Le moteur se coupe et je me redresse doucement, un sourire aux lèvres derrière la vitre de mon casque. Le temps est idéal pour faire de la moto, pas de pluie, ni trop froid, ni trop chaud. La soirée promet d'être plaisante entre ce petit tour qui m'a fait le plus grand bien et la visite que je m'apprête à rendre à Aera. Nos plannings collaient pour ce soir et j'ai l'impression de ne pas l'avoir vue depuis un bout de temps maintenant. Je suis en bas, juste le temps de monter. Un message tout de même pour la prévenir de mon arrivée.

 Je retire mes gants puis mon casque et descends de la moto doucement. Le parking souterrain est gardé mais cela ne m'empêche pas de l'attacher avant de me diriger vers la porte qui mène au couloir intérieur de l'immeuble. Je croise une jeune maman que je salue d'un geste de la tête et souris à l'enfant tout en leur tenant la porte du parking. Les yeux tombent alors sur l'ascenseur et je l'appelle en déglutissant. Celui-ci, je le connais, mais ça ne m'empêche pas d'appréhender ce moment enfermé dans ce petit espace .. Un léger 'ding'  m'annonce son arrivée et je m'engouffre dans la cage de métal en inspirant profondément. Bouton. « Fermeture des portes ». Démarrage. L'engin se lance, mon ventre se tordant légèrement, et je me rends compte que je ferme les yeux. Je les réouvre pour essayer de trouver quelque chose sur laquelle fixer mon attention le temps du trajet. Je tombe alors sur mon reflet dans le miroir et hausse un sourcil désapprobateur : le casque a complètement ruiné mes cheveux, comme d'habitude, et je tente de remédier au nid d'oiseau qui trône sur ma tête pour ne pas arriver totalement débraillé là-haut.

 Le résultat est à peu près satisfaisant quand j'arrive au bon étage et j'approche de la porte pour taper le code de l'entrée directement : on a passé ce stade avec Aera, elle ne s'en formalisera pas. « C'est moi ! Et j'arrive pas les mains vides ! » lancé-je alors dans l'entrée après avoir refermé la porte. Je retire aussitôt mes chaussures et les laisse à côté des siennes avant de poser casque et gants juste à côté ; j'avance alors dans le couloir pour tenter de trouver la propriétaire dans son bel appartement.

 Quand cela devenait il une habitude ? Ecouter la même chanson en boucle, tremper tes lèvres dans ce liquide sucré mais fort. Quand est ce que toutes nos actions au quotidien devenaient elles une habitude? Tu avais trouvé ta réponse en attendant, en souriant alors que ton portable annonçait vocalement le message d'une personne en particulier. Tu avais trouvé une réponse simple, mais vraie: l'habitude commençait quand le manque et l'attente arrivait. Alors tu avouais que tu avais pris l'habitude de l'avoir avec toi, de partager quelques notes qu'il jouait parfaitement ou des discussions plus ou moins légères.

Ce soir ne serait pas l'exception où tu te sentais moins seule grâce à un seul message. Ta vie tu l'avais passé à regarder les autres sourires, à attendre un compliment, une main tendue de ceux que tu aimais le plus. Mais qu'est ce que l'amour quand le gain et le pouvoir sont en jeu? Les pieds touchant enfin le sol tu enfilais une paire de pantoufle pour te déplacer librement dans ton appartement non sans te cogner au passage. Tu profiterais des quelques minutes qu'il restait pour changer tes vêtements en d'autres plus confortables, virant presque à la tenue de sport décontractée. Le sourire toujours présent tu tentais de ranger le peu de désordre qu'il y avait. Ce n'était pas que tu ne vivais pas réellement dans cet appartement mais tu ne vivais pas vraiment dedans, tu dormais, buvais, mangeais parfois quelques petites collations et ça s'arrêtait là. Non tu écoutais beaucoup de musique ici. Loin d'une vie ordinaire d'un foyer chaleureux tu aimais cependant ces moments de solitude où la musique berçait ton esprit, tout comme elle le faisait en ce moment même.

