qu'il est beau, ce paradis. il est peint de ces couleurs tant chéries, toujours aussi éclatantes malgré le temps qui s'effrite sous ses doigts.

qu'il est beau, ce jardin. l'odeur d'un parfum que l'homme eut appris à s'amouracher. cette même odeur dont il ne semble plus pouvoir se passer, tant les souvenirs s'accrochent à cette essence.

oh qu'il est terrible, cet éden. si effrayant quand les souvenirs s'entremêlent, le goût de l'amertume était toujours aussi présent au fond de son être. l'habitude, peut-être, de voir l'éternel s'éteindre sous ses yeux. et si jusqu'à présent, yanjun ne s'en était jamais vraiment soucié, suwon changea bien vite ses croyances.

c'est la peur au ventre, que le garçon s'avoue son présent. la peur de voir l'être aimé s'effacer sous le joug du tic tac infernal. la peur d'en faire toujours trop, de s'accrocher plus qu'il ne le devrait.

avant ce soir.
car ce soir, ces maux s'apaisèrent. pour un temps, peut-être. ce soir, le cristal borda sa vision, le cœur étouffé par cet amour retenu captif en son sein. il l'aime. il l'aime si fort au point où la limite parait infime, voire inexistante. il l'aime si fort, qu'il ne put s'empêcher d'imaginer son avenir à ses côtés, et souhaitait le concrétiser. leur appartement n'était qu'une étape. il ne tenait qu'à eux de dessiner la suite. une suite que yanjun avait hâte de définir avec suwon. une suite qu'il voulait pouvoir créer maintenant. mais c'était impossible, n'est-ce pas ? c'était bien trop tôt. pour eux, dans leur individualité. mais aussi pour leur couple. yanjun ne voulait pas commettre les mêmes erreurs que ses géniteurs. il voulait faire les choses bien, par amour pour suwon, et pas respect pour lui. car il mérite le monde. il mérite tant de belles choses qu'il n'est même pas certain d'être capable de lui offrir. c'était, là, une torture quotidienne que le garçon s'infligeait.

pardon j'ai fait au plus vite... il n'aurait pas dû partir, ce soir. il aurait voulu rester avec suwon. passer leur soirée ensemble, comme ils en ont tant l'habitude. mais c'était sans importance, maintenant. il pouvait à présent se réfugier dans ses bras tant manqués, un désir qu'il réalisa aussitôt la porte du dortoir franchi. je t'aime.... je t'aime tellement..... les lèvres qui s'expriment, retranscrivent ces mots à l'encontre de ses jumelles. des millions de baisers que l'homme appose sur ce visage poupon. qu'il est beau, suwon. il pourrait passer des heures à l'observer, si c'était seulement possible. dis.... tu pensais tout ce que tu disais par message...? car c'est important pour lui. c'est important, tant le sens de ses propres mots s'étaient réfugiés depuis quelques jours, à présent, au fond de l'une de ses poches. yanjun avait besoin de savoir, afin de déterminer quel chemin il devait prendre, maintenant.

Rien n’avait jamais été aussi facile qu’écrire ces quelques mots, sur l’écran de son téléphone. Suwon savait que s’exprimer de cette façon, c’était se rendre vulnérable. Il savait que jamais au cours de sa vie il n’avait été aussi prêt à se livrer corps et âme à une autre personne, pas même à Haena, et surtout pas depuis elle. La façon dont il avait commencé à rédiger ces messages, s’interrompant de temps en temps pour laisser à son esprit une chance de respirer, était plus spontanée que jamais. Parce qu’au fond de lui, Suwon savait que rien de plus ne prenait place dans ces messages que la stricte réalité de ses sentiments. Il aimait Yanjun, de tout son être, de toute son âme, et qu’importe s’il devait l’expliquer encore et encore, il était persuadé que ces sentiments n’étaient pas une illusion.

Pourtant, alors qu’il était là, allongé dans son lit à se languir à cause de l’absence de son petit ami, Suwon ne pouvait que laisser son esprit sauter d’une pensée à l’autre. Il souriait comme un imbécile sous le plafond étoilé de leur chambre du dortoir, une main sur le ventre, l’autre échouée au-dessus de sa tête alors qu’il observait la lumière artificielle qui éclairait les lieux.

