L’université. Le mot était sur toutes les lèvres depuis des mois et des mois, ou peut-être même depuis le début du lycée et Chaeyi avait préféré l’ignorer. L’ignorer jusqu’au moment où elle ne pouvait plus l’ignorer. La petite coréenne n’était pas sûre d’apprécier le fait de payer hors de prix un programme de soutien, elle avait un peu la sensation de payer sa place à l’université par la fortune familiale plutôt que par son dur labeur. Mais ses chances d’entrer dans une bonne université étaient actuellement assez faibles pour qu’elle soit prête à accepter un peu près tout pour que la chance tourne. Et elle espérait de tout son cœur que son ainé pourrait sauver sa future vie étudiante. Ce jour-là, il s’agissait d’une simple rencontre entre le tuteur et le lycéen, un premier cours pour faire le point sur la situation – pas catastrophique, mais plutôt délicate – et préparer la suite. Alors quand elle retrouva ce grand brun au visage fermé à la bibliothèque du coin, elle se pressa de se présenter et de jouer cartes sur table, que le garçon sache à quoi, à qui il aurait à faire les prochains mois. « Hong Chaeyi. Points forts : sport, coréen, anglais, expression écrite, expression orale, motivation, sourire, infatigable. Points faibles : bavarde, distraite, sciences, physiques et surtout, surtout maths. Je pense que les maths me détestent autant que je les déteste, mais genre vraiment. J’ai tout essayé pour m’en sortir mais non, ça ne veut pas ! Et il faut que cela aille, sinon je peux dire adieu à l’université… » commença-t-elle rapidement, sans prendre le temps de respirer un instant. Comme la plupart du temps où elle commençait une tirade, Chaeyi n’avait pas le temps de respirer. Elle s’arrêta une milliseconde avant de reprendre de plus belle, ses grands yeux fixés sur l’étudiant en face d’elle. « Mais je ne suis pas si nulle que cela, promis ! Faut m’expliquer longtemps, mais je comprends vite. Enfin, très très longtemps pour les maths pour être honnête. Mais– Enfin, voilà. ». La lycéenne s’arrêta finalement dans un petit rire, celui qui signifiait qu’elle réalisait qu’elle avait monopolisé la parole – pour rien et trop longtemps. Son sourire fondit dans une moue désolée l’espace d’un instant, puis elle lâcha un oh de surprise face à son impolitesse involontaire. « Je suis vraiment enchantée de vous rencontrer ! » s’écria-t-elle à la va-vite. Chaeyi s’inclina avec diligence, espérant que le jeune homme ne soit pas rebuté pour son attitude – quoi qu’il faudrait qu’il s’y fasse. Enfin s’il acceptait encore de lui apportait son aide à travers ce tutorat.

Yeong Bin n’avait aucune envie d’être là. Ça le saoulait énormément et il n’avait accepté que parce que ça faisait bien sur son dossier. C’était tout. C’était la seule raison de sa présence à la bibliothèque et de son attente. L’étudiant soupira bruyamment, feuilletant son livre de droit en attendant la lycéenne à laquelle il devait donner des cours. Ça le gonflait au plus haut point, il n’avait franchement pas que ça à foutre d’aider une gamine à améliorer ses notes pour entrer à la faculté. Elle ne pouvait pas se démerder toute seule comme une grande ? Il n’avait jamais eu besoin qu’on l’aide, ça ne pouvait pas être son cas aussi ? Et pourquoi on lui avait demandé à lui ? Ah oui. Parce qu’il était dans les premiers de sa promotion, si ce n’est le premier… De nouveau, un soupir franchit ses lèvres. Si elle ne débarquait pas dans la seconde, il se barrait. Il était à deux doigts de le faire quand une demoiselle se planta devant lui. Yeong Bin releva les yeux vers elle, posant son regard sur une jolie brunette. Une brunette un peu trop bavarde. L’étudiant l’écouta balancer tout son speech, se retenant de lui demander de se taire. Trop bavarde. Beaucoup trop. Elle ne pouvait pas ralentir la cadence ? Et respirer ? Non parce que là, elle allait finir par manquer de souffle et lui faire un malaise parce qu’elle n’avait pas assez oxygéné son cerveau. Le pire, c’est qu’elle continuait son blabla interminable, lui expliquant qu’il allait finalement avoir du fil à retordre en maths. Yeong Bin en revint à se demander pourquoi il était là. C’était un sacré énergumène qu’il avait en face de lui et cette idée de tutorat lui déplaisait grandement. Déjà, que ce n’était pas la joie… Il était tombé avec un vrai moulin à paroles. Il n’était