Jay,
Je n’ai jamais été très doué pour dire ce que je ressentais. Mais j’espère que tu sais à quel point tu comptes pour moi. On a vécu tellement de choses ensembles, je n’imagine pas ma vie sans toi. Tu es mon tout, mon cousin, mon frère… celui qui m’a tout apprit. Plusieurs années sont passées depuis notre départ de Miami. Depuis… je ne leur ai jamais reparlé tu sais. Je n’ose pas te le dire, mais je crois que parfois ça me pèse. De ne pas savoir ce qu’ils deviennent, de ne pas avoir assez de courage pour leur parler. J’aimerais parfois savoir. Juste pour leur dire à quel point je leur en veux. De t’avoir exclu de nos vies. D’avoir espéré que tu disparaitrais... ils ont fait ça pour toi, qu’on disait… mais c’était faux. C’était dur, injuste alors que tu faisais ça pour eux. Tes deals, tes trafics… j’aurais pu en avoir peur mais je m’en fichais. Je t’ai toujours admiré, qu’importe tes choix… alors je n’ai pas hésité à venir ici avec toi.
Tu te souviens de nos débuts ici ? De ces journées à trimées, juste pour des petits jobs, pour payer le loyer ou ces études dont je rêvais tant. On avait nos envies en commun, on se soutenait. Malgré tes conneries, tes choix parfois un peu difficiles. Je ne t’ai jamais laissé tomber. Au final, je m’en fous de ces choses illégales… j’avais juste peur pour toi. Peur qu’un jour ça t’éloigne vraiment de moi. Et j’ai fait ce choix cette nuit-là, de prendre pour toi. D’aller en taule à ta place… et si c’était à refaire, je ne changerais rien.
Mais je t’ai mentis… parfois quand on se croisait au parloir. Quand je te souriais en te disant que tout allait bien. En réalité, j’étais mal, seul parfois… traumatisé par des choses dont je n’ose pas parler. Je pensais qu’il n’y avait qu’en Amérique que les prisons étaient aussi dures… mais je me suis trompé. J’aurais aimé avoir la force de t’en parler. De te dire que je m’étais fait harcelé, qu’on m’avait… touché. Mais qu’est-ce que tu aurais pensé de moi ? Que j’étais faible ? Un pauvre gamin peut-être… mais par-dessus tout, j’ai honte. Honte de moi, de ne pas avoir su dire non. De ne pas avoir su me défendre… j’en ai des frissons rien que d’y penser. Et je n’ai jamais avoué mais, ces séances de psy… ça n’a rien à voir avec mon programme de réinsertion. J’espère juste pouvoir oublier…
Je t’en prie Jay, pardonne moi… de t’avoir mentis sur ces choses-là. Tout comme… je te mens depuis ma sortie. Depuis que je l’ai croisé… avec toi. Cette fille dont tu es amoureux depuis deux ans… c’est la même femme que j’aime… depuis des années… tu te souviens de cette amourette de vacances ? Celle dont je te parlais souvent ? Et si je te disais que c’était elle ? Si je te disais qu’on avait vécu une histoire ensembles ? Que même lorsque tu étais en prison, j’étais avec elle ? Est-ce que tu me croirais ? Est-ce que tu la choisirais elle plutôt que moi ? J’ai honte Jay… si honte de te mentir. De te regarder dans les yeux et savoir qui elle est. D’avoir toujours envie de la voir, de lui parler… je ne sais pas quoi faire. Ni quoi dire… alors je fais semblant. Depuis des mois déjà.
Je voudrais qu’on redevienne des gosses. Quand tout était plus facile… je t’en prie ne m’en veux pas. Si je ne t’ai rien dit c’est parce-que je tiens à toi. Tu mérites d’être heureux… c’est à ton tour de l’être. Tu as déjà tellement donné pour les autres. Alors je ne veux pas te faire souffrir. Alors pardonne moi de garder ce secret…
Jed