Minjun avait un péché mignon et il en avait parlé à personne. Il ne savait pas ce que les gens pourraient penser de cela, alors, il se taisait. Il aimait la littérature dites féminines. Tous les livres à l’eau de rose qui lui passaient par la main, finissaient dans sa bibliothèque. Il avait une quantité impressionnante de livres de ce style dans la maison de ses parents. Il disait toujours que c’était pour sa mère alors qu’en réalité, il était le premier à lire tout ça. Bien entendu, sa mère les lisait mais bien après son fils. Mais ce n’était pas sa faute. Jun rêvait d’un amour sincère et aussi torride voire même destructeur que ce qu’il lisait dans ces pages. Sauf que pour le moment, les seules filles avec qui il était sorti n’avaient pas été à la hauteur. Il y avait toujours quelque chose qui manquait, quelque chose sur laquelle il n’arrivait pas à mettre le doigt. Cependant, il ne décourageait pas, convaincu qu’il finirait par trouver l’amour dont il rêvait tant et pour lequel il brûlerait de désir. En attendant que ce soit le cas, il préférait se plonger dans les livres de romance. Quand il n’était pas plongé dans un livre concernant l’Egypte, c’étaient des histoires comme Twilight qui faisait battre son cœur.

Et aujourd’hui Minjun avait eu envie d’en trouver d’autre et quel était le meilleur lieu pour ça ? Le club de littérature bien entendu. Il aurait pu aller à la bibliothèque, mais il y avait sûrement trop d’élèves pour ça. Alors que le club ne serait pas si peuplé que ça. Enfin, il espérait.  Il s’avançait donc dans les couloirs, souhaitant ne trouver personne. Jun ne voulait pas avoir l’air suspect mais justement c’était avec son comportement que ça le rendait suspect. Il regardait autour de lui comme s’il était suivi et observé, alors que personne ne le faisait. On aurait pu croire qu’il était fou, mais ce n’était pas le cas. Il n’avait juste pas envie que son secret soit révélé. Une fois arrivé devant le club, il se risqua à regarder une dernière fois autour de lui, avant de s’engouffrer à l’intérieur. Cela semblait vide. « Y a quelqu’un ? » Sa voix n’était qu’un simple murmure et il n’était pas sûr que si quelqu’un était dans la pièce il l’entende. Il reprit donc d’une voix plus forte et légèrement plus déterminée. « Y a quelqu’un ? »

Les choix de Ji Hoon étaient – trop – souvent spontanés. Raison pour laquelle il aurait certes pu aller à la bibliothèque, mais se retrouvait plutôt dans la classe réservée au cercle littéraire. Ou club de littérature. Peu importe comment ils l’appelaient ici. Ils avaient toujours des noms différents. Tant que ce n’était pas un machin du genre « les petits rats de la littérature », il survivrait. C’était vide. Il ne connaissait pas les heures de réunion, mais nul doute qu’il serait entré même s’il y avait eu des membres. La gêne, il ne connaissait pas. En même temps, on ne devient pas une idole reconnue de par le monde, frontman d’un groupe de musique qui plus est, en étant la personne la plus timide sur terre. Bref… il trouverait sûrement le dernier livre de Huang Liwei à la bibliothèque, mais il avait eu la très forte envie de le lire en passant devant le club de littérature alors le voilà.

Il y avait un mur recouvert de livres. D’autres traînaient ça et là. Peut-être les lectures des prochaines semaines ou celles des semaines qui étaient déjà passées. Ou des mois ? Ça leur prenait combien de temps, lire un livre, à ces rats de bibliothèque ? Le professeur de chant s’arrête devant une dizaine d’exemplaires du livre qu’il cherchait. Bingo ! Ses mains se referment sur un d’entre eux… et au même moment, il sursaute, comme pris la main dans la jarre à biscuit ! Une petite voix se faisait entendre et putain, s’il avait su qu’il ferait peut-être un jour une crise cardiaque à cause d’une voix aussi délicate ! Il ne répond pas immédiatement. Peut-être que l’autre allait se lasser… mais apparemment pas et du coup, la voix beaucoup plus puissante du chanteur répond à l’indésirable.

« Eh, je faisais juste emprunter un livre, ok ?! »

Il se retourne… et apparemment, il n’était pas le seul à avoir été surpris. Eh bien décidément.

