bon. on ne peut pas dire que je m'en sois bien sorti sur ce coup-là. je préfère la pratique à la théorie, ce n'est un secret pour personne. j'ai toujours de super notes en activité physique et sportive, mais lorsqu'il faut commencer à se plancher sur un sujet, là, il n'y a plus personne. alors je l'avoue, pour ce sujet de sciences, je me suis royalement planté. mais par contre, il y avait autre chose que je trouvais louche. une de mes notes en option de basket n'avait pas dû être bien rentrée car elle inscrivait aux alentours de 10 sur le bulletin électronique. le prof m'avait pourtant signalé que je m'en sortirais très bien, comme d'habitude. c'est donc en plein doute que j'ai quitté le dortoir des beolsae dans lequel j'avais dormi la nuit dernière pour me rendre à l'administration de la yonsei. mais pour dire vrai, ma note ne me dérangeait pas tant que ça. ce n'était pas une urgence. ce qui m'intéressait plus sincèrement, c'était d'aller voir raon, le grand-frère de risae.

pas que je voulais lui parler de ma relation avec sa soeur, mais je savais que je pouvais compter sur lui. depuis le décès de shin et l'épreuve que risae et moi avons dû affronter, il s'est montré présent, toujours quand sa soeur avait besoin de lui, et même pour moi, il a été là. à ce moment, il y a trois mois, j'avais été touché de ce qu'il avait fait et si avant nous avions de bons liens, je le voyais encore plus d'un bon oeil. moi qui a du mal à accorder ma confiance, lui me mettait rapidement à l'aise. sans oublier qu'il est le frère de celle que j'aime en secret, forcément, ça attire ma sympathie à son égard. alors en voyant cette erreur sur mon bulletin hier soir, je me suis dis que ça me ferait une bonne raison d'aller lui rendre visite. j'avais envie de parler avec lui, simplement parler et peut-être même se prendre un café s'il avait le temps ? il était 10h30, c'était peut-être l'heure de la pause ? j'ai poussé la porte qui menait à l'ensemble des bureaux de l'administration, m'inclinant légèrement à chaque fois que je croisais un membre du personnel de l'université. il n'y avait pas beaucoup de monde, alors je me suis avancé tranquillement vers le bureau de raon. la porte était entrouverte. j'ai levé mon poing pour frapper doucement. « salut raon. c'est eren, je peux entrer ? » nous avions eu l'habitude de se retrouver pour sortir, ne serait ce que lorsqu'il avait finit le boulot, que j'avais envie de changer d'air. aussi, dû à ce qu'il s'était récemment produit, les réunions à trois avec risae ces derniers mois, avaient été plutôt fréquentes. je me sentais plus proche de lui, mais je n'avais pas non plus envie d'être trop présomptueux. je l'appréciais simplement, de la manière la plus sincère possible, et c'est en pensant au possible café que l'on pourrait se prendre, que j'ai attendu paisiblement qu'il me dise d'entrer.

Son nœud de cravate légèrement desserré, le coréen avait les sourcils froncés dans une mine concentrée alors qu’il lisait un énième mail provenant du service financier. Ces derniers temps, des erreurs dans le paiement des bourses avaient été faites, certains étudiants accusaient un retard de paiement de plusieurs semaines voire plusieurs mois. Et évidemment, on reportait la faute sur l’administration, affirmant qu’il y avait eu une erreur dans la gestion des demandes, des dossiers ou dans leurs transmissions. En gros, de nombreuses possibilités mais aucune ne semblait être la faute du service financier (selon leur dire). Raon était un glandeur, mais lorsqu’il se décidait à bosser, il le faisait sérieusement. À chaque demande du genre, il devait retracer le chemin de chaque dossier, chaque demande pour s’assurer que du départ jusqu’à l’arrivée au service financier, tout avait été fait dans les règles. Mais c’était un travail chronophage et minutieux, concrètement, le chargé d’administration en avait marre de gérer ces bourdes, et ce, tous les jours.