Le bruit de la porte t'averti alors de l'arrivée de ton ami, tandis que tu servais un verre d'eau à ton invité. " Oh ohhhh Tu as pris de quoi manger ? Tu sais que j'adore manger !  " Paradoxe complet quand on savait à quel point tu avais haï chaque aliment plus jeune. " Tu veux un verre d'eau je t'en ai servi un " La moindre des choses après son voyage, même s'il ne devait pas être fort long.  " Tu veux un verre d'eau je t'en ai servi un " Tes mots n'étaient pas toujours des plus doux, mais tes gestes en disaient beaucoup sur l'attachement que tu avais pour lui, ou même Han Jae.

Sa voix se fait entendre dans l'appartement et la lumière provient d'un peu plus loin. Je m'avance doucement, mes pieds ne faisant aucun bruit sur le sol. Je n'ai bien sûr aucun mal à me repérer, les lieux sont loin de m'être inconnus depuis tout ce temps. Les allées et venues de l'un et l'autre dans l'appartement de chacun ne datent pas d'hier, et je me sens ici comme chez moi d'une certaine manière.

Mes yeux tombent finalement sur la personne que je cherche et un sourire se dessine sur mes lèvres automatiquement, heureux de la revoir. Je me rends compte qu'elle m'a manqué, je le savais, bien sûr, mais le réalise pleinement en la revoyant. « Bien sûr, que des bonnes choses, tu vas voir. » Je pose mon sac au pied de la table et m'approche d'elle, prenant le verre d'eau qu'elle m'offre et tendant l'autre main doucement vers sa joue pour m'y attarder un court instant dans un geste affectueux, mes yeux plongés dans les siens « Merci ma belle. Ca va toi ? J'ai l'impression qu'on ne s'est pas vus depuis une éternité. » C'est quelque peu exagéré et on le sait tous les deux mais ça fait quand même trop longtemps à mon goût. La question est réellement intéressée, toujours à l'affût de son état. Elle a l'air d'aller bien en tout cas, au premier regard.

Je porte finalement le verre à mes lèvres et en descends directement une bonne moitié : Aera a toujours une longueur d'avance et sait toujours précisément ce dont j'ai besoin avant même que je ne m'en rende compte moi-même. Je pose le verre sur la table et retire mon blouson de cuir pour le poser sur le dossier de la chaise la plus proche de moi, redressant les manches de mon pull avant de reprendre mon sac. J'en ouvre la tirette et commence à sortir les deux trois choses que j'ai ramenées pour ce soir. « J'ai peut-être eu la main un peu lourde sur le piment dans la soupe, j'espère que t'es prête ! Mais j'ai pas ramené de concombre, promis ! » Je ris doucement et lui lance un clin d'oeil tout en sortant le contenant de soupe amené de chez moi et de quoi faire des nouilles sautées. Je sais que sa cuisine est bien équipée et je n'aurais aucun mal à me repérer. Ca me fait toujours plaisir de cuisiner pour ceux que j'aime.

Sa visite imprévue ou prévue ne t'étonnait pas, elle n'était pas dérangeant au contraire faisant de ta soirée des minutes plus douces. Et même si la musique plongeais ton appartement dans une ambiance spéciale, une ambiance que tu appréciais plus que tout, tu ne pouvais nier que sa présence changeait tout. Et pour lui tu pouvais bien bouger, préparer un verre d'eau, oublier l'égoïsme qu'on t'avait appris à ton plus jeune âge. L'égoïsme qui maintenant te protégeait.

Pourvoir décrire chaque trait de son visage te manquait. La vision du jeune Ha rang n'était pas mal, les souvenirs étaient là mais s'effaçaient, la curiosité pointant le bout de son nez. Savoir ce qu'il était devenu, à quoi il ressemblait, sans que ses traits ne soient flous et impossible à distinguer. " Voir ça va être difficile, goûter je préfère. " Un léger rire t'échappe. ON avait tellement l'habitude, d'avoir tous ses sens d'acquis. C'était d'une telle fluidité que tu adorais taquiner tes amis avec cela. Le nez légèrement troussé de ta blague tu lui tendais son verre. Son odeur avait toujours cet effet de te rassurer. T'accrochant à ce que tu pouvais reconnaître, tu savais. Tu connaissais ce parfum comme celui de la protection, baissant ta garde sans hésiter. Son toucher ne te faisant aucunement sursauter, la confiance aveugle installée entre vous marchant. " Ca fait longtemps effectivement, on a été pas mal occupés hm ? C'est bon signe. " Riant doucement tu supposais que ne pas avoir le temps était bon signe, pour vous deux, pour vos travails respectifs. " Ca va ... et toi ? " Pas plus à développer. Ce ça va n'était pas faux, pas vrai non plus, te perdant dans une multitude d'émotions qui changeaient beaucoup trop souvent. Cependant tu n'allais pas alarmer ton ami pour rien, souriant doucement ta main venant retrouver une consoeurs dans un mouvements doux.

