Pas léger qui frôle doucement le parquet, discret, silencieux, son souffle trouble cette atmosphère pesante et interdite. Son doigt longe lentement les feuilles de papier qui fourmillent contre sa pulpe. Le cœur lourd, le nord-coréen lâche un soupir. Son regard figé sur ces mots, ces dossiers qu’il a trop souvent ignoré. Un battement plus certains, son pouls s’accélère alors qu’il repense à sa sœur. Ce minois triste, ces yeux qui parlent pour elle… Miso lui ment. Et ce depuis des jours entier. Si Hwan avait eu ses propres secrets ces derniers temps. Il refusait que sa jumelle en fasse autant. Il le devinait à ses gestes, ces paroles… cette voix qu’elle prenait. Que caches-tu Miso ? pense-t-il encore, alors qu’il se penche méticuleusement sur ces dossiers qu’elle refusait de lui montrer. Il avait usé de ses talents pour entrer dans sa chambre. Des espaces que chacun d’eux respectaient, jamais aucun ne s’immisçait dans l’intimité de l’autre. Mais cette fois-ci le garçon ne respectait plus ces règles tacites entre eux. Il devait savoir… comprendre pourquoi elle était si étrange et mystérieuse. Les affaires du clan surement, mais il n’était pas dupe pour se satisfaire d’une telle conclusion. Il déglutit, fronce les sourcils en trouvant une pochette plus lourde que les autres. Le simple fait que sa sœur le laisse ici à l’abri de son regard à lui, prouvait l’importance de cette chose entre ses doigts. Il se redresse, l’ouvre d’un geste fin presque symbolique. Hwan joue une scène, comme à son habitude, il ne veut rien laisser au hasard. Et s’il pouvait se perdre dans le rôle du frère, il devenait Su Hwan le tueur à cage, celui sur qui on pouvait compter pour sa discrétion et son expertise. Se laissant prendre à son propre jeu, il fronce les sourcils, observe les pages qu’il glisse religieusement entre ses doigts. Il n’a pas allumé la lumière, surement pour rester discret. Mais il savait que si sa sœur le trouvait là, il ne trouverait aucune excuse à lui servir sur un plateau. A cette idée il aurait grimacé si son regard n’avait pas croisé une photo. Celle d’un homme, qui lui fait manquer un battement. Frisson qui lui parcours l’échine, il la retire du trombone, se tourne vers la lumière de l’extérieur et sent subitement ses doigts se crispés. Un visage dont il se souvenait… un regard qu’il n’oublierait pas. Cette nuit-là… la pire de toute. Celle qui avait changé leur vie, et qui avait couté celle de son père… il se souvient l’avoir vu face aux femmes, tandis que lui devait s’éloigner avec l’homme qui lui avait tout donné. Adolescent perdu et déboussolé, alors que ses pas devenaient plus lourds. Son visage tourné vers sa mère et sa sœur… la peur lui retournait l’estomac tandis que son père attrapait sa main plus fermement. « Viens Hwan. » des mots qui tranchaient, un ordre auquel il se devait d’obéir. L’image des femmes de sa vie qui s’éloignait… devenait plus floue dans sa mémoire. Et cet homme il avait croisé son regard, juste quelques secondes… mais il savait que leur destin était entre ses mains. Quelques secondes, tout au plus… où il se replonge trop longuement dans cette nuit folle. Il pince ses lèvres, ferme les yeux, alors qu’il sent les larmes lui monter… et cette image qui le hante encore trop souvent. Celle de son père, qui s’écroulait pour le sauver lui… émotion qui le traverse, sa gorge se serre, avant qu’il ne laisse échapper un soupir derrière ses lèvres tremblantes… Ils s’étaient juré de ne jamais en reparler. De laisser tout ça derrière eux… mais il avait en face de lui un vieux souvenir. Quand il rouvre les yeux, il pense pouvoir se libérer de ce poids, mais il n’est que plus lourd en constatant que Miso faisait des recherches. Des mots, des lieux, des notes écrites… qui devenaient de plus en plus précises. Et il sent brusquement cette colère monter. Un claquement de porte… il sait qu’elle est là. D’un geste il referme le dossier, le tiens fermement entre ses doigts rudes. Puis il se dirige vers le salon, ne manque pas de faire remarquer sa présence en sortant de la chambre de sa sœur. Miso est là… surement surprise. « C’est quoi ça ? » parce qu’il ne ressent aucune douceur. Face à ce mensonge, ce souvenir qui le ronge subitement. « Miso a quoi tu joues ? » il est déjà oppressant. Lui qui s’avance d’un pas menaçant vers elle. Jetant le dossier sur le comptoir de la cuisine, il se passe une main nerveuse dans ses cheveux. Parce-que Hwan ne peut être cet homme sans cœur face à elle. « On avait dit qu’on ne fouillait plus rien sur le passé. Pourquoi tu cherches des trucs sur ce type ? » Il ne lui laisse aucun répit. Trop insistant, Hwan est inquiet. Colère et nervosité se mêlent, alors qu’il fait face à elle. Se postant devant sa sœur, il serre les dents « J’étais obligé… tu me mens depuis des mois… » une raison à son geste.