Et en silence, les yeux perdus parmi les fausses étoiles, il attendait l’arrivée de l’astre le plus brillant. Son étoile à lui, et à personne d’autre.
Ce qu’il pouvait se trouver niais, quand il s’y mettait.

À chaque fois que des pas retentissaient dans le couloir du dortoir des Cheonglyong, son cœur accélérait d’anticipation. Était-ce lui ? Est-ce qu’il était enfin là ? Il se sentait une fois encore vulnérable. Une vulnérabilité aussi délicieuse que cette attente qui, il le savait, allait bientôt se voir récompensée.

La porte s’ouvrit, découvrant son amour, et Suwon se redressa sans attendre une seconde. Le plus vite, ça n’était jamais assez vite. Comme pour le prouver, il était venu prendre Yanjun dans ses bras, ou s’était laissé prendre dans les siennes, la nuance importait peu à ses yeux, et un sourire avait étiré ses lèvres. « Je t’aime encore plus. » Et ses lèvres de retrouver leurs jumelles dont elles se languissaient. « Bien sûr que je le pensais. »

Pourquoi aurait-il menti ? Suwon aurait aimé donner un aperçu à Yanjun de ce qu’il éprouvait, de ce qu’il pensait à ses côtés. Une petite fenêtre, un petit écran, tout juste assez pour lui épargner les incertitudes et les angoisses qui pouvaient survenir lorsqu’il se laissait aller à trop penser. Il aurait aimé, ne serait-ce qu’un instant, que l’amour qu’il éprouvait pour Yanjun soit matérialisable, concret, et qu’il puisse lui montrer comme on dévoile les résultats d’une expérience. Hélas, il n’avait que les mots et les gestes pour démontrer ce qu’il avançait. « Chaque mot, chaque virgule... T’as même pas idée du point auquel je t’aime. » Et ça, encore maintenant, il en était convaincu.

qu'il se sentait ridicule à l'aimer autant, la peur lui rongeant l'intérieur à mesure qu'il y songeait. que c'était angoissant de se livrer autant au point d'être à la merci d'une seule personne. cet être cher pour qui une vie ne signifiait rien si le prix était de voir apposer un éternel sourire sur ses lèvres. rien de plus ne compter, finalement, encore moins le risque d'offrir sa propre vulnérabilité.

il l'aimait. un peu trop. l'amour n'était pas censé être aussi douloureux, si ? pourtant, là était la réalité. des peurs permanentes de voir l'homme qu'il aime s'en aller. ces mêmes peurs qui s'imprègnent jusque dans ses cauchemars. ça ne le quitte pas. ça le suit, qu'importe où il va, avant que le silence ne le soulage une fois ses bras retrouvés. suwon n'avait aucune idée de l'influence qu'il avait sur lui. c'était insensé. yanjun même n'arrivait guère à comprendre ni imaginer l'étendu de ses sentiments. était-ce seulement possible d'être autant amoureux ? qu'en savait-il. c'était bien là, la première fois qu'il avait l'impression de l'être. des histoires passées sans grande importance. il s'enticha, par moment, sans que cela ne soit plus qu'une simple affection. voilà une erreur de sa part, car au fond, yanjun chercha constamment à fuir cette délicate émotion.

jusqu'à suwon.

tornade dans sa vie, tempête dans son cœur. un volcan qui terrassa ses fondements pour repeindre à son image une terre nouvelle.
et sur ce désastre, un jardin fleurit.

tant mieux.... tant mieux  comme essoufflé, les mots refusent de sortir et d'être plus qu'un simple murmure. il s'en fiche. en cet instant, c'est un bonheur comme au premier jour qui l'envahit, ses lèvres cherchant désespérément ses jumelles sans leur laisser un semblant de répit. que ces baisers soient éternels, il pourrait mourir s'il se tenait loin d'eux. au moins j'aurai pas de culpabilité à faire ça qu'il s'affole, ce palpitant. yanjun craint qu'à tout moment, celui-ci ne cède et brise sa cage d'ivoire tant les battements se veulent inquiétants. cependant, rien n'empêche le garçon de faire ce qu'il souhaitait faire depuis déjà bien trop longtemps. simple objet qui aurait pu être sans valeur, si cela ne sous-entendait pas une histoire que yanjun souhaitait continuer d'écrire avec lui : dans sa main, un écrin d'un bleu aquamarin, et en son sein, une bague de promesse qu'il mit à la vue de l'amant. je sais que c'est trop tôt... j'en suis bien conscient, mais ça fait déjà trop longtemps que ça me turlupine.. j'arrête pas d'y songer, encore et encore et à chaque fois j'en viens à cette seule conclusion : je t'aime beaucoup trop pour ne pas espérer passer le restant de mes jours avec toi. je sais que c'est toi. toi et personne d'autres et pour l'heure... je peux pas te promettre plus que l'attente l'attente d'un futur que yanjun espère proche. l'attente que leurs exams ne passent et que leur vie puisse enfin commencer. ensemble. cette bague... courte pause qu'il s'accorde le temps de sortir le bijou de son écrin. ... est une promesse que je te fais. quoiqu'il en soit, tu m'auras toujours à tes côtés. qu'importe les doutes, qu'importe les disputes, qu'importe ce qui pourrait se mettre en travers de notre route... je serai là, jusqu'au jour où je pourrais enfin te demander ta main comme il se doit tôt ou tard, cette promesse se concrétisera à une seule condition... l'acceptes-tu ?