Chaque bruit analysé tu riais doucement quant à sa soif. "Tu as pris les escaliers pour monter ? " Une de tes plaisanteries, tandis que tu ne pouvais rien faire d'autre que d'attendre. L'odeur sortant tranquillement pour se diffuser et embaumer tes narines tu te penchais un peu plus pour savourer les effluves douces et épicées. "Ca sent bon ! Vite vite. " L'impatience, l'envie de découvrir, de connaître, de goûter. " Je sais pas .. tu as pris du sucré pour calmer le feu ? " Un principe de base mais tu ne lui en voudrais pas contente d'avoir déjà ces saveurs devant toi. "Heureusement que t'as pas mis de concombre !!! Je t'aurai tué avec ! " D'où sortait cette phobie ? Un mystère que tu ne pensais jamais résoudre, mais elle était là ancrée, et rien que l'idée du concombre te fit frissonner. "Oh tu vas cuisiner sur place ? " Ces moments étaient précieux. Oubliant alors les repas silencieux et froids, tout prêts sur une table désespérément grande tu préférais les bruits de métal, du couteau sur la plante, des aliments, celui de l'huile brulante et parfois même de ces casseroles qui s'entrechoquaient. La vraie vie s'étendant devant toi , pour effacer une image trop parfaite, trop carrée. " Tu vas faire quoi? Tu veux de l'aide ? " Pour faire tout tomber, peut être même jouer au pompier du jour. Peut être qu'il était mieux que tu restes derrière cette table bar servant de plan de travail.

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Sa petite blague sur la perte de sa vue me fait sourire mi-figue, mi-raisin ; je sais qu'elle ne l'avoue que peu à l'oral mais que la peur de perdre tout à fait la vue est bien là. Elle est capable d'en sourire, c'est un bon point mais je pense honnêtement qu'il se cache bien plus là dessous qu'elle ne veut le montrer, pas besoin d'être devin, je la connais trop bien à ce stade. Les mots n'ont cependant pas besoin d'être dits pour que je sache ce qui se passe et c'est mon erreur d'avoir employé ces mots-là en premier lieu. Elle sait pourtant qu'aucun mal n'était voulu et que malgré ma maladresse, je suis et serai là pour elle à tout moment. Je finis mon verre et m'approche d'elle une fois mon sac vidé « Je suis content de venir te voir, tu sais ? » Je lui plante un baiser sur la joue en riant, histoire de me faire pardonner et parce que j'en ai envie. « Moi, ça va écoute. La routine en ce moment, rien de plus, rien de moins. Les cours se passent bien, même si cette tête de mule de Beomgyu fait le malin, ça se passe ! » J'essaie de ne pas trop parler boulot d'habitude avec mes amis mais lui, c'est particulier vu qu'il travaille pour elle. Mais je ne veux pas plus penser à ce fameux gugusse qui me fait tourner en bourrique. « Et non madame, j'ai pris l'ascenseur, comme un grand garçon ! » Je lui tire la langue tout en sortant un couteau avec l'aisance de quelqu'un qui se trouve dans sa propre cuisine. J'ai de quoi faire des des quantités astronomiques comme à chaque fois que je viens, prévoyant de lui en laisser dans le frigo suffisamment pour les jours à venir. C'est mon plaisir de cuisiner et d'en laisser quand je passe pour qu'elle en ait quand elle veut, pour les jours à venir ou à congeler pour une prochaine fois : le fait maison est toujours bien meilleur que le reste. « Pour qui tu me prends ? Je sais que tu aimes ça, je garde la surprise pour le dessert mais tu te doutes bien que je n'ai pas oublié ! » Ca, non, hors de question de faire un repas sans note sucrée à la fin, surtout entre elle et moi. Et d'ailleurs, pas question non plus de la laisser sur le côté dans la préparation : je m'arrange toujours pour que quelque chose soit faisable facilement. Je sais qu'à l'inverse, si j'étais dans sa situation, je détesterais être mis à l'écart par souci de préservation et de sécurité alors je ne lui fais pas ça, jamais. Je l'inclus toujours d'une manière ou d'une autre à nos séances de musique, de cuisine, de tout, tout simplement. Je ne veux bien sûr pas qu'elle se brûle ou se coupe et anticipe cela sur des tâches réalisables avec une vue amoindrie, pour qu'elle puisse participer sans toutefois se blesser par mégarde. « Les nouilles sont posées à côté de moi, juste là, tu peux les rincer, je les ai déjà cuites à la maison. Et tu auras même le droit d'ouvrir la bouteille de soju qui est dans mon sac, et de nous servir deux petits verres pour la route pendant que je règle leur compte aux légumes. » Je les entaille avec précision et sais d'avance qu'on va passer un bon moment ce soir : un bon repas en bonne compagnie.

