Le temps avait été clément. L’heure n’était pas non plus avancée et pourtant Liên était déjà sortie de sa galerie. Sa journée de travail avait été écourtée car elle avait elle-même pris la liberté de se permettre une après-midi tranquille. Elle, qui enchaînait les heures supplémentaires avait réussi à trouver une faille dans son contrat qui lui permettait d’être légèrement plus exigeante. Déjà qu’elle devait supporter un patron misogyne et homophobe. Alors ce fut sur un pas légers, les talon claquant contre le bitume du sol, qu’elle avançait dans les rues de la capitale jusqu’à atteindre la digital city. Elle ne cherchait personne en particulier, vous dirait-elle, pourtant c’était faux. Elle savait son ami occupé en tant que militaire et sa meilleure amie, sûrement avec sa propre petite-amie. Alors, elle se sentait un peu seule. Elle avait eu envie de recontacter une de ses sugar mommy, pour prendre des nouvelles, s’amuser. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de repenser à la demoiselle qui venait régulièrement visiter sa galerie. Elle n’avait rien de spécial, non. Elle avait tout d’une déesse physiquement mais semblait encore légèrement coincée derrière une éducation de haut niveau. Liên avait envie de la dérider, de voir jusqu’où elle pouvait aller avec cette demoiselle qui ne semblait pas non plus indifférente lorsqu’elle observait la vietnamienne.

Pourtant, elle pouvait marcher longtemps, elle savait qu’elle ne pourrait la trouver sur un campus aussi grand. Son nom était tout ce qu’elle possédait d’elle. De plus, à ce moment précis ce n’était plus un simple nom qui traversait l’esprit de la jeune femme. Elle se voyait vieillir alors qu’elle croisait de plus en plus d’étudiants. Elle était sur un campus, c’était normal, et pourtant elle prenait un coup de vieux, elle qui n’avait jamais fait attention à ce genre de choses. Du haut de ses talons, avec ses vêtements de marques qui étaient témoins de sa richesse injustifiée, elle n’avait rien à envier. Elle était encore considérée comme une belle femme pour son âge et son élégance n’égalait que sa beauté. Elle secoua donc la tête rapidement pour s’enlever ces pensées. Ce ne fut pas une tâche difficile alors qu’une odeur s’éleva dans l’atmosphère. Une odeur particulière qu’elle reconnaîtrait entre mille. Une odeur qui, avec elle, faisait toujours remonter des souvenirs douloureux, mais qui avec le temps s’effaçaient dans la peine peu à peu. Elle ne pouvait changer le passé, mais pouvait agir dans le présent. Alors, complètement consciente de ne rien avoir pour se protéger, elle suivit l’odeur. Ou était-elle suivie, plutôt ? L’odeur l’entourait et ce, même lorsqu’elle empruntait des ruelles de plus en plus petites, avec une odeur nauséabonde. Elle s’arrêta alors, sentant une présence derrière elle, qui se faisait de plus en plus proche. Brusquement, elle se retourna, prête à s’imaginer un esprit face à elle, une tache, une ombre, quelque chose. Quelle surprise fut-elle lorsqu’elle se retrouva face à face avec un garçon. « Hello gamin, que... » Elle hésita, simplement certaine qu’elle était plus âgée que lui. « Tu es tout seul ? » elle savait pourtant que ce n’était pas le genre de phrase à sortir à un inconnu et pourtant, elle voulait s’assurait qu’aucun esprit ne se trouvait autour.

Hyun Tae avait fini son dernier cours pour la journée, ce qui lui permet de pouvoir quitter l’université afin de rejoindre son dortoir. Mais avant ca, il voulait aller voir Min Jun pour lui rendre le sweat qu’il lui avait piqué la veille. Ce n’était pas rare que le jeune beolsae se serve dans la garde robe de son meilleur ami. Ca n’était pas la première, n’y la dernière fois que cela se produisait aussi. C’était une des habitudes du jeune artiste, il aimait porter les hauts de son aîné parce qu’il aimait le style de ce dernier et qu’il se sentait confortable dans ces derniers. Mais ça voulait aussi dire que le plus âgé chercher souvent après ses vêtements. Comme ça avait été le cas avant que Hyun Tae ne parte en cours. Du coup il se baladait avec le sweat de son aîné afin de lui rendre. Il savait où le plus âgé avait cours et c’était dans cette direction qu’il se rendait tranquillement.

