Les cordes résonnaient, à défaut de tomber.
Si le temps pouvait s’accorder à son humeur mais un insolent ciel bleu gâchait sa mauvaise humeur et aveuglait ses yeux cernés.
Ses doigts glissaient, claquaient. Des notes isolées, des bribes de mélodies qu’il abrégeait de la paume de sa main. Bout à bout, il créait la chanson de l’indécision.
Il fit passer délicatement ses bagues sur le bois verni pour tapoter un rythme sans abîmer la précieuse surface.
Malgré le temps qui était également devenu insolemment doux dans les derniers jours, ses mains refroidissaient et le contact du nylon en devenait désagréable et douloureux. Si encore il pouvait se concentrer sur un riff, une inspiration, il pourrait se dégourdir les articulations mais rien ne lui venait.
Il s'arrêta un instant, soupira, recala une mèche de cheveux tombante derrière son oreille. Pour garder une bonne mobilité, il se mit à gratter une mélodie populaire, un morceau de débutant qu’il connaissait si bien qu’il en était devenu un automatisme. Su Oh se mit à le fredonner en laissant son regard se balader à la recherche d’une quelconque idée. Mais comme à chaque fois que son esprit divaguait, son but devenait flou par la même occasion et ses pensées s’éloignèrent rapidement de sa musique.

Était-ce l’air nostalgique qu’il jouait ? Il se mit à penser au passé, pas à celui qui le hantait mais un plus heureux, plus lointain. Quand il avait reçu sa première guitare, que son épiderme avait frissonner en glissant sur le bois, le bout de ses doigts qui s’était endolori et la joie intense, mélangé de fierté, de la corne qu’il avait commencer à sentir se former. Ces souvenirs réussirent enfin à lui décrocher un sourire. A croire que quand son état finissait de le démoraliser, les Red Hot finiraient toujours par avoir cette magie de lui redonner l’énergie qu’il semblait ne jamais avoir eu. Sa tête se mit à bouger sur le rythme que donnait son pied, son regard restait fixé sur un bout de ciel.

« But I dont ever wanna feel like I did that day. Take me to the place I love, take me all the way... » se mit-il à chanter tandis qu’il remplaçait les paroles qu’il avait oublié par des lalalas.

Ne plus jamais ressentir, ni ses muscles endoloris, ni son esprit qu’il poussait à bout, ni ces maux de crâne, ni ce poids sur ses épaules, ni le déchirement de son cœur et le goût amer de la trahison. A force de pourrir dans son cœur il avait fini par inhibé d’alcool sa capacité à donner sa confiance aux autres. Elle finissait plus souvent par tomber et vomir ce surplus d’émotion plutôt que de se tenir droite et responsable. Il ne savait pas si un jour il réussirait à se refaire de vrais amis ou à s’en faire tout court puisqu’il n’en avait jamais réellement eu. Il voyait bien que cela pouvait peiner certains de ses proches, cette barrière infranchissable qui ne possédait ni porte, ni tunnel secret. Le jeune homme ne pouvait déjà pas faire confiance à son propre corps, alors les gens… Son sourire disparut, il arrêta sa musique, retira un soupir. Un sixième sens s’était alarmé dans sa tête, il tourna la tête vers la personne qui l’observait depuis un petit moment déjà et qui avait fini d’achever sa concentration et son humeur.

« Je peux faire quelque chose pour vous ? » lança-t-il en sa direction.

Pas tellement une question, une demande bienveillante qu’une invitation à lui lâcher la grappe fissa-fissa. Il détestait qu’on l’espionne.