Le regard perdu dans le ciel, étendue dans l’herbe du jardin, Sojin essaye de trouver des formes comiques dans les nuages. Sa main posée sur sa gorge, elle parle seule ou plutôt essaye de reconnaître les vibrations de ses cordes vocales sur les différents sons qu’elle prononce. Elle s’entraine pour le jour où elle rentrera à l’université, refusant que les autres connaissent son handicape. Il n’est pas facilement de vivre dans un monde sans entendre, ni parler correctement. Et pourtant, elle s’oblige. Elle pourrait porter un appareil, on lui a proposé, mais elle a peur,  peur d’entendre les sons qui lui ont jamais manqué après tout. C’est une ombre devant elle qui l’oblige à quitter son jeu actuel. Elle sourit à sa grand-mère qui lui a apporté une limonade faite maison ainsi qu’un goûter. Merci signe-t-elle avant de se redresser et de poser ses lèvres sur la joue ridée de celle qu’elle appelle maman dans sa tête. Elle rigole en la voyant lui dire qu’elle devrait retourner étudier à la place de se perdre dans ses jeux. Elle hoche la tête et se réinstalle en tailleur, reprenant son cahier de math.

Y a du bruit à l’intérieur, des voix mêmes, un aboiement. Et Sojin est dans son monde, celui du silence. Elle ne sait pas que son frère vient d’arriver jusqu’à ce que Pepero arrive vers elle et mette sa truffe de son cou. La lycéenne rigole en se retournant vers le chien de son frère pour le caresser tout en cherchant l’homme de sa vie, son héro du regard. Dès qu’elle croise son regard, comme depuis leur enfance, elle lui sourit. Comme une enfant, elle tend les bras vers lui, elle a besoin de sa dose de câlin et de tendresse comme toutes adolescentes, même pire que les autres vu qu’elle est bien souvent mise de côté par ceux qui ne comprennent pas qu’elle n’est pas si différente que les autres, juste qu’elle est sourde.

 
 

Encore ce regard vide et ce visage fermé. Haknyeon se regardait dans le miroir sans réellement se voir. Il n’arrivait pas à se remettre de sa rupture avec Youngjae. Ils avaient été ensemble pendant tellement d’années qu’il n’aurait jamais cru qu’il pourrait le laisser tomber parce que ses parents voulaient qu’il se marie avec une femme. Et pourtant, c’était le cas. Il avait quitté le futur policier parce qu’il n’était pas une femme. Hak l’avait mal pris, très mal pris. Après tout, c’était normal. Il avait pensé faire sa vie avec le jeune homme. Certes, se marier n’était pas possible en Corée du Sud, mais rester ensemble oui. Mais il avait anéanti ses espoirs alors qu’il était réellement amoureux et qu’il lui avait ouvert son corps. Youngjae avait été le seul, en dehors de sa petite sœur Sojin à voir un sourire grand et sincère sur ce visage d’apparence froide. Le coréen n’était pas expressif d’ordinaire mais avec les personnes qu’il aimait réellement, il le devenait. Son ex et sa petite sœur l’avaient souvent vu. Maintenant, il ne lui restait que sa petite sœur. D’ailleurs, il allait la voir. Il avait besoin de sa petite boule d’énergie et de soleil. Il avait besoin d’elle, plus qu’il ne voudrait bien l’admettre.

Se pointant chez ses grands parents, accompagné de son chien, il les salue doucement avant de leur demander où est Sojin. Hak s’approcha du jardin et lâcha Pepero pour qu’il aille saluer la femme de leur vie. Un sourire s’afficha sur les lèvres du plus vieux en voyant les bras tendus de sa sœur. Il se pencha à sa hauteur pour passer les siens autour de son corps frêle, la serrant contre lui. Haknyeon la serra plus fort que d’habitude, laissant échapper quelques larmes de ses yeux. Il savait que Sojin s’en rendrait compte mais il avait besoin de son amour et de son affection. Il avait besoin de se sentir aimer l’espace de quelques temps. Il ne doutait pas de l’amour de sa sœur, mais ça lui faisait un bien fou de la sentir dans ses bras.