lana laissa ses doigts glisser le long de son téléphone avant de le porter à ses lèvres. Pensive, elle se remémore la conversation qu’elle venait d’avoir avec Jae Won. Elle détestait voir son nom s’afficher sur l’écran, un sentiment d’impuissance lui tirailler le cœur. Cela n’avait rien à voir avec le jeune dealer, et cette rancoeur assommante n’était pas dirigée contre lui. Mais lorsque Jae Won la contactait, cela ne voulait dire qu’une chose : que sa sœur réclamait une dose … et plus il l’appelait et plus Alana savait. Elle détestait cette idée et n’était pas assez naïve pour ne pas voir que ce qu’elle faisait avec Jae Won ne servait à rien … Si sa sœur tenait tant que ça a avoir une dose, qu’importe le dealer … elle irait. Alana ne pouvait se permettre de payer tous les dealer de la ville, mais si elle commençait par celui régulier auprès duquel sa sœur se fournissait cela pouvait être un bon début. On ne trouvait pas de dealer aussi facilement, tout du moins c’est ce qu’espérait la jeune femme … bien qu’elle se doutait que sa sœur était pleine de ressources … Alana avait du mal à supporter l’idée que sa sœur puisse se pourrir le corps de ces merdes … elle se doutait que l’influence de leur père l’avait rendue dingue. Dans quel état aurait-elle fini si elle était restée sous sa coupe ? Leur père était un homme de pouvoir, autoritaire, qui n’admettait aucun écart de conduite. Il leur demandait toujours plus, toujours trop, les poussant à commettre la pire des folies … se levant, elle quitte la quiétude de son appartement pour rejoindre sa voiture. Un passage à la banque pour retirer l’argent et la voilà stationnée à l’endroit habituel. Jae Won la rejoignait toujours dans la voiture, discrètement à l'abri des regards. Elle ne voulait pas attirer les regards en s’attablant dans un café ou donner le change autour d’un dîner. Leur rencontre ne durait jamais assez longtemps pour ça. Elle lui demandait des détails sur sa conversation avec sa sœur, lui donnait l’argent et il sortait. Elle n’était même pas certaine de pouvoir lui faire confiance mais c’était tout ce qu’elle avait. L’échange était toujours concis, la somme généreuse. Alana avait conscience de ne pas faire la chose la plus intelligente du monde mais c’était tout ce qu’elle avait trouvé afin d’aider sa sœur au mieux. Leur relation avait perdu de son éclat depuis qu’Alana s’était émancipée de leur père. Un long chemin qui menait le plus souvent à des déceptions. De sa beauté froide, Alana fixait la route devant elle, elle n’était pas nerveuse, mais elle s'inquiétait de ce qui pourrait arriver à sa cadette. Retenant un soupir entre ses lèvres, elle posa une main délicate et manucurée sur le volant avisant l’heure. Il ne devrait plus tarder.

'échange est bref et direct. Normalement, Jae préfère ne pas se mêler aux affaires de famille. Il ne comprend pas la force des liens du sang qui semble plus ravageuse et destructrice que salvatrice, selon lui. C'est sans surprise qu'il avait d'abord l'intention de refuser la demande d'Alana. Ça ne pouvait qu'être un piège quelconque pour lui faire cesser ses activités. Ou pire, se venger, éventuellement. La générosité de la demoiselle et l'avarice du dealer ont eu raison de  ses principes. Le montant lui convenait, c'était bien plus que tout ce que ses compétiteurs pouvaient recevoir pour une telle quantité. S'il fallait brûler des informations sur une cliente régulière pour obtenir cette somme, il n'avait aucun scrupule à le faire.

C'est donc avec un peu de retard qu'il se rend au point de rencontre habituel. Alana venait généralement en voiture et l'échange se déroulait à l'abri des regards derrière les vitres teintées. Mains dans les poches, Jae met peu de temps à repérer la caisse de la demoiselle. Il se penche légèrement pour que son visage soit à la hauteur de la vitre et donne quelques coups pour lui signifier sa présence. Il n'attend que quelques secondes avant d'ouvrir la portière et se glisser sur le siège passager. Sourire en coin, il rejette la tête vers l'arrière en soupirant avant de poser son regard sur Alana.

Tu comptes jouer à ce jeu encore longtemps? Pas que ça me déplaise, au contraire...