@Jung Ae Ra

 C'était évident, il allait déceler chaque petit mot qui te manquait pour comprendre toute les subtilités de ton langage. Tu devais être habituée. Et malgré ta propre  blague sur ta vision, n'ayant but que de rire doucement d'un langage trop commun, tu l'emmenais dans une réflexion plus profonde. Oui tu avais peur, tu étais effrayée, tu t'en rendais malade. Mais à aucun moment tu ne cherchais à le culpabiliser, là maintenant, tu te sentais bien, même avec cette blague qui n'approuvait que ta condition en le taquinant. Riant doucement à sa douce attention tu le suis d'un regard flou le nez plissé.  "Je suis contente que tu viennes aussi.  " Tu aimerais détailler chaque vêtement, chaque petits plus qui changeaient tout. Tu aurais aimé pouvoir dire quand il avait été chez le coiffeur ou pas, à la place tu savais quand il changeait de parfum. C'était déjà ça. Une vie remplie, tel était votre destin, mais vous aviez tous deux choisis ce chemin qui vous allait finalement parfaitement bien.  "Ah, lui. Ca ne m'étonnes pas. Le jour où tu me diras que tout se passe bien avec lui je serai choquée. " Beaucoup d'anecdotes à raconter avec cet enfant que vous aviez en commun. Il répondait bien, mal, trop.  "OH oh tu fais des progrès.  " Le sourire doux tu ne discutais pas plus de son arrivée pour passer à vos futurs estomacs pleins. Estomac comme le tien, qui s'était rapidement habitué à la nourriture faite maison, non pas celle de ce personnel de maison que tu croisais plus que tes propres parents mais bel et bien celui de tes amis qui partageaient plus qu'un repas avec toi. Appréciant beaucoup trop ce fait main que tu ne pouvais entreprendre seule, même si la flemme ne te prenait pas.  "On ne sait jamais. Si un jour tu deviens un papi et tu oublies.  " Riant de nouveau tu t'amusais à le taquiner espérant que ce jour n'arrive jamais. Tu voulais qu'il se souvienne de tout à ton propos. Non pas par pure démence mais pour ne pas être oubliée, jetée, mise de côté une nouvelle fois. L'abandon t'étant incroyablement insupportable tu ne pouvais le laisser partir, pas lui. Sa voix te sort de cette peur encombrante et étouffante pour te laisser respirer. Il s'arrangeait pour toujours te faire participer. Te laisser te plaindre d'être fatiguée, de bouder. C'était sûrement ce qui changeait tout avec lui comparé aux autre. Seul Han Jae avait ce statut bien élevé.  " Comme par hasard je m'occupe de la boisson. " Peut être que ton taux de tolérance augmenterai en servant. Dans tous les cas tu suivais ses instructions avec minutie prenant ton temps pour trouver chaque chose, effectuer tes taches et servir les deux verres avec fierté. Ce qui aurait pu lui prendre 5 minutes venait de t'en faire perdre le double, mais la fierté à la fin n'était pas comparable.  " C'est bientôt fini? Ca sent super bon" L'eau à la bouche tu venais dresser une petite table rapide sur cette table basse qui vous servirait de QG pour ce soir. Tu savais que la musique ferait partie de votre soirée, les rires et la bonne ambiance également. Les plats sur la table tu te rendais compte de la quantité.  " ET sinon tu comptais inviter d'autres personnes ? Faire une soirée ? Ou alors tu penses que je suis un ogre qui avale tout ? " Emmerder les gens. une vraie passion pour toi, malgré ton sourire amusé sur tes lèvres qui ne pouvaient s'empêcher d'apparaître en imaginant sa tête.  " Merci pour le repas. Mangeons ! Tu as des musiques nouvelles d'ailleurs ? " Jamais loin, la mélodie t'appelait, comme la lumière attirait les moustiques.

