C’était toujours un plaisir pour Sena de venir aux entraînements des cheerleaders ; à chaque fois elle se félicitait de son choix d’intégrer l’équipe des pompoms de yonsei plutôt que de se contenter du club de danse. Bien sûr, elle aimait la danse mais après toutes ses années de trainee et les cours obligatoires qu’elle avait dans son cursus, elle avait besoin d’un nouveau challenge. Quelque chose qui la stimulerait et qui l’aiderait à grandir artistiquement parlant. Et pour cela, la rigueur et le côté vertigineux du cheerleading étaient parfaits. En quelques mois à peine, la jeune chanteuse avait fait des progrès rapides et satisfaisants, une belle récompense à l’énergie qu’elle y investissait. Sena n’en était pas encore aux saltos du haut de la pyramide humaine, mais ce n’était pas impossible à réaliser aux vues de son poids plume et de sa forme physique. La métisse se voyait déjà tourbillonner dans les airs, comme dans american girls. Après tout cela lui plaisait et ce serait probablement un bon atout sur son cv d’idole. Alors entre ses études et son petit job étudiant, elle trouvait toujours le temps de venir aux entraînements trois fois par semaine avec l’espoir de participer aux évènements sportifs comme cheerleader principale. Aujourd’hui n’échappait pas à la règle, entrainement de deux bonnes heures où les chorégraphies millimétrées et exténuantes s'étaient succédées. A la fin de leur session du jour, Sena prit enfin quelques secondes pour respirer et pour se reposer. Alors qu'elle en profitait pour se réhydrater, elle remarque une silhouette familière qui fit naître sur son visage un sourire lumineux. Gourde abandonnée, elle trottina rapidement vers le jeune homme, dehors à l'écart des gradins. Si ce n'était pas pour sa bonne vue et sa capacité d'observation, l'ancienne idole l'aurait certainement raté. « Saeran oppa ! Qu’est-ce que tu fais ici ? » demanda-t-elle, la joie de le voir dans la salle de sport plus que visible dans sa voix. Depuis qu'elle avait commencé le cheerleading, Sena ne se souvenait pas d'avoir déjà vu ce qu'elle concidérait comme un grand-frère à un de ses entraînements. C'était rare que le groupe ait du public aux répétitions. « T’es venu regarder mes entraînements ? Ou… Tu viens essayer, c'est ça ? ». Son sourire se fit que plus grand encore alors qu'elle se rapprocha de son ami pour passer son bras sous le sien, sortant Saeran hors de sa cachette. Sena aurait été ravie de le présenter au reste du club, mais les athlètes avaient déjà quasiment tous plié bagage pour rentrer chez eux. Tant pis, elle avait bien plus intéressant en tête de toute façon. « Viens, je vais t’apprendre quelques trucs. » insista-t-il traînant de sa maigre force le garçon jusqu'au centre de la salle. Lâchant le bras de Saeran une demi-seconde, il se retrouva les mains bien vite prises lorsque la jeune étudiante se récupéra une paire de pompoms dorés au sol qu'elle lui posa dans les mains. L'excitation de partager ce moment tous les deux suffisait à lui faire oublier la mine indescriptible de son ainé.

Il relève la tête, un peu hébété et pris sur le fait. « Tu fais quoi au juste ? » C'était la définition idéale d'une pause, étendu avec élégance sur plusieurs sièges dans les gradins, silencieux comme à son habitude, parfait pour prendre de la hauteur et observer l'entraînement du club de pompom girl d'un air distrait. Bah ouais dit comme ça c'est plus douteux que ça en a vraiment l'air mais il avait une bonne excuse pour être là ! et sa bonne excuse était entrain de le tirer hors de sa rêverie pour lui faire dévaler les escaliers jusqu'au praticable d'exercice. Il s'exalte d'un rire léger et incrédule. « Non les pompons dorés c'est pas trop mon truc... » Mais c'est pas grave vu qu'il les a déjà entre les mains et que Sena semble pas décidée à les lui reprendre pour le moment. « N'espère même pas me faire faire le quart de ce que tu faisais tout à l'heure. » Il l'avertit d'un air austère qui ne dure pas, trop amusé de la voir graviter autour de lui, aussi enjouée et pétillante que d'habitude. Il s'en veut de plier genou à terre le premier en craquant un sourire aussi attendri que dépité par le dessein qui l'attend. « T'as dormi combien d'heures cette nuit pour avoir autant d'énergie. » Est-ce qu'il lui pose vraiment la question ou c'est le fruit de sa pensée qu'il manifeste à voix haute pour se trouver des excuses ? Sena avait toujours su se montrer persuasive et saupoudrer son quotidien de bonnes ondes auxquelles Saeran restait rarement insensible. « Tu vas pas lâcher l'affaire hein ? » Il sourit, il en est même certain alors ses traits se transforment au gré de sa résignation et il soupire en se disant qu'avec un peu de ruse et une manière détournée de prendre les choses, il pourrait peut-être préserver une infime partie de son ego. Il s'assoit sur le sol du gymnase et regarde les pompons à n'en savoir que faire, prenant appui sur ses deux mains posées un peu plus loin derrière lui et regardant la plus jeune avec tout le poids de la fatalité dans ses orbes lumineuses. « Vas-y, vas-y, je t'en prie... t'as l'air de bonne humeur aujourd'hui mais vas-y doucement sur moi quand même, on est d'accord ? » Il hausse les sourcils, amusé. C'est pas pour autant qu'il est décidé à lui rendre la tâche plus facile.

