Khee venait de prendre ses fonctions en tant que vice-présidente de sa fraternité. Et c’était quelque chose à ses yeux. Des responsabilités en plus, qu’on lui donnait. Une façon de montrer son implication dans ce dortoir qui l’avait accueillie plus de deux ans auparavant. Elle en était heureuse, mais devait bien s’avouer stressée face à tout ce qui allait l’attendre. Certes, elle savait que cette expérience supplémentaire allait être enrichissante, mais elle l’effrayait encore malgré tout. Elle reprenait le flambeau d’Evan, et espérait surtout être à la hauteur. On lui avait laissé un bureau, pour qu’elle puisse avoir un endroit ou se retrouver, et s’occuper uniquement des affaires des pyobeoms, et c’était ce qu’elle était venue faire à la fin de ses cours. Elle devait revoir le planning pour les courses, et quelques demandes des autres étudiants. Elle n’avait pas même pris le temps d’aller poser ses affaires, qu’elle était déjà installée à son bureau, ayant à l’esprit que sa journée n’était pas encore finie, et qu’il n’était pas encore temps d’aller se poser dans sa chambre. Rapidement, elle avait sorti le planning, ainsi que la liste des membres pour ne pas se perdre, et faire en sorte que personne ne soit défavorisé face aux tâches qui leur incombait. Ses yeux baladant sur les documents, elle s’était arrêtée sur un nom, qu’elle reconnaissait brièvement. Elle était restée longtemps dessus, avant de se décider à ouvrir son dossier, et y voir sa photo. Il ne lui fallu pas bien longtemps pour faire le rapprochement. C’était l’ex petite-amie de Junho, aucun doute sur le sujet. Fronçant ses sourcils, elle s’était redressée de sa chaise, restant quelques secondes immobile, avant de se décider. Gardant la liste des élèves à la main, elle quittait rapidement le bureau, pour partir en direction de l’étage, et plus particulièrement la chambre de son meilleur ami. Pinçant ses lèvres, elle avait rapidement toqué à sa porte, légèrement inquiète. « Junho ? C’est Khee, t’es là ? » demandait-elle à travers le bois, attendant déjà une réponse de sa part. Anxieuse, à l’idée de devoir lui annoncer ça.

Plongé dans le silence, Junho tentait en vint de faire ses devoirs. Une tâche pourtant simple, mais si compliquée pour lui. Il ne s’octroyait même pas de musique, de peur que son esprit parte encore trop ailleurs. Mais un rien le faisait quitter ses yeux de sa feuille. Un petit bruit, la fenêtre, son ordi… et le voilà qui cliquait déjà sur une nouvelle page pour y chercher rien de spécial. Il se laisse prendre par des news, des choses banales qui ne l’intéressent pas. Un autre lien, sur lequel il clique et il s’égare un peu plus. Au bout de cinq minutes, il tente de revenir à ses devoirs. Fronçant les sourcils, l’air contrarié, il baisse son écran pour s’empêcher d’aller dessus. Mais il est bien obligé, les livres de cours ne lui suffise pas pour faire son exposer. Une plaie ! Il vit un moment douloureux et il déteste être face à ces instants difficiles. Il soupire, jette son stylo sur le bureau et se lève pour prendre un paquet de gâteaux. Son téléphone en main, il espère encore et toujours avoir un message de sa sœur. Mais rien, n’est-ce pas ? Parce qu’elle s’en fout de lui. Il en viendrait à la détester, mais il soupire juste. Espère qu’elle pensera à lui au moins une fois dans la journée. Se laissant tomber sur sa chaise, il mange, trouble enfin le silence de ses bruits. Puis il avise l’heure… il est loin d’avoir finis. Lui qui voulait sortir ce soir, c’est surement raté. Il râle un peu, ouvre à nouveau son ordi et finis par aller sur des sites de jeux. Au moins ça l’occupe un peu. Jusqu’à ce qu’il entende toquer à la porte. Se redressant, il peut déjà entendre une voix s’élever de derrière. C’est Khee ! Sa meilleure amie. Sourire aux lèvres, il se lève et se presse jusqu’à l’entrée de sa chambre. Avisant la silhouette de la jeune femme « Hey ! Salut. » Mais si lui a un sourire, elle semble inquiète. Pourquoi a-t-elle cet air si soucieux ? Se poussant pour la laisser entrer, il referme derrière lui « Qu’est-ce qu’il y a ? T’as l’air bizarre ? » S’est-il passé quelque chose ? Il n’en sait rien. Il n’est arrivé que depuis trois jours dans la frat. Il a encore un peu du mal à y trouver ses marques. Et il savait que Khee était occupée. Alors il ne l’avait pas déranger plus que ça. Malgré qu’il avait déjà eu la surprise de certaines choses ici. Il n’était venu chez les pyos que pour Khee et Kyu. Des amis en qui il avait confiance et il se sentirait surement moins seul. Folle envie aussi de montrer à sa sœur qu’il pouvait se débrouiller sans elle. Mais en réalité… c’était compliqué. Que deux nuits ici, et il se sentait déjà terriblement abandonné par elle. C’était toujours la même chose, le soir… il pensait trop. « Je suis désolé de pas être venu te voir encore. Comme je savais que tu devais prendre ton rôle de vice-présidente. » Il grimace, peut-être qu’elle espérait qu’il vienne la voir ? En réalité il avait pensé que ça serait elle qui l’accueillerait à la frat. Mais il était tombé sur Mok… Puis finalement, il parle sans réfléchir « Tu savais que Mok était ici ? » ça ne sonne pas comme un reproche. Juste une question. Junho est toujours trop franc, il parle vite sur les idées qui lui traverse l’esprit. « C’est elle qui m’a accueilli… » Il ne lui a pas dit. Il aurait dut ? Peut-être, tout comme il ne sait pas pourquoi Khee ne lui a rien dit. Pour le protéger ? Il ne sait pas. Il ne lui en voudra pas si c’est le cas. 