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Je ricane dans ma barbe, non existante cela dit, quand elle me taquine sur le fait que j'ai réussi à prendre l'ascenseur. Elle me connaît trop bien pour savoir tous ces petits détails de ma vie et elle comme moi, on sait que même si je n'ai pas pris les escaliers, ça reste un gros effort pour moi et un challenge permanent que je me lance dès que possible pour continuer à progresser tant que je peux. Je suis bien loin de ma jeunesse où les lieux clos me terrorisaient et me crispaient au point d'en faire parfois des crises de tétanie. Aujourd'hui, je m'estime heureux de ne plus voir ce handicap me pourrir la vie ; ça n'a pas été facile mais de longues années de thérapie m'ont aidé à en venir à bout, au moins en partie. Je n'ai pas à me plaindre, loin de là. « Un papy ? Direct, tu abuses ! Et oh, je suis encore frais comme un gardon, ne va pas me vieillir, hein. Je te rappelle au passage qu'on n'a pas tant d'écart que ça .. » Un souffle amusé m'échappe en nous imaginant tous les deux en petits vieux tout fripés. On a encore le temps de voir venir je pense. « Tu imagines à quoi on ressemblera quand on sera vieux ? Tu auras peut-être une grosse verrue juste là ! » Je pointe mon doigt vers son visage et le pose juste sur l'aile de son nez en riant cette fois-ci à pleine gorge. « Je te préviens tout de suite quand même, il faudra me supporter, j'espère que tu es prête pour toute une vie pleine de ma présence. Allez c'est parti, envoie nous des verres ! »

Je continue à tailler en pièces mes légumes, le bruit du couteau claquant contre la planche, régulier et sans pitié pour les végétaux. Je la laisse faire se son côté et m'occupe de la suite : une fois les légumes coupés, je mets une poêle à chauffer, circulant dans cette cuisine avec aisance. La grande poêle bouillante accueille les légumes que je fais sauter en gardant un œil sur Aera, la regardant avec un sourire tandis que je la vois verser nos verres. Les nouilles rejoignent le reste et je m'occupe de la sauce le temps que tout soit prêt. « Bientôt prêt, cheffe ! » Il ne reste qu'un court instant de cuisson pour que ça soit parfait et le temps que ça soit fini, j'ouvre la thermos de soupe et en verse deux bols, un pour chacun d'entre nous. Le liquide d'un rouge ardent semble annoncer qu'il est est fait de feu simplement en le regardant. « Attention quand tu goûteras la soupe, je n'ai pas blagué en disant que j'avais eu la main lourde sur le piment. » Je ne voudrais pas la voir tourner de l'oeil sans l'avoir prévenue, mieux vaut être prudent. Je sers les nouilles dans un plat et range la cuisine rapidement pour ne pas la laisser sens dessus dessous avant de rejoindre Aera, posant le tout sur la table qu'elle a préparée. « J'ai peut-être vu un peu grand oui .. mais il en restera plein pour toi, pratique. » Je m'approche d'elle et la guide vers le côté de la table. « Madame, si vous voulez bien prendre place au lieu de vous moquer de moi. » Je ne manque pas de lui faire une petite courbette tout en faisant un geste en lui montrant la place tel un serviteur et m'en vais m'asseoir moi-même non loin d'elle. « Ah mais oui ! J'ai enregistré quelques musiques à te faire écouter, j'ai la clé USB dans mon sac je te la donne après, tu me donneras ton avis. » C'est devenu une habitude pour moi de lui faire écouter ce sur quoi je travaille, histoire que tout marche dans les deux sens, je satisfais ses oreilles et elle me fait un retour sur les musique que je compose. « C'est pas du piano, ce sont des chansons que je vais revendre celle-ci, ça change un peu des dernières choses que je t'ai fait écouter au moins ! Et mange, ça va refroidir. » Sur ces mots, je commence moi-même à manger.