ès l’instant où il grimpa dans la voiture Alana porta son regard sur la route, s’obligeant à ne pas tourner son visage vers lui. Elle serra les lèvres à sa remarque. Il jouait, appréciant sa position de force. Car malgré l’apparence assuré qu’elle dégageait, elle se savait perdante. Elle pensait protéger sa sœur mais tout dans cette histoire était pathétique et sans intérêt. Peut-être que dans le fond, elle réalisait que ce dealer était la seule personne capable de lui donner des nouvelles de sa sœur. Tout aurait été plus simple si elle avait été capable d’aller la trouver et de lui demander d’elle-même. Tout aurait été plus simple si leur père n’avait pas tout gâché entre elles. En elle. Elle fit glisser ses doigts le long du volant et bascula sa tête en arrière contre le siège. Elle laissa un silence répondre à l’insolence du garçon. Elle déglutit et finit par souffler « Tu as ton argent Jae Won, je veux mes infos … que t’a-t-elle demandé ? » Son regard de chat, félin, se posa sur le garçon. Alana pouvait paraitre aussi douce, inoffensif qu’elle était féroce. Elle aurait préféré mourir que de laisser le garçon voire ses faiblesses, mais l’évidence même que sa sœur en était une lui collait des nausées. Elle tourna enfin son visage vers le garçon pour le regarder, pour saisir le mensonge dans son regard. Y arrivait-elle vraiment ? Elle préférait croire que si.

Elle mordilla sa lèvre rien qu’une seconde. Qu’est-ce qui l’avait poussé à finir sa vie ainsi ? Vendre de la drogue pour de l’argent facile ? Etait-ce de la survie ? Un jeu pour lui ? Certains cherchaient l’adrénaline, d’autre l’argent facile. Tombant dans un engrenage duquel il était compliqué de sortir. Jae Won, du peu qu’elle le voyait, semblait pourtant … solide. Il l’intriguait mais elle n’aurait jamais pris le temps d’apprendre à le connaitre. Tout ce qui lui importait était sa sœur, sa petite sœur … quel étrange façon de le montrer … Elle passa une main dans ses cheveux en écoutant le garçon, il aurait son argent, comme toujours, et comme toujours elle repartira avec le sentiment factice d’avoir fait une bonne action. N’était-elle pas ridicule ? Combien de cliente comme elle avait Jae Won ? Elle qui ne faisait que rarement avoir … tombait bien bas.

'est un sourire qui apparaît sur le visage de Jae en constatant l'exaspération de la demoiselle. Il n'était pas là pour lui faire plaisir, même si c'était à sa demande à elle qu'ils se rencontraient. Elle ne tarde d'ailleurs pas à entrer dans le vif du sujet en lui demandant des nouvelles de sa soeur. Encore une fois, il ne peut s'empêcher de s'amuser à ses dépens.

On parle de qui?

Il plante son regard dans le sien avant d'ajouter:

Ah. Ta soeur mh? C'est laquelle déjà?

Un rire s'échappe de ses lèvres alors qu'il lève les mains pour signifier qu'il en avait terminé avec son humour naze.

Elle demande toujours la même chose. Des amphétamines. Elle a délaissé la Crimson.

Jae hausse les épaules avant de s'enfoncer dans le siège, comme s'il s'apprêtait à faire une sieste. Un bâillement accompagne d'ailleurs ses prochaines paroles:

Ça t'intéresse pas toi? Vous pourriez vous amuser ensemble. Peut-être qu'elle te parlerait plutôt que de passer par moi.