pas là pour taper la discut’ mais bien pour l’aider à s’améliorer. Elle avait plutôt intérêt à se concentrer et ne pas divaguer, parce que, clairement, ça allait le gonfler assez vite. Déjà qu’il était un peu – beaucoup – saoulé… « Im Yeong Bin, étudiant en première année de droit, premier de ma promotion et j'ai toujours été premier au lycée. » Se présenta-t-il en baissant les yeux vers son livre ouvert sur la table qu'il referma. Il avait toujours été un élève brillant, mais il était une sacrée tête de con aussi. Il reposa son regard sur Chae Yi et esquissa un sourire un peu moqueur. « Alors, comme ça, t’es nulle en maths ? » Demanda-t-il en haussant les sourcils, n’ayant retenu que ça et le fait qu’elle était bavarde. Mais ça, elle n’avait franchement pas besoin de le dire. Il venait de le découvrir, tout seul comme un grand. Il allait prendre sur lui pour le supporter. Et heureusement que sa voix n'était pas désagréable... Il aurait tout de suite arrêté sinon. « Assieds-toi. » Dit-il en lui indiquant du menton la chaise face à lui. Il n’avait pas de temps à perdre dans les présentations et le blabla inutile. « T’as ramené tes copies d’examens ? » Demanda-t-il en la regardant.

Vraiment, si Chaeyi se fiait uniquement à sa bouille, elle aurait été convaincue que les séances de tutorat avec l’étudiant allaient se dérouler comme sur des roulettes. Im Yeongbin avait une bonne bouille, en plus d’avoir un excellent dossier universitaire à priori. Que de signes positifs. Après sa longue tirade très développée sur sa personne, la réponse simple, efficace et précise ne fut tout à fait ce à quoi elle s’attendait. Chaeyi cligna des yeux plusieurs fois quand Yeongbin se présenta à son tour – ou plutôt, lui rappela ce qu’elle savait déjà sur lui en insistant sur combien il était studieux, de quoi faire complexer la plus jeune. Surtout quand le garçon enchaîna en soulignant le fait qu’elle était nulle en maths, elle le savait mais c’était bizarrement plus blessant quand la vérité sortait de la bouche d’un presque inconnu. « Oui non, ce sont les maths qui sont méchantes avec moi ? » reprit-elle d’une voix forte mais mal assurée alors qu’elle fixait de ses pupilles brillantes l’étudiant en face d’elle. Si Chaeyi ne pouvait plus fuir la réalité sur ses relations conflictuelles avec les mathématiques, elle pouvait encore essayer de l’embellir. La petite brune prit place sur la chaise en face de lui posant bêtement son sac sur ses genoux. Yeongbin allait certainement lui poser d’autres questions sur elle, pour préparer leur programme d’enseignement. Mais lorsqu’il lui demanda ses copies d’examen, Chaeyi papillonna de nouveau des yeux avant de lâcher un petit hm ? très éloquent, elle n’était pas sûre de comprendre la demande – ou plutôt, elle ne voulait pas la comprendre. « Je pensais qu’on allait discuter avant, apprendre à se connaître pour mieux préparer le tutorat ? Voir si le courant passe bien entre nous… ». Bien sûr, la jeune fille avait ses copies d’examen dans son sac mais jamais de la vie Chaeyi pensait en avoir besoin dès la première rencontre. « Juste histoire qu’on soit sûre que tu n’es pas envie de me frapper à chaque séance. » rajouta-t-elle sans vraiment réfléchir avant de coller une main sur sa propre bouche. Parce que l’idée d’avoir un tuteur aux méthodes peu orthodoxes lui avait traversé l’esprit – dans ses pires cauchemars – mais personne n’avait besoin d’être au courant, surtout pas le tuteur en question. « Pas que tu ais la tête que quelqu’un qui frappe les lycéens parce qu’ils sont trop bêtes. Et je ne suis pas vraiment bête en plus ! » couina-t-elle à moitié pour essayer de se rattraper, bien que le mal soit déjà fait pour maintenant. Chaeyi coupa court à tout échange visuel pour poser son front contre la surface froide et dure devant elle. « J’aurais jamais dû dire ça. ». Bien heureusement la forte envie de se frapper le front violemment contre la table lui passa aussi vite qu’elle arrive, et la lycéenne fouilla dans son sac de cours pour trouver les précieux feuilles. D’une main faussement assurée, elle tendit les pages légèrement cornées à Yeongbin. « Voilà mes copies… ». En dehors de sa belle écriture soignée et féminine, on pouvait surtout apercevoir les chiffres qui dépassaient la moyenne de quelques points seulement entourés et soulignés au feutre rouge, aie.