 Vous vous ressembliez sur quelques aspects. Prendre votre envol, relever des défis au jour le jour. Ce qui était facile pour les autres ne l'était pas toujours pour vous, ou pour toute autre personne. Apprendre de ses peurs, de ses craintes et ces barrières. Il avait cette peur qui l'empêchait de monter, il l'affrontait. La tienne se résumait à l'obscurité et pourtant chaque jour tu continuais de vivre comme si la lumière subsistait. Votre manière de ne pas baisser les bras. La route était longue mais la finalité plus que belle. Mais en attendant tu aimais faire des tonnes, avec ce qui pouvait être agrandi. Comme son âge.  " Je te crois je te crois, mais calme toi je sais que j'ai gardé ma peau de bébé " Et comme preuve tu massais tes joues dans un petit sourire. Si tu étais incapable de voir ton reflet tu faisais confiance à ton esthéticienne qui te permettait d'imaginer les merveilles de ses soins.  " Ne rigole pas ! Si j'en ai une tu en auras deux.. trois même ! " Telle une enfant tu paniquais à cette image en lui renvoyant le triple. Mais tu finissais pas rire. Tu le voulais à tes côtés lorsque ta peau sera ridée. La perte semblait te connaître, mais tu espérais l'éviter, comme on évitait une malédiction. Ha Rang savait te rassuré, apportant les mots justes pour laisser ton sourire envahir ton visage.

Les tâches légères mais présentes tu les remplissais avec plaisir, concentration et une certaine fierté. Chaque chose en son temps et tu finissais par remplir vos verres, attendant patiemment l'odeur qui se dégageait de plus en plus de cette cuisson. Il avait l'art de bien cuisiner, tu avais l'art de bien déguster. Une amitié qui marchait donc.  " Tant mieux je meurs de faim. " Tu n'allais pas le presser mais un peu quand même tandis que ta main restait sur ton ventre définitivement vide, lui qui avait prit l'habitude de crier famine avant de se taire à tout jamais, tu réapprenais à vouloir te nourrir. A sentir les saveurs plutôt que la culpabilité. Une vie entière à s'adapter.  "Oh ohh !! tu as voulu me donner une indigestion ?Ne t'en fais pas je suis plus résistante que j'en ai l'air. " Il pouvait te croire, mais pas trop non plus. Tout comme tu pouvais toujours agrandir sa conception de prévoir un repas. Quantitativement parlant il aurait pu nourrir ta semaine entière. Mais c'était plutôt pratique.  " C'est vrai, au moins j'aurai de la bonne nourriture pour toute la semaine. " Confirmais tu en t'asseyant. Les gestes grands tu les apercevait presque dans un petit rire. La cuillère se perdant dans la soupe tu ne peux t'empêcher de diriger ton attention vers la musique qu'il entraîne avec lui. Toujours synonyme de détente tu avais déjà hâte d'entendre ces sons, nouveaux et uniques.  "Je vois, en soit je suis sûre que c'est toujours avec beaucoup de goût. " Toucher le plus de personnes, surprendre sans trop bousculer, des codes que tu avais appris et que tu continuais de tester, Ha Rang t'aidant avec la théorie dans la musique.  " Bien bien je ne vais pas faire attendre cette soupe de l'enfer qui fait déjà pleurer mon nez. " Le piment se sentant amplement tu n'hésitais pourtant pas une seule seconde pour prendre une bonne cuillère , ,piochant dans les différents plats avec appétit.  "C'est bon. Epicé mais très bon. Bravo. " Rien de tel qu'un compliment de ta part. Un compliment qu'il recevait bien trop.  "Dis, tu penses pas que je suis trop gentille avec toi ? " une réelle réflexion qui te faisait te stopper, et si les autres apprenaient que tu n'étais pas si horrible ? Une ironie dont il savait déceler la subtilité. Montrer ton côté le plus tendre , le plus fragile aux autres, une idée farfelue qui ne te plaisait guère.  "J'ai quelques chansons de récupérées. Mais j'ai encore peu d'artistes je pense faire un recrutement ouvert. Ca te dirait de m'aider ? En tant que membre du jury ? " Une idée que tu avais mûri pendant au moins un jour, mais que tu voulais mettre en place, agrandir ce nom que tu voulais devenir référence. Pas pour l'argent ,mais bel et bien pour la reconnaissance artistique. En attendant, l'artiste en toi pleurait quelques peu de cette épice destructrice, ne cessant de renifler de la manière la plus élégante qui soit.  " J'ai chaud. "

