toujours la même boule au ventre en rentrant. toujours cette nervosité à savoir ce qui va l’attendre. les années passent mais rien ne change. tout empire au fur et à mesure du temps. khee a simplement besoin d’ouvrir la porte d’entrée de ce petit appartement pour découvrir la même scène, encore et encore. sa propre mère, s’adonnant à toute sorte de jeux aux bras d’un inconnu qu’elle jettera quelques heures plus tard. l’innocence d’une pauvre adolescente mise à mal à chaque jour qui passe. une fois de plus, khee fait comme si de rien n’était, n’observe que furtivement cette scène, avant de poser ses affaires et partir en direction de sa chambre. sans compter sur la voix de cette femme insipide qui résonne si bien dans cette pièce. « kyong hee ! t’as du ménage à faire ! et ne me fait pas répéter ou tu vas le regretter ! » l’insolence dans sa voix fait éternellement trembler la jeune fille, qui se taira encore face aux menaces récurrentes qui jonchent sa vie quotidiennement. un vieux tee shirt et un short pour se mettre à la tâche, et nettoyer minutieusement cet appartement sans vie, rythmé au son de la voix de la matriarche, qui se délecte indéfiniment de ce à quoi elle joue. la luxure et la colère comme péchés contrôlant sa vie. offrant à sa propre fille le loisir d’y assister, d’en être la victime effacée.

il y a de ces jours, ou khee tente de prendre sur elle. et d’autres ou elle s’échappe, le temps de quelques heures. pourtant elle sait, que la fureur sera d’autant plus présente lorsqu’elle osera passer le pas de la porte. mais elle veut une meilleure vie khee. elle se l’imagine à travers de simples clichés. elle attend patiemment le jour ou on lui donnera sa liberté, la possibilité de s’évader. des gestes mécaniques lorsqu’elle se retrouve à la bibliothèque, dans un café. à tout arranger dans un ordre précis. ces images qui tournent en boucle dans sa tête, de ces scènes qu’elle a tant observé bien malgré elle, contre son gré. elle sombre déjà, mais est incapable de s’en rendre compte. ce quotidien n’a rien de normal pour le commun des mortels, mais il l’est devenu, pour elle.

l’envol, la délivrance. ce jour qu’elle a tant attendu. cette scène horrible qui se joue devant elle pour la dernière fois. khee relit cet e-mail, celui qui lui donne tout ce dont elle rêvait depuis si longtemps : la possibilité de s’échapper. et elle saisis sa chance, lorsqu’elle rentre finalement chez elle. cette matriarche aux bras d’un autre inconnu qu’elle ne reverra jamais, qui hurle encore sa colère contre sa propre fille. qui lui ordonne encore de n’être que son pantin, qui obéira quoi qu’il en coûte. mais aujourd’hui, khee se rebelle. khee fait sa valise, récupère le peu d’affaires qui lui appartiennent. et la voix de sa mère a beau la faire trembler, elle ne faiblit pas. elle a pris sa décision, celle de quitter cet enfer, alors qu’au fil des jours, elle a pu enfin voir le bonheur que vivent les autres. et finalement khee, elle veut la même chose. elle veut voir ce bonheur là frapper à sa porte. elle veut être libre, depuis toujours. elle a enfin compris qu’il n’y avait rien de normal dans ces scènes quotidiennes. et elle s’en détache, une bonne fois pour toute. elle qui portera les séquelles d’une mère abusive, ose finalement partir, sans un mot à son égard. elle qui a tant souffert de ce quotidien désastreux, ose finalement faire sa propre vie, loin d’elle. mais le chemin sera encore bien long pour se délivrer totalement de ces démons dans sa tête.