Quelques jours s'étaient déjà écoulés depuis l'arrivée de Liu Xing en Corée. Depuis, il se devait d'essayer de s'accommoder à son nouveau chez lui, cette fraternité pleine de bruit et avec lequel il avait encore que peu de contact. Le chinois était fait ainsi, préférant vivre en solitaire plutôt que de se socialiser, mais ici tout était différent. Sa fraternité était bruyante, intrusive et il ne pouvait faire un pas hors de sa chambre sans que quelqu'un n'essaye de lui parler. Aujourd'hui, par un heureux hasard l'ancien danseur avait pu s'éclipser sans se faire arrêter tous les deux mètres. Il s'était donc dirigé vers le bâtiment administrative avant tout, signant et rapportant les derniers papiers avant de se diriger vers le bâtiment des cours. Il ne reprenait que réellement les cours que dans quelques jours, l'administration lui ayant laissé le temps de finaliser calmement son transfert.

C'est donc dans le but de faire du repérage que le métis s'était mis à arpenter les couloirs, sans véritablement décider d'une destination finale. Sur sa route il reconnu quelques unes de ses futures salles de classe, et il mit un point d'honneur à mémoriser le chemin. Il ne voulait pas avoir à demander à quiconque de l'aider, le danseur était beaucoup trop fier pour ça. Sa petite balade ne prit fin qu'une heure plus tard, et c'est en remarquant l'heure au détour d'un couloir que Liu Xing se résigna à retourner aux dortoirs. Mais, alors qu'il s'avançait calmement vers les escaliers, une douleur fulgurante irradia toute sa jambe. Sous le choc il se mit à couiner et bascula en avant, se rattrapant de justesse à la barre des escaliers. Avec lenteur il fit glisser sa main le long de sa jambe gauche, la glissant jusqu'à sa cheville qu'il massa quelques secondes.

Finalement, la douleur s'estompa à nouveau, mais ce ne fut sans compter le violent vertige qui le prit lorsqu'il se redressa. Très vite sa vue se brouilla, et une grimace de mal-être prit place sur son visage. Il tituba un instant, manqua de dégringoler dans l'escalier, et finalement il du se résigner à se laisser tomber au sol pour éviter un malheureux accident. Assis à même le sol, Liu Xing se mit à masser son crâne, poussant quelques petits couinements de douleur. Sa tête se mit alors à tourner de plus en plus fort et le monde autour de lui se déformait dangereusement, sans qu'il ne puisse rien y faire. Il fallait se rendre à l'évidence, sa cheville n'était toujours pas guérie et probablement que celle-ci ne le sera jamais ... Mais aujourd'hui, cette blessure le mettait dans une bien fâcheuse posture et l'empêchait de retourner à ses quartiers sans risquer un accident bien plus grave.

Il ne savait pas ce qu’il faisait sur un campus. Cela faisait bien des années qu’il ne portait plus le statut d’étudiant, dévoilant ainsi son âge avancé. Cela faisait bien des années qu’il avait laissé derrière lui les soirées arrosées au soju, ces bouteilles vertes particulières qui s’enchaînaient et passaient de mains en mains, sans cesse. Bien que celles-ci avaient subsisté durant sa carrière dans la mode, de manière plus chics, plus mondaines et toujours aussi empreintes à la débauche. Or, cette journée avait été clémente pour la capitale, et offrait un magnifique soleil, faisant quelque peu fondre la neige autour de ses habitants. Une balade était de mise, lui et son fils, alors que la boutique de fleurs étaient fermée comme toutes les semaines, ce jour-ci. Woojin avait gentiment demandé à la baby-sitter de son fils de rentrer chez elle alors qu’il avait dans l’idée de profiter d’une journée complète rien que pour combler son fils de bonheur. Tous les deux emmitouflés dans leurs doudounes pour les protéger du froid qui gardait son emprises sur les rues, Woojin avait habillé son fils de la même manière qu’il s’était lui-même habillé. Des vêtements de sa propre marque, lui avec son manteau qui descendait jusqu’à mis-mollet, et son fils, jusqu’à la taille pour ne pas non plus l’étouffer sous une masse de vêtements. Wonsik grandissait à une vitesse folle et il était difficile de suivre le rythme en confectionnant toujours les vêtements adaptés.

Correctement et de manière sécurisée, son fils était dans un cocon protecteur, accroché au dos du père. Ses cris de joie faisait vibrer le cœur de Woojin qui éprouvait une certaine fierté à voir son fils ainsi. La zone universitaire de Yonsei était agréable pour s’y balader, malgré les côtes qui, parfois, pouvaient être fatales pour quiconque n’y était pas entraîné, voire inaccessible lorsque le sol était couvert de gèle. Pourtant, l’entrée principale était dégagée et magnifique. Après s’être éloigné des axes routiers, Woojin déposa son fils au sol pour le laisser faire quelques pas avant de le garder dans ses bras. Il se posa la question s’il pouvait visiter les lieux, depuis l’intérieur, comme pour se remémorer de ses années passées. Et son idée se vit confirmée alors qu’il découvrait les premiers signes qu’il fallait changer son fils (heureusement qu’il prévoyait toujours). Le tout était de ne pas se perdre, et de trouver des toilettes. Il n’était pas sûr que changer son fils dans des toilettes normalement prévues pour les étudiants étaient la meilleure solution, pourtant elle était nécessaire.

