que ma bouche est toute pâteuse. Non je ne vais pas bien. Il parait tout gêné pendant qu’il fourre ses mains dans ses poches. Il est adorable ! Je remonte mes genoux, non sans esquisser une grimace. C’est difficile de supporter la douleur quand on a pas le droit aux antidouleurs. « Je ne savais pas que tu avais des ennuis. » Je lui renvoie la balle. Nous nous sommes beaucoup éloignés depuis quelque temps. Nous avons jamais été proches certes mais sa présence me manque beaucoup. Je me sentais triste de ne pas avoir remarqué qu’il n’allait pas bien du tout. Je me demandais si nous pouvions changer les choses désormais. On pourrait se rapprocher ? Cela me faisait mal que nous ne soyons pas plus proches tous les deux. On partageait une chambre depuis un moment maintenant. Ces excuses me prennent au dépourvu. Je me redresse pour le regarder comme s’il avait cinquante bras qui lui sortaient de la tête. « Pourquoi ? » Je lève les yeux vers lui. « Pourquoi tu t’excuses ? Nous avons été cons tous les deux. Aucun de nous deux n’avait la maturité suffisante pour prendre assez de recul sur cette histoire. » Je passe une main dans mes cheveux. « Parler devant tous ces inconnus, c’est effrayant… Je me sens vulnérable comme s’il y avait plus rien qui me protège du monde extérieur… » Je baisse la tête pour jouer avec mes mains nerveusement. « Je ne cache pas que l’idée d’appeler mon frangin ne m’a pas effleuré l’esprit… mais j’ai aussi fait une promesse… alors c’est compliqué. » Je redresse enfin ma grande carcasse. « Alors tu es venu ici combien de fois ? Ils donnent une carte de fidélité pour montrer notre bonne volonté ? » J’esquisse un sourire taquin. « J’ai envie d’une glace ! Tu m’en payes une ? »

J’aurais aimé être quelqu’un de plus altruiste. Un de ceux qui observe les autres et les comprends. Etre un peu empathique aussi. Mais au final je n’étais que moi… avec mes qualités et mes défauts. J’en avais beaucoup d’ailleurs. Conscient de ce que j’étais ou étais devenu avec le temps. Parfois le Il Kyang d’avant me manquait. Celui qui se fichait de tout, qui profitait juste de la vie. C’était plus facile comme ça. Encore plus simple quand on est ado. Au final, on a jamais à penser à nous. Et je sais que ça dénote avec le fait de vouloir faire plus attention aux autres. Mais je suis souvent partagé entre ces deux sentiments. Pourtant avec Young Min j’étais persuadé d’avoir envie de le connaitre. Il avait ces mauvais jours, comme j’avais les miens. Et j’en avais marre d’être un étranger pour lui. Des années que nous partagions notre quotidien sans rien savoir de l’autre. Je grimace à sa remarque il a raison. Nous avons été stupide tous les deux. « C’est le but d’être vulnérable tu sais. Mais c’est aussi un moyen pour toi de t’ouvrir. » Et je sais que c’était difficile. J’avais été le premier à ne pas vouloir y aller pendant ma première cure. Je me contentais des activités qu’on me proposait, des séances de psys et ce genre de choses. Les réunions n’étaient pas faites pour moi. Aujourd’hui c’était le seul moyen que j’avais si je ne voulais pas me faire interner. Bien que je n’étais pas un cas désespéré d’après mon psy. Mais cette simple idée me forçait à faire des efforts. Et puis je n’étais plus tout seul. Je le faisais aussi pour les autres. « C’est qui ton frangin ? » je ne savais pas que Young Min avait un frère. Je le pensais fils unique en réalité. Surement parce-que moi aussi je l’étais. C’est idiot comme remarque. Je m’en aperçois. « Je ne savais pas que tu avais un frère. Tu veux une nouvelle ? Moi j’ai un frère jumeau. » Et sur ces mots je ris nerveusement. Un truc dont je ne parlais jamais. Surement parce-que j’avais encore du mal à réaliser qu’un autre moi existait. Pourtant je l’admirais presque. Je le trouvais plus cool que moi, plus beau, plus sympa… il n’était pas moi. Et c’était ça qui me plaisait chez lui. Des défauts il en avait, mais je l’idéalisais… « Tu sais c’est quoi le plus drôle ? C’est que je l’ai appris seulement y’a quelques mois. » Je souris encore. Je ne veux