« On dirait que tu as vu un fantôme. C’est quoi le problème ? Rentre. Tu peux plus te défiler maintenant que tu es là. Toi aussi tu venais voler un livre ? Aller, avoue. Entre voleurs, on se comprend. »

Oui, il se foutait un peu de la gueule du garçon. Mais gentiment ! Il avait toujours été taquin. C’était juste parfois un peu difficile de le comprendre sous ses airs revêches.

« Qu’est-ce que tu venais chercher ? Moi, c’était le dernier de Huang Liwei qui m’intéressait. De l’horreur et du suspens. Rien de mieux pour se faire bien peur avant d’aller au lit. »

Ce disant, il lève le livre, pas du tout gêné d’avoir été pris sur le fait, finalement.

Ses goûts en matière de livres n’étaient pas connus de beaucoup de monde. Minjun avait peur du jugement si ça venait à se savoir. Lui le garçon qui passait plus de temps à parler de l’Egypte que de lire d’autres bouquins, si on savait qu’il affectionnait particulièrement les romances où l’héroïne n’était qu’une idiote qui ne savait soit pas choisir entre deux hommes ou alors faisait constamment les mauvais choix dans sa vie professionnelle que privée. Ce n’était pas vraiment une honte, mais disons qu’il préférait que ça ne s’ébruite pas parce qu’il n’aimait clairement pas les remarques et savait qu’il en prendrait inévitablement. C’était pour cette raison que Jun venait en chercher dans la bibliothèque du club de lecture parce que ça passait plus inaperçu que dans la bibliothèque du campus. En effet, il n’y avait ici aucune trace des allées et venues des livres. C’était ce qui l’attirait donc dans le fait de venir se servir ici. Cependant, il venait le plus souvent la nuit de peur de se faire attraper et prendre la main dans le sac. Ça le faisait passer pour un voleur et il en avait conscience. Mais il avait la meilleure parade. Si jamais on venait à lui dire quelque chose, il pourrait tout simplement faire comme s’il était somnambule ou une connerie dans le genre. Est-ce que ça passerait ? Il n’en était pas certain mais au moins, il aurait tenté.

Minjun entra donc dans la pièce, appelant pour voir s’il y avait quelqu’un. A cette heure de la nuit, ce serait un comble pour qu’une personne ait eu l’idée de venir dans ces lieux. Mais on était jamais trop prudent. Il réitéra donc sa question, parlant plus fort. Jun sursauta, manquant de hurler quand une vois lui répondit. Il regarda la personne et sentit presque ses jambes se dérober sous ses pieds alors qu’il les percevait être faibles. Il déglutit en l’entendant reprendre la parole. « Je ne suis pas un voleur ! » se surprit-il à se justifier avant de reprendre. « Vous faites peur dans le noir comme ça. » Minjun ne put s’empêcher de relever ce fait, utilisant automatiquement le vouvoiement pour s’adresser à lui qui semblait bien plus âgé, alors qu’il mâchouilla doucement sa lèvre inférieure. Il le laissa reprendre la parole et haussa les épaules. « C’est pas trop mon truc l’horreur et le suspens… Je cherchais quelque chose en rapport avec l’Egypte. » Il n’allait quand même pas avouer qu’il voulait trouver un livre dans le style de Twilight et de toutes ces histoires-là. « Ça vous arrive souvent de vous balader la nuit comme ça dans la fac et faire peur aux élèves ? » Il demandait alors qu’il était lui-même en tort. Minjun aurait du être dans son dortoir en train de dormir, pas d’être dans le club de littérature en train d’essayer de prendre un livre.

Ji Hoon ricane devant la nervosité apparente du gamin. Outré de s’être fait traiter de voleur ? Il fallait se calmer… Il blaguait ! Il aurait été beaucoup moins gouailleur s’il avait vraiment cru avoir affaire à un petit voleur du dimanche. Ça l’amuse quand même, cette petite protestation quant à l’obscurité dans laquelle ils étaient plongés. Oui bon… Ça ne devait pas améliorer ses airs de bulldog habituels ! Alors Ji Hoon s’approche du jeune homme. Mais il bifurque au dernier moment pour atteindre l’interrupteur contre le mur, près de la porte. Il l’active. Les néons au plafond s’allument, baignant la pièce d’une lumière trop crue.

