Tout nuage n’enfante pas une tempête.

- William Shakespeare

Amane Yuko. Fille de Amane Hayato, aussi surnommé le “faucon” dans le milieu des keiretsu, les grands groupes d'entreprises, présentes dans presque tous les secteurs de l'économie, pour avoir notamment réussi à obtenir une place de choix dans le groupe Sumiwa en ne partant du bas de la hiérarchie et très vite. Ambitieux, son père n’a jamais hésité à écraser les autres pour obtenir ce qu’il veut. Et ce qu’il a enseigné à ses quatres garçons, qu’il a eu avec sa première femme. Des années plus tard, lorsqu’il se remarie, après le decès de sa première femme, et que Yuko naît du fruit de cette nouvelle union, la déception de voir naître une fille n’est que trop grande pour son père. Mais aussi pour sa mère, une de ses collaboratrice coréenne, qui souhaite obtenir à vie les faveurs de son père en lui demandant un cinquième héritier. Amane Hyeri ne montre ainsi pas plus d'intérêt pour sa fille que ne le fait le père de famille. La jeune enfant est alors laissé la garde de ses grands-parents paternels qui sont chargés de son éducation, de faire d’elle la parfaite poupée traditionnelle qui n’a pas d’avis et qui se contente d’être jolie lorsqu’on en a besoin. La petite dernière ne trouve pas plus de soutien chez ses frères avec qui elle a pas au moins huit ans d'écart et qui présentent le même caractère cupide que leur père.

Malgré cet environnement familial qui ne laisse bien présager de bon pour elle, la petite japonais n’a eu aucun mal à faire pousser son bonheur au milieu des mauvaises herbes. Oublier ses parents carriéristes et influents. Oublier ses frères qui ont plus de valeurs qu’elle aux yeux de la société noble japonaise, et aux yeux de ses propres parents. Oublier l’enfant qui se doit d’être discrète et juste jolie, la belle décoration qu’on promène avec soi. Oublier tout cela, car cela n’a en rien empêché Yuko de grandir heureuse et épanouie. Élevée dans la campagne de Kyoto chez ses grands-parents paternels qui ne ressemblent en rien à leur fils, elle a bénéficié de leur amour pour tout support et cela lui a très longtemps suffit, tout cet amour n’a rien a envié à celui qu’aurait pu lui apporter deux parents aimants. Puis il y a eu Myungjin, son fiancé depuis toujours, son meilleur ami aussi, la personne sur qui elle compte le plus, celle qui la connaît le mieux et qui sera toujours à ses côtés peu importe ce que l’avenir leur réserve.. Se voir uniquement durant les vacances n’a fait que favoriser leur amitié grandissante. De son côté, Yuko s’est fait à cette idée, que le jeune garçon serait celui qu’elle épouserait un jour. La vie est ainsi, et cela lui convient car elle est incroyablement attachée à lui, elle lui confierait sa vie sans hésitation. Alors elle n’a jamais cherché plus loin.

Le bonheur est un cristal qui se brise
lors de son plus grand éclat.

- Proverbe turc

À peine majeure, à peine le lycée fini qu’elle est envoyée en Corée pour rejoindre la même université que son fiancé. Ce n’est pas un problème pour elle, ses résultats scolaires lui permettent d’intégrer Yonsei, l’une des meilleures universités de son futur pays d’adoption, et elle pratique depuis bien des années la langue avec Myungjin. Ce n’est qu’une nouvelle étape de sa vie, dont elle ne fait pas vraiment le choix. L’idée de déménager dans le pays du matin calme avec son fiancé lui plait, suivre des études de médecine aussi. Mais ce n’est en aucun cas ses choix, car elle n’a jamais eu son mot à dire sur ces décisions. Elle se doit juste qu’être la future femme parfaite pour son fiancé, un bon nom et un bon métier qui ne font pas honte à sa famille. Mais elle n’est pas à plaindre, elle vit dans le confort et se contente d’étudier pour réussir, faire acte de présence au nom de sa famille lors d'événements mondains. Mais loin de son pays d’origine, elle jouit tout de même d’une certaine liberté d’exister, et elle trouve sa place au milieu d’une seconde famille : les sangos. Combien même rejoindre une fraternité est aussi une directive imposée, elle trouve dans leurs rangs l’esprit de fraternité dont elle a tant manqué avec ses grands frères. Puis, en une sublime nuit d’été deux milles dix-neuf, alors qu’elle est en dernière année de licence, Yuko tombe à l’eau lors d’une soirée luxueuse sur un yacht.

Comment reprend-t-on le cours de sa vie normalement, quand celle-ci a été mise en parenthèse pendant quarante longs jours de coma ? Comment est-on censé agir normalement alors que tout semble avoir changé autour de nous ? Alors qu’on semble soi-même avoir énormément changé sans permission. Comment un simple accident peut-il tant affecter la vie d’une personne ? Pourquoi Yuko a-t-elle l’impression que sa vie a été réinitialisée le moment où elle a ouvert de nouveau les yeux dans cette chambre d’hôpital glaciale ? Une partie de la jeune japonaise ne s’est jamais réveillée de son coma, elle est restée inconsciente, enfermée à double tours dans son cœur. Et le vide, qu’elle a laissé derrière elle, n’a pu être comblé que par la peur d’être quelqu’un qu’on ne reconnaît pas, la peur de tomber en enfer une seconde fois, par la peur d’être en colère contre tout et contre tout le monde, et surtout contre soi-même. La peur de s’être perdue à tout jamais cette nuit-là, perdue dans cette copie imparfaite et effrayante d’elle-même, et surtout d’être incapable de se retrouver. Que faire, quand le combat semble déjà perdu d’avance ? Que plus personne ne semble croire en vous, y compris vous-même ? Yuko n’en sait rien. Alors elle cherche les réponses en s’évadant dans ses hobbies espérant ne jamais devoir revenir sur terre, en vain. Alors elle s’accroche à la seule chose qui ne semble pas avoir changé, Myungjin, jusqu’au jour où cette réalité-là aussi lui glissera entre les mains.