Les journées se suivaient et se ressemblaient toutes. La quête d’une vie normale était décidément bien plus laborieuse que ce que j’avais pu imaginé, mais peu importait, rien ne me freinerait, rien ne pourrait m’empêcher de toucher à ce Graal. Ce fut à ce moment précis que mon téléphone se mit à sonner. Les mots s’affichèrent sur l’écran, et je ne pus retenir une grimace en les lisant. Ça te dirait d’aller faire la fête ce soir ? Je m’en voulais presque d’avoir sympathisé avec lui… Mais si je n’étais en aucun cas responsable de ce qu’il avait pu faire par le passé, je ne pouvais rester sourd à ses remarques. Le souvenir d’une soirée s’imposa alors de nouveau à moi, cette soirée durant laquelle il s’était confié… un peu trop. Si j’ai la chance d’être à nouveau seul avec elle… J’avais cru à un sentiment fort, semblable au mien, une émotion bienveillante, un manque mais je me trompais lourdement. Je lui ferais passer l’envie de me quitter à nouveau…

Je rassemblais mes affaires d’un geste lent, et je repensais. Constamment je repensais à cette histoire qu’il aurait dû oublier. Comment vivre dans le passé sans en perdre la raison ? Je l’ignorais… mais je me refusais un tel exercice, résolument tourné vers l’avenir, je ne me souciais plus de l’avant, mais uniquement du présent. L’esprit tourmenté, je quittais l’appartement de Kelea pour me mêler à la foule des fêtards. D’un pas lent, j’avançais tranquillement, et si ma silhouette se détachait de la foule au point d’attirer certains regards, je ne m’embarrassais pas de leur en offrir une quelconque reconnaissance. Les mains enfoncées dans les poches, j’errais sans réellement savoir où j’allais, simplement pour profiter de la brise fraiche d’une soirée de printemps. Et finalement… les contours d’un établissement semblaient ressortir dans ce bain de foule. Sans plus de réflexion, je m’y aventurais en poussant les portes du bâtiment, et me laissais conduire par l’instinct jusqu’au comptoir. Pensif, je m’y accoudais sans réellement savoir pourquoi, et attendais patiemment que ne vienne mon tour. Je mirais d’un œil désintéressé clients déjà présents jusqu’à croisé le regard d’un homme visiblement occupé. Le tablier noué autour de la taille, il me gratifiait d’un sourire commercial avant de s’écrier. « ELLE ! UN CLIENT POUR TOI ! » Elle … ? Le nom résonna familièrement dans mon esprit sans que je n’y accorde une réelle importance… je le laissais s’évanouir en un écho étrange et qui me laissait un arrière goût de déjà vu. Et ce ne fut que lorsqu’elle se trouva face à moi que je compris. Le mutisme m’avait soudainement frappé, et seul un « Bonsoir » filtra l’ourlet de chair.