pas avoir l’air triste. Ça m’a perturbé, mais… je vis avec. Je savais que mon passé était trouble. Tout comme je savais que j’avais été adopté. Ce n’était un secret pour personne. Je n’avais jamais eu de problèmes avec ça à part l’adolescence. Mais quel ado n’a pas de crise existentielle ? Au final, je le vivais bien. Et j’ai conscience que je lui révèle quelque chose de perso. Quelque chose dont je n’ose pas parler avec n’importe qui. Approuvant sa remarque, je lui propose qu’on aille ailleurs. De toute façon, cette séance ce n’était que la première. « Vas-y je t’invite. » et on pourra surement discuter plus amplement. Sortant à l’extérieur, je prends le chemin vers le centre ville. « En fait avant ça… j’étais en cure. Je suis resté six mois ici. » Est-ce que Ye Won lui avait dit ? Je ne sais pas vraiment. Mais je n’en avais plus honte. Ça faisait partie de moi. « Ça date de trois ans déjà. Enfin presque quatre maintenant… et je pensais m’en être sorti mais je crois que non. » Je ris un peu béta, mais je n’ai pas envie de m’appuyer sur mon sort. Je l’ai trop fait. Je ne me rends pas compte, mais parler avec Young Min me semble plus facile que d’affronter les psys. « J’ai jamais aimé les réunions avant. Mais cette fois, je me dis que j’ai pas trop le choix. C’est mieux que d’être interner. » Je ris un peu plus. Suivre une cure de désintox, ça n’a rien de drôle. On croit que c’est tranquille, comme une maison de repos mais c’est juste horrible. Car peu importe ce qu’on fait, on est toujours confronter à son addiction. Je m’étais souvent baigné dans le mensonge. Aujourd’hui, j’ai pris du recul sur tout ça. Je crois que je suis vraiment sur la bonne voie. Enfin… j’ai envie d’y croire surtout. Puis tandis qu’on marchait, je venais jouer nerveusement avec mes mains. « Hum, tu sais Young Min… je ne sais pas trop ce que t’as dit Ye Won sur moi… mais… j’ai jamais voulu ce qui est arrivé. » peut-être avait-il eut des apprioris. Et je me souviens de nos disputes, de nos bagarres même. Je n’avais jamais fait l’effort de parler avec lui de tout ça. Je ne sais pas ce qu’il connaissait de moi au final. Quelle idée il avait en tête. Mais il n’avait pas l’air de me détester aujourd’hui. Et ça comptait pour moi. Arrivé devant le glacier, je l’invitais à entrer me plaçant dans la file d’attente. Je ne sais pas ce qu’on fout vraiment. Mais c’est peut-être mieux ainsi. D’être là tous les deux. A pouvoir discuter. 

Cette réunion me balançait dans la figure toutes les conneries que j’avais accumulées comme un collier de perles. Jamais je n’avais pris le temps de guérir correctement mon genou. La prise excessive de crimson dans le but de ne plus penser aux douleurs ressenties dans chaque fibre de mon corps. La pression que mes parents exerçaient sur moi parce que je devais être le fils idéal. Le coach qui me faisait honteusement chanter pour obtenir de moi les meilleures performances. Les soirées alcoolisées et droguées partagées avec Yewon. La bagarre avec mon colocataire. La relation amoureuse avec Elio qui avait fini en eau de boudin. Celle avec Nam Ja qui débutait dans la souffrance, la rancune. Je prenais conscience de toutes ces petites choses qui avaient bouleversé ma vie. Adieu l’ancien Young Min ! Comment Jaehwan faisait pour accepter le con que je suis devenu ? Et mon copain comment pouvait-il encore aimer cet homme que je suis devenu ? Ce nouveau chemin me réservait quoi ? Qui accepterait de rester près de moi ? Ce ne sera pas la joie tous les jours car il y en aura souvent où tout ira mal à mes yeux. Je garantie seulement toute ma reconnaissance pour être resté avec moi pendant cette période difficile. Ce n’est pas une publicité des plus vendeuses, avouons-le ! Qui signerait pour ça ? Cette prise de conscience avait eu raison de mon côté insouciant. Je me suis senti submerger par une tâche insurmontable, une épreuve où seule la solitude serait ma compagne. La seule solution qui s’imposa alors ce fut de quitter les lieux. Cette sortie avait provoqué aussi celle de mon colocataire.

