Je ne suis pas franchement partant pour rester des heures debout sans avoir une occasion de faire une pause afin de soulager mon genou. Je me suis fait opérer récemment, alors je ne dois pas trop abuser de mes forces sinon jamais mon corps ne se remettra. Pourquoi me suis-je porté volontaire pour cette mission ? Je maudis mon côté qui culpabilise des conneries que j’ai pu faire. Je me vois dans l’obligation de faire du nettoyage sur les berges de la rivière Han. Franchement pas l’activité la plus glamour du monde. Je vais prendre sur moi parce que mes conneries d’addictions sont une goutte dans la mauvaise réputation de l’université. Il faut bien que je me rattrape à ma façon. Oui je tente de me donner bonne conscience. Je traine des pieds pour rejoindre le point de rendez-vous. La tenue que nous avons reçue est digne d’un panneau publicitaire ambulant. Je me sens presque comme ces mascottes sur le bord des routes américaines qui jouent du panneau pour attirer les clients. « Bonjour ! » Je me présente pour réaliser cette mission en espérant ne pas être le seul ici.

Tu n'as clairement pas envie d'être là. C'est une idée de ton père, tout comme celle de rejoindre la fraternité des Beolsae. Enfin quoi qu'il en soit tu es là, à ton plus grand désespoir. Malgré cela tu affiches un visage indifférent, voir un peu froid. Non pas que tu n'es pas à l'aise avec les relations humaines. Tu n'es pas anti sociale, simplement socialement sélectif. Aussi à cet instant tu ne sais pas dans quoi tu mets les pieds, tu joues donc la prudence adoptant le rôle d'un étudiant modèle et serviable. En réalité tu n'as aucune envie de passer ton après-midi à ramasser des ordures. Quoi que c'est toujours mieux que d'animer une partie de cartes avec des mômes. Tu as enfilé le t-shirt de l'université, équipé de gants et du matériel qu'il faut, tu t'avances vers le chantier. Les consignes sont données. Il ne reste plus qu'à s'y mettre. Tu salues ton partenaire de galère d'un sourire poli, te présentant comme il se doit. A cela tu ajoutes.

« On devrait s'y mettre tout de suite si on veut avoir le temps de finir la berge. »

Tu pourrais être plus amicale, lui demander ce qu'il fait là et papoter de cette mésaventure altruiste. Cependant tu préfères voir venir, juger et adapter ton attitude en fonction. Pour l'heure tu espères passé pour le mec sympa, quoi qu'un peu snob.

Une mission civique, qui plus est imposée par la directrice. Nam Kyu aurait eu bien d’autres choses à faire aujourd’hui, aurait préféré être n’importe où, mais pas ici. Mais il n’a pas eu d’autre choix, en voyant ce mec de l’université débarquer devant lui, lui donnant tout le matériel nécessaire pour ce qui l’attendait. De longs soupires, une tenue des plus ridicules à porter, il tente de garder bonne figure devant tout ça, en arrivant près du Han. Une main qu’il passe dans ses cheveux, Kyu se dit qu’il faut voir les choses du bon côté. Il ne sera pas tout seul, il espère simplement que son voisin ne le verra pas comme ça, sinon il pourrait dire adieu à ses tentatives infructueuses pour l’approcher. Heureusement pour lui, l’un des premiers visages qu’il voit, c’est celui d’un autre mec de sa fraternité. Son sourire s’élargit alors qu’il s’approche. Autant éviter de mettre une mauvaise ambiance dès le début, sinon cette journée sera bien plus horrible qu’elle n’y paraît déjà. « Ah bah tiens ! J’me sens moins seul à avoir l’air d’un clown ! » lance-t-il, ce léger rictus au bord des lèvres. Il se présente naturellement, bombe légèrement le torse pour éviter de montrer à quel point il déteste cette directrice et ses idées farfelues. « Alors les gars, qui parmi vous a eu la merveilleuse idée de s’inscrire de lui-même pour ces conneries ? » Il en rit, presque insolent. A croire qu’il n’est vraiment pas fait pour ces choses là.