Il appuya sa tête sur le dossier, la renversant en arrière tout en fermant les yeux. Il poussa un profond soupir, déjà fatigué alors qu’il n’était même pas encore onze heures. Il se demandait bien comment il allait tirer la journée. Lorsqu’il entendit frapper à sa porte, Raon se redressa d’un bond, prêt à resserrer le nœud de sa cravate avant de reconnaître la voix de la personne prête à rentrer dans son bureau. « Oh Eren, entre ! » Dit-il tout en rebaissant sa main, renonçant à resserrer sa cravate. Il regarda l’étudiant entrer, un fin sourire aux lèvres, accueillant avec gratitude la pause qu’il lui offrait par sa venue, du moins, il l’espérait. « Rassure-moi, tu ne viens pas me voir suite à des problèmes avec les versements de ta bourse ? » Il doutait qu’Eren soit boursier, mais comme le sort aimait s’acharner sur lui, Raon ne serait même pas surpris. Il lui fît signe de s’asseoir sur la chaise en face de son bureau, mais l’étudiant resta debout. Il le regarda donc légèrement surpris, un sourcil haussé. « Je peux faire quelque chose pour toi ? » Disons que pour Raon, Eren n’était pas un étudiant comme les autres. Outre le fait qu’il soit un sportif de haut niveau et bénéficiait d’une certaine souplesse quant à son emploi du temps, il était aussi le meilleur ami de sa petite sœur. Et récemment, il avait été aux premières loges lorsqu’ils avaient traversé une rude épreuve. Raon souffrait de savoir que sa sœur perdait un être cher, une nouvelle fois, il aurait aimé la savoir épargnée de ces souffrances. Eren aussi avait souffert, et l’aîné l’avait vu et n’y était pas resté insensible. Il s’inquiétait aussi pour lui dans un sens et tentait de l’aider dans une moindre mesure. « Tout va bien ? »

j'avais envie de lui parler, de discuter avec lui. raon avait toujours été de bons conseils, surtout ces derniers mois. quand risae et moi étions au plus bas, il était apparu, avec sa bienveillance et son épaule sur laquelle on pouvait se confier. raon est mon hyung alors d'une certaine façon, ça me rassurait qu'il soit là, autant pour risae que pour moi. mine de rien, je lui suis redevable même si je ne l'évoque pas beaucoup. après avoir frappé à sa porte, je me suis annoncé doucement, ne sachant pas trop s'il était occupé ou bien tout simplement s'il était présent dans son bureau. il ne tarda pas à me donner ma réponse en m'invitant à rentrer dans la pièce. m'avançant dans son bureau, je le trouvais assis, apparemment en pleine réflexion sur ses dossiers administratifs. malgré la charge de travail qu'il devait avoir, il m'accueillit avec un sourire dessiné sur les lèvres. versements de bourse ? j'ai esquissé moi aussi un léger sourire. « je ne suis plus boursier depuis quelques années déjà. » je le regardais me faire signe de m'asseoir mais je ne bougeais pas d'un pouce. en fait, plus que ce soucis de notes mal rentrée dans le logiciel, je voulais lui parler, même si je ne savais pas si j'allais lui dire des choses nouvelles de ce qu'il savait déjà. me rendant compte que je m'étais déjà perdu dans mes pensées, raon me réveilla en me demandant s'il pouvait faire quelque chose pour moi, assez surpris que je ne prenne pas place sur le siège en face de lui. « ça ne sera pas très long je pense. sur mon bulletin électronique, j'ai une note qui n'est pas bien passé je pense. tu crois que tu peux vérifier ? » la semaine dernière, j'avais encore eu des hallucinations dû à ma dépression dont je me relevais lentement. c'était pas facile mais grâce à mes proches, je remontais la pente petit à petit. peut-être que c'était de ça dont j'avais envie de parler avec raon. tout ça, et le fait que