“ahn dae won & @mukai yami : tête de mule.” & Ton plateau sous le bras, tu jettes rapidement un oeil sur l'horloge qui se trouve dans la cuisine. 21h00... Encore deux bonnes heures, avant la fin de ton service. Peut-être même un peu plus, si les clients continuent d'affluer autant... Faut dire que c'est samedi et le samedi, en général, vous faites beaucoup plus de couverts que les autres soirs de la semaine. Pour autant, aujourd'hui, tu ne t'en plains pas (en admettant que tu te sois déjà plains un jour depuis que tu travailles ici). T'es plutôt en forme et tu pourrais tenir comme ça pendant des heures et des heures encore. Ce qui, toutefois, ne semble pas être le cas de tout le monde. En effet, alors que t'es sur le point de quitter la cuisine pour aller prendre quelques nouvelles commandes, ton attention est attirée par tout autre chose : une de tes collègues qui, à en croire sa façon de marcher, légèrement titubante, ne semble pas vraiment être dans son assiette. « Yami ?! » interpelles-tu donc la jeune femme, tout en fronçant légèrement un sourcil. Et quand cette dernière daigne lever la tête vers toi, tu finis par demander, quelque peu inquiet : « Ca va ? » A en juger la pâleur de son visage, tu en doutes grandement... « Tu devrais peut-être prendre une pause, tu ne crois pas ? Tu n'as pas arrêté une seule fois depuis que le service a commencé... » Et, très franchement, vu le rythme auquel vous êtes confrontés depuis plusieurs heures, tu peux totalement comprendre que certains soient sujets à quelques baisses de tension. « Je peux m'occuper de tes tables, si tu veux, en attendant ? »

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Yami enchaînait les journées sans compter. Tout ce qu’elle retenait était l’argent qu’elle pourrait toucher à la fin du mois avec toutes les heures qu’elle avait passé dans ce restaurant. Elle jonglait entre son travail et son projet qu’elle n’avait toujours pas fini et s’était laissée dépasser par la situation. Elle n’était même plus capable de dire quand elle avait mangé pour la dernière fois quelque chose d’un peu plus consistant qu’un tiers de kimbap (elle devait économiser, et son kimbap la faisait tenir la journée). Seulement, elle se sentait faible. Yami avait pourtant l’habitude de ne jamais écouter son corps, de rester aveugle face aux signes inquiétants de fatigue très avancée et de mal nutrition. Elle ne pouvait se permettre de se relâcher, pas lorsqu’elle avait dépensé plus d’argent qu’elle ne l’aurait du dans une boutique douteuse il y avait quelques jours. Le temps d’une seconde, elle secoua la tête tentant de se réveiller (mauvaise idée) et reprit le plateau fermement entre ses mains pour l’apporter à une table précise. Elle pouvait sentir le bout de ses doigts picoter légèrement d’abord, puis sa tête tourner. Seulement, elle avait une fierté trop mal placée pour son bien et elle s’en voudrait grandement de se montrer faible sur son lieu de travail.
Elle ignora l’appel de son nom, reconnaissant la voix comme n’étant pas celle de son patron. Rester concentrée pour ne pas tout casser lui demandait beaucoup d’efforts dans son état alors elle essayait de se focaliser sur une chose seulement. C’était sans compter sur son collègue insistant. « Je vais bien. » Finit-elle par répondre d’une petite voix. Elle commençait cependant à regretter de ne pas avoir mangé ou dormi plus. Elle prit appui sur le bar à côté d’elle, ses doigts serrant sa prise pour se rassurer de ne pas tomber alors qu’elle ferma les yeux une seconde. Mais une seconde qui lui donnèrent l’impression d’une éternité. « Laisse mes tables, je peux m’en occuper et finir le service. » Elle n’en était pas sûre pourtant. « Y’a beaucoup de monde, occupe-toi déjà des tiennes. » Elle se força à bouger, manquant de faire tomber plusieurs fois son plateau mais réussit toujours au final à les amener à destination sains et saufs. Jusqu’au plateau de trop. Alors qu’elle se sentait faiblir de plus en plus, elle inspira profondément, prit le plateau avec un bol de nouilles dessus et eut le temps de faire un pas en avant que ses jambes lâchèrent, ses genoux claquant contre le sol en bois, le bol brûlant tombant sur ses cuisses. « Merde. »