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C’est toujours bon enfant entre nous, cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus de complexe ou de tabou, de gêne ou de réserve. Impossible de passer une soirée avec elle qui ne me donne pas le sourire. On est bien sûr passés par des moments un peu moins drôles, notamment quand il a fallu se raconter nos vies, les hauts comme les bas. Aujourd’hui on a dépassé ce stade, on réussit l’un comme l’autre à avancer, à regarder de l’avant, avec notre soutien mutuel notamment. C’est avec un sourire en coin que je me tourne vers elle. « Profite bien de ta peau de bébé, ça ne durera pas ! » Il y avait encore le temps de voir venir, surtout avec le gêne asiatique dans notre génome mais on n’était jamais à l’abri de rien, on le savait tous les deux. « On formera le duo des vieux verruqueux, ça promet .. » Je rigole et en même temps, j’espère quand même que je serai un vieux à peu près potable, forcément, ça serait mieux pour mon ego mais seul l’avenir pourra nous le dire.

« Allez à table ! » Comme Aera le mentionne, la soupe pique déjà pas mal le nez à l’odeur, et ça me donne l’eau à la bouche : j’adore ça, moi, le piment. Je goûte et laisse un mmmh m’échapper : par-fait. « Je ne veux pas me jeter de fleurs mais j’ai vraiment pas mal réussi sur celle-là, tu ne trouves pas ? » Elle répond bien sûr par l’affirmative, je sais qu’elle apprécie ma cuisine, et c’est d’ailleurs ce qui me motive à toujours faire mieux ou essayer de nouvelles choses quand je viens la voir. C’est un plaisir pour moi de cuisinier, de toute manière, mais encore plus quand quelqu’un est là pour apprécier et savourer. L’intérêt de la cuisine est bien moindre quand on est tout seul devant son assiette. Je redresse la tête à sa prochaine question et hausse un sourcil amusé. « Trop gentille ? Non, juste ce qu’il faut. C’est parce que je suis un amour et que tu ne sais pas me résister. » J’agite mes sourcils pour appuyer mon propos et manque de m’étouffer dans une cuillerée de soupe en riant. « Voilà, je fais le malin et j’en mets partout .. » J’essuie les quelques gouttes qui m’ont échappé avec une serviette et me dis que je ferais mieux de manger proprement. « Pourquoi, tu as peur qu’on découvre que tu as un grand cœur, Aera ? » Moi, je ne la connais pas autrement que comme ça, mais je ne peux pas juger son côté 'cacher aux autres qui je suis vraiment' puisque je suis un peu pareil. Je m’enfile deux trois bouchées de suite, mes joues gonflées de nourriture : j’ai l’air d’un hamster affamé j’imagine. Je mets quelques instants à finir tout ce que j’ai en bouche mais hoche la tête en attendant en réponse à ses propos, avant de pouvoir répondre clairement. « Et comment, ce serait top ! Tu sais que je ne dis jamais non à quelque chose à faire de toute façon, et ça, je n’ai pas eu souvent l’occasion, alors bien sûr j’en suis ! Tu sais que tu peux m’appeler quand tu veux pour ça. » Je réfléchis un instant et la pointe sauvagement de mes deux baguettes. « J’espère que tu seras toujours gentille avec moi-même en public, hein .. » Je finis par lui faire les yeux doux et ricane encore un peu en l’entendant ensuite renifler plusieurs fois. Je déplace son verre d’alcool juste devant elle et récupère le mien. « Tiens , bois-ça, ça ira mieux après ! » Je ne crois pas vraiment que l’alcool apaise la côté pimenté mais c’est plus pour commencer à la voir s’enquiller son soju, parce que je suis comme ça, un petit côté diabolique bien caché mais bien présent.  