je m'inquiète pour risae. elle s'en sort aussi et elle a eu son soutien de grand frère et le mien, mais shin était autant important pour moi qu'il l'était pour elle. j'ai finalement décidé de prendre place sur le siège en face de raon lorsqu'il me posa cette dernière question qui semblait vouloir tout dire. j'ai baissé les yeux tristement vers ses piles de dossiers qui ne donnaient clairement pas envie. « si j'étais hypocrite je te dirais que oui. mais comme je suis franc, je te dirais que j'ai connu mieux. » il me manque, et c'est encore dur de faire ma vie sans lui. je ne verrai plus les fêtes de noël comme avant. je ne pensais pas que la perte d'un être cher faisait si mal. comme je sentais que je venais de plomber l'ambiance, je lui ai adressé un sourire sincère avant de jeter un regard à ma montre. « je me demandais quand était ta pause. ça te dirait de prendre un café ? »

Perdre quelqu’un était quelque chose de difficile. Raon était malheureusement trop bien placé pour le savoir. Il était encore enfant lorsqu’il avait été exposé à la mort et au deuil pour la première fois. Un deuil trop important pour une personne aussi jeune, ses sœurs l’étaient encore plus... Il n’y avait pas de bonne façon de vivre un deuil, il y avait des centaines, des milliers, non en fait des milliards, autant qu’il y avait d’êtres humains. Le coréen avait été là lorsque Risae et Eren avaient vécu une de ces épreuves une fois de plus. Au-delà du fait qu’il était un des meilleurs amis de sa cadette, Raon aimait bien le sportif, il se demandait comment il surmontait cette période. Mais visiblement, il n’était pas là pour parler de ça, du moins, de prime abord c’était ce qu’il pensa lorsqu’Eren lui parla de ses notes. « Oui bien sûr je peux regarder. » Raon ouvrit immédiatement le logiciel qui permettait de rentrer et de gérer les notes. « Tu pourrais me donner ton numéro étudiant s’il te plait ? » Le chargé d’administration fronça les sourcils, se concentrant sur l’écran où défilaient des noms d’enseignants, des notes, des coefficients. « Sur quelle unité d’étude est le problème ? » Il attendit patiemment qu’Eren lui donne les informations à corriger. « En effet je vois ton résultat mais il n’est pas validé dans le système, je m’occupe de ça. » Et en quelques clics, l’affaire était réglée. Mais au final, ce problème de note ne semblait être qu’un prétexte. En même temps, il imaginait que ce ne devait pas être facile de rentrer dans son bureau juste pour dire « j’ai envie de parler parce que je vais mal suite à la mort de mon meilleur ami ». Raon regarda donc l’étudiant, se retrouvant un peu dans la souffrance qu’il pouvait traverser actuellement. « Je peux prendre un break quand je veux, tu veux aller boire un café ? » Raon devait être présent huit heures au bureau et il avait de 7h du matin à 21h pour effectuer ses heures de présence. S’il essayait d’avoir un rythme fixe, il lui arrivait souvent de le moduler, comme ce jour-là. Il referma le logiciel et mit son ordinateur en veille avant de se lever et de passer sa veste. « Je te propose de prendre à emporter et se promener un peu sur le campus pour prendre l’air, qu’est-ce que tu en dit ? » L’avantage des grandes universités, c’était d’avoir de grand campus avec de grands espaces verts. Il finit par sourire à Eren, d’un sourire un brin narquois. « Mais la condition c’est que tu invites, un bon moyen de me soudoyer après avoir modifié tes notes. » Dit-il avec un petit rire avant de lui faire un clin d’œil et de sortir de son bureau. C’était bien évidemment le genre de commentaires qu’il ne se permettait pas d’avoir devant ses collègues.  