@Ahn Dae Won

“ahn dae won & mukai yami : tête de mule.” & Il ne faut pas être Einstein pour comprendre que quelque chose cloche et que la jeune femme ne va pas bien. Alors, quand elle t'affirme le contraire, tu ne peux t'empêcher d'arquer un sourcil. Parce que tu sais très bien que ce n'est que des craques. Pour autant, face au refus de ta collègue, tu décides de ne rien faire. Ce qui, qu'on se le dise, n'est vraiment pas dans tes habitudes, car, en temps normal, tu n'aurais certainement pas hésité à insister un peu plus. Faut dire que c'est pas ton genre, à toi, de fermer les yeux dans une telle situation, quand bien même la personne t'assure ne pas avoir besoin de ton aide. Mais Yami a raison. Il y a beaucoup de monde et, ce n'est pas tant le fait de les faire patienter qui te dérange, après tout ils ne vont pas crever s'ils attendent quelques minutes de plus. Cependant, tu n'as pas forcément envie de contrarier la jeune femme et de te prendre la tête avec elle, devant autant de clients. Parce qu'au ton qu'elle a employé, nul doute que ton intervention l'a plus agacé qu'autre chose. Hochant donc les épaules, tu te contentes simplement d'un « Comme tu veux... » pour toute réponse, avant de repartir en salle, te promettant néanmoins de garder un oeil sur elle.

Et, finalement, ce que tu redoutais tant arriva. En effet, alors que tu pénètres dans la cuisine pour la énième fois de la soirée, après avoir débarrassé l'une des tables que quelques clients venaient de quitter, un bruit de vaisselle venant se briser sur le sol résonne et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tu te précipites vers la jeune femme, t'agenouillant à ses côtés. « Ca va ? Tu ne t'es pas fait mal ? » Rapidement, tu jettes un coup d'oeil sur tous les morceaux de verre qui jonchent sur le sol, avant d'inspecter la jeune femme et, par chance, celle-ci ne semble pas s'être blessée. Pour autant, tu ne veux pas prendre de risque et, lorsque tu vois qu'elle s'apprête à se relever, tu t'empresses de l'aider, la tenant fermement par le bras pour ne pas qu'elle retombe, avant de finalement aviser une chaise qui se trouve à quelques pas de vous. « Tu vas aller t'asseoir quelques minutes, d'accord ?! » Et, à vrai dire, tu n'as pas l'intention de lui laisser le choix. Pas cette fois... Un de vos collègues peut bien s'occuper de ses tables, en attendant. Et puis, de toute façon, le service est bientôt terminé. L'entrainant donc vers la chaise, sans attendre de réponse de sa part, tu te diriges ensuite vers l'un des placards de la cuisine et attrapes un verre que tu remplis d'eau. Verre que tu tends finalement à la jeune femme, après être revenu vers elle. « Bois un peu, ça te fera du bien. »

