Il semblait que le dortoir pyobeom soit calme, pour une fois. Ces derniers temps, Kyu avait le sentiment que tout se bousculait dans sa vie. Que beaucoup d’événements s’enchaînaient sans trop savoir comment ils pouvaient bien être provoqués. Des nouvelles parvenaient à lui, souvent bonnes, parfois mauvaises. Si ça n’impactait que lui, alors il n’en avait que faire, mais dès lors que ça concernait une personne qu’il aimait, son monde semblait s’effondrer. C’était ce qui avait l’air de se passer, pour Sawan. Tout ce qui lui importait, c’était qu’elle soit heureuse. Elle, surtout elle. Celle qu’il considérait comme sa propre chair. Cette soeur que ses parents auraient été incapables de lui donner. Il aurait tout fait pour elle, tout ce qu’elle lui demandait. Même ce qu’elle ne lui demandait pas. Aux yeux de Kyu, Sawan était une princesse, la prunelle de ses yeux. Celle qu’il ne fallait pas toucher, encore moins blesser. Elle était son amie, sa bouée de sauvetage dans un monde minable. Alors, il ne savait pas trop comment réagir, en apprenant qu’elle était enceinte. Il était heureux seulement si elle l’était. Il la soutiendrait quoi qu’il arrive. Il ne cherchait pas à la nuire, à faire quelque chose qu’elle n’aurait pas voulu. Mais ça avait été plus fort que lui, lorsque son regard avait croisé celui d’Il Kyang dans le couloir. Il venait tout juste de rentrer, débraillé, prêt à aller se préparer pour s’enfiler quelques verres plus tard, mais il s’en foutait. Impulsif, certainement, des mots s’étaient échappés d’entre ses lèvres avant même qu’il n’ai eu le temps d’y penser. « Hé, Il Kyang ! » l’avait-il simplement interpellé, avant de s’avancer vers lui. « T’as pas intérêt à merder avec Sawan. » ajoutait-il, d’un ton neutre. Il ne cherchait pas à s’énerver, mais à prévenir. Qu’il était capable du pire quand il s’agissait des quelques personnes qu’il aimait. Et elle en faisait partie. « Tu merdes pas, compris ? J’suis pas du genre à péter des dents, mais j’le fais si on lui fait du mal, ok ? » Son regard toisait Il Kyang, ses sourcils légèrement froncés. « C’est comme ma soeur cette fille, et j’compte pas la voir tomber. Alors fait gaffe à c’que tu fais. » Loin d’être menaçant, il n’avait pas pu s’en empêcher. Il voulait la protéger, comme il pouvait, même si clairement, il n’était pas le plus doué pour ça.

Il reste le regard fixé sur son téléphone, inquiétude dans ses yeux, gestes nerveux… il ne sait pas pourquoi il observe encore ces photos. A quoi bon de toute façon ? Ils se sont tout dit… c’est ce qu’il s’évertue à penser alors que leur dernière conversation lui revient en tête. Il laisse échapper un soupir, de frustration surement, alors qu’il range l’appareil à nouveau et tente de l’ignorer. Ses pas rapides le ramènent au dortoir. Il voulait juste récupérer quelques affaires pour se changer et squatter davantage chez son meilleur ami. Mais il ne s’attendait à croiser Kyu, lui jetant un bref regard avant de vouloir poursuivre sa route. Le garçon l’interpelle déjà, ses épaules affaissées, il se tourne vers lui. Soupir encore une fois, ne sera-t-il donc jamais tranquille ? Il fronce les sourcils, au départ intrigué par ce que lui balance le pyo. Puis il comprend très vite, grince des dents à l’idée encore d’évoquer Sawan avec quelqu’un d’autre. Mais qui mieux de placer que Kyu, Il Kyang le connaissait, de sa réputation, mais aussi par la jeune femme qu’ils côtoyaient tous les deux. Il savait trop bien ce qu’elle représentait pour lui et il ne manquait pas de lui rappeler dans un bref discours. Menaces ? Pas tellement, il avait surtout l’air de le prévenir qu’il ne devait pas rater ce qu’il faisait. « Je peux savoir en quoi tu penses que je vais merder ? » il n’aurait pas dût poser la question. En réalité il aurait tracé sa route, partir loin d’ici et voguer à ses occupations. Mais Kyu l’avait interpellé, le jugeant déjà surement inapte à être un gars fiable pour Sawan. Il Kyang lassé de devoir se justifier toujours auprès des autres, prend un air presque désinvolte « Je sais ce que je fais. J’ai pas besoin de tes conseils. » Il n’était pas plus agressif que son comparse. Mais il avait une voix lassée, un peu insolente. Parce qu’au fond c’est fatiguant de toujours devoir s’expliquer. « Ecoute t’es gentil Kyu, mais t’es pas le seul à tenir à elle ok ? Donc sur cette histoire, laisse-moi gérer. » il se sentait aussi à la hauteur que Seo Joon pour pouvoir être là. Il savait que la plupart des autres doutait de lui, mais pour une fois il avait envie de croire en lui-même. Il n’avait pas d’autres choix. Il avait déjà tellement de choses à l’esprit, entre Ye Won, Sawan, le bébé et sa propre famille… tout se compliqué un peu. Alors si pour une fois on pouvait lui faire confiance. 