En moins de temps qu’il n’en fallait pour le faire, Sena avait déjà trainé son aîné dans le centre du gymnase. Le fait que Saeran se soit déplacé pour venir regarder son entrainement de cheerleading le rendait heureuse, c’était rare d’avoir des spectateurs en dehors des vraies représentations auxquelles elles ne participaient pas vraiment. Si heureuse qu’il fût impensable pour elle que le garçon ne fasse que regarder. « Les pompons dorés, c’est le truc de tout le monde ! ». Sena avait des milliers de bonnes raisons de trouver que le doré allait au teint de toute le monde, des milliers de bonnes raisons de trouver que les pompons allaient à tout le monde et ce n’était certainement pas Saeran qui la ferait changer d’avis. La jeune étudiante s’occupa que très peu de son austérité certaine à tenter la discipline, son sourire éternelle sur les lèvres en toutes circonstances. Jusqu’à ce que sa bonne humeur habituelle finisse par décrocher un sourire à son ami, et Sena avait que c’était gagné. « Pas plus que la nuit derrière, j’étais encore de soirée au cinéma. ». Pas qu’elle s’en plaignait – plus d’heures supplémentaires signifiait moins de stress à l’idée de finir le mois correctement – simplement, parfois les journées lui paraissaient un peu trop longues. Mais ce n’était pas pour cette raison que son énergie diminuait, pas plus que cela affectait son enjôlement. Et non, elle ne comptait pas lâcher l’affaire ; alors quand son ainé posa son derrière sur le sol du gymnase, elle fronça les sourcils avant de s’approcher. « Aller, oppa ! Debout ! » s’exclama-t-elle avant d’attraper la main de Saeran lui le forcer à se lever. Cet échange n’avait aucun sens si le garçon ne participait pas un peu, puis tester le cheerleading ne pouvait pas lui faire de mal. Ce n’était pas comme si Sena allait lui demander de reproduire l’enchaînement que l’équipe avait effectué un peu plus tôt. « Qu’est-ce que t’arrives à faire la roue déjà ? » demanda-t-elle en détaillant son ainé de la tête aux orteils, examinant si sa forme physique était suffisante pour cela. Sa musculature n’était certainement pas à plaindre mais Sena s’inquiéter plus de la souplesse de son ami. « Ou le poirier ? Le grand-écart ? » continua-t-elle dans l’espoir que Saeran finisse par lâcher un ‘oui’ auquel elle répondrait par un sourire (ou un soupir de soulagement). « …Une roulade en avant ? ». On ne pouvait pas faire plus simple, tout le monde savait faire une roulade, Saeran compris. …N’est-ce pas ?

