((04' -- scream)) L'on criait beaucoup, chez les Zhang. Peut-être ce genre de scènes n'avaient-elles plus grande importance pour l'aînée de la famille ? Mais, tremblant sous les couvertures, se cachait son cadet, trois ans à peine et les yeux brillants que les cris n'avaient pas fini d'épuiser. Maman et papa n'étaient-ils pas censés s'aimer ? L'amour est un drôle de concept, pensa-t-il alors qu'une énième plainte exaspérée s'éleva de la cuisine. La famille en est un autre, finit-il par conclure lorsqu'on l'invita sèchement à arrêter de pleurer.

((06' -- split)) Une signature apposée, un bout de papier : voilà ce qui avait conclut, quelque jours plus tôt, les dix années de mariage de Zhang Zhifei et Nam Yoona. De ces dix années de tornade, ressortaient deux enfants, Mina et Mingyu. On les envoya d'ailleurs chez leur tante, à Séoul, le temps d'apaiser les blessures, de retrouver un toit, de tout remettre en place. Mingyu crut alors qu'un jour, peut-être, viendrait la fin du chaos.

((08' -- move)) La Chine, ça lui semblait bien trop lointain. Quel était donc ce pays auquel on voulait l'attacher ? Les grandes personnes parlaient beaucoup, mais jamais à eux. De quelques bribes de conversations attrapées derrière les portes fermées, il crut comprendre que maman n'était toujours pas capable de responsabilités - était-ce pour ça que son séjour chez sa tante avait duré deux longues années ?-, et que papa, eh bien, son pays lui manquait. Mingyu pensait que, Wenzhou, ça ne lui disait rien. Il se tut, pourtant, laissant les discussions aux grandes personnes derrière les portes fermées.

((11' -- back)) Les bras de maman lui avaient manqué. Ils n'étaient pas des plus tendres ou des plus disponibles, mais tout de même : il était heureux de les retrouver. Séoul, de ses rues bétonnées, lui semblait plus accueillante encore à chaque fois qu'il retrouvait un coin de rue connu, une odeur de street-food le ramenant à de plus jeunes années, un visage familier. Dans cette tornade de déménagements constants qui commençaient à le forger, Mingyu voyait, en Séoul, un semblant de stabilité pour couronner sa dixième année. Il souhaita alors ne plus jamais la quitter.

((13' -- clash)) Le son d'une porte claquée était devenue part intégrante des mélodies qui rythmaient sa vie. Dans un nouveau soupir, il regarda sa grande sœur quitter brusquement la table, devant les yeux ébahis de son beau-père, les grandes orbes tristes de sa mère, le regard indifférent de son petit frère. Mingyu jeta un oeil froid à la porte abîmée du couloir. Les esclandres devenaient lassantes, comme un souvenir rayé qui repasserait encore et encore les cris, les pas précipités d'une adolescente fâchée, les raclements de chaise, puis l'odeur du soju dans le verre de sa mère qui affirmait en avoir besoin pour se calmer les nerfs. Elle n'était pas une grande figure de la maternité, Yoona. Son regard n'osait se porter que sur l'enfant à problèmes, celle qui criait et enchaînait les fautes, mais il passait au travers du cadet sans jamais le voir vraiment.

((15' -- gone)) Mina avait claqué pour de bon la porte du domicile familial. Dix-huit ans à peine. Grand bien lui en fasse, osa penser un Mingyu amer que les scènes quotidiennes avaient fini par lasser. Peut-être nourrissait-il quelques espoirs fous, quoiqu'égoïstes - l'envie de regards à nouveau offerts à lui. Les espoirs ne vivaient jamais longtemps, pourtant, entre ces murs. L'on racontait que Minsoo, du haut de ses tout juste six ans, était déjà un écolier trop dissipé. Le nouvel aîné se demande alors ce qu'il pourrait bien faire, pour exister.

((18' -- cause)) Le lycée était un endroit merveilleusement intriguant, voilà ce qu'il commençait à comprendre à force d'en fréquenter les murs. Dans la myriade de visages, on lui avait proposé d'autant plus de façon d'affirmer son identité, au travers de nouvelles figures qu'il avait tenté d'apposer à la sienne. Et puis il y avait cette petite bande et leurs appels aux idéaux, qui accrochaient à son esprit en manque de bruit, sa bouche en manque de cris.

((20' -- new)) Un éclat de fierté : il avait bien su en voir un au sein de ce regard d'ordinaire vide, suivi par quelques félicitations non moins sincères, face à la lettre d'admission qu'il lui avait donné à voir. Mingyu s'était toujours démarqué de ses frères et sœur en cela qu'il était bon élève : son entrée dans l'une des meilleures universités du pays était le dernier joyau de sa couronne, et un dernier souvenir à leur laisser avant de s'envoler. S'il n'essayait plus toujours de se faire voir d'eux, cette famille aux yeux trop petits pour lui, il avait aujourd'hui tout un nouveau monde de qui se faire remarquer - et il se félicitait de cette aire de nouveauté.