Kyu était comme ça, souvent dans l’extrême, à ne jamais réellement penser aux conséquences de ses actes. Parce qu’à ses yeux, il ne faisait que protéger la seule qui avait toujours été là pour lui. La seule à avoir vu quelque chose de positif en lui. Elle l’avait fait grandir, d’une certaine manière, elle l’avait aidé à combattre certains de ses démons, et à voir que la vie, parfois, valait le coup d’être vécue. Elle avait tant fait pour lui qu’il refusait l’idée qu’on puisse lui faire du mal. Qu’on puisse la blesser, la prendre pour une idiote. Et si c’était vrai pour les quelques personnes qui faisaient partie intégrante de sa vie, ça l’était d’autant plus avec Sawan. Il avait vu en elle une famille de substitution, et il lui était impensable de ne pas la protéger, à sa façon. « En quoi je pense que tu vas merder ? » Un rire, teinté d’ironie, avait fini par s’échapper d’entre ses lèvres, sans qu’il ne puisse réellement le contrôler. « Tu crois que je t’ai jamais vu en soirée ? Mec, tu passes ton temps à être encore plus bourré que moi ! » Mais lui ne prétendait pas être le père de l’enfant qu’elle attendait. Et à ses yeux, ça faisait toute la différence. « Oh mais j’suis pas là pour te donner des conseils. Mais j’espère bien que tu sais c’que tu fais. Parce que j’laisserais plus passer tes conneries. J’crois que t’en as assez fait non ? » Sourire narquois sur ses lèvres, il jouait sur la corde sensible. Kyu n’en avait que faire, de se prendre des coups, d’essuyer tout type de remarque. Il savait encaisser, bien plus que quiconque. Il avait subit assez d’horreurs dans sa vie pour laisser de simples remarques l’atteindre. « Tu tiens vraiment à elle ? Et qu’est-ce qui me prouve que c’que tu dis est vrai ? Parce que, à c’que je sache, c’est pas vraiment ce que t’as été capable de montrer ces derniers temps. » Il l’avait vu de ses propres yeux, toute cette agitation au dortoir, ces coups de colère qui explosaient bien plus souvent que d’ordinaire. Il n’était que témoin de tout ce qui se passait dans cette maison, parce qu’il n’y passait pas tout son temps, mais ça lui suffisait pour croire qu’Il Kyang n’était pas quelqu’un de fiable, bien au contraire. Et au final, tout ce qui contrôlait ses propos, c’était cette peur grandissante au fond de lui, de voir Sawan sombrer. Parce que si elle en arrivait là, il n’était pas sûr de savoir comment le gérer.