me dire que je venais rendre visite à mon aîné simplement pour changer ma note, serait me mentir à moi-même. et je sais très bien pourquoi je suis venu, au fond. si je suis très fort mentalement, environ 90% du temps, j’ai besoin aussi de me relâcher pendant les 10% restants. je ne me dirige pas vers n’importe qui, et si je suis dans le bureau de raon ce matin, c’est qu’il y a une bonne raison à tout ça. je sais qu’il m’écoutera d’une bonne oreille, et même si je ne suis pas du genre à me confier du fond du cœur, je sais que je le ferai assez avec lui pour que ça puisse me faire du bien. raon est quelqu’un de bienveillant et ça aussi, ça me met à l’aise. je finis par m’asseoir en face de mon hyung, pendant qu’il acquiesce à ma demande et ouvre son logiciel. le numéro étudiant ? mince, je ne suis ni doué pour retenir les prénoms, ni doué pour retenir les chiffres. j’ai affiché une grimace avant de fouiller dans mon sac de sport à la recherche de ma carte étudiante orange, aux couleurs de ma fraternité. « 21903863. » j’ai rangé ma carte, et me suis concentré à nouveau sur le chargé d’administration, apparemment focalisé sur son écran. « le cursus principal, celui de staps. c’est mon option basket. » je suis resté silencieux pendant que raon validait la note en question. le problème avait été réglé rapidement, il fallait s’y attendre, mon hyung est très efficace. mais au-delà de ce souci informatique, c’était avoir une conversation avec lui qui m’importait. je lui ai adressé un vrai sourire et j’ai jeté un regard à ma montre. il me répondit qu’il pouvait prendre un break quand il voulait. entre autres, il venait d’accepter ma proposition d’aller boire un café. je l’ai suivi du regard alors qu’il avait éteint son logiciel et mis son ordinateur en veille. il se leva et passa sa veste sur lui. il me faisait penser à un avocat ou à un juge, intérieurement je trouvais qu’il avait beaucoup de classe. prendre l’air, me paraissait être une excellente idée, d’autant plus que la yonsei possède un énorme campus très agréable. « adjugé vendu. on part là-dessus. » j’ai acquiescé d’un grand sourire et je me suis levé d’une manière dynamique, manquant de renverser la chaise avec ma force de sportif peu retenue. en passant à côté de lui, mon regard croisa le sien et son sourire quelque peu narquois. il laissa s’échapper un petit rire en sortant de son bureau, et je finis par le suivre, même sourire taquin aux lèvres, fermant la porte après moi. « tu as l’habitude de te faire inviter par tes étudiants, hyung ? » ai-je répondu en riant légèrement. nous marchions dans le couloir qui menait à la cafétéria de l’université. main dans les poches de ma veste grise, je me remémorais ce pourquoi j’étais réellement venu. « les choses sont encore compliquées en ce moment. merci de prendre du temps avec moi. » j’ai détourné mon regard vers lui et lui ai adressé un nouveau sourire. quand bien même je ne vais pas trop abuser de son temps, ça me fait plaisir d’être en sa compagnie. il sait par quoi je suis passé et il sait aussi combien risae a souffert. nous avons de la chance d’avoir quelqu’un comme lui. « j’avais besoin de te parler.. de tout ça. »

Lorsque ce n’était pas ses collègues, ou lui-même, qui faisaient des erreurs, c’était le système qui buggait et leur rajoutait du boulot. Mais pour Eren, le chargé d’administration ne râlait pas plus que cela, au contraire, s’il pouvait aider le jeune homme, il était plutôt satisfait. Surtout que l’étudiant n’avait pas à rougir de ses résultats, il comprenait pourquoi il était important que ses notes soient justement rentrées dans le système. « Tout est arrangé ! » Raon sourit au basketteur. « Les magazines sportifs n’auront pas de mauvaises notes à utiliser pour ternir ta réputation. » Dit-il en riant doucement. Mais il était certain que ce serait le genre d’informations qui feraient bien trop plaisir à certains journalistes mal intentionnés. Tout comme il était certain que des collègues qui donneraient ce genre d’informations contre quelques billets devaient être plus nombreux que ce qu’il imaginait. En route pour une pause-café, Raon se rendit indisponible en ligne et verrouilla la porte de son bureau avant de suivre Eren sur le campus. « J’ai l’habitude de me faire inviter par les étudiants qui me soudoient, c’est tout ! » Il regarda l’étudiant d’un air mesquin, et finalement secoua doucement la tête. « C’est à dire qu’avec toi, j’ai pas l’impression d’être en compagnie d’un étudiant. » C’était qu’ils s’étaient vus si souvent en