« Tiens. Maintenant on va juste prier pour que personne ne vienne voir ce qu’on fiche ici…! », taquine Ji Hoon. Lui avait déjà son livre, alors ça allait ! Il le glisse d’ailleurs dans la poche intérieure de sa veste. Il préférait les belles versions grand format habituellement, mais ce format poche avait des avantages décidément. « Hein, l’Égypte ? »

C’était drôlement précis, comme recherche ! D’ailleurs…

« Un documentaire ? C’est à la bibliothèque que tu devrais aller pour ça. C’est pas ici que tu vas trouver quelque chose. », fait remarquer l’enseignant en chant, un peu suspicieux pour le coup quand même ! Drôle de truc à chercher au club de lecture. « T’es sûr que tu cherches un truc sur l’Égypte ? Parce que t’en as pas l’air. »

Ça lui arrache un petit sourire en coin, malicieux, mais pas méchant.

« Ça va, il est pas minuit non plus. T’as eu si peur que ça ? C’est moi qui devrait te disputer. C’est moi le prof. »

Mais bon… Ji Hoon n’était pas de ces profs qui étaient très à cheval sur les règles. En fait, il ne l’était plutôt pas assez…!

« C’est quoi ton p’tit nom ? »

Tant qu’à discuter…!

Minjun n’avait pas réellement l’habitude de se promener la nuit dans les couloirs de la fac, sauf quand il avait envie de lire un livre à l’eau de rose. Il n’y avait, normalement, personne aux heures où il se faufilait dans le club de littérature pour récupérer ce dont il avait besoin. Il n’avait pas vraiment honte de ses lectures, mais il n’avait pas envie que certains de ses amis apprennent ce qu’il lisait. Alors quand il avait vu le plus vieux devant lui, il avait pris peur et fut outré d’être comparé à un voleur. Ce n’était pas le cas. Il n’empruntait que ce qu’il voulait lire et revenait le rendre quelques jours après, une fois qu’il l’avait fini. Jun se recula au fur et à mesure que le plus vieux se rapprochait de lui et serra les poings, près à répliquer s’il s’en prenait à lui avant de cligner des paupières à cause de la lumière bien trop forte pour ses yeux. Il resta quelques instants à le faire, n’ayant clairement pas l’air intelligent sur le visage. Un éclair de panique passa dans son regard quand il mentionna le fait que d’autres personnes pourraient venir ici. Nerveusement le jeune homme se mordit la lèvre. « J’espère pas… » Il n’avait clairement pas envie d’expliquer sa présence sur les lieux.

Il finit par donner une fausse raison à sa venue dans le club. Au lieu de parler des livres romantiques qu’il voulait, il parla de l’Egypte. Ce n’était clairement pas ici qu’il devrait chercher pour les avoir, mais ce n’était pas grave, il n’avait pas pensé à autre chose sur le coup à cause de la surprise de trouver quelqu’un avec lui mais aussi la panique de se faire questionner. Il vit bien que ça ne convainquit pas la personne en face de lui, mais il n’avait malheureusement pas eu mieux sur le moment. Son esprit était devenu blanc l’espace d’un instant. « Je cherche bien un livre sur l’Egypte… » Il le regarda avec attention, un air innocent sur le visage alors qu’il reprit. « Qu’est-ce qui vous fait dire le contraire ? » La suite sortit sans qu’il n’y réfléchisse réellement et la réponse de l’enseignant le fit grimacer légèrement. Il n’avait pas tort, c’était lui le professeur, il avait donc tous les droits de le réprimander pour se promener si tard dans les couloirs de la faculté. « Oui… Vous m’avez fait peur. Je pensais être seul. » La vérité passa enfin la barrière de ses lèvres alors qu’il se gratta la nuque, gêné par la tournure que les événements prenaient. Le plus vieux lui demanda de se présenter et il le regarda légèrement suspicieux. Est-ce qu’il voulait le coller parce qu’il était hors de son dortoir dans la nuit ? C’était possible, mais il avait son visage, sans son nom, il mettrait certes plus de temps à le faire, mais il l’aurait quand même. Alors, autant ne pas retarder l’inévitable. « Je m’appelle Minjuun… Et vous ? Vous êtes prof de quoi ? » Parce que Minjun n’avait pas souvenir de l’avoir vu dans les couloirs de son bâtiment.

