Je sais pas si je dois vraiment me sentir désespéré ou simplement perdu, toujours à la recherche de ce que je cherche depuis un bail. Il est à peine onze heures du matin, et je suis déjà en terrasse en enchaîner les verres de bière comme si ne rien n’était. Ça évoluera graduellement vers des alcools plus forts avec les heures, mais aujourd’hui, je ne me sens même pas à m’épuiser dans une salle de danse pour perfectionner des chorégraphies. Peut-être que dès le début, j’aurais dû rejoindre Kyonghee chez les pyobeoms, comme j’en avais l’envie à la base. C’est peut-être pas pour rien que je lui ai demandé de venir là, ce matin.

Je n’ai pas l’habitude de demander aux gens de venir la matinée parce que je préfère de toute manière les voir pendant l’après-midi ou durant le soir, mais je crois que j’en ai bien besoin. Besoin de la voir, de lui confier ce que je ressens, parce que j’ai une confiance aveugle en elle. Quand je regarde l’heure sur mon téléphone, je vois l’heure qui tourne et je m’enfile une bière de plus sans prendre le temps de l’apprécier. Quand le serveur revient, je lui demande une pinte plutôt qu’une demi, et je le paye déjà d’avance pour que ça aille plus vite. Au final, quand je vois Kyonghee arriver, je le reprends juste avant qu’il ne parte pour lui demander un thé en plus. Il acquiesce. Je souris quand je la vois arriver. « Hé, salut, désolé de te déranger de si bon matin, c’est pas vraiment dans mes habitudes. » Je la regarde même se poser. Ça me fait tellement du bien, rien que de la voir. « Je pense que tu te doutes que quelque chose doit pas vraiment tourner rond, si je t’ai demandé de venir à cette heure-là. En fait, je crois même que c’est plus compliqué que ça. » Je feins un sourire. Nos boissons arrivent bien vite. Je sens qu’elle va se douter d’un truc encore plus gros en voyant que j’engloutis déjà de l’alcool à onze heures et demie. « Merci d’être venue. » Je me remet confortablement dans ma chaise, et j’observe la mousse au bout de mon verre. C’est toujours délicat ce genre de sujets, et ça changera pas vraiment.

Elle a été surprise, de ce message qu’elle a reçu. Ne s’y était pas préparée. Il n’a fallu que quelques mots, pour qu’elle ne se mette déjà à s’inquiéter, lâchant tout ce qu’elle est en train de faire pour aller se préparer. Des demandes à traiter pour la fraternité, les courses à faire. Elle a de quoi s’occuper, mais préfère répondre par la positive à l’invitation qu’elle vient de recevoir. Khee est le genre de demoiselle à toujours faire en sorte d’être présente pour ses proches, à l’écoute. Et c’est d’autant plus le cas avec Yeong Cheol, l’initiateur de ce remue-ménage dans sa chambre. Elle le connait assez pour savoir que, s’il lui demande de la retrouver aussi tôt dans la journée, c’est que quelque chose ne va pas. Et pour elle, il est hors de question de rater ce rendez-vous. Prenant une douche rapide, enfilant la première tenue convenable qui lui vient, elle est directement partie vers l’établissement qu’il lui a indiqué, sans se poser de questions. Elle sait que ça viendra rapidement, et préfère attendre d’être face à lui pour savoir exactement ce qu’il se passe. Un sourire s’étire sur ses lèvres, en l’apercevant installé à la terrasse. Pendant un court instant, elle met son anxiété de côté, ne serait-ce que le temps d’arriver. « Arrête… Tu sais bien que tu ne me déranges jamais mon chat. Et puis de toute façon, je n’avais pas grand chose de prévu aujourd’hui. » lui assure-t-elle dans ce nouveau sourire qu’elle lui offre. Rictus qui prend un peu plus de place, lorsque le serveur vient déposer une tasse de thé devant elle, mais qui se fane en voyant ce que son vis-à-vis a choisi. Elle grimace un peu, relève déjà son regard vers lui. « C’est à ce point ? » ose-t-elle demander, presque timidement. C’est toujours un déchirement pour elle, de le voir ainsi. Même si ça se fait bien rarement, ça ne l’aide en rien à gérer son inquiétude comme elle le devrait. « Qu’est-ce qui t’arrives mon chat ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » A ses mots, elle attrape sa main. Un geste qui se veut maternel, mais dont elle a besoin dans l’immédiat. Simplement pour se rassurer un peu, et faire en sorte de trouver la force de l’aider du mieux qu’elle pourra.