Sa jambe tremblante était la preuve de son angoisse. Pour son fils, c’était le temps d’un jeu étrange où il pouvait sautiller sur la cuisse de son père. Wonsik riait à gorge déployée et pourtant ces cris stridents n’eurent aucun effet sur l’anxiété qui continuait de grimper chez le jeune père. Bien trop loin dans ses pensées, il fixait un point invisible sur le mur depuis quelques minutes. Le jeune bébé continuait de rire, sautiller usant les muscles affaiblis par l’âge du coréen dans son pyjama une pièce. Ses angoisses étaient justifiées, c’était la première fois que le fleuriste laisserait son fils entre les mains d’une autre personne depuis qu’il l’avait récupéré chez ses beaux-parents. Entre les mains d’une inconnue qui plus était. Woojin ne pouvait s’empêcher d’imaginer toutes les possibilités qui feraient que l’après-midi se passe très mal. La baby-sitter pouvait ne pas arriver du tout, être beaucoup trop exigeante, faire du mal à son fils. Face à cette dernière pensée, les poignes se resserrèrent sur les hanches du garçon, quelques secondes avant que le père ne s’en rende compte et le prenne dans ses bras pour s’excuser.

Ils sursautèrent, lui et son fils, pris par la sonnerie stridente qui annonçait que quelqu’un cherchait à les joindre depuis la porte d’entrée. Paniqué, Woojin se leva d’un bond, son fils sécurisé entre ses bras, et après quelques pas, appuya sur le bouton pour communiquer. « C’est au troisième étage, porte 304. » Il n’était pas prêt, faisant des tours sur lui-même pour savoir ce qu’il devait faire. Chauffer de l’eau pour le thé ? Habiller son fils ? Faire le ménage ? Préparer des gâteaux ? Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas reçu dans son appartement des personnes qui n’étaient pas ses beaux-parents. Ces derniers venaient de moins en moins mais, peu de temps après que le père avait été réuni avec son fils, ils s’assuraient qu’il assumait, cette fois, son rôle de père jusqu’au bout.

Woojin s’arrêta net, remettant ses idées en place alors que le petit enfant posa ses mains sur les joues du plus âgé, comme s’il tentait de le calmer. Touché, le coréen posa son front contre celui de son fils avant d’y déposer un baiser. Il commença par activer la bouilloire, puis fila dans sa chambre pour habiller proprement le petit. Alors qu’un seul des bras était passé dans la manche et les chaussettes encore manquant, le fleuriste fut surpris une deuxième fois par la sonnette de la porte de son appartement. La panique remontante, Wonsik en profita pour s’échapper à quatre pattes, riant. « Wonsik, qu’est-ce que… Reviens j’ai pas fini. » Il réussit à le reprendre dans ses bras lorsqu’il était devant la porte d’entrée. Fixant cette dernière, il pris de grandes inspirations puis, enfin, il ouvrit la porte, dévoilant un grand sourire bien que quelque peu crispé. « Bonjour, vous êtes Chu Jinhee ? » Il se décala pour laisser entrer la jeune femme. « J’ai fait chauffer de l’eau si vous désirez du thé. Et… Sinon j’ai des gâteaux. » Chose qui était complètement fausse car son fils les avait fini le matin-même.

Ce n’était pas la première fois que Jinhee répondait à une annonce concernant la garde d’un ou plusieurs enfants. Etant très à l’aise avec les petits bouts de chou, la jeune femme offrait ses services quand elle le pouvait pour soulager des parents qui travaillaient, voulaient sortir ou tout simplement prendre du temps pour eux. De plus, habituée de l’orphelinat, elle se moquait de l’âge de l’enfant parce qu’elle savait y faire. Cependant, chaque nouvelle rencontre amenait son lot de questionnement et d’angoisse. Jinhee avait la boule au ventre en se rendant chez Mok Woojin, le père du petit Wonsik qu’elle allait garder. De ce qu’elle savait c’était un père célibataire. Elle n’avait pas réellement d’appréhension face à cela, néanmoins, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’elle allait peut-être tomber dans un piège. Et s’il l’utilisait pour autre chose ? Et si le courant ne passait pas avec le père ? Ou pire avec l’enfant ? Jusqu’à présent, ça ne lui était jamais arrivé, mais il fallait un début à tout. Puis sans ça, est-ce qu’elle, elle conviendrait à Woojin ? Ce n’était pas facile de laisser son enfant à quelqu’un qu’on ne connaissait pas et elle savait que ça pouvait être encore plus compliqué si la baby-sitter ne convenait pas. Alors, Jinhee espérait être à la hauteur des attentes de ce père.

