L’homme se laisse tomber dans son canapé en poussant un soupire de fatigue. Il était crevé. Sa journée avait été remplie de réunion, de cours, de correction, de situations chiantes à gérer et maintenant qu’il était chez lui … il n’avait qu’une envie : dormir. Mais ce soir il sortait avec Do Young et ce simple détail arrivait à lui redonner assez d’énergie pour se motiver. Il savait qu’il passerait une bonne soirée et qu’il arriverait à se délester de cette charge mentale que lui imposait son boulot. Il n’en accablerait pas son ami, mais le simple fait de rire et de penser à autre chose lui ferait du bien. Il passe une main dans ses cheveux et avise Dan Ha dans la cuisine qui finissait sûrement de se faire à manger. Il sourit ne coin en l’observant portant sa bière à ses lèvres et admire sa beauté envahir son espace avec une aisance appréciable. Il était dingue de cette fille, bien qu’elle soit jeune … ça n’avait jamais été un frein à leur relation. Maintenant qu’il savait en être amoureux, il voulait tout lui offrir. Tout. Il en oubliait tout ce qu’il avait voulu pour lui, pour sa mère et son oncle adoptif. Parfois il avait l’impression de les trahir, de les oublier, de manquer à sa parole … et parfois il se dit que c’est heureux qu’ils voulaient le voir … et aujourd’hui il avait tout ce qu’il fallait pour son bonheur. Un boulot, une petite amie qu’il aimait plus que tout, un loft qu’il avait su aménager à son goût et plusieurs repas chaud pour se nourrir. Bref, rien qui ne puisse le pousser à vouloir changer. Et pourtant … il se redresse et traverse son salon pour rejoindre sa petite amie qu’il enlace tendrement en venant lui dévorer la nuque de baisers tendres. Elle sentait encore le poulet fris de ses livraisons et ça ne lui donnait que plus faim d’elle encore. Il rit à cette pensée et vient chercher les lèvres de sa douce sans cacher son envie d’elle. Il aimait l’entendre rire, la voir tenter de s’échapper de son emprise pour finalement l’attirer avec elle sous la douche. C’était simple, léger, tout était parfait entre eux. Tout. Il se perdait dans la sensation que lui procurait son corps nu contre le sien et cette douche s’éternisa pour quelques plaisirs charnels délicieux et intenses. Il finirait presque par être en retard à son rendez-vous avec Do Young mais il savait aussi que son ami ne lui en voudrait pas. Bom Chan avait réellement beaucoup de mal à s’attacher aux autres, à faire confiance. Il lui fallait du temps et beaucoup, beaucoup de discussions pour réussir à tirer de lui une certaine loyauté. Loyauté que Do Young avait finalement réussis à tisser, on ne sait comment. Il était presque surprenant que Bom Chan ait pu, à son âge, ainsi se lier d’amitié avec quelqu’un, mais c’était un fait qu’il ne voudrait pas changer. Do Young était devenu important à sa vie et c’était désormais avec impatience qu’il retrouvait régulièrement son ami. Bom Chan s’était déjà confié sur sa période où il vivait dans la rue et il savait qu’il y avait encore beaucoup de choses que Do Young devait connaitre de lui mais (et c’est ce qui était le plus plaisant) ils avaient le temps d’apprendre à tout découvrir l’un de l’autre. Un dernier baiser pour sa belle et le voilà à conduire rapidement jusqu’au lieu de rendez-vous pour rejoindre le jeune coréen. Il se gare et entre dans le restaurant en se posant à une table, au vu de l’heure Do Young ne devrait plus tarder. Il leur commanda déjà de quoi faire griller de la viande et une bière pour lui.

