Ces derniers temps tu as de plus en plus l'impression de sombrer lorsque tu n'es pas avec ton colocataire. C'est bizarre mais il y n'y a qu'avec lui que tu arrives à t'ouvrir un peu et à être un peu plus humain. Sans cela, tu es simplement une poupée trimballé par le vent. Aujourd'hui ne fait pas de différence. Assis dans le parc de l'université, un repas acheté au snack du coin, tu t'apprêtes à manger en terminant le livre de chimie de l'année. Tu as de l'avance, beaucoup d'avance. C'est peut-être ce qui énerve les élèves de ta promotion. A moins que cela soit simplement ton attitude efféminé en général ou juste ta tête qui ne leur revient pas. T'en sais rien mais t'as du mal à t'intégrer dans ta promo et la plupart du temps tu es seul. Parce que malheureusement tu ne vois ton colocataire que le soir et encore très peu. Quoi qu'il en soit tu sortes le kimbap acheté précédent, un soda et une saucisse à gringoter. Tu ne manges pas beaucoup, c'est une habitude que tu as prise avec ton ancienne vie. Seulement aujourd'hui tu ne sais pas que tu ne vas rien manger.

En effet un groupe d'étudiants de ta promo te voit, filles et garçons mélangés, tous s'approchent de toi en pouffant de rire. Dans la chaine alimentaire sociale tu as toujours été au bas de l'échelle, non pire tu n'es pas sur l'échelle. Alors quand l'un d'eux te bouscule en te demandant ton soda parce qu'il a soif, tu baisses les yeux et lui donne ta boisson. Cela ne t'a même pas traversé l'esprit de refuser. Simplement qu'on a conditionné à toujours exécuter les ordres, qu'importe qui les donne. Au départ tu considérais chaque personne comme un client, proposant des faveurs à n'importe qui. Aujourd'hui tu as compris que c'était déplacé et que certains pouvaient mal le prendre. Le monde dans lequel tu évolues est si différent du tiens que tu as du mal à trouver ta place. Pourtant même si tu ne prends plus chaque personne pour un client potentiel, cela ne t'empêche pas d'accepter tout ce qu'ils te demandent, d'un truc insignifiant, comme donner ton soda, à des choses plus humiliante. Les élèves de ta promo l'ont compris et en quelques minutes, tu te fais dépouiller de ton repas, les remerciement même à leur demande avant qu'ils te laissent. Etrangement cela ne t'affecte pas plus que ça, tu trouves ça normal en réalité. Tu n'es qu'un objet qu'on utilise, comme poupée gonflable ou comme distributeur, cela ne fait pas de différence. Aussi tu les regards partir en te demandant ce que tu dois faire, est-ce que tu dois retourner t'acheter à manger ? Tu n'as pas pris assez d'argent de poche alors tant pis tu resteras sans manger, au moins tu peux profiter du soleil, ça c'est gratuit et personne ne peut te l'enlever. Tu lèves d'ailleurs la tête vers celui-ci fermant les yeux te concentrant sur la douce chaleur qu'il te procure.

Je suis habitué à l’injustice. Ou du moins je sais ce que c’est quand ça ne va que dans un sens. Quand une personne ne fait que donner. Quand on lui prend tout. Sans rien en retour. C’est l’histoire de ma vie. Même si maintenant je sais qu’obéir ne fait pas que du mal. Que ça peut-être profitable. Mais pour le moment c’est surtout de moi qu’on profite. C’est si facile en même temps. Je suis une proie facile. Je ne me rends pas compte du bien, du mal. Je réponds oui, juste pour ne pas avoir d’ennuis. Pour ne pas subir les mêmes choses que quand je me rebellais contre mes parents. Je me doute que ce n’est pas la bonne chose à faire. Que pour moi ce n’est pas bien. Mais je suis comme ça. Programmé pour ça. Pour dire oui, acquiescer et me faire tout petit. Je pensais être le seul comme ça, mais dans mes petites expéditions parmi les couloirs de l’université je me suis rendu compte que non. Que certaines personnes elles aussi subissent la force des autres. Si je dois faire un parallèle avec mes maigres connaissances en cours, c’est un peu comme une chaîne alimentaire. Les gros qui mangent les petits, les petits qui ne cherchent même pas à se défendre.

Je ne peux même pas dire que j’ai peur des gens et de ce qu’ils font. Parce que socialement je suis totalement déréglé. Que je n’ai pas peur des mêmes choses. J’ai surtout peur d’être seul. Ça, ça m’angoisse beaucoup. Mais le reste et bien… je n’ai pas été éduqué pour avoir peur du monde. Juste pour être un bon petit soldat. Mais ça ne m’empêche pas de me sentir mal quand je vois que certaines personnes subissent les volontés des autres. Sur moi ça passe encore, mais sur les autres j’ai plus de mal à accepter. C’est pour ça que quand je vois ce garçon se faire voler son repas, sans rien faire. Je sens une pointe de colère monter en moi. Je regarde mon repas, à peine entamé, et je me demande pourquoi j’aurai le droit de manger tranquillement alors que lui non. J’attends que les personnes dérangeantes soient parties, et j’avance vers lui. Sans rien dire je me place devant lui alors qu’il regarde le soleil. Doucement je tend mon bento vers lui en souriant.

“Bonjour… Je m'appelle Ahn Da Hwon… Et je viens de voir ce qui vient de se passer. Je trouve ça tellement injuste... Je veux partager mon repas avec toi, si tu veux.” je dis d’une petite voix et avec un petit clin d’oeil.

J’ai encore du mal avec le comportement en société. On m’a dit souvent que je suis mignon. Ou même séduisant. Et j’ai du mal à savoir quel comportement prendre. Est-ce que le clin d’oeil est de trop ? Est-ce qu’il va mal le prendre ? Je veux juste l’aider moi. Pas l’insulter.