Elle pressa donc le pas pour ne pas être en retard. Elle ne supportait pas de l’être contrairement à son grand frère Yury, mais c’était aussi une façon de montrer au papa qu’elle était digne de s’occuper de son fils parce qu’elle était ponctuelle. Elle appuya donc sur la sonnerie une fois qu’elle fut devant le bâtiment pour annoncer sa présence. Entrant dans le hall, elle lissa sa jupe, remit son haut dedans et regarda si rien ne dépassait ou si elle n’avait pas un bouton d’ouvert. Elle n’était pas là pour passer pour une personne négligée ou pire qui voulait aguicher Woojin. Jinhee finit par monter les escaliers jusqu’à la porte. Elle la fixa, l’appréhension augmentant, formant une boule dans sa gorge. Et si ça ne se passait pas bien ? La jeune femme n’avait pas réellement envie que cela se produise. Non pas qu’elle avait absolument besoin d’argent, mais elle aimait aider et si le courant ne passait pas entre eux, ce serait compliqué de lui rendre service. Elle prit donc une grande inspiration avant qu’elle ne presse à nouveau une sonnette.

Jinhee patienta quelques secondes, peut-être même une minute entière avant que la porte ne s’ouvre sur le papa et son fils à moitié habillé. Un sourire s’afficha sur ses lèvres alors qu’elle se présenta, saluant les deux hommes au passage. « Bonjour. Je suis bien Jinhee. J’imagine que vous êtes Mok Woojin et que le jeune homme tout souriant dans vos bras est votre fils Wonsik ! » Ce n’était pas tellement une question mais une affirmation. Le plus vieux se décala pour la laisser entrer et elle pénétra dans l’appartement, toujours un sourire aux lèvres. « Le thé suffira merci. » Jinhee se déchaussa, rangeant sa paire de chaussures dans un coin pour qu’elle ne gêne pas. Elle regarda autour d’elle et découvrit un appartement rangé. Elle s’était attendue à un foutoir à cause du fait qu’il était un père seul avec un enfant. Mais il n’en était rien. « C’est vraiment mignon chez vous. » ne put-elle s’empêcher de commenter tandis qu’elle attendit que Woojin lui dise où aller et quoi faire.

Le stress et l’angoisse étaient au rendez-vous alors que Woojin essayait de jongler entre son fils et les gestes du quotidien. Il fallait qu’il ouvre à la demoiselle, qu’il lui laisse la possibilité d’entrer dans son humble appartement alors qu’il tentait de garder son enfant dans les bras. La jeune femme qui se trouvait derrière la porte était mignonne, beaucoup trop mignonne pour le père qui n’était plus intéressé par quiconque depuis la mort de sa femme. Néanmoins, sa simple présence derrière cette porte eut pour effet d’élever d’un nouveau cran de stress dans les entrailles du père. Cette Chu Jinhee était dans son appartement. Elle était là, et lui avec son fils entre les bras, ne sachant que faire. Trouver une baby-sitter faisait partie des choses qu’il aurait dû entreprendre avec son ex-femme, non tout seul.
Il sursauta, se retenant en même temps de pousser un petit cri qui allait à l’encontre des airs virils qu’il se donnait parfois, lorsque la bouilloire sonna pour signaler la fin de son cycle. L’eau était prête, mais est-ce que Woojin l’était. « Oui, bonjour. Excusez-moi. » Sa voix tremblait, il n’arrivait pas à cacher l’angoisse. Finalement, il l’invita pour un thé, lui montra la chaise où elle pouvait s’asseoir pour être plus confortable avant de lui tourner le dos pour servir l’eau. Seulement, il avait toujours Wonsik entre ses bras et resta planté là, plusieurs minutes, se demandant que faire. Devait-il finir d’habiller son fils, devait-il servir le thé d’abord ? Peut-être dire quelque chose, afin de ne pas avoir l’air idiot, voire menaçant. « Je… euh. » C’était fichu, il passerait sûrement pour le taré de service alors que sa cervelle venait simplement de s’éteindre. Ce fut Wonsik qui réactiva la machine, en poussant un cri pour communiquer sa lassitude d’être dans les bras de son père et son envie de courir partout. « Eh, Sik-a, attends. » Au lieu d’écouter les envies de son fils, il le posa dans sa chaise adaptée pour reporta enfin son attention sur la demoiselle. « Je suis désolé. Je n’ai plus l’habitude de recevoir du monde ici. » Bien qu’il donnait l’impression de ne plus avoir l’habitude d’être un humain décent. Wonsik, à côté d’eux était devenu brutalement silencieux, comme si savait que c’était déjà difficile pour son père qu’il avait désiré rajouter une couche en laissant un silence planant.

