quelle heure est-il ? aucune idée. quel jour on est ? je ne sais pas. le serveur me sert et me ressert encore et encore. je ne sais pas ce que je fous là, si ce n’est que je me morfonds du plus profond de mon être. cette dispute avec bora ne m’a pas fait du bien l’autre jour. et puis cette attirance dangereuse que j’ai pour jiyool ne m’aide pas. j’ai l’impression que plus le temps avance, plus c’est moi qui m’avance dans un bordel sans nom. declan essaie de me secouer et pourtant, je ne me suis toujours pas remis dans le droit chemin. alors j’ai décidé, ce soir, cette nuit, de déserter notre appartement, prétextant à bora une sortie avec mon meilleur ami irlandais. au final, il n’en est rien, je me retrouve là, à ce comptoir de bar dansant et il est une heure que je ne saurais dire. des minutes que je ne saurais plus compter. des secondes que je ne peux plus définir. je me perds dans l’alcool que je bois et je redemande un autre verre. ça doit bien faire une heure que je suis assis ici, et je croise des têtes que je connais vaguement mais sans plus. j’ai besoin de m’aérer l’esprit et l’alcool parfois aide à tout ça. je n’avais pas forcément envie de partager ça avec quelqu’un en particulier non. j’avais bien pensé à appeler declan ou queen, mais finalement, je me suis retenu. j’avais surtout, après la dispute que j’avais eu avec mon épouse, le besoin d’être seul. seul avec mes pensées, déconnecté de tout le reste. cette musique entraînante qui rentrait dans mes tympans, enivrante. une musique qui me rappelait quelque chose, je chantonnais vaguement les paroles mais sans connaître réellement l’identité du chanteur, pourtant en vogue. mon doigt tapotait en rythme sur le verre de soju que je tenais fermement malgré mon état légèrement alcoolisé. soudainement, je sentis une présence féminine prendre place à mes côtés et demander un verre d’alcool. elle avait une voix assurée, délicieuse et sans lui jeter un regard, j’ai murmuré un simple et enjôleur, « je ne m’attendais pas à être en si charmante compagnie. »

grand. environ 1m87, des épaules larges et un sourire charmant. si hae yeon a accepté ce rendez-vous, c'est uniquement pour faire plaisir à sa mère. elle lui laisse la parole, n'écoutant que sa voix lointaine meubler le silence d'une conversation gênante et vouée à ne tourner qu'autour de lui. elle se souvient d'une question à son attention, aimes-tu cuisiner et alors elle avait enjoliver ses compétences à l'en faire saliver. finalement, elle s'était levée. « merci pour cette soirée. » il était surpris, ils en étaient au dessert et ce n'était pas fini. peut-être pensait-il encore pouvoir lui conter deux trois histoires sous les étoiles et prendre son courage à deux mains pour l'inviter chez lui mais hae yeon a besoin de plus, elle a besoin de charisme. l'entendre bavasser sur ses moindres réalisations les plus minables ne l'impressionne guère. il danse dans ses yeux une lueur d'incompréhension, il est troublé. « j-je te raccompagne ? tu es pâle, tu ne te sens pas bien ? » il cherche dans son regard une explication pour le rassurer, il ne comprend pas ce qu'il a fait de mal et peut-être même qu'il n'a rien fait pour mériter ça. hae yeon prend ses affaires. elle enfile sa veste et récupère son sac à main. sa voix est calme. « non. je m'ennuie. » le couperet tombe. elle est glaciale et n'affiche aucune expression, il semble ne s'en rendre compte que maintenant. « encore une fois, merci pour cette soirée. » appuie-t-elle. cependant sa politesse instinctive ne saurait adoucir l'impact qu'avait eu sa franchise sur le jeune homme ; elle s'en va.

elle a besoin d'un verre pour que cette soirée ne soit pas le total fiasco qu'elle redoute. il reste ce bar bruyant empli d'étudiants. elle en ouvre la porte sans rien attendre, poussant le pas jusqu'au comptoir. il lui rappelle ses propres années fac et de sa voix délicate, interpelle le barman sans avoir à forcer le ton. « une bouteille de votre meilleur soju s'il vous plaît. » pourquoi se contenter d'un verre. elle retire une nouvelle fois son manteau et glisse en tout confiance son sac sous le bar. elle s'installe et observe l'inconnu à ses côtés avec un demi-sourire lassé. « vous êtes ivre, une porte vous serait de bonne compagnie. » le barman pose sa commande sur le comptoir et hae yeon s'en sert un petit verre qu'elle remplit jusqu'au rebord. elle le tient élégamment entre  le pouce et le majeur lorsqu'elle le porte à ses lèvres et renverse sa tête à l'arrière. elle le boit d'une traite, plissant les yeux au goût amer et prenant une nouvelle inspiration qui la fait frissonner.