dehors du campus, et Raon l’avait vu dans de tels moments de vulnérabilité... Ramener leur relation à l’université uniquement était tout sauf réaliste. La preuve en était les mots d’Eren, il n’était pas venu parler à un chargé d’administration mais à un ami. Malgré leur différence d’âge, il pouvait être cet ami, il lui devait bien ça, Eren avait épaulé Risae plus d’une fois, lorsque ce n’était pas le réconfort d’un frère qu’elle cherchait. « Ah... « Les choses » et « tout ça » ça peut vouloir dire tout et rien à la fois. » Un constat simple, l’étudiant semblait ne pas trouver les mots ou ne pas savoir comment aborder le sujet. Ils arrivèrent aux approches d’un des cafés du campus, Raon le pointa du doigt d’un air interrogateur, est-ce que celui-là ferait l’affaire ? « On peut en parler en tout cas. Comme tu le sais, je ne suis pas forcément le mieux avisé pour donner des conseils mais certains disent que j’ai le sens des responsabilités. » C’était dit avec une ironie non dissimulée. Il était adulte, il avait des responsabilités qu’il assumait plus ou moins bien, mais ce n’était pas pour autant que ce rôle lui plaisait. Néanmoins, avec un certain recul, si on venait le chercher lorsque l’on avait besoin d’une oreille attentive, c’était qu’il ne devait pas faire du trop mauvais boulot, non ? Entrant dans le café, il se commanda un cappuccino, ne sortant pas sa carte une seconde puisque Eren s’était proposé. C’était le prix d’une thérapie par Yeo Raon.

les magazines sportifs n’auront pas de mauvaises notes à utiliser pour ternir ta réputation. j’ai accompagné son rire doux par un sourire malicieux. j’ai hoché la tête, bien content que ma très bonne note soit rentrée comme il fallait. il est vrai que, lorsqu’un magazine sportif peut en entendre des nouvelles sur moi pour agrémenter ses rumeurs, il le fait sans vergogne. encore heureux qu’aucun d’entre eux n’ait entendu parler de mes concerts illégaux avec la bande et de ma participation à certains deals avec elle. je ne préfère même pas imaginer les gros titres des journaux que ça pourrait faire. le poulain favori du très célèbre coach kang des thunders de seoul est dealer de drogue. pas fou comme publicité. finalement, nous voilà tous les deux en route pour la pause café du matin bien mérité. nous marchions sur le campus, et déjà la cafétéria se montrait au loin. j’ai esquissé un sourire en coin à sa remarque plus profonde. raon ne fait que dire la stricte vérité. il est bien plus qu’un chargé d’administration pour moi. il est comme un ami, un grand-frère que je n’ai jamais eu. il a su être là au moment où sa sœur en avait besoin, mais aussi quand j’en avais besoin. c’est pour ça que j’ai confiance en lui. j’ai observé au loin, l’air légèrement mélancolique, mon sourire en coin ne quittant pas mes lèvres. « c’est vrai qu’avec toi, j’ai pas non plus l’impression d’être avec un secrétaire ultra chiant. » j’ai plutôt l’impression d’être avec mon hyung favori. mais ça, pas sûr que je lui avoue un jour. nous avions une différence d’âge certaine mais au fond, je ne le ressentais pas tant que ça. raon restait accessible pour moi, en tous les cas, il se rendait accessible. et il me fit remarquer qu’il avait très bien compris que je ne savais pas comment aborder le sujet. même s’il est au courant de tout ce qu’il s’est passé, ça reste délicat. « si je viens te voir hyung, c’est que je sais que tu m’écouteras. » je regarde ailleurs, un peu gêné par ma déclaration avant de reprendre de l’entrain en entrant dans le café. raon commanda un cappuccino et je fis de même, sortant ma carte comme nous l’avions prévu. une fois nos boissons prises, nous nous sommes installés sur une table un peu plus loin, à côté de la baie vitrée qui nous donnait une vue sur tout le campus ou presque. tenant mon cappuccino dans mes mains, j’observais ma boisson avec sérieux. « comme tu le sais je.. ne suis pas doué pour.. évoquer ce genre.. d’événements. » j’ai lâché un léger soupir avant de continuer. « je ne me sens pas bien hyung. ça ne fait que quelques mois qu’il n’est.. plus là. et ça m’arrive de le voir encore, comme s’il était.. toujours présent. » je repense à toutes ces fois au jamsil stadium où j’ai cru l’apercevoir dans les gradins. « j’ai déjà perdu des êtres chers. mais lui ça.. ça m’a anéanti. » et c’est toujours le cas. je lève le regard vers raon, esquissant tout de même un faible sourire. « je sors tout juste de ma.. » dépression. mon sourire s’efface. je n’arrive pas à le dire. j’espère simplement qu’il comprendra.