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Elle ne savait pas quelle serait la pire humiliation. Celle de voir qu’elle venait de tomber à même le sol, les bols de nouilles renversés sur sa peau, qui vira aussitôt au rouge sous la chaleur, ou celle de comprendre qu’elle s’était trompée sur toute la ligne depuis le début. Yami n’était pas aussi forte qu’elle le prétendait, ni même qu’elle le pensait. Elle n’était pas un robot et elle aurait dû se souvenir que toute personne humaine avait ses propres limites. Or, la japonaise venait d’atteindre les siennes. Elle ne supportait pas de se voir ainsi, devant beaucoup trop de regards indiscrets, à son statut le plus faible. Choi Mingwei serait le premier à se moquer d’elle, de lui dire qu’au moins elle redescendrait de son piédestal. Les yeux fermés, elle n’avait pu s’empêcher de lâcher une injure. Surtout lorsque son collègue refit surface alors qu’elle lui avait répondu sur la négation, d’un ton agacé quelques minutes plus tôt. « Je vais bien. » Elle s’entêtait dans ce mensonge inquiétant. Le niveau d’entêtement chez la demoiselle était beaucoup trop élevé pour son bien et si elle n’était pas déjà assez affaiblie, elle aurait déjà dit à son collègue de la laisser tranquille, qu’elle pouvait très bien s’occuper d’elle-même. Elle avait simplement besoin de quelques minutes de pause, le temps de reprendre ses esprits. La serveuse se laissa cependant manipuler par le garçon, son regard le fuyant de honte. Gênée d’être ainsi dépendante d’une aide extérieure, gênée de lui avoir donné raison. « J’ai seulement besoin d’une pause, ça ira mieux après. » Il était vrai que faire sa pause dans la cuisine, n’était pas la meilleure idée qu’elle avait eu mais encore ce n’était pas comme si le choix lui avait été accordé. Ses genoux commençaient déjà à virer vers une couleur jaunâtre qui deviendrait bleue avec le temps. Le bruit sourd du cartilage contre les carreaux avait était assez fort pour être inquiétant pourtant, à part une puissante douleur, Yami n’avait rien de cassé. Du coin de l’œil, elle observait le jeune homme partir pour revenir avec un verre d’eau. La japonaise observait ce dernier comme s’il était empoisonné. Elle était beaucoup trop loin dans son arrogance et ses soit-disant principes, que c’était compliqué pour elle d’accepter un simple verre d’eau. C’était une femme indépendante, une femme qui n’avait besoin que d’elle-même. Après ce petit combat intérieur, elle tendit enfin la main pour prendre se verre d’eau qu’elle vida devant le garçon. « Reprends ton service, ne t’inquiète pas, j’y retourne dans deux minutes aussi. » Elle ne voulait pas faire ralentir la cadence et être la cause de la fureur du patron (pourtant celui-ci était une crème et jamais il ne l’aurait réprimandée pour ça). « Ou peut-être cinq minutes. » Elle était prise de vertiges violents alors que ses doigts serraient le bord de la chaise où elle était assise. Elle avait l’impression que si elle ne se tenait pas, elle allait retrouver de nouveau le sol. « Merci. » Marmonna-t-elle enfin, cependant.

“ahn dae won & mukai yami : tête de mule.” & Pendant quelques secondes, c'est comme si le temps venait de s'arrêter. Dans la pièce d'à côté, celle-là où sont attablés tous les clients, règne presque un silence de mort. Certainement que le boucan produit par la vaisselle venant se briser sur le sol et le bruit des genoux de la jeune femme venant heurter le carrelage de la cuisine en a surpris plus d'un. Toi le premier d'ailleurs. Toutefois, la surprise passée, tu t'emploies à porter main forte à la jeune femme, feignant de ne pas l'entendre lorsqu'une nouvelle fois elle te dit que tout va bien. Parce que tu vois très bien que ce n'est pas le cas et qu'elle a complètement atteint ses limites. Et si, la première fois, t'étais plus ou moins enclin à la laisser tranquille, cette fois, il n'est pas question que tu passes ton chemin. D'autant plus que cela aurait pu être grave. Bien plus grave... A vrai dire, t'es même étonné que la jeune femme ne s'en sorte qu'avec quelques bleus, étant donné la dureté du sol, et quand cette dernière prend finalement place sur l'une des chaises de la cuisine, tu ne peux t'empêcher, une nouvelle fois, de la scruter quelques secondes pour être certain qu'elle n'a rien d'autre, avant de finalement lui tendre un verre d'eau. Cette dernière semble d'ailleurs hésiter à le prendre, dans un premier temps, t'arrachant malgré toi un rire. « T'inquiètes pas, je n'ai pas l'intention de t'empoisonner... » Et tandis que Yami s'emploie à vider le verre que tu viens de lui donner, tu te baisses légèrement pour ramasser les quelques gros bouts de verre se trouvant un peu partout sur le sol, avant de finalement te redresser quand la jeune femme reprend la parole. Et, encore une fois, celle-ci semble prise de vertiges, ce qui te fait doucement arquer un sourcil. « Je pense que c'est plutôt toi qui devrais arrêter de t'inquiéter. » Qu'elle pense d'abord à elle avant de s'en faire pour les clients... « Ne t'en fais pas pour mon service, je le reprendrais en temps voulu... » que tu laisses alors échapper, avant d'adresser un signe de la tête à l'un de vos collègues qui se trouvait à l'autre bout de la cuisine, lui indiquant la jeune femme et lui faisant ainsi comprendre qu'il allait devoir te remplacer pendant que tu t'occupes d'elle. Observant ensuite la jeune femme, il te semble l'entendre murmurer un « merci », ce qui ne manque pas de te faire sourire. Pour sûr, il a été difficile à dire. Cela dit, tu t'abstiens de tout commentaire, te contentant simplement d'un « C'est normal... » pour seule réponse, et tu continues de ramasser les quelques débris que tu jettes ensuite, avant de revenir vers la jeune femme. Et voyant qu'elle est encore loin de reprendre du poil de la bête, tu finis par demander : « Ça t'arrive souvent de faire des malaises comme ça ? » Pour être honnête, ce n'est pas la première fois que la jeune femme te semble si épuisée. Si faible... Mais jusqu'à maintenant, tu ne t'étais jamais vraiment posé la question, te disant seulement qu'elle était peut-être juste fatiguée de sa journée, comme bien d'autres...