Dire que quelques mois plus tôt, Suwon avait l'impression que sa vie était faite de soirée, d'événement éphémères qui n'étaient pas voués à se reproduire. Il s'endormait parfois dans les bras d'hommes qui auraient tout oublié de lui le lendemain, si ce n'était un numéro auquel le recontacter, et il continuait sa vie dans le plus grand des calmes... Oh, les choses avaient changé. Aujourd'hui, il était en couple, pour la première fois depuis des années; pour la première fois avec un homme, et jamais encore ne s'était-il senti aussi heureux, aussi confiant dans ses sentiments. Pourtant, il n'était pas hermétique à l'amour : il avait aimé, une fois, bien des années auparavant. Il avait aimé, il avait été déçu, et il s'était souvent dit que le temps l'avait rendu plus prudent...

Mais l'était-il vraiment ?

Il n'en savait rien, alors qu'il attendait dans son lit. Alors qu'il se redressait, anticipant l'arrivée de l'être qui était venu se placer au centre de son univers, autour duquel tout ce qu'il connaissait et aimait gravitait. Un nouveau soleil qui était venu remplacer une étoile mourante. Un souvenir qu'il avait presque oublié. Non, Suwon n'était pas devenu plus sage. Non, Suwon n'était pas plus raisonnable, pour la simple et bonne raison que l'amour en lui-même ne l'était pas et ne le serait jamais. Il était sauvage, passionnel, imprévisible. Mais plus que tout cela, l'amour de Suwon était sincère, profond. On ne s'en débarrassait pas en un revers de main.

Voilà pourquoi ces mots lui étaient venus alors qu'il approchait Yanjun pour l'embrasser. Voilà pourquoi il l'avait fait, encore et encore, sans se soucier outre mesure de ce qu'on aurait pu penser : il n'y avait qu'eux, dans cette chambre, et c'était amplement suffisant pour lui. Il avait souri en reposant les yeux sur Yanjun, qui lui avait si cruellement manqué, et quand il l'avait entendu parler, il avait légèrement froncé les sourcils. « Faire quoi ? » Il était curieux, interpelé par le comportement de Yanjun, et il le laissa s'éloigner un instant, sans le quitter des yeux.

« Qu'est-ce que... » Il allait continuer, mais son regard avait entretemps atterri sur l'anneau qui se trouvait dans l'écrin que Yanjun avait entre les mains. Les yeux de Suwon se reposèrent un instant sur le visage de Yanjun, alors que ce dernier reprenait la parole. C'est tout juste si les mots lui venaient. Des mots, des questions, des sentiments qui se télescopaient les uns les autres. Lui aussi l'aimait, mais il avait peur. Et si... Et si... Et si c'était la bonne chose à faire, en fin de compte ? Son regard était retombé sur la bague que Yanjun venait de sortir de son étui. Il savait que tout ça n'arriverait pas avant longtemps, peut-être jamais... Mais s'il écoutait son coeur, son coeur qui battait si fort, comme s'il avait essayé de s'échapper de sa cage. Son coeur qui ne lui laissait aucun répit, alors la réponse était évidente. « Oui. Bien sûr que j'accepte, mais Yanjun... » La simple possibilité que tout ça soit un rêve dont il s'était mal réveillé lui fit mal au coeur et il se pinça la joue, grimaçant sous la douleur. « Ça fait deux mois... » Parce qu'il l'acceptait, mais qu'il ne pouvait mettre un terme à ses pensées malgré tout. « T'as pas peur que... Enfin... » De se désintéresser ? De l'oublier ? Ces mots pesaient trop lourd sur sa langue pour qu'il puisse les prononcer. « T'es vraiment sûr de toi ? » C'était plus simple, formulé comme ça.