« Oui, le thé. » Récupérant deux tasses, il servit l’eau sur les sachets de thé vert puis la tendit vers la demoiselle. Il s’assit face à elle, prenant une grande inspiration pour se calmer l’esprit. Pour quelqu’un qui approchait des quarante ans, qui avait créé sa propre marque et qui était père, il se sentait tout petit et faible face à cette inconnue et ce qu’elle représentait pour son fils. « Vous avez déjà gardé des enfants ? Beaucoup ? » Ce fut sa première question, alors qu’il porta sa boisson chaude à ses lèvres et se brûla. « Jinhee, c’est ça ? » Il prenait cette grosse voix qu’il utilisait lorsqu’il était avec des clients gênants, celle qui était censé montrer qu’il était sérieux et qui, du coup, n’allait aucunement avec l’expression sur son visage. Le stress était palpable, on dirait presque un chiot perdu. « Bon, je vais être honnête, je n’aime pas que des inconnus s’approchent de Wonsik, mais je n’ai plus trop le choix. » Bien qu’il avait changé de carrière pour son fils, il se devait tout de même d’assumer sa boutique.

La jeune femme put se rendre compte, lorsque la porte s’ouvrit, du niveau de stress et de non-préparation du père de famille. Elle ne fit cependant pas de commentaire et essaya, elle, malgré son propre stress, de ne pas le montrer. Il n’aurait pas été utile qu’elle le montre et qu’il le ressente. Elle se présenta donc et sourit quand il s’excusa de ne pas l’avoir salué. Ce n’était pas important. Jinhee ne lui en tenait pas rigueur. Il n’avait pas l’air de savoir ce qu’il faisait et semblait bien plus perdu qu’elle ne l’aurait pensé. C’était rare que ce soient des papas qui mettent des annonces pour rechercher des babysitter. Elle se doutait donc qu’il n’y avait plus de maman ou alors qu’elle était bien trop occupée par son boulot pour qu’elle prenne le temps de mettre une annonce. La première option lui paraissait cependant être la bonne solution.
Elle entra donc dans l’appartement et le suivit dans la cuisine, l’observant en silence, attendant qu’il lui pose des questions. Seulement, encore une fois, il ne semblait pas savoir ce qu’il faisait et elle lui adressa un sourire doux quand son fils exprima le souhait de bouger chez lui. Secouant la tête, elle reporta son attention sur le plus vieux. « Ne vous inquiétez pas, je peux comprendre. » Ce n’était jamais facile d’allier sa vie de famille et son boulot et de ce qu’elle pouvait voir et déduire, Woojin était seul. Ainsi, il devait gérer le petit mais également son emploi. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il faisait et ne jugeait pas sa situation. Jinhee se doutait que c’était bien plus compliqué qu’il ne le laissait paraitre. Si elle pouvait d’une manière ou d’une autre l’aider à ne pas sombrer, elle le ferait s’il la laissait faire.