un soupire, alors qu’il quittait ce bâtiment. do young se sentait vidé, à bout de forces. sa jambe était assez douloureuse pour le faire boiter, alors qu’il se dirigeait vers le parking non loin. venir pour la seconde fois à ce groupe de parole avait été éprouvant pour lui, bien plus qu’il ne l’aurait cru. si la première fois, il n’avait pas osé parler, cette fois on ne lui avait pas laissé le choix. il était resté vague, dans ses déclarations. n’avait fait que parler de cet accident, omettant tout ce qu’il avait détruit, en plus de son corps. ses rêves, ses aspirations. sa vie toute entière. pour autant, il n’avait su retenir ces larmes, même devant ces autres personnes, comme lui. d’autres gens, étant passés par de terribles épreuves. de lui-même, il s’était décidé, après de longues années, à assister à l’une de ces réunions, pourtant il n’avait pas la prétention de croire que ça pourrait réellement l’aider à surmonter ce traumatisme. il avait surtout besoin de voir, qu’il n’était pas le seul dans cette situation, aussi dramatique puisse-t-elle être. en regagnant sa voiture, quelque part, il se disait avoir eu raison, d’inviter bom chan à le retrouver pour manger. il n’aurait pas supporter se retrouver seul chez lui après une telle épreuve. épreuve qu’il s’était infligé à lui-même, sans être certain de pouvoir en parler à qui que ce soit. un soupire, il observait son reflet dans le rétroviseur de sa voiture. ses yeux rougis trahissaient les émotions par lesquelles il venait de passer, pour autant il devait déjà se mettre en route, s’il ne voulait pas être en retard. le chemin paraissait bien long, jusqu’au restaurant ou il devait retrouver son ami, malgré toute la concentration dont il faisait preuve pour conduire. ni la musique, ni les bruits des rues n’arrivaient à le soulager alors qu’il arrivait sur place. heureusement pour lui, do young avait rapidement trouvé une place non loin du lieu de rendez-vous. il s’était accordé quelques minutes supplémentaires, avant de se décider à sortir du véhicule, entrant directement dans le restaurant. au loin, il avisait la silhouette de son ami, tentait déjà un sourire. mais il savait qu’il n’allait pas être le plus convainquant. une serveuse arrivait rapidement à sa hauteur, alors qu’il lui précisait la table ou bom chan se trouvait. « salut. » avait-il simplement lancé à son égard, s’installant bien rapidement devant lui. « j’t’ai pas fait trop attendre j’espère. » ajoutait-il, comme si de rien n’était. pourtant, il se doutait que son visage trahissait ses émotions, qu’il avait encore du mal à cacher. un autre employé arrivait déjà à leur hauteur, déposant sur la table ce que son ami avait déjà commandé. à son tour, il demandait une bière, avant de reporter son attention sur le plus âgé. « comment ça va ? » demandait-il alors, espérant que sous une question simple, il saurait éviter tout questionnement de sa part. mais c’était mal connaître son ami, il s’en doutait. appréhendait déjà ce qui allait lui tomber dessus. pour autant, il ne pouvait plus reculer, et allait bien devoir faire avec, quoi qu’il en coûte.

Bom Chan se moquait bien de devoir attendre si c’était son ami. Il ne vit pas réellement le temps passer alors qu’il avait entreprit de griller la viande. Rapidement son ami le rejoint et en avisant son état que Do Young tentait de cacher Bom Chan détourna les yeux. Il ne voulait pas l’embarrasser, ni le gêner à son arrivée. Ils auraient toutes la soirée pour discuter de ce qui l’avait ainsi … dévasté. « Non du tout. » assure-t-il avec un sourire rassurant. « J’t’ai rien pris à boire parce que j’n’étais pas sûr de ce que tu voudrais prendre. » explique-t-il avant de porter sa bière à ses lèvres. Mais il pousse devant son ami le bol de riz qu’il lui avait commandé. La viande était encore trop peu cuite pour être mangée mais elle crépitait délicieusement sur le grille. Bom Chan n’était pas d’un naturel doué avec les mots et il avait appris à devenir observateur en gardant le silence et en observant les gens passer. Personne ne le voyait quand il était à la rue. Il n’avait jamais senti ça comme de l’exclusion mais plus comme un pouvoir, celui d’être invisible, d’être ainsi capable de voir le monde sans qu’on ne puisse se douter de son existence. Un avantage qu’il avait sur les autres, tout du moins c’était ainsi qu’il voyait les choses. Bom Chan avait appris, réalisé, qu’en restant silencieux et qu’en observant les autres (quand ces derniers ne se savait pas regardé) on pouvait en apprendre beaucoup sur les gens. Ceux qui cachaient leur mal être, ceux qui cachaient leur mensonge, d’autres qui se montraient sous leur vrai jour : monstrueux et sans limite. Alors à force de patience, Bom Chan avait appris à décoder les émotions, savait faire la différence entre quelqu’un de triste et quelqu’un de désemparé. Quelqu’un d’apeuré et quelqu’un d’inquiet. Aussi, lorsqu’il posait son regard le visage de son ami il ne put que remarquer les yeux rougis, le sourire pauvre et le regard lointain. Comme perdu dans des souvenirs, des pensées qu’il maîtrisait mal. Peut-être que Bom Chan se trompait, mais son ami semblait moins brillant qu’à l’ordinaire. Epuisé. Sur une comète qu’il était bien difficile de rattraper. Bom Chan porta son verre à ses lèvres en avisant son ami et souffla « Ça va, Dan Ha dort à la maison ce soir. » et Do Young savait que la simple présence de la jeune femme suffisait pour qu’il se sente bien, car depuis peu le monde de Bom Chan ne tournait plus qu’autour de la jeune femme. Une relation longue à se construire mais intense en sentiments et en émotion. Il aurait pu simplement lui retourner un simple et toi ça va ? mais cela n’aurait pas été à la hauteur de Bom Chan. « Tu veux qu’on fasse comment Do Young ? On fait semblant une partie du repas le temps que tu boives assez pour me dire ce qui ne va pas, ou bien je peux te poser la question maintenant ? » Bom Chan économisait toujours ses mots, ne savait faire semblant et se montrait toujours direct. Parfois peut-être un peu trop intrusif, mais chacune de ses propositions était sincère. S’il fallait attendre que son ami soit prêt pour parler il le ferait, mais il ne lui laisserait que la soirée pour se préparer. Il était bien trop compliqué pour le plus vieux de laisser repartir son ami en le sachant aussi pris dans le tourment de ses pensées. Et comme s’il cherchait à lui donner un coup de pouce, souffla « Commence simplement par le début quand tu seras prêt … en attendant goûte moi ça. » il lui servit alors des morceaux de viandes grillés qu’il déposa dans le bol de son ami, laissant le gras de la viande crépiter sur le grill.