homme de patience, l'homme qui se voudrait plus responsable, ou ose s'imaginer comme tel. car ce n'était guère difficile de l'être, lorsque l'on vivait au travers les caprices d'une mère. l'égo porté au creux de la main, face à ces miroirs qu'elle déployait sans une once de culpabilité. prétendre, et jouer un rôle, c'était là son quotidien. fausse famille modèle, celle qu'elle aimait vendre pour parfaire ses dorures et s'attirer les sourires, quand la vérité se voulait bien plus sombre. yanjun détestait tout ça. il s'était promis que sa vie en serait différente. l'était-elle ? en tout point.

le bonheur, l'amour, il l'avait. le succès n'était qu'un détail. et peut-être qu'au fond, sa mère et lui s'unissaient autour de cette même particularité. la réussite étant différente. si c'était des diamants dont elle cherchait tant la compagnie, à défaut des bras de son mari, yanjun estimait sa vie complète lorsque les sourires de suwon lui étaient offerts. les journées valaient la peine d'être vécues seulement quand il était à ses côtés. il ne lui fallut qu'une seule soirée pour ouvrir les yeux là-dessus. oh bien sûr, peut-être qu'ils allaient bien trop vite, peut-être même qu'ils brûlaient de nombreuses étapes. yanjun n'était pas dupe, ni même naïf. il était pleinement conscient de ses décisions, et si aucune d'elles n'étaient mûrement réfléchies, au fond de lui, c'était la certitude que c'était là, ce qu'il souhaitait réellement. le regret n'avait définitivement pas sa place dans leur danse. c'était eux. seulement eux, dans leur royaume. les caprices agissant si aisément sur leur corps, fondant le réel jusqu'à ce qu'il n'existe plus. à quoi bon, quand la seule chose importante se miroitait dans ses iris ? yanjun ne voyait que son étoile. c'était bien là le seul indice dont il avait besoin pour savoir ce qui était correct de faire, ou non. comme cette décision prise hasardeusement, et à laquelle il prit tout de même le temps de réfléchir. chacune d'elle faisant rebondir une même idée, celle que le garçon souhaitait tant entendre. celle dans laquelle sa certitude se baignait volontiers. peut-être qu'au fond, son avis était biaisé par l'amour portée pour l'astre solaire. c'était même certain. mais s'en souciait-il ? pas le moins du monde.

le souffle était court, quand ses mots l'échappèrent enfin. c'était dit, l'aveu fut confessé, enveloppé d'une crainte que le garçon ne sut guère maîtriser. et si suwon refusait ? et si ça l'effrayait ? et s'ils n'étaient tout simplement pas sur la même longueur d'onde ? oh que c'était effrayant, cette incertitude que yanjun était si loin de maîtriser. l'attente était douloureuse, porteuse de mauvaise augure. les couleurs s'en dessinaient dans les yeux de suwon.
son souffle était court, tant il appréhendait les prochains mots, les prochains gestes. et pour la première fois depuis leurs premiers jours, yanjun s'inquiéta. la culpabilité se tisserait presque au fond de sa tête, sans pour autant regretter ses gestes. pourquoi faire, s'il était certain de ses sentiments ? s'il était persuadé que c'était quelque chose qu'il souhaitait au plus profond de lui ?