Spoiler:

j’ai totalement perdu la notion du temps. je sais que je ne suis pas le meilleur des hommes et encore moins le parfait époux que j’aurais pu être. j’aurais pu être un homme bon, quelqu’un de fidèle, quelqu’un qui pourrait tout donner pour celle qu’il aime. mais les portes de mon cœur se referment de plus en plus à mon épouse et il est bien tard, lorsque je me rends compte que je suis toujours accoudé au comptoir du bar, à chercher le pourquoi du comment à ma vie. le serveur me ressert, il sait qui je suis et il sait aussi sûrement que je ne suis pas dans un mood spécialement heureux. je crois avoir échangé quelques mots avec lui quand je suis arrivé néanmoins.. je ne m’en souviens plus très bien. à vrai dire, mon cerveau ne fait que de tourner en boucle ma dispute avec bora. je lui ai menti, et elle a découvert. elle a découvert ce que je cachais tant. mes sorties frivoles, mes déboires, mes pêchés. plongé dans mes pensées noires, je garde tout de même une oreille plus ou moins attentive sur la musique et sur ce qui m’entoure. c’est à ce moment-là que mes tympans furent doucement bercés par une voix féminine, délicate qui venait de commander une bouteille de soju. j’observe le liquide qui remplit mon verre mais les yeux encore dans le vague, je ne la regarde toujours pas. je la sens s’installer à côté de moi et du coin de l’œil, je parviens à intercepter une silhouette agréable, un parfum enivrant. je murmure d’un air enjôleur que je ne m’attendais pas à ce qu’une si charmante personne vienne me tenir compagnie et je l’entends me répondre qu’étant donné que je suis saoul, la porte me serait d’une bien meilleure compagnie. je tique à son répondant et pris d’une trop grande curiosité, je tourne la tête et la dévisage avec un intérêt grandissant. je la vois se servir un verre et le boire d’une traite, pourtant d’une façon si élégante. « vous êtes perspicace. je ne sais pas comment vous avez pu remarquer que j’étais ivre. » j’esquisse un sourire taquin mais charmeur et l’observe tranquillement avec des yeux (légèrement ?) embués d’alcool. « je tiens bien l’alcool. ce n’est pas la porte qui m’intéresse pour l’instant. » je ne suis pas pressé de rentrer à l’appartement, je veux me changer les idées. j’aimerais d’ailleurs que tout ce que je vis en ce moment ne soit simplement qu’une invention, mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. « vous comptez boire cette bouteille toute seule ? je ne donne pas chère de votre état dans quelques minutes à vous non plus. » je lâche un léger rire malicieux et lève mon verre pour en boire une autre gorgée. « en général on vient ici pour se changer les idées. ce serait trop indiscret de demander si c’est votre cas ? »

Spoiler:

perspicace, elle l'est. on le lui dit souvent et elle n'est pas sans l'ignorer. pour autant ce n'est pas ce qui lui a permis d'affirmer ce qu'elle venait de lui rétorquer. elle se plierait plutôt au hasard, à la probabilité qu'un homme d'âge mûr seul et accoudé au bar d'une petite fête étudiante soit sobre et bien portant. sa posture n'avait rien de très digne, pardonnez-lui de tirer une conclusion aussi tranchante. elle devait lui concéder ses traits matures et très agréables à regarder. quoi qu'emprunt d'une certaine mélancolie ou plutôt de la déception ? peu importe. elle n'était personne pour juger ce soir et si elle n'était pas rentrée directement après le dîner, n'était-ce pas dans l'espoir de trouver un peu de réconfort dans une conversation qui, aussi futile soit-elle, lui ferait échapper à l'emprise du temps sur certains aspects de sa vie ? son sourire se noie dans l'alcool translucide avant de se laisser aller à une nouvelle réponse. « je vous crois sur parole. ravie de tenir la compétition face à une porte. » elle souligne sa maladresse qui est tout à fait navrante mais s'en accommode en descendant d'une traite son premier verre, l'amertume de l'alcool se dissipant sur le bout de sa langue. terminer cette bouteille ne lui semble pas impossible mais ce serait sûrement de la folie. elle avait besoin de se changer les idées, pas se mettre à l'envers et tituber dans son hall d'immeuble. enfin, avait-il seulement nécessité de la savoir ? « peut-être. je ne suis pas une grande fan de gaspillage et croyez-le ou non, j'ai une bonne adhérence à ce genre de petits plaisirs également. » ou alors était-ce une façon de l'amener à partager ? elle y avait pensé mais pas avec suffisamment de certitude encore pour mettre sa générosité à exécution. remplissant un peu moins son verre pour la seconde fois, elle poursuit sans plus s'étendre sur le sujet, « évidemment que c'est indiscret. mais si c'était le cas, penseriez-vous être à la hauteur ? » lui changer les idées, entend-elle par cette simple question qui répond à la sienne. elle était rarement curieuse du dessein des autres mais peut-être que ce soir, elle ferait exception. « vous semblez en connaître un rayon. »

elle est arrivée doucement s’asseoir à mes côtés, au comptoir de l’izakaya. la fête derrière nous à l’air de battre son plein mais nous nous retrouvons tous les deux là, au même endroit. l’un déjà alcoolisé, l’autre pas encore mais au vu de la bouteille qu’elle vient de commander, ça ne saurait tarder. même si l’alcool est bien monté, j’ai eu l’habitude de passer des soirées au bar avec les collègues après le boulot, à l’époque où je travaillais encore dans la boîte de design. il fallait à tout prix voir le chef d’équipe saoul, alors dieu seul sait que certains s’y sont donnés à cœur joie.. il y a en effet, bien des soirées où je n’ai aucune idée de la finalité de la chose. alors ce soir, j’ai du chemin avant de ne plus arriver à me rappeler de quoique ce soit. c’est pour cette raison que lorsque la jeune femme s’est assise à côté de moi, j’ai pu observer son visage de façon claire. des traits doux, finement dessinés, des longs cheveux bruns, une élégance qui ferait tomber n’importe quel homme autant dans ses gestes, que dans la tenue qu’elle arborait. j’hausse un sourcil lorsqu’elle me répond et la regarde avec des yeux curieux. loin de moi l’idée de vouloir la comparer à une porte, cependant mes paroles d’un mood alcoolisé n’avaient sûrement pas aider. je me contente de sourire simplement, enchaînant sur le fait qu’elle avait tout de même commandé une bouteille entière pour elle seule. si son intention était de la finir dans les prochaines minutes, elle avait clairement une très bonne descente. ou bien elle souhaitait finir la tête sur le comptoir, au choix. j’écoute sa réponse et bois une nouvelle gorgée de mon verre qui devenait de moins en moins rempli. « ça tombe bien, peut-être que dans ce cas vous allez m’accompagner pour voir qui de nous deux à la meilleure adhérence. » je plisse les yeux avec taquinerie, continuant la conversation en lui demandant sans gêne aucune si elle venait elle aussi ici pour se changer les idées. je ne peux pas cacher que c’est mon cas. ma vie en ce moment ne peut pas être plus bordélique que ça. je me sens ridicule de trouver mon seul réconfort dans cet alcool stupide, et je me demande même si dans 30 ans, je serais toujours ainsi. peut-être que d’ici là, je n’aurais plus personne pour me relever. « paraîtrais-je trop sûr de moi si je réponds oui ? » lui ai-je demandé en la regardant du coin de l’œil, mon petit sourire toujours présent. « c’est à vous d’en décider par votre simple présence ici. » je tourne mon visage vers elle et le dépose délicatement dans la paume de ma main. « faisons ça. si je suis à la hauteur, vous restez en ma compagnie mais si entre temps, vous jugez que je ne le suis plus, vous me quittez comme bon vous semble à n’importe quel moment. qu’en dites-vous ? » j’attrape mon verre à nouveau pour le terminer et me resservir. « en effet, je viens assez souvent ici en ce moment. je ne sais pas si ça m’aide à faire le tri mais.. j’imagine que ça fait l’affaire. »