Les journées défilaient et le matin ressemblait de plus en plus à la soirée, l'après midi. Se confondant dans un tableau flou et similaire tu forçais ton cerveau à observer, à regarder chaque object pour qu'il reprenne une forme nette. Tu le forçais pour oublier qu'elle allait te quitté: cette faculté inné à chacun, indispensable et pourtant tu faisais doucement sans. Tout comme on t'avait appris à patiner sans ces précieux guides tu tentais de vivre sans cette lumière. L'angoisse menaçait bien souvent, mais tu pouvais compter sur Damon pour t'accompagner, t'aider à franchir les obstacles les plus épuisants. Comme les plus insignifiants.

Active tu voulais garder ce rôle qui t'allait comme un gant: active, réussite au bout des doigts. Tu touchais le milieu de la musique avec cette envie dévastatrice de tout bousculer. Changer les codes, profiter de ce qui te faisait vibrer. Certains disaient que tu t'étais lancé dans cette carrière pour aider les autres, tu démentais en disant que tu voulais côtoyer ce qui te faisait sentir vivante, la vérité était plus compliqué et tu semblais éprouver un peu de compassion en pensant à ceux enfermer dans une bulle étouffante comme tu l'avais été. Un peu comme Damon qui semblait se renfermer en posant distraitement les papiers de la réunion sur la table. Ce n'était pas parce que tu n'y voyais presque rien que tu ne ressentais pas ce grand bougre ailleurs.   "J'arrive à voir que tu es ailleurs sans mes yeux... qu'est ce que ça doit être avec un 10 sur 10 aux deux yeux.  " Souriant sarcastiquement tu t'asseyais alors dans un soupire; "On a du temps devant nous non? Explique moi.  "
Ta façon d'apprécier n'était pas toujours comme on le voudrait, pas toujours comprise mais tu savais qu'il comprendrait derrière ton attitude , ton inquiétude.

Damon l’avait laissé endormi, dans leur lit encore chaud de leur nuit. Il avait embrassé cette bouche qu’il aimait tant et avait rapidement quitté leur fraternité pour se présenter au travail. C’était une chance que lui donnait Ae Ra et il ne voulait pas la décevoir. C’était toujours particulier de travailler avec une amie, parce que la vie professionnelle et la vie privée pouvait se mélanger, mais Damon s’était juré de toujours se montrer responsable. Ce n’était pas parce que c’était Ae Ra qu’il allait s’accorder des pass droits. Il avait réussi à rester concentré une bonne partie de la journée, persuadé de ne pas se laisser envahir par ses pensées, mais c’était chaque fois pareil. Il se perdait dans ses pensées sans s’en rendre compte. Pour la plupart des gens il était juste concentré, mais pour son ami, il masquait difficilement ses états-d ’âmes. Il esquissa un sourire en coin à la remarque de son amie. Elle utilisait le sarcasme toujours avec agilité. Une certaine auto dérision qui rendait le tout plus facile à rire. Damon se sentait désolé pour son amie, aimerait pouvoir l’aider mais se retrouve bien impuissant … alors il se contente d’être ses yeux pour elle, souffle parfois quelques réponses, lui lit les documents les plus importants. S’arrange toujours pour qu’elle n’ait besoin de toucher aucun objet qui pourrait lui être difficile de saisir. Attrape sa main pour lui donner un stylo, lui ouvre la porte. Et ce qu’on prend pour la galanterie n’était là qu’un ami désireux de facilité au mieux la vie d’Ae Ra. Il se moquait bien d’avoir l’image d’un larbin, le genre de valet qui n’était assistant que de nom mais qui se chargeait de toutes les sales besognes. Il lui tend un document qu’elle doit signer et place sa main sur l’endroit où elle doit apposer sa signature. Des gestes simples qu’ils avaient l’habitudes de faire sans s’en rendre compte. Il grimaça et souffla « Rien ne t’échappe, hm. » une certaine affection pouvait s’entendre dans sa voix. Il contourna le bureau et alla s’asseoir dans le fauteuil en face d’elle. Desserrant sa cravate il poussa un soupire et s’enfonçant dans le siège jusqu’à ce que sa tête, basculée en arrière, touche le dossier. « J’ai encore surpris Jonah pleurer hier soir. » murmure-t-il tristement « Parce qu’il n’arrivait pas à se souvenir … » Damon lui avait tout expliqué, ses plans foireux, ses idées de merdes et cette culpabilité qui l’étouffait … mais ses mensonges ne valaient rien face à la peur qu’il ressentait à l’idée de perdre son petit ami. Il sait ce que va dire Ae Ra, il sait aussi qu’elle a raison. « Je n’arrive pas à lui dire la vérité … » souffle-t-il. « J’n’peux pas supporter l’idée qu’il puisse me quitter à nouveau … » il grimace à nouveau et sent son cœur se serrer dans sa poitrine.