et son souffle se reprit, comme si tout le poids du monde se leva finalement, libérant ainsi ses poumons de tout l'oxygène contenu. le sourire radieux se miroitait sur ses croissants de chair. il était heureux, yanjun. si heureux qu'il ne put s'empêcher de l'embrasser une nouvelle fois, la passion s'écrasant encore et encore contre ces jumelles tant désirées. il ne se lasserait pas de cette proximité. à dire vrai, ce n'était même jamais assez. mais quoi ?  un mais qui faisait pourtant tâche sur le tableau. un mais pour lequel yanjun ne s'inquiétait pas. bien au contraire, c'était apaisé que l'étudiant vint encadrer le visage de son petit-ami avant de venir le caresser délicatement à l'aide de ses pouces. et alors ? et il rit délicatement, le rire qui se veut bref, tant l'homme se sent apaisé, en cet instant. il se sent bien avec lui. certains se sont mariés pour moins que ça simple haussement d'épaules. oui, il exagérait certainement, mais l'idée restait la même. la durée ne signifiait rien tant que l'évidence était là. et la sienne était bel et bien réelle. je t'aime, et rien ne le changera. c'est toi que je veux. toi et seulement toi qu'il soit damné pour son amour, yanjun n'en avait que faire. j'ai bien conscience que c'est complètement insensé et effrayant. même moi je suis terrifié par cette simple idée mais... je sais aussi que jamais je ne regretterai cette décision. t'es le premier qui me fait ressentir autant de choses, t'es le premier qui m'obsède de la sorte.. je ne suis pas du genre à croire au destin, mais c'est comme si je t'avais déjà aimé avant... dans une autre vie peut-être. ou  une autre existence tel des âmes-sœurs promis l'un à l'autre. suwon était, à ses yeux, comme la neige s'épuisant et laissant la floraison reprendre son court. sa vie n'en était que plus agréable, maintenant qu'il la partageait avec lui. c'est toi que je veux à jamais.

Il l'aimait si fort. Si fort qu'il peinait à trouver les mots pour exprimer ses sentiments. Si fort qu'il avait l'impression bien ancrée qu'il n'allait jamais être capable de lui prouver cet amour comme il l'aurait dû. Mais cet amour était suffisant pour le rendre niais, pour lui faire penser à Yanjun la majorité du temps. Qu’il vienne avec une idée pareille était perturbant, parce que jamais Suwon n’aurait pensé trouver une personne capable de l’aimer à ce point. Parce que dans le fond, cette promesse n’était-elle pas surréaliste ? Rien ne leur disait qu’ils allaient un jour pouvoir la rendre réelle. Rien ne leur disait que dans un avenir proche ou lointain, la mentalité de leur pays allait changer… Certes, des gens se révélaient comme non-binaires, mais l’identité sexuelle et la sexualité étaient deux choses bien différentes, même si elles étaient liées. Suwon craignait parfois d’être à jamais coincé dans le rôle qu’on lui avait donné depuis des années. Après tout, Siwon était une fille, et il était un homme. L’homme de la famille. Celui qui devait continuer la lignée. Une lignée qu’il n’avait aucune envie de voir perdurer, cela allait sans dire. Comme quoi avoir eu une petite amie ne signifiait rien.

Les orbes sombres de l’étudiant en marketing s’étaient posés sur le visage de son petit ami, alors qu’il l’écoutait parler. Sa voix était si rassurante. Elle agissait comme une berceuse sur son âme agitée, toujours plus troublée par les événements de la vie. Ses mots eux aussi étaient bons pour le calmer. « C’est vrai… » Et plus Yanjun parlait, plus Suwon était convaincu de ce qu’il racontait. Il lui aurait fait confiance comme à un gourou de secte, buvant ses paroles sans les remettre en question. Un de ses plus grands défauts, il en avait conscience, mais contre lequel il n’avait pas envie d’agir lorsqu’il s’agissait de lui. « Et si les choses tournent mal ? » Parce qu’il connaissait les pensées de sa famille. De sa mère, plus exactement. Qu’allait-elle pouvoir dire, si elle apprenait la vérité ? Si elle avait qui lui avait offert cette bague, et surtout pourquoi ? Le regard de Suwon s’était voilé à cette pensée, alors que cette seule pensée suffisait à le mettre mal à l’aise, à lui donner peur. Il n’avait pas envie d’abandonner Yanjun, encore moins l’amour qu’il lui portait. Il refusait de le faire, et ce à tout jamais. Mais cette crainte malgré tout demeurait tapie au creux de son ventre. « Moi aussi, c’est toi que je veux. »