C'est bien la première fois qu'il tient des pompons à bout de bras et il ne sait pas quoi faire avec. Les agiter ne le rendrait que plus ridicule ; il l'était déjà suffisamment comme ça et la bonne humeur de Sena ne faisait qu'accroître ce sentiment d'illégitimité à fouler le terrain en toute impunité. Mais si les pompons dorés c'est le truc de tout le monde à quoi bon la contredire... il opine d'une grimace qui prit la forme d'un sourire résigné à la voir se démener de toutes ses forces pour le relever. « C'et bien de travailler mais pense quand même à dormir de temps en temps. » S'amuse-t-il à la taquiner sans trop se soucier du fait qu'elle puisse tirer sur son bras. Sans parler de tout ce sucre qu'elle est capable de manger. « En plus d'abuser des bonbons à la mangue. » Et c'est là que son sourire satisfait revient de plus belle, ayant l'impression de parler ou réprimander une enfant qui ne l'entend pas de cette oreille. « Bon ! » il se lève, avant qu'elle ne lui arrache vraisemblablement le bras. Il s'étire un peu, les pompons dans les mains et sa veste en jean tirant sur ses muscles échauffés. Est-ce que c'était une excuse valable pour ne pas pratiquer ? Il ne s'attendait pas à être réquisitionné pour remplumer les effectifs du club et sa tenue n'était pas exactement optimale pour faire quoi que ce soit qui implique davantage qu'une brève course à pieds. Alors faire la roue, le poirier ou le grand écart... ce sont plutôt ses yeux qui font des écarts et qui cherchent de toute urgence la porte de sortie. Mais c'est à croire qu'elle le sous-estime et ça le blesse un peu dans son ego qu'elle ne le croit même pas capable d'un truc aussi simple qu'une vulgaire roulade avant. « Tu veux que je fasse une roulade maintenant ? » Il espère l'entendre rire et lui dire que non, ça ira pour le moment mais la seule chose qu'il lit dans son regard, c'est l'excitation et l'espoir. « Je vais pas faire une roulade ? » Déjà ça commence mal parce qu'il n'a pas suffisamment d'assurance pour lui tenir tête. Cette bouille ? il serait incapable de lui dire non et de voir son sourire disparaître. « Sena... » C'est l'ultime technique et son regard s'assombrit. Il soupire puis il lève les yeux au ciel. Les pompons dorés retombent sur le sol du gymnase et après une seconde d'hésitation, il la fait cette foutue roulade. Sauf qu'au lieu de se redresser comme un grand pour achever le mouvement, il reste au sol, étendu de tout son long et silencieux pendant quelques instants. « Je suis épuisé » c'est faux, il a plus de stamina que ça sinon il ne serait pas ceinture noire d'hapkido « c'est plus drôle de te regarder secouer tes pompons dorés en criant. » Petite allusion à son dernier entraînement qui le fait sourire tandis qu'il se redresse et pose ses bras sur ses genoux en attendant ses prochaines instructions. « Ca m'apprendra à venir te voir. »

Dormir prenait un temps qu’elle n’avait visiblement pas – ou qu’elle n’avait jamais eu. Trop de choses à faire dans la journée, un avenir à préparer le reste du temps ; Sena ne pouvait pas prendre le luxe de se reposer sur ses lauriers un seul instant. Elle haussa les épaules aux remarques de son camarade, maintenant elle avait envie d’une sucette à la mangue. Quand le garçon se décida – enfin – à bouger, Sena décide de faire un état des lieux de ses capacités en cheerleading. Maigres, de toute évidence. Oublions le regard un peu décontenancé de Saeran, oublions les figures un peu trop complexes – si on considère une roue comme trop complexe, bien sûr. Concentrons-nous sur la base de la base. Sena hocha vivement la tête quand l’homme lui demanda si elle voulait une roulade ici et maintenant : oui. Ses yeux ne le quittèrent pas, signe qu’il ne pourrait pas s’échapper. L’instant où Sena vit son ainé exécuter la roulade indirectement demandée, son sourire moqueur s’empara de ses lèvres un très court instant, si court que Saeran ne le serait jamais. Elle ne devait pas se sentir amuser par le fait que son ami finit toujours par faire ce qu’elle lui demande, et par le fait qu’il était incroyablement ridicule durant son petit spectacle. Plus que ridicule, Sena le trouvait en réalité absolument adorable. « Elle était vachement bien ta roulade ! », pas que la pirouette soit particulièrement extraordinaire, mais Sena était du genre à encourager même les plus petits efforts. L’éducation positive n’était pas réservée aux enfants en bas âge, elle s’appliquait très bien aux grands enfants – comme Saeran. Son petit corps se pencha au dessus de la silhouette fatiguée du garçon un sourire lumineux sur les lèvres. « C’est parce que tu manques d’entrainement ! Dans deux-trois séances, tu pourras enchainer notre routine t’en fais pas. ». Tout à fait conscience que Saeran ne ferait jamais parti des cheerleadeurs de la yonsei – il n’était même plus étudiant ici – elle préférait simplement l’ignorer pour taquiner son ami. Pendant un instant, Sena hésita à forcer le jeune homme à se redresser pour lui montrer quelques mouvements de base du cheerleading, sachant pertinemment que la fatigue n’était qu’une mauvaise excuse de sa part. « Au fait, pourquoi t’es venu par ici ? » demanda-t-elle, après tout son aîné travaillait sur ces heures-là habituellement, c’était étonnant de le voir traîner aux alentours de l’université ainsi. Finalement, dans un petit soupir, la chanteuse vint s’asseoir aux côtés de Saeran avant de s’allonger à son tour, le regard fixé sur le grand ciel bleu. « Le café est fermé ? » son regard se tourna vers le gérant du café en question. Peut-être qu’il en avait profité pour lui ramener les invendues du jour, leurs gâteaux de riz étaient à tomber. Et même si Sena regrettait chaque bouchée en montant sur la balance, elle ne pouvait s’empêcher de les engloutir avec bonheur.