Jihoon irait sûrement en enfer pour ça, mais devant le minois hébété du garçon, il a peine à retenir un rire, qui se mue définitivement en rictus un brin moqueur. Désolé… mais c’était comme découvrir un diable dans sa boîte en allumant cette lumière. Sauf que le diable était un genre de hamster mignon et inoffensif avec l’air un peu idiot. Il le pensait avec autant de gentillesse que faire se peut ! Jihoon arque un sourcil, toujours amusé, comme pour signaler que non, effectivement : il n’espérait pas non plus. Décidément… quelle rencontre, ce soir. Bon par contre… le prendre pour un idiot, ça allait bien deux secondes mais franchement…

« Tu mens. »

C’était tombé de façon assez sèche et pourtant, Jihoon évoquait cette possibilité comme si c’était plutôt un fait et surtout comme s’il avait parlé de la météo. Il n’était pas outré par ce mensonge. Mais tirant une chaise, il s’installe dessus de façon beaucoup trop décontractée pour faire aussi professoral qu’il le devrait sûrement, vu son rang dans cette université pompeuse.

« Si tu savais l’expérience que j’ai dans le mensonge. J’ai menti. On m’a menti. Toute ma vie. », explique-t-il tout en promenant une main dans les airs comme s’il conduisait un orchestre symphonique délicieux. Mais il parlait de mensonge. Parce que c’était comme ça. Les êtres humains mentaient harmonieusement. Ils étaient faits pour ça. « Il en faut plus que quelques mots mal assurés pour me convaincre, maintenant. »

Il y avait au moins ça de positif. Si ce n’était que ça lui permettait juste de détecter les gamins qui venaient le soir tombé dans le club de littérature pour ne pas trouver de livres sur l’Égypte. Si ça se trouvait, il était un détecteur à gosses qui venaient se branler en cachette. Après tout, les dortoirs, c’est tout sauf pratique. Mais il préférait ne pas penser à la vie sexuelle balbutiante des jeunes premiers de l’Université. C’était mieux. Histoire de préserver sa santé mentale.

« Moi c’est Jihoon. Prof de chant. Rien de sérieux, comme tu peux voir. »

Il faisait moins peur qu’un prof de philo… n’est-ce pas ??

Se faire traiter de menteur ne convenait pas à Minjun. Pas du tout même et ce même si c’était la vérité et qu’il était réellement en train de le faire. Il aurait pensé que son mensonge et le fait qu’il cherchait un livre sur l’Egypte passerait. Mais ce n’était clairement pas dans le club de littérature qu’il aurait du le chercher. Ce n’était donc pas étonnant que le plus vieux ne croit pas un mot de ce qu’il disait. Pire encore, il avait réussi à déceler le mensonge bien trop rapidement à son goût. En même temps, il n’avait pas eu le temps de penser à autre chose. Minjun s’était cru seul dans le club et au final, ça n’avait pas été le cas. Il avait paniqué et inventé quelque chose rapidement. Seulement, ce n’était pas assez crédible. Jun voulut répliquer mais le plus vieux reprit la parole et il grimaça un peu plus en l’entendant. Il ne pourrait donc pas se sortir de là avec un mensonge. Mais il n’avait cependant ni l’envie ni l’obligation de lui dire la raison de son escapade nocturne dans le club de littérature. « Je ne mens pas… C’est juste que je ne m’attendais pas à un professeur ici. » Minjun tenta un nouveau mensonge, espérant que cette fois-ci ce serait la bonne et qu’il le croirait. Lui-même ne s’attendait pas à ce que ce soit le cas. Il le souhaitait juste très fort.

Il finit par se présenter et Jun apprit le prénom ainsi que la matière que le professeur assis en face de lui exerçait. C’était un prof de chant. Effectivement, il n’avait rien de conventionnel. Minjun attendait plus de sérieux et de prestance d’un professeur d’une matière plus importante. Il aurait très certainement mal vécu le fait de le savoir professeur de maths, d’économie ou même de langue. Le chant ce n’était pas quelque chose d’important ou même de bien intéressant. « Je vois ça effectivement. » Il n’osa pas dire qu’il pensait que ce n’était pas réellement sérieux, parce que si lui le disait, il ne souhaitait peut-être pas que quelqu’un d’autre le dise. Jun l’observa alors plus minutieusement et fronça les sourcils. « Vous êtes pas une star ? Enfin un idol ? » Il pencha la tête sur le côté, comme un chien, presque sûr de ce qu’il avançait. Il avait du voir sa tête sur des magazines et à la télé. « Qu’est-ce que vous faites en tant que prof ici ? » Il ne suivait pas les groupes de kpop ou même les carrières des artistes coréens plus général. Il écoutait leur musique de temps en temps mais n’était pas un fan qui suivait tout ce qu’ils faisaient.