Il avait un instant épousé le silence, gardant les yeux rivés sur Yanjun, dont il avait attrapé les mains, les serrant doucement dans les siennes sans le perdre du regard. « Tu fais partie de moi maintenant… Comme si ça avait toujours été le cas. » Il sourit légèrement, déglutissant sous les sentiments qui le prenaient au dépourvu. « Je sais que je me mens encore en me disant que je pourrais m’en remettre si ça venait à finir. » Et ça, c’était le plus grand risque. Un risque qui l’effrayait. « Mais c’est faux. Je m’en remettrais jamais. Je veux rester avec toi pour toujours, même si on doit déménager pour ça. » Il fronça les sourcils pour reprendre. « Même si ça doit rester juste une promesse. »

il avait toujours su que le mot "et puis" annonçait quelque chose de merveilleux, comme un message d'une personne oubliée et tant chérie auquel on ne s'attendait pas. ou comme une nouvelle inespérée. cette simple et délicate transition d'un rien à tout.

puis, un seul mot qui, pourtant, tenait en son sein un monde de promesse et d'espoir.

puis, la lumière perça les ténèbres, et la pluie cessa de tomber.

puis, il le rencontra. lui. cet ange à qui il voulait délivrer toutes ces promesses contenu dans ce simple adverbe. n'était-ce pas absurde ? certainement. pourtant, yanjun ne s'en souciait pas le moins du monde, car c'était à ses côtés qu'il se sentait heureux. c'était à ses côtés qu'il voulait découvrir l'univers. c'était avec lui, qu'il voulait voir défiler ses jours, ses nuits, chaque moment clé de sa vie. alors oui, peut-être que tout ceci était insensé, peut-être même qu'il était un peu trop impulsif quand il s'agissait de suwon, ou même d'eux, mais pourtant... ça ne lui semblait pas mal d'agir ainsi. bien au contraire. c'était comme une évidence sur laquelle il cogita bien trop longtemps à son goût. oh, oui, cela ne faisait que de maigres mois que leur relation s'entama, mais yanjun n'avait jamais été aussi sûr de lui qu'en cet instant, simplement parce que jusqu'à présent, personne ne réussit à provoquer son cœur comme suwon le faisait au quotidien. chaque émotion, chaque sentiment était nouveau pour lui. il avait l'impression de renaître, à ses côtés. d'avoir atteint un paradis auquel il ne croyait pas, et face auquel il se sentait malgré tout si idiot.

alors comment ne pouvait-il pas être sûr de lui, quand tant d'arguments s'alignaient dans sa tête ? quand chaque jour, c'était toujours la même idée qui s'emballait dans son esprit ? oui, il allait vite. mais il savait aussi que ne pas prononcer cette promesse ne ferait que le faire devenir encore plus fou. fou d'impatience, à l'idée de sceller leur amour via un engagement qui n'en attendait qu'un autre. car s'il s'était vraiment écouté, yanjun aurait sauté à pied joint dans ce gouffre, sans savoir si suwon serait là pour le rattraper. on trouvera une solution, ensemble ça ne l'inquiétait pas. qu'importe ce qu'il pouvait se passer, yanjun avait suffisamment foi en leur histoire pour être certain que rien n'était insurmontable. tant que tu es avec moi, rien ne m'effraie sans lui, c'était comme si ses poumons cessaient de fonctionner. sans air, il mourrait. sans suwon, il dépérissait. alors, l'entendre dire ces mots, ces sept petits mots collés les uns à la suite des autres, suffit à assourdir yanjun. c'était tel des anges chantant autour de lui, les couleurs s'éparpillant dans son esprit suivant le seul rythme de son cœur. et, oh qu'il s'affolait, celui-ci. il s'affolait à en meurtrir le pauvre jeune homme. pourtant, il ne s'en souciait si peu. jamais ne s'était-il senti aussi vivant qu'en cet instant, alors que sa certitude était à présent partagée. il n'y avait définitivement pas plus belle symphonique que celle que suwon venait de lui délivrer en cet instant, si bien que la seule chose que yanjun put faire en retour, était de le prendre dans ses bras et l'embrasser de toute cette passion éclatante au fond de lui. qu'importe si ça ne reste qu'une promesse, nous on saura le reste n'était que facultatif, pourtant yanjun ne pouvait s'empêcher d'en rêver. et s'il faut, alors oui on déménagera. où tu voudras aller, j'irai avec toi parce qu'il n'y avait pas plus bel endroit au monde que celui où suwon se trouvait. c'est ma façon à moi de te dire que je ne veux pas te perdre. tu t'es ancré en moi bien trop profondément pour que je puisse être apte à retrouver goût à quoi que ce soit, si tu t'écartes de ma vie parce qu'il le savait maintenant. ça a toujours été lui, et il n'accepterait jamais aucun remplaçant.