Yeong Bin n’était pas franchement enchanté d’être là. Il n’avait accepté que pour faire bien sur son dossier, c’était tout. Enfin, du moins, c’était ce qu’il disait et montrait. Parce que finalement, il avait tout de même un bon fond. L’étudiant en droit se présenta à la lycéenne, l’informant qu’il était premier sa promotion et que c’était aussi le cas quand il était au lycée. Ce qui n’était pas le cas de l’adolescente face à lui et particulièrement en maths. Sa réponse le fit sourire, retenant un rire. Les maths qui étaient méchantes… On allait dire ça, oui. « Ben bien sûr… » Souffla-t-il avant de lui indiquer la chaise face à lui, lui intimant de s’asseoir. Puis, aussitôt, l’étudiant lui demanda ses copies d’examen. Il allait droit au but, il était là pour l’aider dans ses études – et surtout en maths apparemment – et pas papoter de tout et de rien. Yeong Bin attendit et posa son coude sur la table, son menton terminant dans la paume de sa main. « Et tu veux qu’on parle de quoi ? T’es pas là pour taper la discut’, mais pour améliorer tes notes. C’est pas en bavassant que ça va s’améliorer. » Répondit-il franchement, sûrement trop rude, avant d’hausser un sourcil. « Pardon ? » Demanda-t-il en se redressant, la fixant de son regard sombre. Il n’avait jamais levé la main sur personne, seuls ses mots suffisaient. Il avait bien évidemment eu quelques accrochages mais jamais il n’avait frappé de ses poings. Il la laissa se dépatouiller de son merdier et finit simplement par sourire en coin. Croisant les bras, il la regarda couper le contact visuel et poser son front contre la table. Il ne savait pas trop pourquoi mais il la trouvait mignonne. Yeong Bin continua de rester silencieux, attendant des excuses. Mais elles n’arrivèrent pas. Cependant, Chae Yi finit par lui tendre ses copies. C’est qu’il les avait presque oubliées. L’étudiant ne parla toujours pas, la laissant finalement mariner et croire qu’il était fâché. Il récupéra les feuilles, les observa d’un œil attentif. « Tu ne t’es pas excusée. » Fit-il remarquer nonchalamment, relevant les yeux des copies pour poser son regard sur la lycéenne. « Tes notes ne sont pas si catastrophiques que ça mais si tu veux rentrer à la Yonsei, va falloir bûcher. » Reprit-il en baissant les yeux sur les chiffres. « Et te faire pardonner, aussi. Je ne sais plus si j’ai envie de t’aider. » Ajouta-t-il en faisant la moue, continuant de lui faire croire qu’il lui en voulait. La faire marcher allait devenir son jeu favori, il le sentait.