Miso fixait la rue à travers la fenêtre de son bureau. Son verre entre les mains elle le faisait tourner perdue dans ses pensées. Elle le bu cul sec en grimaçant et reposa son verre sur le bord du meuble a porté de bras. Ce soir elle sait qu’elle doit se remettre en question, faire un choix, qu’elle doit réfléchir à tête reposée et qu’elle doit rester vigilante. Elle ne l’est plus depuis quelques jours, à tel point que ses pensées deviennent floues, se perdent vers Aciel sans qu’elle ne puisse réellement y faire quoique ce soit. Elle déteste cette sensation de perdre le contrôle. Elle ne devrait pas laisser un homme l’obséder autant, enivrer la moindre de ses pensées et lui voler ce qui lui reste de lucidité. Elle avait tellement de choses à gérer, surtout en ce moment, alors à quoi jouait-elle ? A quoi jouait-elle à attendre ses messages, à quoi jouait-elle à guetter ses appels, à s’inquiéter de ce qu’il pouvait faire, pensait-il à elle ? Chercherait-il à la revoir bientôt ? Lui manquait-elle ? Lui aussi était-il en manque de leur discussion, de ces regards dans lesquels ils se perdaient longuement … et sa bouche … Miso pince ses lèvres rageusement avant de se détourner vers son bureau. Il lui restait encore des choses à gérer et elle les ferait avant de rentrer. Comme une to do list qu’elle s’efforcerait de vider pour se donner bonne conscience. Elle repousse cette bouteille, cela ne servait à rien de boire davantage. Elle n’avait bu qu’un verre mais déjà son ventre lui brûlait. Elle avise son arme et encore une fois se perd dans cette vision que lui offrait cet homme. Aurait-il peur d’elle s’il découvrait à quel point son âme était noire ? Elle soupire et range son arme dans son tiroir. Concentre-toi, se maudit-elle avant de se plonger pour le reste de l’heure dans ce qui lui restait à faire. Au moins, épuisée, elle arrivait à ne plus penser à lui trop souvent (mensonge) et rentrait chez elle pour retrouver son frère. S’il était là … depuis quelques jours il était aussi absent qu’omniprésent. Elle savait qu’elle lui avait donné des missions corsées mais il y avait autre chose. Elle le sentait, tout comme il devait sentir qu’elle se perdait dans des pensées qu’elle devrait fuir. Elle glisse une chewingum fraise dans sa bouché, son bonbon préféré et monte à l’arrière de la voiture qui la ramène chez elle. Elle ne rêve que d’un bain, mangerait peut-être des nouilles si elle avait le courage et dormirait en tentant que demain ne vienne pas trop vite. Elle n’aurait jamais cru que ce qui l’attendrait chez elle soit un Hwan en proie à une vérité qu’elle n’était pas prête de lui dévoiler. Elle lui face, vacille face à ce qu’il lui montre, à cette vérité qu’il réclame et soudain tout va trop vite. Elle grimace, recule, s’adosse à la porte uniquement pour ne pas tomber. Dans le fond elle se fiche bien qu’il ait pu fouiller, elle n’avait pas à lui mentir dans un premier temps. Elle n’était pas du genre à fuir ou à lui en vouloir pour une chose dont elle était coupable. Elle mordille sa lèvre et le voit s’avancer, menaçant, dominateur. Que pouvait-elle face à son frère ? Elle fixe le dossier jeté négligemment sur le comptoir « C’est pas comme ça que je voulais que tu le saches. » souffle-t-elle en déglutissant. « Je sais je t’ai menti … » elle pose une main sur son torse pour l’apaiser, remonte doucement jusqu’à sa joue et lui caresse pour qu’il détourne son attention de ce dossier et ne se focalise que sur elle. « Je n’aurais jamais dû te cacher ça … Mais c’est quelques choses que je dois régler toute seule Hwan … » tu comprends ? Evidemment que non il ne pourrait comprendre qu’elle veuille faire une chose aussi importante seule. Mais elle n’était pas prête à lui avouer la vérité. Pas ce soir, mais elle savait qu’il ne lâcherait rien. « Va falloir que tu sois patient sur ce coup-là, grand frère. » murmure-t-elle en se décollant de la porte pour fuir son ascendance sur elle. Trop fatiguée, elle ne pourrait lutter contre lui. Elle ne cherchait qu’à gagner du temps. Elle s’éloigne et laisse glisser sa main sur son torse comme pour lui faire comprendre qu’elle ne voulait pas le fuir outre mesure, juste qu’il lui accorde quelques minutes de répits.