Raon ne pourrait pas vraiment dire à partir de quand Eren était entré dans la photo familiale. À quel moment s’était-il dit que le jeune homme faisait partie de la sphère des Yeo ? Il était déjà habitué de le voir avant la mort de Shin. Les deux hommes trainaient souvent dans le coin pour voir Risae, et à force de les voir, Raon avait créé une sorte de complicité avec chacun d’entre eux. Le décès de Shin avait été un choc pour l’aîné également. Cela lui avait rappelé la fragilité de la vie, mais surtout il avait eu mal et peur pour Risae, parce qu’une fois de plus, elle devait vivre un deuil et celui d’une personne qu’elle aimait particulièrement. Au début, il avait peut-être porté toute son attention sur sa sœur, niant un petit peu le chagrin que Eren devait ressentir. Mais qui pourrait le lui reprocher, la priorité de Raon avait toujours été ses sœurs. L’étudiant en tout cas, ne semblait pas lui en vouloir, et l’aîné ne rechignerait pas à l’écouter, au contraire, s’il pouvait l’aider il le ferait, même si c’était un peu en retard. Il lâcha un petit rire amusé, content de savoir qu’il ne rentrait pas dans la case « employé de bureau chiant” dans le livre d’Ahn Eren. Mais étrangement, il ne répondit pas, laissant à l’étudiant le temps de rassembler ses mots. Il savait mieux que personne que, parfois, certaines émotions ou certaines pensées demandaient plus de temps et d’énergies à mettre en mots. Avant d’entrer dans le vif du sujet, ils eurent le temps d’entrer dans le café, passer leur commande et recevoir leurs boissons. Une fois posés, Raon laissa le temps au jeune homme de parler, sans lui poser de questions, sans le presser, il devinait le sujet qu’il allait aborder et devinait que cela allait être compliqué. Les deux hommes avaient la même posture, chacun tenant et jouant avec sa boisson, l’un était néanmoins plus tendu que l’autre et cela se voyait dans la façon qu’il avait de se tenir. Les sourcils légèrement froncés, l’aîné le regarda et l’écouta avec attention. Il pinça légèrement les lèvres, le deuil étant une expérience tellement personnelle et intime, il ne pouvait lui dire quoi ressentir et à quel moment, mais il pouvait le comprendre. « Tu sais, que Shin soit parti bien avant cette période pour toi, pendant ou comme maintenant après, il n’y aurait pas eu de bon moment. » Il avait remarqué qu’Eren n’avait pas prononcé le nom de son meilleur ami, Raon le fît pour lui, c’était important de le dire. « Quand notre mère est partie, Rian et Risae avaient souvent l’impression de la voir aussi. C’était souvent à la sortie de l’école, parmi toutes les mamans elles espéraient voir la nôtre. » Il se souvenait encore des crises de larmes, des filles qui voulaient attendre parce que maman n’était pas encore arrivée pour venir les chercher et de devoir leur répéter qu’elle ne viendrait plus les chercher. Du haut de ses douze ans, le dire et le redire avait été une douleur vive mais aussi un moyen de ne jamais douter du fait que leur mère n’était plus. « C’était comme si leurs cerveaux n’avaient pas encore réalisé ou pas encore accepté alors ils leur disaient d’attendre, qu’elle serait là. » Il poussa un petit soupir avant de prendre une gorgée de sa boisson. La chaleur et le goût sucré étaient réconfortant pour ce sujet si lourd qu’ils abordaient. « Tout le monde le dit et c’est très bateau mais il faut se laisser le temps. C’est long tu sais. Parfois, ça prend des dizaines d’années. » Et il était tristement bien placé pour le savoir.

