Depuis combien de temps était-il dans ce studio. Ce n’était jamais gênant pour le coréen qui pouvait passer des journées dans son studio privé, enfermé dans son appartement de luxe. Seulement, c’était devenu légèrement frustrant depuis qu’il avait intégré l’université. Il devait obligatoirement intégrer le dortoir de cette fratrie qu’il avait choisie, il devait obligatoirement parler avec les gens qui partageait sa chambre. C’était épuisant et surtout, ça le mettait mal à l’aise. Beomgyu était encore un novice lorsqu’il s’agissait des relations humaines, aussi platoniques furent-elles. Il avait grandi avec un oncle, loin dans une montagne où même l’internet n’existait pas. Puis, après l’arrestation du vieil homme, il s’était certes fait accueillir par un grand nombre de femmes mais était toujours aussi seul. Surtout depuis qu’il avait bougé pour la capitale après avoir amassé assez d’argent pour s’y payer un appartement. Heureusement que le garçon était talentueux sinon il serait à traîner dans la rue, à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. Cependant, son arrogance allait le perdre. C’était un génie de la musique, certes mais il n’en restait pas moins imbu de lui-même. Il savait que ce qu’il composait était bon, merveilleux même. Il n’était pas dans le top des chartes à chaque sortie pour rien. Pourtant, il ne supportait pas la critique. Ce qu’il composait majoritairement, pour les groupes de kpop, n’étaient pas ce qu’il préférait. Lui, voulait faire de la musique classique, du baroque du romantique et contemporain. Il voulait composer pour les plus grands orchestres du monde, être leur chef. Pourquoi pas, aussi, faire de la musique pour le cinéma. Ô ce qu’il aimerait ça. Néanmoins, l’industrie de la musique coréenne se vendait bien et il ne pouvait s’y retirer et risquer de tout perdre. C’était triste pour lui, mais l’argent que ça lui fournissait, moins. « Quel passage. » Il refusait de comprendre, jouant au gamin stupide. Cette était sa cliente et il ne pouvait lui parler ainsi et pourtant il ne se gênait pas pour le faire. « Il ne manque rien, tu veux juste me faire recommencer. » Clairement, il n’aimait pas la critique, surtout lorsque celle-ci était négative. Trois touches appuyée sur l’ordinateur et le passage en question repassa. Certes, il pouvait toujours l’améliorer mais son égo en prendrait un coup. « Il est parfait, tu fais chier. »

L’envie de s’arracher les cheveux était si forte. Cependant, s’il se laissait aller à ses envies, il deviendrait bien rapidement chauve. Ce n’était pas la première fois qu’il travaillait pour la jeune patronne, et ce ne serait pas la dernière même si Beomgyu lui dirait bien de tout arrêter. Ils avaient tous les deux leur fort caractère et forcément lorsqu’ils s’enfermaient dans un studio comme à présent, ça ne pouvait que finir par exploser. Les quelques notes qui passage en question passait en boucle dans leurs oreilles. C’était mécanique, répétitif et le garçon était prêt à devenir fou s’il devait passer cette même mesure une nouvelle fois. C’était pourtant son métier. La musique était tout pour le coréen qui ne vivait que grâce à elle. La musique était celle qui lui avait permis de continuer à avancer malgré la solitude, celle qui renfermait tous les souvenirs précieux des moments avec son oncle. Mais le genre était différent. Beomgyu n’avait jamais voulu faire de la musique mainstream pour les groupes de pop du pays, seulement il n’avait jamais eu le choix non plus. Il fallait manger, survivre et ces sons se vendaient très bien très rapidement alors c’était la sécurité. Il créait ce qui se vendait et le créait bien car il avait beau avoir un sale caractère, son talent était réel. Talentueux ne voulait cependant pas dire parfait. L’art prenait du temps et pouvait toujours être amélioré, le coréen était d’accord et pensait la même chose. Néanmoins, quand c’était Aera qui le lui faisait remarquer c’était autre chose. Il entendait ses demandes et devait y répondre car elle était celle qui lui achetait le titre après tout. Mais l’envie de répondre était plus forte encore. « Si je te connais assez pour savoir que t’es casse couilles. » La jeune femme était beaucoup plus âgée que le musicien mais il oubliait facilement les formules de respect. C’était Bu Beomgyu, il était comme ça et presque tous les CEO des agences d’entertainment le savaient. Seuls de très rares d’entre eux, comme Jung Aera, arrivaient à gérer le caractère de l’artiste. « C’est toi qui me fait un caca nerveux là. J’vais le refaire calme toi l’hystérique. » Il n’avait pas apprécié sa remarque sur ses capacités et avait jugé bon de ne pas y répondre directement. Son égo était touché, et son honneur était remis en question. Alors il se pencha sur le clavier face à lui, changeant quelques paramètres sur son ordinateur derrière. En deux temps, trois mouvements, il avait changé la mesure entière. Le thème était toujours là, mais il avait rajouté une pointe plus sombre en arrière plan pour redonner du coffre à la musique. « J’espère que ton chanteur ou le groupe à qui tu vas donner cette chanson est à la hauteur car je bosse pas pour rien grand-mère. » Et il cliqua sur play pour faire écouter son changement à Aera.