Contrariété qu’il le guette à nouveau alors qu’il fait face à encore une de ces réalités. Culpabilité, il ne peut qu’assumer ses actes désormais et en subir encore longtemps ses conséquences. Il le sait, Kyu n’a pas tort, mais ça l’agace de devoir l’admettre. De lui dire simplement « Tu as raison… » Et pourtant il le pense. Détourne les yeux sur ces faits réels… oui il passait ses soirées à boire à se morfondre et oublier. Mais qu’est-ce que ça pouvait lui faire ? Kyu n’était pas un ange non plus et cette idée lui suffisait à se convaincre qu’il n’était pas si mauvais qu’on pouvait le croire. Il était lassé, de devoir encaisser à longueur de temps les remarques. De ses proches déjà, mais voilà que ceux qui le connaissait à peine s’y mettait aussi. Fatigué, il avait envie de tout foutre en l’air une fois de plus. Mais il se raccroche à l’idée qu’il veut se soigner, devenir quelqu’un de bien. Ce n’est pas un travail facile et ça ne fera pas en un jour. Alors il espère, il aimerait qu’on lui laisse le temps de tout ça. Qu’on arrête de le harceler pour ce qu’il a fait. Il le sait, il n’a pas été à la hauteur de ses espérances. Il avait promis des choses à Sawan et n’en avait respectée aucune. « Tu fais jamais d’erreur peut-être ? » il allait surement lui dire qu’il n’était pas un saint, mais qu’il avait au moins su prendre soin de Sawan. Et il n’avait pas tort. Il le savait aussi, mais il pouvait se rattraper. Sawan lui avait accordé son pardon, au final c’était elle qui avait pris la décision de lui reparler. Alors Kyu pouvait peut-être accepter ça ? « Qu’est-ce que tu veux que je fasse hein ? Quoique je dise tu me croiras pas de toute façon. » C’est évident. Personne ne le croit jamais. Tout le monde remet toujours en doute ce qu’il dit ou ce qu’il fait. Et ce n’est que de sa faute ! Ça aussi il en a conscience. S’il avait été différent, les gens pourraient lui faire confiance mais pas cette fois. Poussant un soupir, il fronce les sourcils soudainement agacé « J’en ai marre que tout le monde doute de ma parole. Vous avez pas autre chose à foutre ? » Il perd patience. A force de ces longs mois et de ces combats, il n’y arrive plus. Il tente, mais il y a toujours quelque chose ou quelqu’un pour lui rappeler ce qu’il a fait. « Je sais que j’ai merdé ok ! Mais laisse-moi vivre putain. J’en ai ras le cul de devoir me justifier et surtout à quelqu’un comme toi. » Il n’avait pas pensé qu’il s’énerverait aussi vite. Ça a trop duré pour lui, il le sait. Il en a marre, il baisse les bras. Qu’on vienne le mette en garde une fois de plus, ça l’épuise. Il veut juste qu’on le laisse tranquille et faire sa vie. Et s’il a décidé de revenir dans celle de Sawan ce n’est pas pour la blesser. Il en est persuadé ! « T’as pas tes propres problèmes à gérer Kyu ? Au lieu de te mêler des miens. » si encore il était un exemple pour lui il n’aurait rien dit. Il ne voit pas ce qu’il cherche, qu’est-ce que cela peut lui apporter de le mettre en garde. Il aura peut-être l’impression de faire son boulot d’ami. Mais lui ne voit pas les choses de cette façon. C’est juste une provocation de plus. Juste un moyen de lui rappeler sans cesse ce qu’il a fait.