Si leur amour était un livre, ils n'en étaient qu'au prologue. C'est ce que Suwon avait envie de penser, à chaque fois que son esprit s'en allait promener du côté de Yanjun. En l'espace de quelques mois à peine, il était devenu la personne la plus importante à ses yeux. Un ange, une évidence. Il n'en savait rien, pas avec exactitude, et pourtant son cœur en était convaincu. L'amour qu'il éprouvait à l'égard de Yanjun transcendait tout le reste. Alors oui, ce que Yanjun lui promettait aujourd'hui, il avait envie d'y croire. Oui, ce que Yanjun disait venait se superposer avec ses rêves de la plus parfaite des façons. « Oui... » Ils feraient ce qui était en leur pouvoir pour trouver une solution, si les choses allaient mal. Son coeur battait si fort rien qu'avec les mots de son amour. Ces mots auxquels il s'accrochait comme à une bouée de sauvetage dans un océane d'incertitude. Son étoile du Nord, à lui qui n'était qu'un navigateur égaré.

« Personne d'autre n'a besoin de savoir. » avait-il répondu en un sourire, les yeux posés sur le visage de cet homme qui était le sien. Cet homme qu'il aimait plus fort que quiconque en ce monde, plus fort que lui-même, il n'en doutait même pas. « J'espère qu'on devra pas en arriver là... » Déménager pour pouvoir s'aimer librement, n'était-ce pas une terrible obligation ? Un cauchemar, même si le coeur de Yanjun était le seul abri dont il avait besoin. Son coeur, ses bras, sa personne toute entière. Tous lui étaient devenus essentiels comme l'eau et l'air auraient dû l'être. « J'ai vu dans une série un jour que l'amour est comme un arbre... Je pensais pas que c'était aussi vrai avant de te rencontrer. » Et ses lèvres avaient retrouvé celles de Yanjun un bref instant, alors qu'il reposait les yeux sur lui. « Je t'aime si fort... » Il avait encadré les joues de son petit ami des deux mains, un petit sourire aux lèvres. « Je crois que tu réalises même pas à quel point. » Et qu'importe s'il radotait. Qu'importe s'il répétait encore et encore les mêmes paroles... Il voulait qu'il l'entende. « Fais-moi l’amour. » Aurait-il dû se retenir ? Sans doute. Certains l’auraient pensé, certains l’auraient voulu, mais c’était tout sauf ce dont il avait envie à cet instant.

yanjun ne pouvait pas lui promettre l'éternité. personne ne le pouvait, et ce, qu'importe combien il aurait aimé graver leur nom sur les roches du valhalla. n'était-ce pas l'une des plus belles batailles qu'ils aient à mener, ensemble ? une oppressante et sempiternelle lutte qu'ils menaient au nom de cette histoire qu'ils écrivaient à deux. oh bien sûr, yanjun aurait préféré que ces pages ne soient pas entachées de diverses rayures, par moment certains passages se devant être réécrits suite à ces imprévus. mais il y tenait, malgré tout. parce que c'était la leur. et dans ces défauts, yanjun y trouvait la sérénité qui lui manquait tant, remplissant le vide habituellement implacable. alors oui, il ne pouvait pas lui augurer que les nuages noirs ne viendront pas embrumer leur vie, ou que le futur leur apportera des centaines d'arc-en-ciel. non, il ne pouvait pas. cependant, et c'était certainement précipité et dangereux et sa part, mais yanjun se sentait apte à affirmer pouvoir se donner entièrement à lui, quoiqu'il en coûte. il voulait lui offrir un quotidien éternel, un nid dans lequel suwon pouvait se fondre quand l'orage gronderait un peu trop fort à l'extérieur.

il pouvait lui promettre de rêver avec lui,  d'être telle une ombre accrochée à lui, à veiller sur lui dans les moments difficiles de sa vie. il voulait être sa famille, son protecteur, son journal intime, ce coussin contre lequel il se réfugie. son ami, son amant. être tout ce que suwon souhaitait qu'il soit.