Doux souvenir d’une sœur si jolie, innocente et frêle. Il aimait entendre ses rires, revoir l’image de leur famille. Ils étaient beaux… Tu t’en souviens… lui crie ce regard si perçant. Celui qu’il pose sur elle. Pour savoir et comprendre. Mais elle n’est pas apte à lui dire. Et ces gestes aussi tendre que déconcertant le rendent fragile. Il ne peut abdiquer. Pas aussi vite avec elle… cœur meurtrit, il palpite, alors qu’il cherche son souffle. Le mensonge n’est rien, face à ce qu’elle cache. C’est le fait de savoir, qui le tue le plus. De comprendre qu’elle ne veuille pas lui dire. Et ça le bute lui, qui s’est toujours promis de la protéger. Il reste longtemps debout, sa main serrée. Les pensées rampantes d’un espoir fou. Il se perd dans ce dossier qu’il fixe encore. Ces images le rongent… lui le gosse qui espérait une meilleure vie. Regarde nous… pense-t-il. Sans jamais oser lui avouer. Il se tourne finalement, l’observe encore de loin. Et il a froid… car il la sent loin. Mentalement, elle n’est plus là… tout comme lui. Perdu chacun dans des vieux souvenirs qu’ils n’osent évoquer. Il inspire, cherche un courage qu’il n’a pas vraiment. Homme de poigne, face à Miso il n’est rien. Qu’un grand frère inquiet… et il s’avance. « Patient. » répète-t-il comme un fou. La patience ça le connait... mais pas quand il sent cette angoisse montée. De quoi a-t-elle peur? Sont-ils devenus des étrangers ? Il le sait. Ni elle ni lui ne sont présents pour l’autre ces derniers temps. Ils se mentent, s’inventent des histoires. Et si elle savait… je suis tombé amoureux Miso… des mots qui ne franchiront jamais ses lèvres charnues. Et il s’en mordille la joue, lui qui est si impassible face aux autres. Devant sa sœur, il persiste, devient humain. « Je t’ai négligé n’est-ce pas ? » d’une voix fragile. Sous l’émotion, il l’observe. Encore de loin, sans oser aller vers elle. Il se sent en faute le garçon. Coupable d’avoir été égoïste… avant Sawan, Miso passait avant tout le reste. Mais ces derniers temps il n’avait eut d’yeux que pour elle. A s’éloigner de cette fille, la première à avoir fait battre son cœur… Peut-être est-ce ça qui la dérange ? Leur distance. Son absence à lui… patient… il le sera, mais pas si c’est pour qu’elle souffre loin de lui. « Tu ne me fais plus confiance. » il est catégorique. Toujours trop puissant dans ses sentiments. Hwan ne sait mesurer l’amour qu’il porte aux femmes de sa vie. Sa mère, Miso… et aujourd’hui Sawan. Se sentant coupable, il détourne les yeux. Reste près de ce bar. Il ne peut rien lui reprocher. Il sait qu’il a fauté. « Il n’y a rien que tu puisses régler seule. Et tu le sais. » Ce n’est pas un reproche. Un rappel surement. Ils sont deux. Dans cette vie, dans cet enfer qu’elle a choisi. Alors il est parfois dur, trop sûr de lui. Mais il n’y peut rien. Tuer l’a conditionné. A être plus fort que les autres. A avoir le dessus sur elle. Il est et restera le seul à pouvoir la protéger. Qu’elle se sente abandonner ou non. Ça ne changera rien à ce fait. « Dis-moi. » il ordonne cette fois. Blessé, mais surtout inquiet. Il n’a d’autre moyen que de se défendre. De cette façon. D’avoir l’air si certains. Elle a l’air triste… cette lueur dans ses yeux. Il ne sait pas quoi y lire. Quelque chose troublant. L’angoisse monte encore, et le voilà qui se sent oppressé. « Dis-moi Miso. » ça le ronge. Ça le rend ivre. Ne voit-elle pas qu’il a peur ? Il ne sait pas attendre. Brusque, il se rapproche, se remet à crier « Dis-moi bordel !!!! » parce-qu’il sait, il y a quelque chose de plus fort qu’elle.