Hyun Tae était presque arrivé et préparait en marchant le sms qu’il allait envoyer une fois devant le bâtiment où se trouvait Jun pour qu’il sorte. Il aurait pu aller jusqu'à sa classe mais il ne voulait pas le déranger plus que cela. Cependant avant qu’il puisse atteindre l’endroit une voix l’avait interpellé. Le faisant sursauter, il avait été tellement focalisé sur son téléphone qu’il n’avait même pas remarqué la personne qui marchait devant lui. Il n’avait pas tout compris surtout avec sa question. Évidemment qu’il était seul, ça se voyait bien qu’il n’y avait personne avec lui. “Oui, je suis seul. Ça se voit pourtant ?” Il ne comprenait pas pourquoi elle lui avait demandé cela. C’était d’ailleurs pour cela qu’il regardait bizarrement l'inconnu. Mais ça ne l’avait pas empêché de se poser des questions sur cette dernière. “Vous êtes sûr que vous allez bien madame ? On dirait que vous avez vu un fantôme.” Il n’était pas sur de la réponse qu’il attendait à sa question. Néanmoins, on ne pourrait pas lui reprocher d’avoir fait l’effort de demander.

Les sourcils froncés, Liên savait presque à quoi s’attendre. Le jeune garçon débarquait de nulle part. Elle aurait pu penser qu’il s’agissait de la source de l’odeur de jasmin en question, pourtant le jeune homme était bien trop opaque et physiquement présent pour n’être qu’une âme vagabonde. Ce n’était pas cette source-là, elle s’était trompée et avait donc demandé bêtement s’il était seul. Sa réponse ne lui plu qu’à moitié alors qu’elle voyait déjà le même genre de regard qu’elle avait reçu pendant des années. Seulement, elle était Tran Liên, la jeune femme plein de positivité, la jeune femme qui passait toujours outre les remarques désobligeantes des autres. Elle se savait seine d’esprit, elle avait ses croyances et respectait celle des autres, mais elle savait ce qu’elle avait vécu aussi, elle connaissait ses propres expériences. Elle savait qu’elle n’avait rien inventé, ni que ses yeux lui faisaient défaut, ni même la mort de son paternel.

Un sourire, suivi d’un soupir passa les lèvres de la jeune femme alors qu’elle se détendit légèrement. Elle s’attendait à ce genre de réponse, alors son mental lâcha pour ne rien prendre personnellement. Oui, elle avait bien très bien et pourtant elle passait toujours pour cette folle qui était simplement incomprise des autres. « Je vais bien, excuse-moi. » D’ordinaire, s’excuser n’était jamais dans ses plans, car elle n’avait pas à le faire pour ses croyances, seulement peut-être la fatigue avait eu raison d’elle. Son sourire se faisait un peu triste, légèrement seulement. « Ce qui m’inquiète, c’est justement que je ne l’ai pas vu. » Car l’odeur persistait tout de même et à chaque seconde passée, c’était un risque en plus. « Est-ce que tu te sens bien ? Pas de malaise, pas d’impression de poids, de froid ? » Tant pis si elle passait pour plus folle qu’elle ne l’était, elle ne pouvait pas tourner le dos face à un possible danger.

Hyun Tae avait été surprit par la femme devant lui. Il n’avait pas réellement compris ce qu’il se passait et sa question. En même temps, cette dernière était un peu bizarre. Il essayait de ne pas juger l’inconnue mais ce n’était pas simple mais avant tout, il s’était inquiété pour elle. Venant lui demander si tout allait bien, histoire de savoir si elle ne lui jouait pas un mauvais tour pour l’embêter. “Si vous allez bien, c’est le principal, je dirais ?” Quoique, il n’était pas certain que ce soit une bonne chose si elle imaginait réellement que les fantômes existaient. Après tout ce n’était qu’une invention des humains pour se faire peur. C’était toujours ce que s’était dit le jeune Park. “Vous me faites une blague j’espère ? Les fantômes ça n’existe que dans les films d’horreur.” Et il espérait vraiment que ce ne soit qu'une blague car si elle lui annonçait que les fantômes existaient pour de vrai, il risquait fortement de faire un arrêt cardiaque sur place. “Pourquoi je ne me sentirais pas bien ? Non rien de tout ca. Pourquoi ?” Il cherchait à comprendre où elle voulait en venir avec sa question. Car il ne faisait pas très froid aujourd’hui donc il n’avait pas de raison particulière d’avoir froid surtout qu’il s’était bien couvert pour ne pas tomber malade. Vu que tomber tout court était une autre histoire le concernant. “Vous êtes certaine que tout va bien et que vous n'avez rien besoin ?” Car actuellement, elle semblait plus être celle qui avait besoin d’aide que lui. “Si c’est le cas dites le, je connais le campus presque par cœur et je pourrais peut être vous aider.” Tant qu’il ne s’agissait pas d'une chasse au fantôme, tout devrait bien se passer pour lui. Donc il n’était pas inquiet et préviendrait Min Jun de son retard quand elle lui aurait répondu.