je pense aussi il n'y avait qu'eux qui comptait, après tout. eux, et ce chemin qu'ils dessinaient petit à petit. yanjun espérait, au fond, que le dénouement se voudrait plus clément à leur égard. il se fichait bien, au fond, de l'endroit où ils devraient se rendre. son arbre à lui avait pris racines là où suwon se trouvait. il était sa maison, son ancre. et si le destin les appelait ailleurs, yanjun serait prêt à s'y rendre. si c'était là, la seule solution s'offrant à eux. habituellement, je t'aurais dit que ce n'était qu'un tissu de mensonges, qu'il n'y avait rien de plus faussé que ces clichés sur l'amour.. mais je me rend compte combien j'ai été naïf il suffisait d'un élément pour bousculer tout un univers. une comète pouvait faire bien des dégâts si elle tombait au bon endroit, et suwon s'était écrasé dans sa vie au moment opportun, poussant l'étoile à devenir supernova, puis galaxie. je t'aime aussi... des mots glissés dans un soupir, les lèvres caressant celles de l'ange, le sourire les bénissant par la même occasion. oh qu'il le rendait fou. il était ivre de tout ce qui faisait suwon, de tout ce qu'il avait à donner. alors, et lorsque la demande fut soufflée, yanjun ne put davantage étouffer le feu brûlant en lui, le palpitant s'affolant sous cette chaleur soudaine. et petit à petit, yanjun l'invita ailleurs, dans un endroit peut-être moins propice pour les accueillir., sans pour autant quitter ses lèvres, le baiser se voulant plus intense, sa main à présent glissée dans ses cheveux et attirant suwon davantage contre lui. le bureau à présent sur leur chemin, l'étudiant ne perdit pas plus de minute avant d'inviter suwon à prendre place dessus, non sans avoir balayé les moindres objets pouvant interférer dans le confort de son petit-ami. si leur destin devait les emmener vers l'enfer, alors qu'il en soit ainsi.

Suwon aurait tout donné à Yanjun. Qu'importe le prix que ce dernier lui demandait, même si ce dernier était celui de son âme, il s'en moquait tout bonnement. Il voulait rester avec lui, son petit ami, l'homme qu'il avait érigé comme centre de son univers, malgré tout ce qu'il se passait dans leurs existences. Qu'importe ce que ses parents pouvaient en penser, dans le fond. Sa mère pouvait prétendre qu'il n'était pas un fils digne de ce nom, elle pouvait essayer encore et toujours d'obtenir son attention... Il n'était pas prêt à la laisser faire quoi que ce soit pour troubler la paisible harmonie qui existait entre Yanjun et lui. Parce que cet homme, qui se trouvait face à lui aujourd'hui, était celui qu'il aimait. Il était celui avec lequel il voulait passer le restant de ses jours, au point d'avoir envie de hurler quand il le voyait, tant il en était heureux. Si quelqu'un était mécontent à ce sujet, il pouvait toujours aller se faire voir.

Alors, Suwon n'avait pas perdu de temps à revenir se serrer contre Yanjun. S'ils devaient déménager pour pouvoir s'aimer au grand jour, ils le feraient, mais ça n'était clairement pas son objectif. Il voulait croire en un changement des moeurs, un jour lointain ou proche. Il voulait croire que leur pays leur permettrait enfin de s'aimer ouvertement, un jour. Oui. Un jour. C'était un espoir qu'il caressait sans la moindre honte, quand il se trouvait avec Yanjun. Mais pour l'heure, ils n'avaient pas d'autre choix que celui de la discrétion, en dehors de cette chambre, même s'ils n'étaient pas très doués pour cela (il fallait bien l'avouer).

Ses lèvres avaient fini par retrouver celles de Yanjun, souriantes et légères, jusqu'à ce que ce dernier ne l'attire contre lui. « T'es vraiment sûr que tu veux faire ça ? » Un léger rire avait filé entre ses lippes, alors qu'il plaçant ses bras autour du cou de son petit ami, les yeux rivés sur lui. « Si un vaisselier me résiste pas, j'ai un peu peur pour le bureau... » Et pourtant, il n'avait pas perdu de temps à revenir l'embrasser, serrant un peu plus son corps contre celui de son petit ami. Il n’avait pas envie de perdre la moindre seconde qu’il pouvait passer à ses côtés, même si, en l’occurrence, ils ne perdaient pas grand-chose. Tout ce qu’il voulait, c’était rester contre lui, profiter de sa présence, sans se soucier de ce qui pouvait arriver le lendemain. D’ailleurs ses mains n’avaient pas perdu une seconde, elles non plus, pour venir s’occuper du haut de Yanjun afin de le mettre hors d’état de nuire (et surtout hors d’atteinte).