 Jamais on aurait pu croire que tu t'attacherais à quelqu'un. Que tu continuerais à évoluer auprès de quelqu'un, que tu ferais confiance, laissant ta main dans la sienne pour te guider dans des ténèbres qui t'entouraient. Mais maintenant tu savais. Que tout le monde n'était pas digne de confiance mais certains sont différents. Et même s'il te traitait de vieille ou qu'il te prévoyait un vieillissement de la peau tu n'arrivais pas à lui en vouloir, malgré tes sourcils froncés ton sourire était grand et amusé. "Yah ! Ca durera ! Je suis éternelle " Un rire t'échappait. Ca n'avait aucun sens, mais après tout la vie n'en avait pas non plus. Tout comme ses phrases qui ne prédisaient que du mauvais pour votre futur. N'importe quoi, ta grimace voulait en dire long sur tes pensées sur ses prédictions. "Même pas en rêve! " L'ambiance était douce, légère et remontait ton moral qui en prenait un coup chaque matin.

Déjà prête à gouter chaque plat qu'il a fait, même si la table en est remplie, tu n'attends pas pour tester la soupe qu'il n'a clairement pas raté, mais qu'il n'a clairement pas fait légère en piment. " Hm pas mal.. bon ça peut irriter n'importe quel estomac mais pas mal je m'en servirai pour tuer les plus faibles. " Un autre petit rire t'échappe tandis que tu manges tranquillement. Il savait que tu envoyais beaucoup de pic, beaucoup de faux pics d'ailleurs. Pour toute réponse plus vraies il n'a qu'à te regarder mangera dévorer ce qui t'est proposé avec un sourire qui en disait long sur l'appréciation. Ce n'était pas si compliqué de te contenter, mais tu devais avouer qu'Ha Rang savait cuisiner. Il était même ton cuisiner préféré. Par contre, tu passeras pour ses réponses, mimant alors un haut de coeur tu te mis à rire doucement après. " Et sinon tu ne veux pas un tapis rouge et quelques pétales qu'on lance quand tu marches ? " Tu avais été trop gentille avec lui. " Ah bienn fait ! Le karma " Dis tu en riant. Perdant celui ci même lorsqu'il te pose cette fameuse question; celle qui te fait douter de ta propre personnalité. "Je n'ai pas un grand coeur. Ravales tes bêtises. " Ou bien prends plusieurs bouchées, c'est ce qu'il semlait faire. Tu ne savais pas qui tu étais réellement mais tu n'avais jamais eu tant de place pour cette générosité, cette gentillesse que tout le monde recherchait. L'honnêteté, le franc parler, la dureté, tu connaissais la froideur plus que la chaleur. Heureusement que la soupe de Ha rang réchauffe ta trachée, te donnant envie de parler de ton projet, au lieu de te morfondre sur un passé. " J'aime quand tu me dis ça ! J'aimais bien l'idée aussi ça change et ça me permettrait de trouver de nouveaux talents. Je n'hésites jamais à t'appeler. " Pourquoi t'en priver ? Et pourtant tu devais avouer sans jamais lui dire que ton doigt venait parfois sur son nom sans jamais appuyer sur ce bouton magique. Parfois, tu avais juste besoin de compagnie, mais ta fierté marchait toujours. Tout comme tu ne refusais pas un verre après avoir renifler. Tu aurais pu dire que ce n'était pas une bonne idée AVANT. Mais ce ne fus qu'après cette gorgée interminable pour finir ton soju que tu t'exclamas. "Quelle idée de merde ! Ah ... " Ta gorge ne savais surement plus ce qui la torturait, et tu ignorais si tu avais mal ou si tu ne sentais juste plus rien. " Toujours là pour des idées idiotes " Un verre d'eau pour apaiser légèrement avant de piocher dans les différents plats à la recherche de saveur et d'un peu de douceur. " J'ai hâte d'écouter ce que tu as fait t! " Impatiente, tu l'étais. Et ton estomac venait d'être rempli, même si tes portions étaient minimes. "C'était très bon ! " Tu devais quand même l'avouer.

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