C’était peut-être parce que Chaeyi aimait plus parler que le commun des mortels, mais cela lui paraissait important de pouvoir partager quelques informations avec son tuteur avant de se lancer dans des longues et douloureuses séances de travail. Chaeyi ne savait pas de quoi mais pour sûre, elle parviendrait à trouver. Les sujets de conversation étaient relativement inépuisables chez elle. Inconsciemment, la lycéenne commença à s’éteindre sur le pourquoi cela lui semblait essentiel d’apprendre à se connaître, jusqu’au premier dérapage. Elle clignota rapidement des paupières à l’intonation outrée de l’étudiant en face d’elle et face à ce regard sombre qui la cloua sur place. Rapidement, les mots pour se rattraper s’enchainèrent sans jamais être satisfaisants aux yeux de la plus jeune. Pas plus qu’aux yeux de Yeongbin, qui continua de la regarder froidement en silence, jusqu’à ce qu’elle lui tende maladroitement ses copies d’examen. Chaeyi releva d’un coup sec la tête vers lui – des excuses ? « Ah ? ». Ses lèvres s’ouvrirent plusieurs fois avant de se refermer ; oui, bien sûr des excuses pour avoir soupçonné qu’il allait la martyriser durant leur tutorat. Plus vite qu’elle n’est eu le temps de s’excuser, Yeongbin reprit la parole et la cadette hocha la tête bêtement en entendant le mot ‘bûcher’. Mais cela ne s’arrêtait pas là. La petite brune fixa étrangement la moue vexée de son ainé avant s’assimiler ses paroles. « Ah ! Oui, pardon ! ». Elle n’était pas si lente d’esprit en général, mais cela lui arrivait quand il se passait beaucoup de choses en même temps et qu’on ne lui laissait pas le temps d’analyser les choses pour réagir. « PARDON ! ». Ce n’était pas envisageable que l’aîné refuse de l’aider parce qu’elle l’avait vexé avec sa langue bien pendue. Son père la tuerait si cela venait à arriver, et elle n’avait aucune envie de décevoir son paternel. « Je suis prête à tout pour réussir ! Et pour me faire pardonner ! Je suis désolée, je parle souvent plus vite que je ne pense. Des fois c’est une bonne chose parce que je peux meubler n’importe quelle conversation – même les plus silencieuses et gênantes. Et j’ai la discussion facile alors je peux vraiment parler de tout ! » expliqua-t-elle en faisant de grands mouvements de mains devant le jeune homme, insistant délibérément sur le ‘désolée’. Et très vite, elle se laissa emporter par ses propres paroles, soulignant sans s’en rendre compte son propre point comme quoi elle parlait vite. Et probablement, beaucoup trop. « Ce n’est pas le sujet. Ce que je voulais dire c’est que je parle trop vite et c’est pas toujours une bonne chose, vu que littéralement tout ce qui me passe par la tête peut à tout moment se faufiler hors de ma bouche. Et je– ». Arrêt sur image, Chaeyi cligna activement des yeux une nouvelle fois, en se rendant compte qu’elle a une nouveau fois commencer à débiter un nombre de mots à la minute trop grand pour ce que ce soit acceptable pour la patience humaine. S’éclaircissant légèrement la gorge, un petit sourire désolé fleurit sur son visage alors qu’elle collait ses deux paumes façon à elle en signe d’excuses suprêmes. « En tout cas, désolée d’avoir dit ça… T’as pas du tout la tête de quelqu’un qui est violent ! T’es même plutôt mign– Non, rien. ». Décidément, il fallait qu’elle apprenne se taire, vraiment. Un jour cela allait finir par se retourner contre elle, et la laisser dans une situation compromettante ou embarrassante. Enfin, encore plus embarrassante que celle-ci. « Pardon, je vais travailler dur, merci d'accepter de m’aider ! » reprit-elle en penchant la tête vers le bas pour s’incliner malgré la table devant elle, brisant le contact visuel avec les iris brillantes de Yeongbin.

