Would you lie with me and
Just forget the world? ♫
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Février 2016 ;
Assis sur la pelouse du Hangang Park, le regard de Jun Wan est perdu dans l’immensité de la rivière Han qui reflète les lumières de la ville. Les courants sur l’eau créent des ondulations colorées qui ressemblent à des feux d’artifice. « C’est la première fois que je viens ici. Je ne savais pas que Séoul pouvait être aussi belle de nuit. » confie t-il, d’une voix distraite et, étonnement, légère – une voix sans la lueur de chagrin qu’il y a tout le temps ces derniers mois. Ça fait deux ans que Jun Wan est à Séoul mais il n’a jamais pris le temps de se poser ici. Pour la première fois de sa vie, Séoul lui semble être une jolie ville, accueillante. Jusqu’à là, ça n’a jamais été rien d’autre que la ville où on l’a amené après l’avoir séparé de tout ce qui lui était précieux. Ses parents, qui ont disparu du jour au lendemain. Ses amis. Son école. Ses repères. De nuit, Séoul n’est rien d’autre qu’une ville où il traîne pendant des heures pour oublier sa vie. Pour oublier de vivre.
Deux longues années sont passées depuis que tout ça est arrivé, mais tout est encore si clair dans son esprit. Le poids de la culpabilité d’être le seul qui a survécu. Le poids de la culpabilité de ne jamais leur avoir dit je t’aime. De les avoir laisser partir sans lui et sans leur dire correctement au-revoir. Le poids de la solitude depuis qu’ils sont partis. Le jour a beau se lever tous les jours, cela fait des mois que Jun Wan n’a pas senti la chaleur d’un rayon de soleil. Sa vie est devenue une nuit noire depuis que ses parents ont disparu ; ils étaient sa lumière sans que jamais il ne le réalise. Alors chaque jour, Jun Wan se réveille en se sentant près à craquer. Chaque jour, il vit avec cette boule dans la gorge qui grandit chaque jour. Cette sensation qu’il est toujours au bord des larmes, prêt à exploser, mais sans jamais que ça ne sorte. Chaque jour est un jour de plus à continuer de vivre de force.
Mas actuellement, Jun Wan se sent comme si le jour se levait enfin dans sa vie. Il a le même sentiment que celui d’un oiseau qui se réveille de son hibernation au contact des premières douces températures ; comme si l’aube se levait enfin après une longue et douloureuse nuit. Pourtant, paradoxalement, il fait bel-et-bien nuit. Il sait que ce sentiment de chaleur et de réconfort n’a rien avoir avec le jour ou la nuit. Il sait qu’il ressent ça par la présence de Lucas à ses côtés. Il ne comprend pas vraiment pourquoi la seule présence du lycéen le réconforte autant. Il ne comprend pas pourquoi tout ce qui fait de sa vie un enfer depuis deux ans semble être si anodin quand il est avec lui. Peut-être parce qu’il sait que Lucas a vécu la même chose que lui. Peut-être qu’il trouve du réconfort dans le fait d’être aux côtés de quelqu’un qui a autant, voire plus souffert que lui.
L’orphelin est tellement bercé dans cette douce ambiance réconfortante qu’il ne se rappelle plus comment ils ont fini ici, tous les deux. Ça ne fait que quelques jours qu’ils se connaissent. Hye Seung les a présenté en informant Jun Wan que Lucas avait perdu ses parents dans un accident de voiture, aussi, mais ils n’en avaient jamais parlé ensemble. Malgré ce sentiment si puissant qu’ils sont tous les deux étroitement liés par quelque chose, ce n’est que la première fois qu’ils se retrouvent tous les deux seuls. « Hye Seung m’a dit… que tes parents étaient décédés dans un accident de voiture aussi ? » demande t-il, la voix qui se brise un peu en demandant ça. Il sait que ça n’est pas correct de demander ça ; et lui-même ne comprend pas pourquoi il parle de ça. Il rêve à chaque instant de sa vie d’oublier, veut éviter le sujet avec tout le monde. Mais pour une raison inconnue, il se sent capable d’en parler avec Lucas. Il ressent le besoin d’en parler avec lui. De se partager mutuellement leur chagrin pour que le poids soit moins lourd.