Quand sa bouille apparut dans mon champ de vision, je sentis mon cœur bondir d’espoir dans ma poitrine. Peut-être avions-nous une chance de réellement nous lier tous les deux ? On avait passé des années dans la même chambre sans prendre le temps de se connaitre. Aujourd’hui, les choses sont différentes. Il semblerait que le destin avait choisi de nous mettre sur le même chemin. Un signe ? Possible ! Sa remarque me fit sourire même si je poussais un grognement d’ours mal léché. « Hmm… j’aime pas parler de moi. » Il me faut un climat de confiance pour me livrer aux autres. Je ressentais ça en compagnie de Il Kyang. Il me donnait la sensation que je pouvais parler sans subir un jugement quelconque. Je lui parlais librement de mon frangin. Cette information sembla l’étonner puis je me rendis compte que jamais je ne lui en avais parlé avant. « Nous ne sommes pas réellement frangins parce que nous avons aucun lien de sang qui nous lie. Nous nous sommes trouvés quand cela n’allait pas trop pour lui. Ma famille lui a tendu la main pour qu’il remonte la pente. On a vécu tellement de choses ensemble qu’il est mon frère à mes yeux. » Je passais mes mains sur mon visage pour en chasser les larmes naissantes. « Il est ma seule famille comme mes parents ont choisi de couper tout lien avec moi. » Sa nouvelle fut comme une douche froide. « QUOI ? SERIEUX ? » Mes yeux s’ouvrirent comme des soucoupes. « Tu blagues ? Il y a un autre toi… enfin quelqu’un qui te ressemble sur ce campus ? Identique ? Waouh ! La bombe ! » Je ne savais pas ça ! Qu’est-ce que je connaissais de toute façon à son existence ? « Il le sait ? Evidemment qu’il doit savoir que tu existes… mais attends, tu l’as pris récemment ? Pourquoi ? Vous n’avez pas grandi ensemble ? » Son histoire donnait l’impression de sortir tout droit d’un film. Hallucinant ! On prend le large pour aller manger une glace. Nous discutions ensemble comme nous ne l’avons jamais fait avant. Cela venait simplement alors que l’on prenait la direction du centre-ville. « Tu y étais venu pour quelles raisons ? » Je ne connaissais rien des secrets de mon colocataire. Il était une personne mystérieuse à mes yeux. Il me donnait envie de découvrir qui il était réellement, et je croisais les doigts pour que les choses changent entre nous maintenant que nous sommes dans le même bateau. On pourrait se découvrir des points communs ? On pourrait se soutenir dans ces épreuves ? Je me sentais prêt pour supporter tous les obstacles si Il Kyang choisissait de me laisser une chance. « Interner ? C’est pas franchement une destination de rêve ! Imagine être habillé en blanc tous les jours. Tu as moins chaud quand les températures augmentent mais les touches de couleur finiront par te manquer. Tes conversations sont limitées parce que les autres résidents sont à des stades intellectuels différents… bon franchement on va éviter de se lancer dans ce voyage. Visons quelque chose de plus simple : remettre de l’ordre dans nos vies. » Je ne connaissais rien au monde des internements mais cela sortait tout droit de mon expérience filmée. « Je le découvrirai peut-être pendant mes études… J’ai pris le chemin des bancs pour la médecine. » La première fois que je le disais. Esquissant un grand sourire, je marchais dans la rue comme si je sortais depuis une éternité. Le monde me paraissait beau maintenant que je prenais des décisions plus matures. Ouais enfin ce ne sera pas comme ça tout le temps mais laissez-moi profiter de ce moment. Je me stoppe en le retenant par la manche. « Jamais elle a dit quoique ce soit sur toi… votre passé… » Yewon avait été une vraie tombe. Je ne savais toujours rien de leur histoire. « On s’est vu pour qu’elle me donne des explications concernant ton comportement après la bagarre… mais en faites elle est restée vague… elle semblait perdue dans ces souvenirs… elle te cherchait des excuses puis cela a été moi qui t’en cherchais… Je ne sais pas trop ce qui vous ait arrivé tous les deux mais ce sont vos histoires. » Je haussais les épaules avant de reprendre ma route. Alors que Il Kyang prenait place dans la file, je me sentais plus serein. Plus de pression, plus de regards. Evidemment je comptais remettre les pieds aux réunions, encore plus si mon coloc y allait aussi, mais aujourd’hui j’avais eu ma dose. « J’aime la glace à la fraise. » Je pris place à une table en attendant qu’il me rejoigne. « Alors comme ça tu vas devenir papa ? C’est dingue ! Yewon le prend comment ? » Dans ma tête, il est évident que cet enfant est leur création. « Je suis un excellent parrain ! Mon frangin a un petit garçon dont je m’occupe super bien. Je fais même beaucoup de cadeaux ! » Je vends mes compétences ? Carrément !