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Elle hésitait longtemps devant ce verre d’eau. Se trouvant assez faible comme ça, elle ne souhaitait pas non plus aller à l’encontre de ses principes. Femme têtue ou idiote ? La question n’avait réellement besoin de se poser. Elle finit surtout par accepter le verre d’eau alors qu’une teinte rosée pris possession de ses joues devant la remarque de son collègue. « Je sais... » Marmonna-t-elle complètement honteuse de son hésitation. Il ne pensait pas à mal, jamais. Seulement, c’était encore difficile pour elle qui était en Corée du Sud depuis quelques mois seulement, d’accepter l’aide des autres. Elle voulait être forte et réussir au plus vite, elle souhaitait la notoriété, l’argent et si elle devait se tuer la santé pour ça, elle le ferait. Les efforts payaient toujours après tout.
Elle ne s’inquiétait pas forcément pour son collègue, mais plus pour s’en débarrasser et la honte qu’elle éprouvait avec, elle lui demanda de reprendre son service. Elle avait la tête baissée, le verre vide entre ses mains alors qu’elle cherchait certainement à disparaître ou simplement retrouver ses forces pour retourner travailler. Elle en voulait à son corps d’être aussi faible.

Elle releva la tête devant la question du garçon. Elle n’était pas sûre de vouloir dire la vérité alors que la plupart du temps ce n’étaient que de légers vertiges mais comme elle passait la majorité de son temps assise devant son ordinateur, elle ne s’en inquiétait jamais. Si elle devait tomber, au moins, elle était déjà assise, sur le sol. Mais ainsi, de tomber en public, c’était la première fois.
Yami retint cependant une réponse agressive. Elle avait envie de savoir en quoi ça le regardait et pourquoi il posait la question. Sa folie lui disant qu’il cherchait simplement à montrer qu’elle était faible. « Non. » Un mensonge qu’elle avait du mal à cacher alors que son regard fuyait son collègue. « J’ai juste très mal dormi la nuit dernière. » Ce qui n’était pas totalement faux alors qu’elle avait étudié toute la nuit. Comme toutes les nuits. « Mais ne t’inquiète pas. On se connaît à peine après tout. » Maladroite, elle aurait voulu lui dire qu’elle n’était qu’une collègue pour lui et qu’elle pouvait se débrouiller seule, comme toujours. Entêtée et stupide, elle continuait à s’enfoncer dans le déni. Elle savait qu’à force elle finirait seule mais l’avait accepté depuis bien des années. « Il me faut simplement quelques minutes et c’est reparti. » Preuve de son habitude devant cet état maladif. D’ordinaire ses vertiges n’étaient pas si violents et en effet, après une petite pause, elle était repartie mais à force de pousser son corps à bout, elle finissait pas ne plus y arriver, comme ce soir-là. « Je crois que je ne connais même pas ton prénom. » Avoua-t-elle finalement alors que sa tête se faisait lourde. Elle n’était pas sûre, pour une fois, qu’elle réussirait à reprendre son service, même après ses dix minutes de pause. Cependant, elle n’était pas gênée du fait qu’elle ne connaissait pas ses collègues. Elle ne faisait que venir travailler pour l’argent, enchaînant les heures pour être à l’aise financièrement jusqu’à la fin du mois.