Chère Sunan,
Je t’écris cette lettre sans trop savoir pourquoi je le fais. Une façon de me libérer l’esprit me dise les psys. T’y crois toi ? Moi pas vraiment. En réalité je suis persuadé, que je n’aurais pas le courage de te l’envoyer. C’est drôle… Je ne sais pas par où commencer. Le début peut-être ? notre enfance auprès de notre famille. Une mère et un père qui nous aimaient. Rien à leur reprocher pas vrai ? J’ai toujours senti qu’avec toi c’était plus facile. Peut-être parce-que tu n’avais pas tous ces problèmes. Je ne me souviens pas de tout, ni de comment tout cela est arrivé. Mais je me rappelle de ces nuits, tourmentées de ces images qui me hantaient. J’avais peur… tellement peur. J’étais persuadé qu’un jour un monstre viendrait me manger. Comme un gamin apeuré, j’avais besoin d’un refuge. Et c’est vers toi que je me suis tourné. Ces sourires qui me faisaient, ces bras dans lesquels tu m’accueillais. Chacun d’eux réchauffait mon cœur. Tu cherchais à me protéger, mais c’était toujours toi qui finissais par t’endormir avant moi. Alors je faisais au mieux, je restais éveiller pour te sauver de ceux qui voudraient te faire du mal.
Je crois que nos parents ont toujours aimé notre relation. Le fait de nous voir aussi proche. Rare était les fois où on se disputait, même pour un simple bol de céréales. Je te cédais tout, il suffisait juste d’un sourire pour que je te donne tout ce que j’avais. Mais ça ne m’a jamais dérangé. Je crois qu’au fond, je t’admirais. D’être aussi différente de moi… J’ai pensé bêtement que les années passeraient et que rien ne changerait. Puis il y a l’adolescence, cette période trouble où tout le monde devient quelqu’un d’autre. Je refusais de croire que tu serais comme les autres. Parce-que tu es ma Sunan… tu ne peux pas être comme tous ces idiots dehors…
Mais je me suis leurré. J’ai cru que tu étais différente, je me souviens encore de cette fois où je suis resté toute la nuit devant ta porte. A attendre bêtement que tu veuilles bien m’ouvrir. Mais rien ! Pas un signe de ta part. Et je supposais avec rage que tu t’étais endormie, sans moi pour la première fois. J’ai pensé que ce n’était qu’un égarement, alors je t’ai redonné une chance… puis une seconde, jusqu’à finalement comprendre que tu me fuyais. Je n’ai jamais compris ce que tu voulais. Vivre ta vie ? Mais ta vie Sunan elle est avec moi !
Je suis ton frère bordel ! Ton frère. Comment tu as pu me tourner le dos ? Après tout ce que nous avions partagé. Je souffrais, de te voir vivre ta vie. Te voir t’éloigner. Alors moi aussi j’ai voulu avoir la mienne. Avoir mes amis, même une petite amie. Tu vois, je pouvais être comme toi. Je pouvais avancer sans toi. Mais ce n’était que des mensonges. J’ai tout essayé pour attirer ton attention. Jusqu’à me faire du mal. Mais rien ! Rien !
Tu es devenue une égoïste. Une sale petite garce qui ne pensait qu’à elle. Et je t’ai haïs de tout mon être. De toute ma ferveur. Et ça tournait en rond dans ma tête. Inlassablement, ces images d’une vie où tu ne serais plus là. Après la colère, c’est la tristesse qui m’a envahi. Tous les jours, je parlais de toi. Sans jamais m’arrêter ! Ton nom est devenue une obsession, ton visage une ombre dans mon tableau. Plus rien n’avait de sens, mais je devenais surement trop égoïste. A ne jurer que par toi. Assez pour que finalement cette fille me quitte. C’est drôle hein ? Je n’étais même pas sûr d’être amoureux.
Mais je me suis retrouvé seul… terriblement abandonné. Et cette nuit à tout changer… votre regard sur moi. le tiens… j’ai eu enfin le droit d’exister à tes yeux. Parce-que tu as cru que tu allais me perdre n’est-ce pas ? Mais ce n’était pas assez, je souffrais trop. Et encore aujourd’hui je ne sais pas ce que je fais. Ni ce que je veux.
Ni les parents, ni toi n’en parlaient jamais. Comme si cet épisode de ma vie n’avait jamais exister. Tu es là à nouveau. Mais une part de moi à sombrer en même temps que tu m’as oublié. Et je t’en veux Sunan… je te déteste pour le mal que tu m’as fait. Tes sourires ne me suffisent plus. Tes quelques moments volés qui ne sont jamais assez. Je te veux toi ! Dans ma vie, dans ton entièreté. Et je refuse encore de devoir te partager. Aux yeux des autres je suis un fou. Mais toi… dis-moi que tu me comprends. Dis-moi que tu ne peux plus te passer de moi.
Sunan, reviens moi.
Ton frère, qui t’aime