 

Kyu n’était clairement pas un exemple à suivre, il le savait. Il avait arrêté de compter le nombre de fois ou il avait fini dans un commissariat, pour des bagarres, ou même encore ivresse. Pourtant, il avait su se calmer à ce niveau là, n’avait plus remis les pieds dans un commissariat depuis bien longtemps. Il avait mis de côté cette période compliquée de sa vie, même s’il n’en restait pas moins dans une situation délicate. Toujours sur le fil du rasoir à cause de ses activités illicites, il avait appris à se faire discret. Il ficelait ses arnaques de sorte à ce qu’on ne puisse pas le retrouver, et dealait en faisant toujours attention à ce qu’il faisait. Mais pour lui, tout ça était surtout un moyen de se faire de l’argent, pendant ses années d’étude. Pour pouvoir s’offrir un certain avenir. Pour pouvoir combler les besoins de ses quelques proches. Il n’y voyait rien de mal, il ne blessait pas les gens en faisant tout ça. Du moins, c’était tout ce qu’il gardait en tête, encore plus devant Il Kyang. « Pas avec Sawan en tout cas. » c’était tout ce qu’il trouvait à répondre, de clair et précis, sans avoir à parler du reste. Il n’était peut-être pas le mieux placé pour donner des conseils, mais il avait au moins la prétention de pouvoir dire qu’il avait toujours fait en sorte de protéger Sawan, d’être présent pour elle. Chose que son vis-à-vis avait su abandonner sans aucun scrupule. Kyu avait ce rire ironique qui le prenait une fois de plus. Il ne cherchait pas à l’éviter, au contraire. Son regard restait bien fixé sur l’autre jeune homme, un moyen pour lui de lui faire comprendre qu’il était sérieux dans ce qu’il disait, malgré l’image qu’il pouvait donner en tant normal. « Mais mon pote, si personne te croit, c’est parce que tu tiens jamais c’que tu dis. J’ai pas besoin que tu m’dises que tu vas faire gaffe, que tu vas arrêter de faire le con. J’ai besoin que tu le prouves. Tu la vois la différence ? Ou l’alcool t’as trop endommagé le cerveau pour ça ? » Il savait, que ses mots étaient forts, qu’il devrait éviter d’avoir ce genre de remarques. Mais il n’avait pas su l’éviter, au contraire. Il enfonçait un peu plus le couteau dans la plaie, il gardait cette franchise à toute épreuve, simplement pour balancer ces mots qui traversaient son esprit. « Tu crois quoi ? Que j’vais te laisser merder encore une fois ? J’ai pas l’intention de récupérer Sawan à la petite cuillère encore une fois parce que tu sais que jouer au con, et que t’es pas capable de tenir à ce que tu dis. J’en ai ras le cul de la voir s’accrocher à ce que tu lui promets sans jamais le faire. » Et c’était ça, qu’il détestait le plus. Kyu avait beau ne pas être quelqu’un de facile, ni même un exemple, il avait au moins l’audace de tenir sa parole, quoi qu’il puisse lui en coûter. Rien n’avait plus d’importance que ça, et on le comprenait facilement, lorsqu’on connaissait son passé. « Mon seul problème à l’heure actuelle, c’est la merde que tu fais avec Sawan. » ajoutait-il, le toisant du regard. Il n’était pas prêt de lâcher l’affaire, alors que tout ce qu’il voulait, c’était voir celle qu’il considérait comme sa soeur enfin heureuse, sans personne pour la faire souffrir une fois de plus.

Il reste interdit, grimace à ses remarques. La lassitude le guette malgré qu’il reste droit et encaisse une fois de plus. Kyu n’est pas un ange, mais il a le mérite de n’avoir jamais rendu malheureuse Sawan et ça il le sait. Quelque part ça l’irrite, devoir admettre qu’il a raison c’est encore une preuve de sa responsabilité dans toute cette histoire. Mais il n’arrive pas à saisir pourquoi on vient encore le faire chier avec tout ça. Il n’a peut-être pas agit comme il fallait, mais est-ce qu’il allait devoir subir toute sa vie ce genre de reproche ? Grimaçant, il observe le garçon, laisse échapper un rire désabusé à sa remarque blessante. Il s’en doutait qu’il allait l’attaquer sur ses addictions. Malheureusement pour lui ce n’était un secret pour personne. Lui lançant un regard dédaigneux « Mais je crois que c’est toi qui a pas saisi la différence Kyu. J’ai rien à te