Naissance dans un hôpital public de Séoul. Elle est un peu fragile, ses parents sont inquiets mais font confiance au corps médical. Les nuits sont courtes et il faut constamment garder un œil sur elle.

Petite, c'était surtout sa mère qui s'occupait d'elle parce qu'avec un père servant dans les forces armées coréennes, c'était évident qu'il n'avait pas le temps de s'investir pleinement dans une vie de famille à plusieurs milliers de kilomètres du sol coréen.

Loin de la parenthèse enchantée et du baby-boom bienheureux, l'effet lune de miel se dissipe rapidement et la vie reprend son cours. Son père est de nouveau appelé dans les rangs pour servir son pays. Il promet de revenir dès que possible, d'appeler souvent et de rester en sécurité. Avec une famille derrière lui, tout lui semble différent maintenant.

A l'école, Minhee se montre déjà sage et enjouée. Elle est bien plus vive et perspicace que les autres enfants de son âge. Elle est toujours entourée de beaucoup d'amis et dès que l'école se termine, elle file multiplier les activités : cours de piano, cours de tennis, cours d'échecs et cours du soir pour rester la meilleure.

Puis sa mère est tombée gravement malade et son père a eu la permoission de rentrer pour s'occuper de sa fille et rester au chevet de son épouse. Elle est décédée dans les courtes semaines qui ont suivi. Minhee avait huit ans quand elle a vu son père s'effondrer et le monde entier s'écrouler autour d'eux.

Après la disparition de sa mère, son père s'est renfermé sur lui-même ; il est devenu dur et sévère. Il ne savait pas bien comment s'occuper d'elle, comment élever seul une petite fille. Il a choisi la facilité en se laissant guider par ses instincts paternels qui lui intimaient de dire non à tout. Il s'est réfugié dans le travail, est monté en grade rapidement et s'est forgé une carapace : le père strict et intrusif qu'il est aujourd'hui, qui tolère à peine une décoloration capillaire et qui mise tout sur l'avenir et la réussite de sa petite fille parfaite.

Au final, tout ce qu'elle n'avait pas le droit de faire, Minhee savait mieux que de s'en plaindre ouvertement et s'attirer les foudres de son père qui savait se montrer cassant et impressionnant lorsqu'il le voulait. Elle faisait en cachette, trouvant ses premiers prétextes au collège pour passer du temps avec ses amies à la sortie de l'école sans avoir à rentrer directement à la maison ; pour aller en soirée en empruntant la robe et les bijoux d'une amie dont les parents n'étaient pas aussi rigoureux que son père ; pour suivre un garçon après les cours, un samedi après-midi ou un vendredi soir ; pour boire, aller aux arcades en pleine nuit, partir en weekend sans aucune supervision et faire autre chose que de tenir le rôle de l'exemplaire fille de militaire : un rôle qui faisait plaisir à son père mais qui pesait lourdement sur sa conscience.

Le temps passe et elle habite deux ans à Saint Petersbourg lorsque son père y est muté en 2013. Il met la maison de famille en vente et Min Hee prépare ses cartons. Elle étudie pendant 3 ans dans un lycée international, parle anglais et apprend le russe, prépare le diplôme international des études supérieures et suit chaque soir des cours dans un institut privé qui dispense l'équivalent du programme scolaire coréen.

Retour en Corée du Sud en 2016. Son père se remarie avec la femme qui partage sa vie depuis deux ans mais les disputes se multiplient entre lui et ce "Noah", le fils de sa nouvelle compagne. Minhee choisit de rester à l'écart des tensions, érigée malgré elle en icône de la bonne éducation face à un demi-frère qui écope d'absences à répétition sur ses bulletins et de gardes à vue pour mauvais comportements. Quoi qu'elle fasse, elle ne parvient pas à se rapprocher de ce garçon qui l'ignore comme la peste.