Cette fille lui donnait mal à la tête. Ça ne faisait même pas 5 minutes qu’elle était là mais elle parlait déjà trop. Était-elle humaine ? C’était franchement très surprenant qu’autant de mots sortent de sa bouche et à une telle vitesse… Pour autant, Yeong Bin l’écoutait avant de s’offusquer quant à son insinuation. Il ne frappait personne, encore moins les femmes. Son regard glacial se posa sur la lycéenne et il resta silencieux durant tout son monologue. Elle cherchait à se dépatouiller de son merdier mais l’étudiant n’était pas près de l’aider, encore moins de la pardonner. Même si, en réalité, il n’en avait que faire… Il n’était absolument pas vexé mais la taquiner en le lui faisant croire l’amusait déjà. Ses réactions étaient beaucoup trop amusantes – et adorables – et Yeong Bin comptait bien en profiter un peu. Parce que, déjà que ça le faisait chier d’être là, à donner des cours… Fallait bien rendre ça plus attrayant. Pour lui, du moins. Il récupéra les copies qu’il avait demandées et les inspecta, ne manquant pas de rappeler à Chae Yi qu’elle ne s’était toujours pas excusée. Il releva légèrement les yeux vers elle avant de les baisser de nouveau sur les feuilles. Ce n’était pas si horrible que ça, il s’était attendu à vraiment pire. Le jeune homme n’hésita pas à en rajouter une couche, indiquant à la lycéenne qu’il ne savait plus s’il avait envie de l’aider. Moue vexée aux lèvres, il reposa ses pupilles sur la demoiselle, attendant des excuses de sa part. « Hm… Va falloir faire un peu mieux que ça… » Souffla-t-il en venant poser son menton dans la paume de sa main. Il fixait la lycéenne, ce qui devait la faire stresser mais il s’en moquait bien. Puis, de nouveau, elle se remit à trop parler. Merde alors. Il n’aurait pas dû lui demander des excuses parce qu’il ne savait clairement pas où était le bouton stop. Elle débita un nombre important de mots et Yeong Bin n’en retint que quelques-uns. Elle était prête à tout. Elle balançait tout ce qui lui traversait la tête. Elle était désolée. Elle le trouvait plutôt mignon. Même si elle n’avait pas terminé sa phrase, il savait ce qu’elle voulait dire. Il esquissa un sourire, narquois, à ses derniers mots. « Je n’ai pas encore accepté. Ni tes excuses. Ni de t’aider. » Répliqua-t-il avant de faire la moue, pensif, réfléchissant à ce qu’elle pourrait faire pour lui montrer qu’elle était vraiment déterminée à travailler avec lui. « Pourquoi je devrais accepter de t’aider ? Qu’est-ce qui me prouve que tu vas travailler dur ? » Demanda-t-il. « Tu penses pouvoir être sérieuse et focalisée sur le travail ? Après tout… Tu me trouves mignon. Ça ira pour toi de m’avoir en tuteur ? » Ajouta-t-il tandis que ses lèvres s’étirèrent légèrement en un sourire malicieux, ses pupilles fixées sur la lycéenne, en attente de sa réaction.