Kô arriva en dernier, un peu au pas de course en regardant d’un œil l’heure qui tournait sur son téléphone portable. Aujourd’hui allait être un jour spécial où il aiderait à nettoyer les abords de la rivière.  Il n’avait donc pas pris la peine de se préparer comme dans ses habitudes, enfilant un jogging noir de bonne marque et relevant ses cheveux blonds en une petite queue de cheval. Seuls ses ongles étaient restés vernis. Un minimum d’élégance discrète en toute occasion. En tout cas, il finit par rejoindre son groupe, apercevant alors trois autres garçons avec qui il allait devoir coopérer. Il s’excusa de son léger retard et se présenta avec rapidité. Il s’équipa aussi avant de relever le regard et de détailler quelques secondes les trois autres. Quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit son « Don Juan » (@Im Azriel) d’une nuit parmi les participants ! Avec un large sourire amusé, il lui fit un signe de la main, un peu moins gracile que cette nuit-là à cause des gants qu’il portait pour ramasser les ordures. En revanche, c’était la première fois qu’il rencontrait les deux autres étudiants.

« Moi, répondit-il alors sans gêne à l’un d’eux, je me suis inscrit de mon propre chef. En avoir la mention sur mon dossier sera parfait. »

Toujours ambitieux et visant d’abord ses propres intérêts. Mais, à l’évidence, le destin semblait prêt à se mêler de ses affaires. Alors, avec malice, il s’approcha de celui qui fut son partenaire.

« Cette fois, murmura-t-il, l’ambiance est un peu moins féline, pas vrai ? »

Il rit doucement, songeant qu’il n’aurait pas de doute aujourd’hui en le fait que Kô était bien un homme, avant de se concentrer sur la mission.

Une mission civile afin de nettoyer un peu la réputation de l’université. Une motivation qui devrait être suffisante… je suis ici pour me donner bonne conscience parce que je fais partie des étudiants qui consomment… enfin avant mon overdose et mon opération du genou. La tenue fournie pour cette occasion est hideuse. Croisons les doigts pour que nous ne croisions pas notre âme sœur parce que l’on ne marquerait pas de points. Je découvris mes comparses pour cette mission. Je reconnaissais juste un pyo. « Ouais… ne prend pas de photo sinon cela va tourner dans la frat… » On est friand des photos dossier chez nous. Un vice que nous devions garder secret car des petits rigolos pourraient nous pirater. Je salue les deux autres partenaires. Je me présentais parce que je suis un mec poli quand même. « Je me suis inscrit volontairement. » J’esquissais une remarque comique mais il semblait que je ne sois pas le seul venu de son plein gré. Cela me rassure. Je fais un sourire à celui qui comme moi vient ici avec consentement. « J’avais une conscience à soigner. Et vous ? » Je pose la question aux deux autres. « On s’organise comment ? » Je ne voudrais pas que cette mission dure toute la journée parce que mon genou me fait déjà souffrir. Je voudrais être capable de rentrer en affichant une certaine dignité, et non en suppliant mes comparses de me porter jusque ma chambre.

Le nouveau venu a clairement l'insolence dans la voix ce qui te fait sourire intérieur. Tu adores cette attitude et tu aimerais adopter la même. Seulement cela ne t'es pas permis, lorsque tu es à l'université, tu as un rôle à tenir. Tu te contentes donc de saluer l'étudiant, ignorant royalement sa réflexion sur la tenue et sa question. Il faut dire que l'arrivée du dernier participant a littéralement transformé cette journée galère en cauchemar. L'étudiant Kô n'est d'autre que celui que tu as pris pour une femme. Malheureusement tu gardes un souvenir amène de la découverte de la vérité sur son compte. Ce que tu redoutes arrives, il s'approche de toi pour de parler à voir basse. Les rumeurs vont aller bon train à présent, tu en es certain. Tu soupires intérieurement, quel comportement adopté. Tu ne veux pas que les autres se fassent des idées. Néanmoins tu ne peux pas jouer les connards non plus. Heureusement la conversation continue et les présentations se terminent. Young Min avoue être volontaire puis retourne la question. C'est une bonne échappatoire pour éviter de répondre à Kô, auquel tu n'as répondu qu'avec un regard perplexe.

« J'ai la conscience tranquille, je fais ça pour la gloire. »

Tu esquisses un sourire amusé. Tu mens ouvertement, tu n'es pas tout blanc, cependant personne n'est au courant ici. Lorsque Young Min demande un programme, tu décides de sauter sur l'occasion. Tu n'as pas envie de te retrouver en duo avec ton erreur d'un soir, ni avec Nam Kyu que tes parents catalogueraient dans les personnes non fréquentables, vu son insolence. Tu admires ces personnes capables de se moquer du regard des autres, ce qui n'est pas ton cas. Tu reprends donc la parole à l'attention de Young Min.