loin était le temps ou do young pouvait encore danser, avoir cette sensation d’être entier, de pouvoir vivre de cette passion qui l’animait. il n’avait cessé d’y penser, tout au long de cette réunion. il n’avait cessé de revoir ses rêves et aspirations envolés. le tout par un chauffard qui n’avait pensé à rien d’autre que le besoin de rentrer chez lui, malgré l’état déplorable dans lequel il était. pendant longtemps, la seule personne à qui il avait réussi à en parler était son psychiatre. mais même avec toutes ces séances, tous ces anti-dépresseurs qu’on avait pu lui prescrire, do young savait que cet homme — pourtant là pour l’aider — ne pouvait pas comprendre ce qu’il ressentait exactement. alors il avait abandonné cette thérapie, après un long moment. inutile d’après lui, qui ne l’aiderait pas à avancer. mais il arrivait à un stade de sa vie ou tout ça devenait nécessaire. il avait accepté de travailler avec bo bae, avait déjà remis sa démission auprès de la guesthouse qui l’embauchait. il avait pris du temps, seul, pour analyser sa vie, là ou il en était. et il savait, qu’il ne pourrait plus se cacher bien longtemps. il devait affronter ses démons s’il ne voulait pas décevoir bo bae, les quelques amis qu’il s’était fait. bom chan en faisait partie. même s’ils ne connaissaient pas tout de l’autre, do young savait qu’il pouvait lui faire confiance. mais était-ce suffisant pour exprimer ce qui le tourmentait ? il en doutait encore. cette séance à laquelle il venait d’assister l’avait déboussolé, bien plus qu’il ne l’aurait pensé. il avait osé, parler de cet accident, à voix haute. de ce qu’il avait provoqué sur son corps. il s’était confié à des inconnus, à moitié. une sensation étrange qui continuait de le secouer, alors qu’il acquiesçait simplement aux mots de son ami. « ça a l’air de bien se passer avec dan ha, c’est cool. » malgré sa voix encore cassée par ses émotions, il tentait un sourire, sincère dans ses mots. il n’était pas surpris, de la façon qu’avait son vis-à-vis d’exprimer les choses. leur amitié n’était pas des plus vieilles, pourtant, il le connaissait assez pour ça. un soupire, alors qu’il passait un main sur son visage. au fond de lui, il savait, que c’était le moment ou jamais d’en parler. que s’il ne le faisait pas avec bom chan ce soir, il lui serait impossible de le faire avec qui que ce soit d’autre. récupérant la bière qu’on venait lui servir, il en buvait plusieurs longues gorgées. un moyen de se donner un peu de courage, alors qu’il piquait un morceau de viande que son ami venait de poser devant lui. quelques secondes supplémentaires, ou son regard se perdait sur la table, la nourriture qui leur faisait face. quelques gorgées d’alcool en plus, avant qu’il ose relever ses yeux vers son ami. « j’reviens d’une réunion. un groupe de soutien. » soufflait-il simplement. ses coudes posés sur la table, il prenait son visage entre ses mains, avant de les laisser retomber sur le bois. « j’t’ai déjà parlé de mon accident ? » non, bien sur que non. il l’avait simplement évoqué, lors de discussions qu’ils avaient pu avoir. mais jamais, il n’était entré dans les détails. jamais, il n’avait évoqué tout ce que ça avait chamboulé dans sa vie. n’avait réussi à le faire avec personne, finalement. bo bae avait beau savoir que ça l’avait brisé intérieurement, mais jamais elle ne s’était douté des séquelles qu’il abordait, dont il se cachait du mieux possible. jamais il n’avait osé prononcer ces quelques mots, face à des personnes dont la présence était importante dans sa vie. cet homme a détruit ma vie. bien plus que vous ne le pensez. qu’importe ce sourire que je peut parfois aborder. les séquelles qu’il a laissé sur mon corps sont irréversibles. mais ce soir, il fallait que ça change. il fallait que ces mots sortent. qu’il exprime clairement ce qu’il s’était passé. et peut-être qu’en commençant à en parler avec bom chan, alors il arriverait plus facilement avec les autres. il l’espérait tout du moins, même si ce n’était pas gagné d’avance.