« Est-ce que tu as donné rendez-vous au jeune homme dont a parlé Madame Nam la dernière fois ? » Forcer à faire plaisir à sa mère une fois, deux fois, puis trois fois, Seola s’est retrouvée prise au piège, coincée dans une boucle qu’elle ne contrôle pas – ou du moins, qu’elle n’ose pas sortir de peur de devoir confronter la déception et la colère de cette dernière. Mais pour autant, elle n’est pas de ses enfants qui, en quête d’affection et de reconnaissance, arrive à se soumettre totalement et étouffer leurs convictions. Elle aime sa mère, mais elle n’est pas certaine que ce qu’elle lui force à faire est fait pour son propre bien. Elle a un doute, elle a essayé de lui partager son appréhension mais parce qu’elle n’arrive pas à se faire entendre. Elle s’est résignée à faire ce qu’on lui demandait, mais en dérogeant aux attentes qu’on lui imposait. « Bientôt » répond-t-elle, pensant alors tout bas, ce soir, avant de claquer avec fausse douceur la porte d’entrée et monter dans la voiture du chauffeur qui l’attendait. « Au N°7 ». Contrairement à sa destination, l’impatience, l’excitation, ne se lisait nullement sur son visage, il y avait au contraire de la malice, avec déjà, l’ombre de la fatigue.

Les portes de l’établissement s’ouvrent à elle, si elle se faufile dans ses lieux sans le moindre doute, c’est parce qu’elle sait où se rendre, que son plan est déjà tout élaboré et qu’il n’attend plus qu’à être joué. L’avance qu’elle prend sur son rendez-vous est loin d’être un signe d’intérêt ou de politesse, elle doit veiller à ce que tout se passe tel qu’elle se l’est imaginé. S’installant au bar, se hissant sur l’un de ses sièges hauts, elle interpelle le barman avant de glisser en sa direction, un billet, « faites comme d’habitude, tous mes verres doivent être non alcoolisés. Un Paradise, s’il vous plaît. ».  D’un léger mouvement du poignet, l’écran de sa montre connectée s’allume : il n’allait pas tarder à arriver.