Pourquoi l’univers se sentait obliger de lui mettre des bâtons dans les roues ? Pourtant, elle y donnait du cœur ; dans ses explications, dans ses excuses. Mais non, l’étudiant en droit en face d’elle faisait preuve d’une mauvaise foi, incroyable. Alors quand Yeongbin lui dit qu’elle devait faire mieux que cela, elle ne put que cligner des yeux plusieurs fois. « Mais je– Je suis vraiment désolée. » couina-t-elle, elle n’avait pas mieux en réserve ; parce qu’elle ne savait même pas ce qui ne convenait pas au garçon dans ses excuses. « Je suis désolée mais je peux me taire à l’avenir, promis. Ne pas parler du temps et juste faire ce que tu me demandes. Je peux, vraiment. Et je suis vraiment désolée pour ce que j’ai dit. » continua-t-elle en pinçant les lèvres d’un air désespéré à la fin de sa phrase. C’était fini, le grand brun allait refuser de l’aider avec ses cours de maths, elle allait rater l’examen d’entrée à l’université, son père allait la virer de la maison, son demi-frère allait encore plus la détester et elle finirait sans éducation et sans famille. Alors elle continua de s’excuser encore et encore jusqu’à ce qu’une nouvelle information qu’elle aurait préféré garder pour elle s’échapper entre ses lippes. Parfait. Comment s’humilier de façon exponentielle en trois leçons par Hong Chaeyi. Elle n’était pas aveugle, elle voyait bien le sourire narquois du jeune homme qui n’annonçait rien de bien pour elle. Et elle avala difficilement sa salive en le voyant faire la moue avant de lui poser des questions ou sous-entendre qu’elle serait incapable de se concentrer dans sa présence. « Je n’ai pas dit ça, enfin si mais– ça ira très bien, merci. » fit-elle en tirant nerveusement sur ses longues mèches brunes. Chaeyi était capable de se contrôler quand même – heureusement qu’elle pouvait réfléchir en présence d’un garçon mignon quand même. Et elle trouvait Yeongbin bien imbu de lui-même mais encore une fois, elle n’était pas vraiment en position de force avec l’étudiant et elle en avait déjà trop dit donc elle s’obligea à garder ces pensées pour elle pour s’aplatir devant lui. « Hm– Je sais pas… Je ne sais vraiment pas, parce que tu dois avoir bien mieux à faire ? Et des cas moins perdus d’avance à aider ? » commença-t-elle en soufflant, elle avait presque envie de rentrer chez elle et de ne plus jamais ouvrir un bouquin de maths de sa vie. Mais ce n’était pas comme si elle avait le choix. Donc, il lui fallait convaincre qu’elle serait une bonne élève, quelqu’un dont il serait fier d’être le tuteur – ce n’était pas gagné. « Je ne sais pas mais je suis une gentille fille et je suis obéissante ? ». Première tentative, Chaeyi avait un peu l’impression de parler d’elle comme on parlait d’un chiot mais peut-être qu’au fond à supplier Yeongbin de la pardonner et à larmoyer pour qu’il l’aide, elle n’était pas loin du golden retriever cherchant absolument l’attention de son maître. « Et j’ai déjà travaillé très dur pour réussir à obtenir la moyenne… J’ai doublé ma moyenne en un trimestre, mais je n’arrive pas à faire mieux par nous-même… ». Bien sûr que tout se passe comme sur des roulettes aurait été trop simple. Sa malchance habituelle ou juste sa langue trop pendue qui lui amenait encore une fois des problèmes dont, vraiment, elle n’avait pas besoin. Ce dont elle avait besoin c’était de cours de soutien, du tutorat en maths principalement pour intégrer yonsei. Et elle était capable de tout pour ça. « S’il te plait, sunbae, oppa, gyosumin. » supplia-t-elle ses grands yeux bruns fixés sur le jeune homme, des yeux larmoyants désespérés et tous les adjectifs qui l’aiderait à décrocher l’aide de Yeongbin. Elle pouvait l’appeler maître même, franchement elle était plus à ça près.