Elle aurait du garder le silence, elle le savait. Elle aurait simplement du fermer les yeux sur cette odeur si particulière et continuer son chemin. Elle ne pouvait pas aider toutes les âmes errantes, elle se doutait, mais même si elle tentait de faire au mieux, il y avait toujours des moments où elle se disait abandonner. Où elle se disait que si cette âme était encore parmi les vivants c’était qu’il y avait bien une raison. Néanmoins, au-delà des esprits vagabonds, c’était aussi un déséquilibre qu’elle contrôlait. Sa relation et croyances lui disaient que toute chose avait son contraire et elle ne pouvait se permettre de laisser un équilibre brisé. Cela apportait toujours de graves conséquences qu’elle ne pouvait assumer si il en résultait que c’était de sa faute. Néanmoins, parler de son vécu et mode de vie était toujours délicat pour Liên qui se confrontait bien souvent à des réticences. Et ce jeune garçon ne semblait pas y faire exception alors qu’il mentionnait lui-même la possibilité de fantômes après toutes les questions de la jeune femme. « Les films d’horreurs, hu. » Elle commençait à visualiser dans quelle catégorie elle pouvait placer le garçon. Bien qu’elle voulait ajouter que les films d’horreurs s’inspiraient bien de quelque chose, de faits. Néanmoins, les mots du jeune homme étaient bien étranges, à croire qu’il aurait pu être possédé par une entité. Alors, s’approchant rapidement, la vietnamienne posa sa main sur le front du plus jeune, comme pour déceler une présence indésirable, bien qu’elle donnait l’impression de seulement prendre sa température. « Moi je vais bien, mais tu es sûr de toi ? » Retirant sa main, elle resta proche du garçon, le toisant de tout son long. « Tu ne crois pas aux fantômes, donc ? Le but n’est pas non plus de te faire peur mais... » Elle ne savait comment finir sa phrase. Et pourtant Liên était une femme avec de la répartie. L’odeur était toujours là, signe de malheur bien qu’il était aussi très probable que rien ne se passe. « Ne t’inquiète pas pour moi, va, t’es mignon. Mais vieille femme que je suis sais me défendre. » Une phrase qu’elle aurait pu omettre, quoique énigmatique était c’était tout le côté de la vietnamienne qui, bien heureuse de se trouver drôle (même lorsqu’elle ne l’était pas) continuait d’être nature et sereine. Et ce, malgré l’odeur toujours présente. « Tu ne sens rien ? »