ce n’est pas facile de penser à autre chose que ça, de penser à quelqu’un d’autre que lui dans certaines situations. il me manque et je ne peux le cacher à personne. la première à en voir la couleur tous les jours est ma petite-sœur, sol ah, qui essaie tant bien que mal de me réconforter. c’est le début alors j’imagine que je vais mettre du temps à tourner la page. si on tourne vraiment la page de tout ça un jour. un peu nerveux par tout ce qui me passe par la tête, je continue d’observer mes mains avec un sérieux non caché. puis, je finis par entamer la discussion, non sans grande difficulté. même si j’ai une grande confiance en raon, la mort de shin est récente et elle me fait toujours autant mal au cœur. mais je n’arrive toujours pas à prononcer son prénom à haute voix. rien que le faire sortir de mes lèvres est une torture sans nom. la scène de l’hôpital avec risae me revient encore et encore en mémoire, sans que je ne puisse l’effacer. elle est gravée au fer rouge. je lève le regard vers mon aîné lorsqu’il prononça son prénom. je me mords la lèvre inconsciemment, sentant la tristesse remonter d’un seul coup. comme si on venait d’appuyer sur on une nouvelle fois. je l’écoute sans rien répondre, restant attentif aux conseils et paroles sages qu’il allait pouvoir me donner. et ce qu’il disait était bien vrai. il n’y a jamais de bon moment. le décès de mon meilleur ami ne m’aurait pas fait moins souffrir s’il était arrivé avant ou maintenant. raon se confia alors sur les épreuves qu’il avait du affronter avec ses sœurs, rian et risae. nous n’en parlons pas souvent, voir même très rarement avec sa sœur, mais c’est vrai qu’ils ont perdu leur mère très tôt. je ne peux pas dire que je comprends, puisque la mienne est toujours en vie, mais dans l’état qu’elle est, c’est comme si elle n’était plus pour moi. les choses ne changeront plus, quoiqu’on fasse. les deux femmes, à l’époque encore toutes petites, avaient eu l’espoir de revoir leur maman à la sortie de l’école. c’était comme si leurs cerveaux n’avaient pas encore réalisé. mes yeux se sont baissés légèrement vers la boisson chaude entre mes mains. je comprends bien ce sentiment, je le comprends même beaucoup trop puisque c’est ce que je ressens quand je le vois en mirage dans des endroits où il avait l’habitude d’être il y a encore un an. j’observe raon boire un peu avant de reposer sa tasse. mon cerveau réfléchissait à plein régime à ce qu’il venait de dire. « des dizaines d’années hein.. » ai-je répété en murmurant doucement. je ne sais pas exactement combien de temps ça va prendre mais je sais qu’actuellement je suis bien dedans et bien comme il faut. « mon cerveau fait la même chose, je crois. j’ai l’impression de devenir fou, parce que je sais qu’il n’est plus là, et pourtant mes yeux me jouent de sacrés tours. » ai-je dit en sifflant d’un air exaspéré. j’ai levé les yeux au ciel et j’ai bu à mon tour une gorgée du capuccino. « je ne suis pas certain du temps que ça me prendra. mais j’ai bien conscience de l’état dans lequel je suis actuellement. » je lâche un soupir et repose mes yeux sur lui. « je sais que c’est difficile aussi pour risae. » je détourne le regard pour observer à travers la baie vitrée les étudiants qui rentraient dans les bâtiments pour assister à leurs cours. « sa mère et maintenant, lui. » shin. tu ne peux pas le dire bon sang eren ? « je voulais te dire merci, d’être son soutien quand elle en a besoin. je ne suis pas le mec le plus expressif du monde mais ça fait tout de même un moment que je voulais te le dire alors.. voilà. » niveau expression des sentiments on repassera, mais il me connaît, il sait qu’il est difficile de lire en moi comme dans un livre ouvert.