Yeong Bin prenait un malin plaisir à la faire tourner en bourrique. Il lui faisait croire qu’il ne l’avait pas pardonné, qu’il était réellement vexé par ce qu’elle avait dit alors qu’absolument pas. il n’en avait strictement rien à faire mais l’étudiant trouvait les réactions de Chae Yi beaucoup trop drôle. Il ne pouvait pas s’empêcher de l’embêter, alors qu’il la connaissait depuis à peine 5 minutes. 5 minutes qui lui avaient permis d’apprendre qu’elle était nulle en maths, qu’elle parlait trop, qu’elle était prête à tout, et surtout, qu’elle le trouvait mignon. Cette information ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd et le jeune homme s’en amusa. Il la taquina, prétendant qu’elle n’arriverait pas à se concentrer à cause de lui et de sa beauté. La modestie, il ne connaissait pas. « Tu es certaine ? » Demanda-t-il, voulant s’assurer que tout irait bien pour elle. Il la regardait tirer sur ses mèches brunes, sourire en coin alors qu’elle cherchait de nouveau comment se faire pardonner. Yeong Bin était vilain avec elle, à l’embêter de la sorte, mais c’était plus fort que lui. « C’est sûr que j’ai mieux à faire que d’aider une lycéenne à remonter ses notes. » Dit-il en posant son menton dans le creux de sa main. « J’ai accepté d’aider une seule personne pour faire bien dans mon dossier. Y a pas écrit bon samaritain sur mon front. » Révéla-t-il à la demoiselle. Raison de plus pour elle de lui prouver qu’elle serait l’élève parfaite. Qu’il ne regrette pas son choix d’avoir accepté de l’aider… « Une gentille fille, hein ? Ce n’est pas toi qui as dit que j’avais la tête de quelqu’un qui frappait les lycéens ? » Demanda-t-il en posant son regard sur Chae Yi. « C’est gentil, ça ? » Reprit-il en faisant la moue, jouant encore les vexés. « Hm… Ok, t’es bosseuse, je t’accorde ça. » Dit-il après l’avoir écouté lui expliquer qu’elle avait doublé sa moyenne. Grand bien lui fasse, il s’en fichait pas mal à vrai dire. L’étudiant en droit se réinstalla au fond de son siège, se pinçant l’arête du nez pour réfléchir. Lui pardonnait-il ? Non, parce que de toute façon, il ne lui en voulait pas. Arrêterait-il ce petit jeu ? Très certainement, parce qu’elle allait finir par pleurer devant lui et ce n’était pas le but. Un soupir franchit ses lèvres. « Sunbae, ça ira. » Dit-il en posant ses pupilles sur elle, restant silencieux quelques secondes. « Je te pardonne. » Finit-il par dire. Il remit ses feuilles d’examens sur la table. « Et j’accepte de t’aider. » Ajouta-t-il en ayant un bref regard pour les feuilles devant lui. Comment était-ce possible d’être aussi nulle ? « T’avais la tête ailleurs pendant tes examens ? » Demanda-t-il en la regardant de nouveau. « Non, parce que, cette question-là… » Il pointa du doigt la fameuse question. « C’est quand même… Comment t’as pu louper ? Les maths t’aiment vraiment pas, hein ? » Questionna-t-il, se reprenant pour ne pas dire que c’était facile. Très facile, même. Ça ne l’était pas pour tout le monde, à priori.

Chaeyi faisait face avec le sourire – la plupart du temps. Ou elle s’enfonçait encore un peu avec sa grande bouche qu’elle était quasiment incapable de contrôler. Pour ne pas changer, celle-ci décida de lui faire faux pas la faisant s’humilier encore un peu plus devant Yeongbin en avouant ouvertement son attirance physique envers l’étudiant. Et bien sûr, cela aurait été trop facile que le plus vieux ne relève pas ce nouvel écart ; au contraire, elle fut décontenancée de voir la garçon s’en amusait tant. « Ou– oui je suis sûre ! » assura-t-elle en essayant d’être un minimum convaincante avec l’étudiant ; fallait dire que monsieur ne lui facilitait absolument pas la tâche avec ses réflexions. Chaeyi avait presque l’impression qu’il n’avait pas envie d’être ici – ce que la lycéenne aurait compris s’il avait été obligé d’être ici, ce qui n’était pas le cas puisqu’il s’agit d’un programme d’aide. La jeune fille fronça les sourcils à la remarque de Yeongbin ; elle n’était de moins en moins sûre que ce tutorat se déroulerait sans embûches aux vues du caractère du jeune homme. Détournant la tête un instant pour murmurer dans sa barbe