prouver à toi. » Il n’a de compte à rendre à personne hormis peut-être les personnes concernées. Et soudainement, il s’agace, repense à tous ces autres, qui se mêlent inlassablement de ses histoires. Même ses propres amis, entre Min, Kitae… il n’avait pas besoin de subir sans relâche leurs réflexions concernant Ye Won. Devoir se justifier à longueur de temps auprès d’eux. Et voilà que désormais avec Sawan il devait aussi subir les représailles de ses proches. Lâchant un soupir lassé « Je n’ai de compte à rendre qu’à Sawan. Qu’est-ce que tu ne comprends pas avec ça ? Je sais que j’ai merdé ok. Mais t’es pas au courant ? Elle m’a pardonné. » Alors si il pouvait le lâcher un peu ça lui irait. Peut-être ne devrait-il user de ces mots, de cet acte généreux de la part de la jeune femme. Mais il se sentait en confiance grâce à elle. Avec Sawan, il arrivait à se dire qu’il pourrait se rattraper. Qu’il pourrait devenir meilleur car elle, croyait en lui. Et ça lui suffisait tout compte fait. Il n’avait pas besoin des autres, et encore moins qu’on vienne le piétiner. Kyu faisait partie des gens qui se croient surement tout permis. Emettre un jugement envers une affaire qui ne le concernait pas… « Ecoute, je vais être gentil et te dire juste de te mêler de ce qui te regarde. Sawan sait ce qu’elle fait, et je sais aussi ce que je fais. En réalité… tu me donnes juste l’impression d’être un mec jaloux c’est tout. » Et il savait qu’il devenait désagréable. Mais il n’avait pas envie de faire des efforts pour lui. Kyu était certes proches de Sawan, mais lui aussi. « Que tu le veuilles ou non j’ai ma place dans la vie de Sawan. Et oublie pas que ce bébé est peut-être le mien ok ? » Ce qui lui donnait surement encore plus de légitimité dans son existence. Et ça il le savait, bien assez pour lui rappeler de cet air presque arrogant qu’il abordait. Se redressant, il le toise presque « Tu supportes pas le fait qu’elle m’est pardonnée. Tout comme tu ne supportes pas le fait qu’elle ait autant besoin de moi, que de toi. » Soudaine provocation, il n’avait que ça pour se défendre. Surement parce qu’il savait que tout ce que lui balançait Kyu… était vrai. « Laisse-la un peu tranquille bordel. Elle sait ce qu’elle fait, arrête de croire que c’est une gosse. » Et voilà qu’il allait jouer les moralisateurs. Alors il pouvait bien se garder ses remarques, il s’en foutait tant que ça ne venait pas de Sawan.

Kyu était lui-même blessé, de voir ce que les autres étaient capable de faire à Sawan. Lui qui avait tout perdu le soir ou son père avait commis le pire, avait simplement peur qu’au final, on fasse souffrir le peu de personnes qui tenaient encore à lui. Il se raccrochait au fait que cette fois, il était assez grand, assez mature - bien que ce soit un grand mot - pour les protéger, même maladroitement. Et Sawan, elle était celle qui l’avait sauvé de lui-même, quelque part. Elle lui avait donné une famille à qui se raccrocher, alors qu’il n’avait plus rien. Et il se l’était promis, jamais il ne laisserait qui que ce soit détruire ça. « Prouve moi que t’arrêteras de la blesser, et j’te laisserais tranquille. » Kyu était un homme de parole, malgré l’image qu’il se donnait. S’il promettait quelque chose, il ferait tout pour s’y tenir, qu’importe ce qui pourrait lui en coûter. Et peut-être que c’était finalement tout ce qu’il était en train de faire, à cet instant. Une certaine fureur à son égard, il ne supportait pas l’attitude dédaigneuse que son vis-à-vis pouvait avoir, lui montrant simplement qu’il n’en avait que faire de Sawan, ou ce qu’il faisait. Et ça le mettait hors de lui, alors qu’il tentait de se contenir, comme il le pouvait. « Peut-être qu’elle, elle a t’a pardonné, mais moi j’te pardonnerais jamais de l’enfoncer comme tu le fais. Et j’te le ferais payer si tu continues comme ça. » Il n’était pas bon de faire des menaces, mais c’était plus fort que lui. Sawan était tout ce qui lui restait, la seule à qui il pouvait encore s’accrocher, en pensant que la vie n’était pas si terrible que ça, malgré ce qu’il avait enduré. Il acceptait le fait qu’elle