On disait que la ligne entre l’amitié et la haine était très fine. Pourtant, Beomgyu préférait dire qu’il n’y avait qu’une haine constante entre lui et la jeune femme. Le genre qui continuait de grandir entre deux jusqu’à créer une rivalité certaine. Elle l’énervait, mais restait une cliente qu’il ne pouvait contrarier. Il savait qu’il ne pouvait dépasser une certaine limite envers Aera, mais à force de travailler avec elle, il apprenait à la connaître et reconnaître ce qu’il pouvait se permettre ou non. Elle le menaçait de le castrer, ce qui n’était pas une chose rare entre les deux adultes. Les menaces fusaient toujours lorsqu’ils travaillaient ensemble à tel point qu’il était difficile pour une personne extérieure de les suivre. Le musicien n’était pas un homme facile à vivre. Il était arrogant et reconnaissait son propre talent, alors forcément tout devenait plus difficile lorsqu’il travaillait avec une personne aussi exigeante que la jeune femme. « Je sais pas si c’est très légal de me menacer ainsi. » Il jouait au petit malin, mais comme d’ordinaire entre eux. Les menaces et autres mots grossiers continuaient entre eux, heureusement ils étaient seul dans ce studio. Mais de manière générale les autres personnes veillaient toujours à s’éloigner d’eux lorsqu’ils étaient ensemble. Il avait voulu lui répondre qu’il n’avait pas besoin de son argent, qu’il était assez riche ainsi mais c’était grâce à des personnes comme Aera qu’il avait construit cette fortune.

Il n’était pas désireux de distribuer ses sons aux premiers venus. Beomgyu était bon et il emmenait toujours les chanteurs ou les groupes à la victoire lors des musical show, certes, cependant il gardait toujours un œil qui les interprètes.  « Les groupes qui chantent mes chansons ne s’oublient pas pourtant. » Imbu de lui-même, certain. Cependant, il n’avait pas non plus extrêmement tort. Enfin, il arrangea la partie demandée et fit de nouveau écouter la partie à la jeune femme, peu désireux de l’entendre demander d’autres modifications. « Au pire, je l’entendrai quand il sera au top un. » Il gardait un œil sur eux, mais jamais de trop non plus. La pop n’était pas son genre préféré mais c’était ce qui le payait bien.
Il fallait forcément qu’autre chose n’aille pas et ce fut lorsque Aera redemanda à écouter le début que le musicien se montra méfiant. « J’ai pas très envie, je sais ce que tu vas dire. » Il boudait, comme un gosse même. Il n’avait pas envie de modifier des parties à nouveau et il savait que la jeune femme allait le lui faire faire. Cependant, elle restait sa cliente et remit le passage demandé. « La prochaine fois tu demanderas plus gentiment aussi. » Il appuya sur play et laissa les notes s’enchaîner dans le studio. « Alors t’as un truc à redire ? » Il laissait la chanson passer en boucle pour qu’elle découvre qu’en fait la musique était déjà parfaite.