lana pinça ses lèvres, elle était peu encline à supporter l’humour du garçon. Elle n’était pas certaine de savoir s’il le faisait par naturel ou s’il se moquait d’elle. Dans les deux cas elle n’appréciait pas le ton. Femme de peu de patience lorsqu’il s’agissait de sujets aussi important pour elle, Alana lui lança un regard noir qui, pourtant, ne semblait lui faire aucun effet. Gosse insolent qui s’amuse des choses beaucoup trop facilement. Ce n’était peut-être qu’un apparat pour détourner son attention, pour laisser croire qu’il ne s’attachait à rien, ou bien était-il juste un mauvais blagueur. Alana secoua la tête et reporta son attention sur la chaussée. Glissant doucement ses doigts le long du volant, elle finit par s’y appuyer de ses avants bras. Elle retint un soupire entre ses lèvres et peine encore à imaginer sa petite sœur avaler ces merdes … Au moins elle ne prenait plus de crimson, et heureusement pour elle, elle n’avait pas eu l’air de s’intéresser à la Blue Sky qui avait fait beaucoup plus de ravages et de dégâts … Etait-ce parce qu’Alana se savait condamnée à mourir jeune qu’elle ne comprenait pas cette envie qu’avait sa sœur à gâcher sa vie ? Sa maladie lui rendait-elle la vie plus précieuse ? Pourquoi sa petite sœur cherchait-elle à se faire du mal ainsi ? A croire qu’elle pourrait supporter cette vie plus facilement ainsi ? C’était peut-être le cas après tout. Alana semblait ne plus connaitre sa petite sœur, à tenter de croire qu’elle ait un jour pu. Humidifiant ses lèvres et tourne son visage vers le garçon qui prenait ses aises comme d’habitude. Alana oscillait entre un jeu de provocation ou un manque de savoir vivre, ce n’était pas avec le peu de temps qu’elle le côtoyait qu’elle pouvait se faire une idée juste du garçon … Mais tout de même, qu’est-ce qui le poussait à faire ça … vendre ces merdes en sachant qu’il détruisait des vies derrière. Les effets positifs de la drogue n’étaient qu’éphémère … avant de laisser place à un cauchemar qu’il était de toute évidence impossible à gérer seule. Les mots du garçon la blessèrent car il était d’une justesse sans pareil. Elle lui parlait à lui, à lui. Elle ferma les yeux en serrant les dents. « Pas la peine d’essayer de me vendre tes merdes, tu me taxes suffisamment d’argent comme ça. » grimace-t-elle pesant ses mots pour ne pas se montrer désobligeante. Mais les mots du garçon restèrent dans sa tête comme une litanie désagréable. Elle pinça ses lèvres et se força à les oublier. « Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu vends ça ? Pour l’argent facile ? » questionne-t-elle, pour la première fois sincèrement intéressée. Non pas que la vie du garçon avait un quelconque intérêt pour elle, mais elle était curieuse, de comprendre ce qui poussait les gens à agir ainsi … Mais peut-être que tout ça la dépassait. Elle qui vivait dans un appartement de luxe qu’elle payait avec l’argent qu’elle gagnait de son travail et de son passé de gymnaste. Une pluie drue s’était mis à battre les vitres de la voiture, peut-être gagnerait-elle quelques minutes de conversations avec le garçon. Augmentant le chauffage, elle s’enfonce à son tour dans son siège et colle son avant-bras sur son front. « Je ne la comprends pas … » et c’était peut-être ça le plus dur finalement …

a lui donnait envie de vomir cet amour fraternel. C'était peut-être une forme d'envie, il n'en savait rien, mais ça lui puait au nez et il ne pouvait autrement que de s'en moquer ouvertement. La jeune femme ne semblait pas trouver ses moqueries amusantes, d'ailleurs. C'était normal après tout, il détruisait sa soeur à petit feu en lui vendant toutes les substances illégales possibles. Mais certaines personnes, comme lui, étaient destinées à une fin tragique et n'avait que très peu de chance de survivre à leur vingtaine.

Jae sait très bien que sa proposition est vouée à l'échec. Tout ce qu'il connait sur Alana c'est son amour inconditionnel pour sa soeur et sa volonté de l'aider à s'en sortir et ce, même si elle devait se charger elle-même de lui procurer sa dose indirectement. Néanmoins, grâce aux quelques rendez-vous sporadiques entre eux, il sait qu'elle ne touchera sans doute jamais à une substance illicite et c'est donc avec un sourire amusé qu'il accepte sa réponse qui a le mérite d'être claire.

Je n'ai pas pour habitude de rapporter les fiats et gestes de mes clients à une tierce personne, normal que tu ais à mettre le prix.

Ce qu'il ne faut pas dire pour tenter d'effacer son image d'escroc. Il pose enfin son regard sur la demoiselle lorsqu'elle lui pose des questions sur sa vie personnelle. À croire que les gens étaient particulièrement curieux à ce sujet ce qui agaçait Jae au plus haut point jusqu'à lui faire perdre sa bonne humeur. Si ce n'était pas de la pluie torrentielle qui se déversait maintenant sur la ville, il aurait quitté la voiture aussi rapidement sans lui adresser un seul mot supplémentaire. Il décèle le mépris à travers ses questions et, même s'il en a l'habitude, la lassitude de devoir se justifier ne le quitte jamais complètement.

Ça te regarde pas. Pour certains, c'est le seul moyen de survivre.

Tous n'avaient pas la chance d'avoir des parents aimants, un toit sur la tête et assez d'argent pour subvenir à ses besoins primaires. Il appuie finalement sa tête contre la vitre, croisant les bras sur sa poitrine alors que la jeune femme exprime à nouveau son désarroi face à sa soeur. Jae est incapable de la rassurer. Il ne peut que se montrer brutalement honnête.

Cherche pas. J'en ai connu d'autres comme ta soeur, on est pas si différents elle et moi d'ailleurs. Je sais pas ce que tu cherches mais c'que tu fais, c'est inutile.