Hyun Tae ne comprenait pas tout. La femme devant lui semblait aller bien mais le sujet de leur semblant de conversation était quelque peu étrange selon lui. Alors il avait choisi d’expliquer que les fantômes n’étaient qu’une invention présente dans les films. En tout cas, c'était toujours ce qu’il avait pensé et il ne voyait pas comment cela pourrait être réel. Mais aussi et surtout parce que si c'était réellement le cas il ne savait pas comment il pourrait réagir face à l’un d’entre eux. Evidemment ce n’était que le point de vu d’un gamin effrayé. “Quoi ? Vous n’avez jamais vu de film d’horreur ? C’est flippant.” Pour lui ca l’était du moins. Il fit un léger bond de surprise quand la main de la jeune femme se posa sur son front. Hyun Tae ne s’était pas attendu à un tel geste de la part de cette dernière. Et surtout pas sans avoir demandé avant. Donc sa réaction était compréhensible. En plus il n’arrivait pas à comprendre la raison de ce fameux geste. Il allait bien, il l’avait même dit plusieurs fois avant. “Je vais bien. Croyez-moi. Pourquoi ça n'irait pas ?” Il se baladait simplement sur le campus alors il ne pouvait pas lui arriver grand-chose à part se blesser lui-même avec sa maladresse légendaire. Ce qui, pour une fois, n’était pas le cas. “Comme je vous l’ai dit, les fantômes n’existent pas. Donc il n’y a pas de raison que je crois à ça.” Même si pour être honnête la dernière phrase de la femme devant lui commençait à lui faire se poser des question. Hyun Tae avait écouté sa réponse souriant doucement avant de prendre la parole. “Noona, vous êtes pas vieille.” Certes il savait que la femme était plus âgé que lui mais ca ne voulait pas dire qu’elle était vieille, comme elle l’avait dit. “Sentir ? En dehors de votre parfum genre fleuris ?” C’était la seule chose qui sentait actuellement et depuis qu’elle avait fait son apparition devant lui. Donc il ne comprenait pas vraiment sa question, pourquoi lui demandait-elle ça, elle devait sûrement savoir qu’il s’agissait de son parfum. “Je ne sais pas exactement quoi comme fleur mais c’est ce qui me semblait sentir.” Il n’était pas assez doué pour reconnaître l’odeur d’une fleur en particulier. Encore faire une différence sur une palette de couleur était un jeu d’enfant pour lui. Mais les fleurs, c'était un domaine totalement inconnu pour lui.

L’envie de donner une tapette contre l’arrière de la tête du garçon était forte. Très forte. Mais Liên possédait un minimum de savoir vivre et serra le poing pour ne pas se laisser prendre dans ses pulsions. Elle se sentait presque insultée par le gamin, bien que ce n’était pas réellement le cas mais elle prit ses mots à la légère et laissa un petit rire passer la barrière de ses lèvres. « Non, je les trouve même ennuyants. » C’était toujours la même chose avec les films d’horreur. Rares étaient ceux qui sortaient du lot et étaient surprenants au final, à tel point que la vietnamienne avait arrêté d’en regarder. La main sur le front du garçon, elle insistait pour s’assurer qu’il n’avait rien. Avec une telle odeur dans l’air, c’était naturel chez elle. Il était hors de question qu’elle revive son passé, bien que c’était un gamin qui était face à elle et non son père. « Qu’est-ce qui te persuade autant qu’ils n’existent pas ? » Elle se détacha enfin du garçon maintenant qu’elle était rassurée quant à sa condition. Cependant, elle restait prudente car l’odeur ne disparaissait pas et ça ne pouvait signifier qu’une seule chose, que quelque chose allait se passait incessamment sous peu. « Ecoutez-moi ce beau parleur. Tu sais parler aux femmes toi. » Elle n’était pas vieille, certes, mais bien plus âgée que le garçon. Elle lui offrait cependant un sourire attendrissant avant de sentir ses cheveux pour vérifier si son parfum était si fleuri que ça. Elle ne pouvait le dire alors que, déjà habitué à la fragrance, elle ne pouvait plus le repérer. « Fleuri comment. » Car si le parfum de Liên était légèrement fleuri, mais assez fort et mature, l’odeur du jasmin, elle était complètement différente. Seulement elle se doutait que décrire un parfum n’était pas une chose aisée. « Une odeur de jasmin, non ? » Aussitôt dit, aussitôt l’odeur se fit plus intense. Comme un cliché beaucoup trop prononcé, le temps se couvrit et les nuages donnait une obscurité présente beaucoup trop tôt, un gros nuage qui annonçait une pluie intense. Le regard de Liên se perdit alors derrière le garçon. Une silhouette qui l’attirait. Une silhouette de petite fille. La vietnamienne pensa aussitôt au fantôme de la pluie qu’elle avait souvent pu croiser lorsqu’elle vivait encore dans sa campagne vietnamienne, cependant c’était bien étrange de la voir en pleine ville. Surtout qu’il ne pleuvait pas encore. Rapidement, elle se rapprocha du garçon et bloqua son visage entre ses mains pour l’obliger à la regarder. « Alors, ne prends pas peur mais il y a quelque chose derrière toi. » S’il ne croyait pas aux fantômes, il allait la prendre pour quelqu’un d’agressif qui ne connaissait pas ses limites, seulement, elle voulait simplement le protéger.