C’est une sensation étrange pour elle, de se voir incombée d’autant de responsabilités. Elle n’y était pas totalement préparée, malgré le fait qu’elle avait appris son élection avant la rentrée. La vie qu’elle mène à côté de l’université lui prend du temps, un temps précieux qui ne l’a pas aidée. Parce que finalement, elle n’a pas été présente pour accueillir son meilleur ami, tous les autres pyobeom étant arrivés cette année. Elle s’en veut un peu, le garde pour elle. Se dit qu’il faudra bien qu’elle ménage son temps pour être capable de tout endosser. Elle sait qu’elle peut y arriver, il faut simplement qu’elle s’en donne les moyens. Mais voilà que le prénom de cette fille la perturbe dans ce qu’elle devait faire, au point de préférer retrouver son meilleur ami, plutôt que de se plonger dans ces plannings. Elle reste inquiète, ne sait pas réellement comment il pourrait réagir à ça. Pire encore, et s’il l’avait déjà croisée ? Ses pensées s’entrechoquent, au moment ou elle ose toquer à sa porte. Elle serre ce bout de papier dans ses mains, tente un sourire lorsque Junho vient lui ouvrir la porte. Mais son regard la trahit, elle le sait. Elle est le genre de fille qui ne sait cacher ses émotions. On lit en elle comme un livre ouvert, qu’importe ce qu’elle pourrait faire pour changer ça. Ses lèvres qu’elle mordille, elle reste interdite face à cette question, silencieuse quelques secondes. « Je … Je suis désolée Junho… » qu’elle souffle, se décidant enfin à entrer dans la pièce. Elle ne sait pas vraiment ou se mettre, comment amorcer les choses. On peut voir à quel point elle est hésitante, cherche ses mots. Mais son meilleur ami prend les devants, parle avant elle. Elle n’est pas certaine de tout comprendre dans l’immédiat, soupire discrètement. « Non non, c’est moi. J’aurais du venir te voir. » qu’elle réplique simplement. Elle s’accorde les tords sans hésiter, malgré cette vie peut-être trop remplie ces derniers jours. Un coup d’oeil à cette feuille qu’elle tient encore, elle ne s’attendait pas à une telle question. Recule d’un pas sous la surprise, écarquille ses yeux. Elle arrive à être en retard, même là dessus. Son coeur se serre lentement à cette idée, alors qu’elle baisse la tête, presque honteuse. Elle a beau sentir qu’il ne la juge pas, elle ne peut s’empêcher de s’en vouloir, de ne pas l’avoir vu plus tôt. « Je suis désolée Junho, vraiment … Je … Je viens juste de m’en rendre compte, en faisant les plannings. » Sa voix se fait tremblante, elle a peur qu’il puisse lui en vouloir, quelque part. « J’aurais voulu te l’apprendre avant mais j’en avais aucune idée … Je suis désolée. » répète-t-elle inlassablement. Ca ne sera certainement pas suffisant. Ces excuses, bien que réelles, ne seraient peut-être pas suffisante pour qu’il puisse la croire. Pour autant, tout est bien vrai. Si elle l’avait su avant, elle lui aurait dit, à la seconde même ou elle s’en serait rendue compte. Et face à lui finalement, elle ne sait plus vraiment quoi faire pour lui montrer qu’elle est sincère.