Peut être que tu étais la pire amie qui puisse exister. Peut être même que tu étais la pire dans les conseils, préférant l'honnêteté, quitte à blesser, préférant aller de l'avant, tout droit, foncer dans un mur oui mais avec force et conviction. La pire dans beaucoup de choses finalement. Prête à faire d'un problème mineur un gros titre de journaux. Prête à prouver que tu avais raison, même si l'idée était médiocre. Prête à tout. Mais tu n'avais jamais couru derrière une autre personne que ton père. Jamais tu n'avais trouvé cette personne qui te rendait spéciale au point de trembler devant lui, de chercher à satisfaire ses envies. Au point de t'angoisser de le perdre, de chercher à le garder. Tu n'avais jamais ressenti ce sentiment même d'amour. Et en voyant tes amis, enfin, les sentant aussi tendus, aussi perdus et aussi amoureux tu ne savais pas si tu étais heureuse d'être faite comme un bloc de glace ou si tu voulais que quelqu'un bouscule ton quotidien. Perdre la tête pour une autre personne, à quel était ce grisant ? Les jeux de séduction te rendant maintenant malade, et blasée. Il semblait que rien ne satisfasse ton manque, ce manque même que tu ne parvenais pas à identifier. Mais peu importait ce que tu ressentais, c'était ton ami qui était tombé dans une spirale infernale, dont la vision était inutile. Damon était toujours là, toujours attentionné, prêt à t'aider sans le dévoiler au grand jour. sans te jeter en pâture à quiconque il prenait soin de toi comme personne ne l'avait fait, te protégeant comme jamais on ne l'avait fait, et au fil des années, tu comprenais probablement un peu plus cette idée de fraternité. L'idée même qu'il puisse être déprimé ne te plaisait donc pas, même si tu ignorais tout de la raison.
Prenant donc le temps de lui demander, lui accordant le temps qu'il méritait, les minutes défilant pourtant incroyablement vite tu tentas de le faire parler. "Tu penses que je serais ici si ce n'était pas le cas?  " Se tenir fièrement droite devant lui demandait du cran, une hargne que tu puisais dans ton expérience, mais également un esprit aiguisé. Mais plus encore quand cela touchait les gens que tu appréciais. "Ah... oh..  " Que dire de plus ? Tu connaissais l'histoire sur toute la ligne et elle n'était pas belle. Elle n'était pas très intelligente et en même temps Damon tentait le tout pour le tout, pouvait on lui en vouloir? avant même que tu n'ouvres une nouvelle fois la bouche il te stoppa, anticipant ta réponse. Mais la réponse semblait identique aux précédentes. "Hm...  " Prenant une autre inspiration tu semblais réfléchir à une solution miracle. Seulement, tu avais bien peur de n'en avoir aucune. "Mais tu n'en as pas marre d'avoir peur de le perdre ?  " C'était toujours. cette même musique dramatique et pesante. "Tu lui dis, tu te fais pardonner et l'affaire est dans le sac.  " Facile à dire. Mais difficile à faire , tu le concevais.

"  "
.