Il arque un sourcil face à son engouement ; et cette pluie de compliments indue. « N'en fais pas trop non plus. » Suggère-t-il en riant doucement lorsque sa tête apparaît au-dessus de lui comme un ange tombé du Ciel (ou un petit démon descendu sur Terre). Il n'a même pas l'audace de la contredire et l'observe silencieusement quand elle fait ses plans sur la comète, ajoutant sans le consulter une floppée d'entraînements à son emploi du temps. Dans deux-trois séances, tu pourras enchainer notre routine t’en fais pas. Il pourrait s'étouffer en l'écoutant converser. « Me voilà rassuré » et sincèrement reconnaissant de ne plus avoir le statut d'étudiant au jour d'aujourd'hui. Quoique... « hâte de rencontrer le reste de l'équipe » surenchérit-il avec un sourire pas totalement désintéressé et pour la taquiner. Le plus important étant que sa roulade ait suffisamment plu à Sena pour la dissuader d'engager de plus amples échauffements. A l'évidence, des encouragements qu'il n'oubliera pas de sitôt et qu'il utilise délibérément contre elle pour expliquer les raisons de sa présence. « Pour faire des roulades sur le gazon de l'université, apparemment. » Parce qu'aussi absurde que cela puisse paraître c'était exactement ce qu'il était entrain de faire et Sena n'y était pas pour rien dans cette histoire. Il l'observe prendre place à côté de lui et regarder le ciel d'un air pensif. Assis à côté d'elle, il acquiesce finalement avec un peu plus de sérieux quand elle parle de la fermeture du café. « Toujours le mardi. » L'équivalent de son seul jour de repos de la semaine et actuellement, il venait probablement seulement de se réveiller pour l'atelier yoga-cheerleading de la journée. « T'as déjeuné ? » Demanda-t-il finalement en passant une main dans son champ de vision pour capter son attention qu'il sentait glisser au profit du bleu du ciel et du cour mystérieux de ses pensées.

Plutôt que de se moquer ouvertement de lui et de ses capacités limitées en acrobaties, elle préférait encourager Saeran. Quitte à en faire trop. Au point où elle l'imaginait déjà se fondre dans la masse de pompoms girls et boys au prochain entraînement. L'ironie dans la voix de son aîné ne passa pas inaperçue faisant naître un léger rire dans les lèvres de la métisse. Elle ne releva que la seconde partie de son message. « Tu verras, ce sont toutes des amours ! ». Mais dommage jamais Saeran ne rencontrera ses charmantes camarades de club. Mais elle ne se priverait pas de continuer de la taquiner en lui rappelant combien il était passé à côté de la chance de sa vie en n'étant pas membre du club de cheerleading. Blague à part, Sena se demandait bien ce que le brun faisait à errer ainsi sur le campus – à part pour mater des étudiantes s'agiter en uniforme. La réponse à ses interrogations lui arracha un rire franc. « On t'a découvert un nouveau talent ! ». Ou pas. Difficile d'appeler cela du talent, même avec toute la gentillesse et la générosité de Sena. Mais cela suffisait à satisfaire la jeune chanteuse ; voir son aîné effectuer une roulade dans l'herbe devant ses yeux resterait un souvenir mémorable. Sans plus de taquinerie, elle vint s'installer aux côtés de Saeran le questionnant sur son café. « Je me souviens jamais. ». Sa tête était toujours pleine de milliers de choses à faire, de pensées multiples, laissant peu de place au reste. Ce n'était pas faute de s'être retrouvée plusieurs fois nez à nez avec la porte close de la boutique. Sena zona un peu – comme toujours quand elle finit par poser son regard sur l'infinité de l'univers. Envahie par le bleu ciel et les nuages de coton, elle n'enregistra la question que lorsque la paume de Saeran se présenta devant ses iris. « Nope, j'avais pas très faim avant l'entraînement. ». À l'écouter, l'ancienne idole n'avait jamais faim mais plus qu'une question d'appétit, c'était une question de poids qui la retenait de manger bien souvent. Des mauvaises habitudes qu'elle garderait de ces années endoctrinement dans le milieu du showbizz. Cependant, après un entraînement sportif, elle n'aurait aucun regret à prendre un vrai repas. « Tu veux qu'on aille où ? » demanda-t-elle en se redressant d'un petit saut sur ses deux pieds. Une main tendue vers Saeran pour aider son aîné – ce papi – à se relever. « Tu mérites bien d'aller manger un bout après cette fastidieuse acrobatie. ». Nouvelle moquerie qui déclencha à nouveau un rire chez Sena ; il n' avait pas fini d'en entendre parler de cette roulade.