Une décennie... C'était le temps que Raon estimait avoir eu besoin pour gérer un peu mieux le fait d'être orphelin. Et encore... C'était une pensée optimiste, parce qu'il était par moment écrasé sous une profonde tristesse et la sensation que mettre un pied devant l'autre lui était insupportable. Il ne savait pas vraiment ce qu'il en était pour les filles. Elles étaient toutes plus jeunes que lui lors du décès de leurs parents. Rin n'avait que quelques heures lorsque leur mère avait été emporté, elle était plus minée par l'absence que par la perte. Pour Rian et Risae, les choses étaient différentes. Lorsque leur père les avait quitté, bien que Raon soit retourné terminer son service militaire il avait demandé à ses sœurs si elles souhaitaient consulter quelqu'un pour parler de ce qu'elles vivaient, de ce qu'elles ressentaient. Il ne s'était pas offert ce luxe, parce que financièrement il ne pouvait pas se le permettre. Il en aurait pourtant eu besoin, il en aurait pourtant eu envie. Il était certain que pas mal de ses névroses actuelles venaient d'un deuil mal fait... Mais le fait qu'il détestait la vie d'adulte, le fait de vieillir... C'était sans doute la peur d'arriver à l'âge de son père, de le dépasser. Est-ce que les filles ressentaient la même chose vis à vis de leur mère ? Quoiqu'il en soit, il imaginait assez bien ce que devait ressentir Eren, tristement. « Mmh voir plus. Je crois que des fois on ne s'en remet jamais vraiment. Il y a toute cette théorie comme quoi le deuil est fait de cinq étapes... » Il pinça légèrement les lèvres, se concentrant sur la chaleur réconfortante de la boisson qu'il avait entre les mains. « Ça ressemble un peu à la phase de déni ce que tu me racontes... » Les quatre Yeo étaient tous passés par là. Il prit une gorgée de sa boisson, écoutant avec attention Eren suivant ses gestes du regard. Il lâcha un petit rire. « Oh tu sais, Risae et moi ça peut être compliqué parfois. Ne pense pas que tu n'as pas un rôle à jouer dans le fait qu'elle traverse cette épreuve. Elle a besoin de toi. » Et il gardait sous silence le fait qu'il savait que le sportif avait besoin d'elle aussi. L'amitié entre sa sœur, Shin et Eren était sincère, mais il savait aussi que les deux hommes ne regardaient pas sa sœur comme de simples amis. Il se demandait s'ils s'en étaient rendus compte mais ce n'était pas à lui de le leur dire, surtout pas en ce moment. Il joua avec son gobelet, regardant à son tour les passages devant la baie vitrée. « Même si j'ai peur pour elle, je sais aussi qu'elle est plus forte qu'elle n'en a l'air. Tu peux t'appuyer sur elle aussi. » Elle était robuste, solide et extrêmement loyale, elle serait là pour lui. Raon vint appuyer son coude sur la table, et appuya sa tête dans le creux de sa main. Il fronça légèrement les sourcils. « Tu as pensé à consulter un professionnel ? L'université a un centre d'écoute. Si tu ne veux pas que ce soit sur le campus, il commence à y avoir quelques cabinets qui se font une petite réputation. On en a une liste pour les conseiller aux étudiants qui en ressentent le besoin. » C'était ironique, lui qui n'avait jamais pris le temps de le faire. Il sourit, se faisant un peu plus taquin. « Ce n'est pas un moyen de me débarrasser de toi, ne t'en fais pas. Je t'ai déjà dit que tu pouvais venir me trouver quand tu le voulais. » Et il ne disait pas ce genre de choses juste parce qu'il était le meilleur ami de sa petite sœur. « Je le fais pour les cafés gratuits. » Conclut-il avec un sourire et un clin d’œil espiègle, espérant voir la naissance d'un sourire sur le visage du plus jeune.