inexistante, Chaeyi se fit la réflexion qu’au final heureusement qu’il est mignon et brillant car c’étaient les seules choses qu’il avait pour lui. Mais la lycéenne n’avait pas le loisir de jouer les difficiles – elle était bien trop désespérée pour cela. Ainsi, toutes les méthodes étaient bonnes pour que Yeongbin accepte de l’aider. Toutes. « Sunbae. » répata-t-elle quand le plus vieux accepta l’appellation et ses excuses sous ses yeux brillantes. Si c’était une forme de pitié, Chaeyi pouvait bien l’ignorer pour le bien de son bulletin scolaire. Alors la petite brune se contenta d’hocher vivement la tête en gardant les lèvres pincées, histoire d’être sûre de ne pas laisser passer une nouvelle bêtise. Pourtant, elle ne parvient pas à retenir le couinement étranglé qui nait au fond de sa gorge quand son tuteur commence à passer en revue son dernier devoir. Ou plutôt à le critiquer ouvertement. « C’est pas si terrible… » souffla-t-elle en baissant les yeux vers la table. Yeongbin était là pour l’aider, pas pour se moquer ouvertement d’elle – à croire que c’était un jeu pour lui. « Hm, j’ai refait les exercices de cours et pas loin de dix problèmes supplémentaires sur le sujet… Mais dès que ça sort de ce que j’ai fait, je n’y arrive plus. ». Résumé : elle avait beau travaillé tout ce qu’elle voulait, faire tous les exercices du monde, Chaeyi ne comprenait rien – impossible donc d’appliquer ses acquis. La lycéenne se mordit l’intérieure de la joue en remontant son regard vers l’étudiant en droit. « Je crois que j’ai besoin de tout comprendre pour réussir ?... Et c’est pas le cas, enfin je crois. » avoua-t-elle finalement en regardant Yeongbin comme s’il était la clé à tous ses problèmes – en maths mais aussi dans la vie. C’était peut-être un peu le cas en réalité, Chaeyi comptait sur lui pour  lui sauver la vie.

Yeong Bin s’amusait un peu trop avec la lycéenne. Lui qui avait eu peur de s’ennuyer, que ces cours soient totalement barbants, finalement… Il était bien content d’être tombé sur Chae Yi. Elle était amusante et la faire tourner en bourrique l’était encore plus. Il était sacrément vilain, il le savait, pourtant… L’étudiant en droit ne pouvait pas s’en empêcher. La taquiner allait devenir son jeu favori, il le sentait. Il finit par la pardonner, ne voulant pas en venir à la faire pleurer. Tout de même. Il avait un cœur. Et une conscience. Et il n’était pas si tête de con, non plus. Ou pas. Car il se permit de commenter le devoir de la jeune femme et il ne lésina pas sur les mots. Il se retint tout de même de justesse de lui dire que c’était vraiment facile. Il préféra reprendre son expression : les maths ne l’aimaient pas. Et, définitivement, ça se voyait à travers ses devoirs. « Non, c’est vrai, ce n’est pas si terrible. » Répondit-il, levant les yeux vers la lycéenne. Il était à deux doigts de lui faire une remarque cinglante, comme à sa fâcheuse habitude, mais il referma la bouche. Il se retint, pour la première – vraie – fois. « Hm, je vois, tu ne fais qu’appliquer purement et simplement ce que tu apprends, sans comprendre. » Commenta-t-il et ce n’était absolument pas pour la descendre. Il constatait juste. Son regard croisa celui de la lycéenne et il lui accorda un bref petit sourire, presque compatissant. Il descendit de nouveau ses yeux sur les feuilles. « Il y a des choses que tu as compris. Tu aurais eu bien moins sinon. Mais, il y a toute une série d’exercices, du même type… où t’as vraiment rien pigé. Donc, ouais, je pense que t’as vraiment besoin de comprendre pour réussir. » Dit-il, soupirant discrètement avant de reposer son attention sur Chae Yi. « Ça va pas être simple. Mais, on va réussir. » La rassura-t-il, lui accordant pour la seconde fois un sourire compatissant et bienveillant. « Si t’es aussi bosseuse que tu le dis, ça devrait aller. T’as pas vraiment à t’en faire. Puis, t’as le meilleur des tuteurs. » Ajouta-t-il, sourire fier et prétentieux. Fallait bien qu’il le dise, il ne pouvait pas s’en empêcher. Après… Etait-il réellement le meilleur des tuteurs ? Il ne savait pas, il n’avait jamais fait ça de sa vie. Mais il fallait un début à tout.