Néanmoins, il fut coupé dans sa recherche lorsqu’il aperçu, un peu plus loin, un étudiant qui manqua de tomber. « Atten... » Torturé par ses réflexes, il avait voulu tendre le bras comme s’il était en mesure de le rattraper et empêcher la chute, or ses instincts de père avaient resserré l’étreinte autour de son fils, comme s’il était la personne qui chutait. Il arriva à hauteur de l’inconnu et s'accroupit avant de laisser son fils au sol qui regardait la situation d’un œil très curieux. « Eh, ça va ? » Il se mordit la lèvre. « Quelle question, bien sûr que ça n’a pas l’air d’aller... » Il avait envie de l’examiner, voir ce qui n’allait pas, jouer le rôle de père qu’il endossait depuis deux ans, or il se retenait car il était face à un inconnu. « Est-ce que tu veux que j’appelle quelqu’un ? Ou que je t’aide pour quoi que ce soit ? » Du coin de l’œil, il voyait Wonsik se rapprocher du garçon, la curiosité changée pour de l’inquiétude, et essayant de tenir sur ses jambes, il s’était appuyé sur la cuisse du garçon.

Spoiler:

Tout était arrivé si vite pour le pauvre chinois, qui n’avait rien pu faire pour éviter cette fâcheuse situation. Se retrouvant assis à même le sol il ne pouvait absolument rien faire d’autre qu’attendre que son malaise passe. Mais ceci allait s’avérer plus difficile que prévu, la douleur qui irradiait sa cheville étant bien trop virulente pour l’ancien danseur. Le visage blême il laissa sa tête retomber contre le mur de l’escalier, grognant à nouveau de douleur lorsque qu’un pic électrique vint parcourir sa cheville et remonter le long de sa jambe. « Putain fais chier ! » hurle-t-il tandis que son poing vint s’abattre sur sa cuisse, la malmenant de petits coups de rage avant qu’une voix ne l’arrête subitement dans son auto-torture. Surpris, il fit un léger bond, écarquillant les yeux à la vue de l’inconnu. Depuis combien de temps était-il là ? Se questionne-t-il alors que ses orbes bruns ne le lâchent pas du regard, sa bouche s’entrouvrant sous le choc. Il resta dans cette position quelques secondes sans qu’un seul mot ne viennent percer la barrière de ses lèvres. Le souffle court et le regard emprunt de toute une panoplie d’émotions contradictoire, il referme finalement la bouche et secoue légèrement la tête. Ce simple geste le fit couiner à nouveau, et très vite les larmes qu’il avait tant retenues se mirent à rouler sur ses joues rosées. « Non… J’ai … Je n’ai personne à appeler. » murmure-t-il tristement alors que sa gorge se noue douloureusement « Je veux rentrer chez moi. » explique-t-il, ses paroles évoquant un chez-lui bien plus lointain que la fraternité des colibris. A nouveau il baisse la tête pour ne pas avoir à affronter le regard de l’inconnu, un regard qu’il se doutait serait marqué par la pitié. Seulement, alors que ses pensées tournoyaient dans un tourbillon de souvenirs et d’émotions, une douce chaleur vint irradier sa cuisse et le sortir de sa torpeur. Lorsqu’il osa enfin redresser le regard quelle ne fut pas sa surprise en découvrant ce petit être, le regard plein de curiosité venir s’appuyer contre lui « Un bébé ? » s’étonne-t-il avant d’afficher un petit sourire tendre, un sourire contrastant avec les perles d’eau roulant sur ses joues « Bonjour toi. »

Spoiler:

C’était la panique qui parcourait les entrailles du coréen. L’angoisse qui venait tirailler chaque organe, et la peur qui embrumait sa tête. Ses réflexes restaient cependant bon, ce qui était une bonne chose pour Wonsik qui avait été dans les bras de son père tout ce temps. Les attaches du porte-bébé le maintenaient parfaitement et pourtant, ses instincts de nouveau père avaient eu raison de l’adulte. Enfin, il s’était approché du garçon inconnu, le visage inquiet alors qu’il sortait la question habituelle que ce genre de moments requérait. C’était stupide, mais c’était Woojin. Il se rattrapa cependant bien vite alors qu’il posa une deuxième question au garçon. Personne à appeler ? C’était une chose plutôt rare, mais qui pouvait arriver pour tellement de raisons différentes. La voix du garçon ainsi que son accent lui donnaient cependant quelques informations, peut-être suffisantes pour avoir un premier aperçu de la situation. « Tu n’as qu’à m’appeler, comme ça tu auras quelqu’un. » C’était une première tentative, peut-être de l’humour, peut-être simplement le plus âgé qui semblait vouloir rassurer le garçon de son sentiment de solitude. Il ne le connaissait pas mais il pouvait l’aider du mieux qu’il pouvait. « Tu habites où ? Je peux te raccompagner. » Est-ce que c’était parce qu’il était père depuis déjà plus de deux ans qu’il se sentait pousser ainsi des airs protecteurs pour la nouvelle génération ? Il ne saurait le dire à part que, avant d’avoir accueilli son fils dans ce monde, jamais il n’aurait levé le petit doigt. Finalement, c’était Wonsik qui prit le relais sous le regard amusé et attendri du paternel. Le bébé n’avait que deux ans, pourtant il avait des capacités d’empathies déjà très fortes. « Oui, c’est mon fils, Wonsik. » À ces mots, le bébé sortit un son qui s’approchait très certainement d’un hello crié un peu trop fort en direction de l’inconnu. « Wonsik te dit bonjour, euh ? » Il n’avait pas de nom à mettre sur ce visage peiné. « Je m’appelle Woojin, comme tu peux le voir je ne suis pas étudiant. » Il appuya son humour de paternel d’un rire léger voire un peu forcé. « Dis-moi où as-tu mal, peut-être je peux t’aider. » Il était loin d’être médecin, ou d’avoir touché à quoique ce soit proche de la médecine. Pourtant, il était père et c’était une excuse suffisante pour lui, d’avoir appris les premiers secours, au cas où il arrivait quelque chose à son fils.