Jinhee attrapa la tasse dans ses mains et la chaleur se répondit dans son corps alors qu’elle restait silencieuse attendant les questions du père de famille. Elle était certaine qu’elles n’allaient pas tarder et n’eut pas tort. Il commença en lui demandant si elle avait gardé des enfants. Etant bénévole à l’orphelinat elle espérait que ça comptait mais elle avait également fait plusieurs fois du babysitting pour les amis de ses parents qui avaient des enfants plus jeunes qu’elle, mais également pour des voisins ou de total étranger. Ainsi, elle pouvait dire sans mal qu’elle était douée avec les enfants. Elle voulu répondre mais il reprit la parole, voulant probablement confirmer son prénom. A nouveau, un doux sourire s’afficha sur ses lèvres alors qu’elle hocha la tête pour acquiescer. La suite ne la surprit nullement et elle souffla doucement sur son thé avant d’en prendre une gorgée. Le liquide chaud parcourut son corps et elle planta son regard dans le sien. « Je comprends totalement votre réticence à laisser votre enfant à une personne inconnue. Ce n’est jamais facile. » Jinhee se souvenait d’une maman qui avait truffé sa maison de caméra pour être sûre qu’elle suive bien ses directive. Elle avait trouvé ça réellement dérangeant et en même temps, l’avait compris. « Mais je peux vous dire que j’ai déjà gardé pas mal d’enfants. » Elle reprit une gorgée avant de reprendre. « Je suis bénévole dans un orphelinat, j’ai gardé les enfants d’amis de mes parents, de voisins mais aussi d’inconnus. Si jamais, je peux demander des recommandations ou carrément vous donner les coordonnés de certains afin que vous puissiez vérifier par vous-même. » Elle n’avait rien à cacher et même si quelqu’un essayait de dire du mal d’elle et de sa façon de garder les enfants, d’autres seraient plus qu’heureux de lui faire des compliments. « Je peux même vous mettre en relation avec l’orphelinat si vous avez besoin de plus d’informations. »

Il aurait aimé que Mason lui dise à quel point c’était difficile et angoissant de trouver une baby-siter. Son ami avait préféré le laisser dans le sens quant à cette relation étrange qui devait être sous le signe de la confiance car il s’agissait tout de même de la garde d’un enfant. Un enfant si précieux aux yeux du père car il était le fruit de l’union de lui et sa défunte femme, un autre souvenir qu’elle avait laissé derrière elle pour Woojin. Tout était plus simple lorsqu’il pouvait faire la fête sans se soucier des conséquences. Tout avait été plus simple lorsqu’une présence féminine était là pour le rassurer, hors il n’avait plus accès à ces choses-là, ces petits bonheurs qui avait fait le Mok Woojin d’avant. Le designer de mode qui avait ainsi laissé place au fleuriste et père d’une famille brisée. Les premiers signes de panique passés, l’adulte servit le thé pour lui et la jeune femme avant de démarrer à poser toutes les questions qu’il avait en tête. Il préférait être clair sur la façon dont il voyait cette relation si elle avait lieu au final, s’il acceptait de la prendre pour s’occuper de Wonsik. Ce n’était pas facile, comme la jeune femme le disait, d’autant plus lorsqu’il était tout ce qu’il restait au père, comme il était le centre de son monde et qu’il avait totalement changé de vie pour l’unique bonheur de son fils.

Il écoutait silencieusement les paroles de la jeune femme, laissant dans un coin de sa tête de prendre le temps d’appeler ces dits contacts. « Oui je veux bien. » Il ne serait jamais trop prudent, et même s’il n’appellerait jamais tout le monde, il allait tenter d’avoir quelques avis sur la personne. Il se dit qu’il pourrait demander à Mason, mais pour cela il faudrait le faire venir et la rencontrer mais son ami avait déjà assez de choses à faire entre sa famille battant de l’aile et cet amour spécial envers ce gamin. Se mordant la lèvre, signe qu’il était perdu dans ses pensées, il prit cependant une gorgée de son thé. Il avait envie de reprendre son fils dans ses bras, l’utilisant pour se rassurer, au moins un minimum. Néanmoins, le gamin en question, bien que silencieux s’était tourné vers la demoiselle au lieu de son père. Quel traître. Tirant sur ses vêtements, comme lorsqu’il le faisait bien souvent pour demander l’autorisation de montrer sur les genoux, il l’observait avec de grands yeux de chien battus. « Wonsik, laisse la madame tranquille. » La panique s’entendait dans sa voix mais il était peut-être préférable de laisser Jinhee le prendre et de voir comment elle pouvait s’en occuper alors. « Je suis désolé pour lui, il aime beaucoup trop les câlins. » Il se laissa tomber contre le dossier de sa chaise, laissant sa tête pencher en arrière avant de passer ses mains dans les cheveux pour les remettre en arrière, signe de son stress bien trop présent. « Si vous avez beaucoup travaillé avec des enfants, tant mieux et.. » Que pouvait-il dire de plus ? « Ah, je ne sais même pas quelles questions poser, comme avez-pu le remarquer, vous êtes la première baby-siter que j’envisage de prendre. » Gardant un œil vigilant sur son fils, il se replaça correctement et bu son thé. « vous êtes étudiante, c’est bien ça ? Vous pensez que vous auriez le temps malgré vos études ? »