« Tu peux être sûr qu'ils vont faire une photo souvenir à la fin. C'est avant tout un coup de markéting pour l'université, ils vont le médiatiser. On n'y échappera pas je crois. On commence par-là ? »

Tu indiques le bord de la berge, loin du rivage. Ce dernier, tu le laisses aux deux autres. Tu croises le regard de Kô, tu ne souris pas mais ton regard pétille de soulagement. Plus tu es loin de lui, mieux c'est. Tu ne sais pas comment il va utiliser ce qu'il sait sur toi. Ce n'est clairement pas le moment pour avoir une conversation sur le sujet avec lui. Pour l'heure tu réamorces une discussion avec Young Min partant sur des sujets classiques

« T'es en quelle section ? »

A entendre ses camarades, il fallait croire que Kyu était le seul à qui on avait imposé cette tâche. Légèrement surpris, sans pour autant le montrer, il observait les autres. Certains parlaient de conscience à soigner, d’autres de mention sur leur dossier. Il en venait même à se demander ce qui avait poussé leur chère directrice à le choisir lui. Parce qu’il n’était clairement pas un exemple pour ce genre de missions. Certes, il faisait en sorte de ne pas faire trop de vagues à l’université, gardait des notes correctes, mais ça s’arrêtait là. « Vous voulez dire que j’suis le seul couillon qu’on oblige à venir ? J’suis choqué ! » s’exclamait-il, même s’il gardait ce sourire sur le visage. Il fallait prendre les choses du bon côté. Même si pour l’instant, il n’en voyait pas vraiment. Bloqué avec des gens qu’il ne connaissait pas — ou à peine, à devoir faire du nettoyage de rue. Il était le premier à se dire qu’il avait bien mieux à faire, mais n’avait d’autre choix que de rester là. Observant son camarade pyobeom, il ne savait pas quoi répondre, se contentait simplement d’hausser ses épaules. « J’sais pas, mais tant qu’on peut s’bouger pour finir rapidement, ça m’va. » Parce qu’il n’avait clairement pas envie de passer sa journée entière ici, qui plus est dans cette tenue ridicule. Voyant Young Min et Azriel commencer à parler, Kyu s’était alors rapproché de l’autre jeune homme avec eux, toujours cet air enjoué sur ses traits. « J’vous admire, j’sais pas comment vous avez fait pour accepter de faire un truc pareil. » Haussant ses épaules de plus belle, le voilà à devoir se mettre à bosser, comme les autres. Et même si son manque d’envie était clairement flagrant, il se doutait bien, qu’il ne pourrait pas laisser les autres tout faire à sa place, bien malgré lui.

Visiblement, celui qu'il avait eu l'occasion d'appeler son Don Juan lors d'une soirée un peu trop arrosée ne semblait pas vouloir avoir à faire à lui. Ce n'était pas bien grave, Kô se doutait bien qu'il finirait par avoir la chance de se retrouver près de lui. Pourquoi conserver un malaise en soi alors qu'il était bien plus aisé d'en discuter ensemble ? Il laissait néanmoins ce choix à Azriel, préférant rire derrière sa main, amusé de cette situation improbable. Voyant donc Azriel s'approcher de Young Min, l'autre garçon, Nam Kyu, vint aussi vers eux et Kô répondit à ses propos :

« Je n'aime pas me salir, expliqua-t-il, mais il faut penser à son avenir. Quand les patrons verront ton implication là-dedans, ils en prendront compte. »

A son instar, il haussa doucement les épaules avant de rajuster les gants sur ses bras. Ses pupilles sondèrent quelques brèves secondes les abords du fleuve Han qui, clairement, ne ressemblaient pas à grand-chose. Les gens étaient assez irrespectueux, ce qui étonnait le Japonais. Il ne se souvenait pas avoir vu un tel bazar dans les rues de Tôkyô, pourtant la ville était immense et très peuplée. Finalement, le blondinet retourna son regard sur son interlocuteur et lui fit signe de venir avec lui, puisque les deux autres étaient partis un peu plus loin.

« Allons-y, dit-il, plus vite ce sera fait, plus vite chacun pourra retourner à ses propres occupations. »

Il adressa un sourire à Nam Kyu en repoussant une mèche de ses cheveux. Tandis qu'il commençait à ramasser des déchets pour les fourrer dans la poche poubelle qu'il avait en main, il joua la carte de la curiosité.

« Alors, comme ça tu as des choses à te faire pardonner auprès de l'université ? »