ai d’autres personnes autour d’elle, qu’elle puisse avoir d’autres amis. Il avait même fini par accepter cette relation si étrange qu’elle avait avec Il Kyang, mais jamais plus, il ne le laisserait la détruire comme il l’avait fait. « C’que tu comprends pas, c’est que j’suis pas jaloux. Tu crois sérieusement que j’en ai quelque chose à foutre de ta gueule ? J’en avais rien à foutre de toi, jusqu’à ce que tu la blesses. Ca, ça passe pas avec moi. » Il continuait de le toiser du regard, cette colère qui grondait en lui. Imaginer une seule seconde qu’il soit le père de l’enfant que portait Sawan le rendait fou. Il ne pouvait décemment pas imaginer qu’il puisse être un bon père. Comment l’imaginer après tout ce qu’il avait pu voir de ses propres yeux. Un autre rire, alors qu’il ancrait son regard dans le sien. « Entre toi et moi, j’espère réellement qu’il est pas de toi. On sait tous les deux que tu sauras pas le gérer. » Se redressant, ne prenant pas compte du fait que ses mots pouvaient être si blessants, il souriait, ironiquement. Il était sincère dans ce qu’il disait, peut-être trop franc, mais il ne pouvait pas s’en empêcher. « J’prends juste soin d’elle. Ah mais j’oubliais… Tu sais pas c’que ça veut dire toi. »

Il l’observe, serre encore les dents et encaisse à nouveau. Le garçon est dur avec lui. Trop jugeur, trop menaçant. Et finalement il le blesse. Malgré qu’il reste droit, semble s’en fiche il n’est plus aussi assuré qu’il l’était au départ de cette conversation. Déglutissant, il détourne les yeux, cherche une échappatoire à cet échange déplaisant. Mais il n’y parviendra pas, parce qu’il reste convaincu qu’il a son mot à dire. Qu’il pourrait peut-être lui faire comprendre qu’il s’ne fiche de son avis. Qu’il n’a pas besoin de lui ni de ses conseils. Sawan il sait s’en occuper. Il sait prendre soin d’elle. Et ce n’est pas parce qu’il s’est égaré un court instant qu’il ne savait plus. Elle aussi avait été violente avec lui. Elle aussi lui avait fait du mal. Kyu ne prenait que son parti à elle évidement. Et il s’en fiche qu’il ne lui pardonne pas. Son opinion ne compte pas vraiment. Il sait que Sawan l’apprécie et jusqu’ici il n’avait jamais rien eut à lui reprocher. Il n’en est plus certain. Il grimace, soupire encore de frustration. Mais Kyu devient vraiment vexant. Surtout lorsqu’il ose parler du bébé… et ça il a du mal à l’accepter. Ça le rend triste presque. Malgré qu’il cache son trouble… en réalité il sait qu’il a raison. Lui doute de ses capacités à être un bon père. Qui voudrait d’un père comme lui ? Un ancien toxico, un mec à problème. Un type qui ne s’attire que des ennuis. Et lâche en plus… il baisse les yeux, serre le poing plus fort mais rien ne lui vient à l’esprit. Quoi lui dire ? Qu’il a tort. Il mentirait. Lui-même n’est pas sûr d’être à la hauteur. Alors il se braque. Se renferme un peu plus. Il ne lui doit rien. Kyu doit préférer Seo Joon. Un type plus apte à élever un enfant. Il grimace un peu, finalement abdique avant de soupirer « Mêle toi de tes affaires Kyu. » il a compris. Il a enregistré l’info. Il n’a pas besoin qu’on vienne lui rabâcher qu’il n’est pas un type bien. Son cœur se serre lentement. Fatigué et finalement touché par ses mots. Peut-être que Sawan aussi pensera la même chose de lui. Peut-être qu’il finira par lui ouvrir les yeux. Et il ne peut décemment pas leur dire qu’il se trompe. Alors il se décourage trop vite. « Fous moi la paix. » juste ça. Il ne demande pas plus. Il est fatigué des autres. de lui-même aussi et de payer encore ses erreurs. Rien n’est arrangé dans sa vie. Ce bébé n’est qu’un moyen de s’accrocher encore. De croire qu’il pourrait faire quelque chose de bien. Mais il en doute cruellement alors que Kyu l’a mit devant le fait accompli. Il se dégage, le pousse pour passer et le laisse simplement là. Sans espoir ni même aucun autre mot. Pour lui dire quoi ? tu as raison, je suis une merde. Il ne lui fera pas ce plaisir. Préfère partir de son côté. Mais il sait… qu’il est touché et triste finalement. Parce-qu’au fond, il a raison, il n’est pas fait pour être père.