“Et euh tu t’appelles comment ?”

Tu ouvres les yeux lorsque la lumière du soleil disparait devant tes paupières. En voyant le jeune homme devant toi, tu te dis qu'il va te demander quelque chose parce que tu ne le connais pas. Tu es plutôt physionomique, enfin autant que ton métier le permet. Tu reconnais facile une voix, un soupire ou une carrure alors un visage c'est facile. Lorsqu'il tend ta boite à repas, tu baisses les yeux sur celle-ci, sans l'attraper. A son explication tu ne sais pas réellement comment tu dois te sentir. Habitué à jouer un rôle, à cet instant tu ne sais pas lequel tu dois endosser. Tu n'es pas au travail il ne faut donc pas que tu le prennes pour un client. Seulement son clin d'œil est assez équivoque, à moins que tu es mal compris ? Si tu n'as pas ton pareil pour extrapoler les lois de la physique, lorsqu'il s'agit de comprendre le monde, les gens principalement, c'est délicat. Dans le monde ou tu as évolué tu n'as pas vu grand-chose, hormis la luxure des gens. Tu pourrais élaborer une thème le côté obscur de chacun, sur la partie pervers que chacun porte en lui. Pour le reste, tu es nocive, comme un enfant qui découvre les relatons sociales en entrant à l'école. Sauf que tu n'es plus un gosse et que ta perception est biaisé par des années de soumissions sexuelles. Forcément, cela conditionne tes réactions, comme ici ou tu affiches un sourire charmeur en te décalant pour que l'étudiant s'assoit à côté de toi.

Je m'appelle YiHao enchanté DaHwon.

Tu espères ne pas avoir écorché son prénom, faut dire tu ne peux pas caché ton accent chinois. Dans l'espoir qu'il ne t'en veuille pas, tu plonges ton regard dans le sien ajoutant à nouveau un sourire que tu espères envoutant. Est-ce que c'est dérangeant pour lui ? Peut-être, mince et si c'est le cas ? Non c'est pas possible, pas après le clin d'œil qu'il t'a fait.

C'est gentil de ta part de partager. C'est toi qui t'a fait ?

Parce que oui on est loin du snack acheté au distributeur que tu t'es fait racketter. Tu t'étais fait une raison de sauter le repas, finalement c'est une bonne surprise de cet étudiant te propose de partager. Personne n'a jamais trop fait attention à toi, c'est donc surprenant pour toi. Tu ne sais pas encore s'il fait ça simplement par compassion, ou s'il attend une compensation. Vu ton attitude un peu aguichante, peut être qu'il sait ce que tu es et tu veux y gouter. Déformation professionnelle ? Surement mais pour l'instant c'est ce que tu penses.

Est-ce que c’est la bonne chose à faire ? Après tout il ne sait pas comment le jeune homme va réagir. Il ne sait pas comment cet acte de bonté va être interprété. Parce que c’est bien ça non ? C’est de la bonté ? Il ne sait pas vraiment, il n’est pas trop calé en ce qui concerne sentiments ou interprétation des signes extérieurs. Peut-être que ce jeune homme, Yi Hao visiblement ne veut pas qu’on l’aide. Qu’il croit que je le prends en pitié et que c’est pour ça que je lui donne une partie de mon déjeuner. J’ai de mauvais souvenirs liés à ça et du coup j’ai du mal maintenant à aller vers les autres. Alors que je fixe ce jeune homme, des images peu plaisantes me reviennent. Je me souviens d’avoir voulu aider quelqu’un dans le besoin quelques années plus tôt. Il l’a mal pris, m’a dit d’aller me faire voir et m’a roué de coups. Je me souviens encore des impacts, du sol trempé de pluie contre ma joue. Je me souviens du réveil à l’hôpital. C’est un épisode violent qui laisse encore des marques aujourd’hui. Mais je n’ai jamais ressenti ni colère, ni de tristesse. Dans ma tête c’est comme si je l’avais mérité, c’est tout. C’est triste je sais. Mais je suis comme ça. Chaque châtiment est mérité. Alors il l’avait mérité. Il avait fait une mauvaise chose et avait subit la foudre c’est tout. Il ne savait donc pas si Yi Hao allait mal réagir. Mais quelque part il se doutait que ça irait. Parce que Yi Hao a l’air comme moi. Il subit sans rien dire. Et c’est pour ça que je veux aller le voir. Parce que je veux lui rendre le sourire ne serait-ce qu’un petit peu.

“Enchanté de te rencontrer Yi Hao-ssi. Même si j’aurais préféré que ce soit dans de meilleures conditions.”

Il faut dire que même dans la tristesse, le sourire de Yi Hao est très séduisant et il se prend à rougir devant lui. Bon sang pourquoi je réagis comme ça moi ? Ce n’est pas vraiment mon habitude. Je lui souris aussi, ce qui pourrait s’apparenter à un sourire séducteur, du moins c’est ce qu’on m’a appris dans certaines soirées.

“Mais de rien Yi Hao-ssi ! Oui c’est moi qui l’ai fait, j’aime cuisiner de temps en temps, ça me détend beaucoup. Tu me diras si tu aimes.”

Ce n’est pas grand chose, juste une salade composée modeste mais il y en a largement assez pour deux. Voyant qu’il ne me rejette pas je me pose à côté de lui et lui tend un couvert en plastique et je place la boîte entre nous deux. Toujours souriant doucement.

“Tu étudies en quoi ? Tu fais autre chose à côté des études ? Désolé je suis curieux, mais c’est rare pour moi d’aller vers les gens, du coup j’en profite mais je peux me taire aussi.”