Il ne s’attendait pas à tomber sur elle à son arrivée. Voir Mok c’était comme se prendre une boule de souvenirs, néfastes en pleine figure. En réalité Junho ne parlait jamais de ses tentatives de suicide. Les médecins pensaient tous que ce n’était qu’un ado contrarié, trop amoureux de sa petite amie. Qu’il n’avait pas supporté leur rupture et avait voulu mettre fin à ses jours pour « ça ». Dans les moments les plus fous, le garçon en souriait. Il se disait finalement, pourquoi pas cette hypothèse. Elle était moins douloureuse que la vérité. Mais il le savait, lui au fond… que ce qui l’avait poussé à ce geste désespéré c’était la solitude. Ce sentiment d’abandon, trop puissant… cette façon de se rendre compte qu’il n’avait pas d’avenir. Si Mok n’était pas là… il n’était plus un garçon normal. Aussi compliqué que cela pouvait être. Junho se cachait encore derrière des sourires. Il faisait semblant, même avec sa meilleure amie. Parce qu’il n’avait pas besoin d’inquiéter les autres. Ses parents, sa famille comptait sur lui. Il avait compris que s’il ne parlait pas, les choses iraient mieux. Alors c’est ce qu’il faisait. Voir Mok l’avait perturbé. Plus qu’il n’y pensait. « Ne t’excuse pas… je sais que tu me l’aurais dit. » il n’en doute pas. Khee et lui sont amis depuis des années. Sans elle il aurait surement raccroché encore plus vite qu’il ne l’a déjà fait. Alors il ne lui en veut pas, même si il voit dans son regard qu’elle se sent vraiment désolée. Peut-être a-t-elle peur qu’elle remonte des mauvais souvenirs. Qu’elle le fasse douter, replonger dans cette période de sa vie… et elle a raison. La seule haine qu’il éprouve pour Mok n’est dût qu’à cette sensation de perdre pied. Il n’avait pas envie de repenser à tout ça. Ça faisait deux ans qu’il jouait la comédie. Il était prêt à pour faire semblant encore longtemps. Il avait conditionné son cerveau à agir comme un parfait garçon de son âge. Il avait tout fait pour que son rôle soit parfait. « J’étais juste surprit. » lâche-t-il doucement. Junho est sans filtre, trop sincère. Il pourrait mentir s’il le voulait. Mais il balance souvent ce qui lui traverse l’esprit. Se laissant retomber sur son lit, il lève les yeux vers sa meilleure amie. « Je pensais m’être débarrassé d’elle. » il le pense. Il croyait que Mok c’était de l’histoire ancienne. Qu’on associerait cette fille à lui simplement parce qu’elle devait avoir l’image de celle qui lui avait brisé le cœur. Et ça lui allait ! Personne ne pourrait ainsi se douter que la véritable fautive c’était Sunan. Mais la voir ici… c’était devoir affronter son passé. Aussi étrange que cela puisse être Junho, vivait au jour le jour. Il n’était pas sûr de ses lendemains, même d’en avoir envie parfois. Ses séances de psy ne l’aidaient en rien… ce mal-être était bien trop profond. Trop ancré en lui, comme un vulgaire parasite qui le consumait. Un sourire forcé sur le coin des lèvres « Tu crois qu’elle va rester là ? » évidement. Elle était là avant lui après tout. « On s’est disputé en fait pour tout t’avouer. Je l’ai envoyé chier en lui disant que je ne voulais rien à voir à faire avec elle. » Et il l’avait déjà tellement blessé par le passé. Malgré son inquiétude quand elle était venue à l’hôpital Junho n’avait su lui dire qu’elle se croyait plus importante qu’elle n’était. Pour lui elle n’était… rien. Absolument rien ! A part une garce qui l’avait délaissé. A l’époque il n’avait rien comprit. Il était persuadé qu’elle resterait. Parce qu’elle l’aimait… alors pourquoi partirait-elle ? Ça l’avait laissé confus longtemps. Puis après la colère, c’était finalement la tristesse… malgré ses amis, sa famille… le poids des remords. De la culpabilité était trop puissant. Etre seul… c’était se rendre compte que rien n’allait dans sa tête. Et qu’il n’avait aucun avenir… à part celui d’être un monstre aux yeux de tous. Sentiments qui l’étouffaient. Encore aujourd’hui. Pour se rassurer, il tente de regarder sa meilleure amie. Mais dans sa tête c’est un tourbillon de choses et d’autres. Des images, des sentiments qu’il cache à tous. « Khee… j’ai la trouille. » qu’elle raconte tout. Qu’elle dise que Bang Junho est un type tordu. Il venait à peine d’arriver. Ici, il avait envie d’être un type normal…