Ses habitudes festives sont étonnantes quand on voit la quantité de travail demandée en médecine mais la jeune femme pourrait toujours compter sur sa mère, si elle se perd dans ses cours. Et puis, ce n’est pas dans le tempérament de l’américaine de devoir faire un choix entre deux passions. Elle tente de modérer, de contrôler ses envies mais son esprit carpe diem entraîne facilement une déclinaison dans ses notes. Parfois, Seorina se dit qu’elle devrait faire des efforts supplémentaires pour avoir un diplôme avec de la valeur. A quoi bon servirait-il si elle l’obtient au petit bonheur la chance ? Qui va devoir s’occuper de ses patients si elle n’est pas prête à endosser de telles responsabilités ? Une série de questions et voilà que le tableau s’assombrit mais ce n’est pas le moment de se tracasser. “ Je vais le prendre comme un compliment, hein. “ Qu’est-ce qu’elle a sa tête ? Elle est trop belle pour pouvoir être intelligente ? Quoi que, ce n’est pas les études qui prouvent l’intelligence de quelqu’un. Il suffit de voir certains de ses camarades de promotion. D’ailleurs, elle le soupçonne d’avoir une pensée à leur égard avec sa nouvelle réplique.

S’interdisant de faire du sur-place plus longtemps, la demoiselle invite le garçon à la suivre jusqu’aux coulisses. Rien d’impressionnant si ce n’est des bénévoles qui font de leurs mieux. Ce constat est fortement apprécié par la jeune femme. Être entourée de passionnées, elle ne demande rien de plus pour pouvoir profiter. Néanmoins, elle se permet d’en amuser et d’en rajouter une couche, en se donnant un pseudo prestige quand elle agite son badge devant le vigile. Apparemment, Sejun est lui aussi plutôt doué dans son genre. Se retournant vers lui, elle arque un sourcil d’un air amusé. “ Je vois que tu fais ça naturellement. “ Ce ton de petit con insolent. “ J’aime beaucoup. “ Il ne faut pas avoir honte de se sentir fier, de se revaloriser tant que l’on ne devient pas condescendant à l’extrême. Son petit doigt lui souffle néanmoins que ce jeune homme possède un bon petit égo. Arrivant au niveau du bar, elle se prépare à le décevoir pour la première fois de la journée. “ Ouch. Je n’aurais pas aimé être à la place de Queen B. “ L’étudiante jette son dévolu sur une boisson gazeuse et hausse les épaules à l’entente de ses espoirs. Le pauvre n’est pas très réaliste mais heureusement la belle a de quoi le faire vibrer. Des alcools forts, des bières... Elle devrait donner lui donner une carte pour lancer cette chasse au trésor mais Seorina juge qu’ils ont assez perdu de temps ainsi. “ J’éveille ton intérêt ? Pourtant, je n’ai pas encore commencé. “ Elle le gratifie d’un sourire en coin et lui fait un signe du menton pour qu’il regarde derrière lui. Dans un carton plus loin, se trouve des apéritifs salés comme des chips et autres conneries. “ Le passage aux coulisses n’aura pas duré longtemps mais au moins, nous avons de quoi nous occuper pendant le trajet. “ Elle boit une gorgée de sa boisson avant de s’étirer. Quelques minutes plus tard, ils empruntent un chemin différent et tournent le dos au festival. “ Je suis bien généreuse aujourd’hui... Mais j’ai quelque chose à célébrer alors tu as intérêt de garder ta langue. “ Elle entend des tirs provenant du terrain de football et espère ne pas être remarquée. C’est notamment pour cette raison qu’elle décide de se cacher derrière Sejun, l’air de rien. Avec son gabarit, impossible de se faire attraper. “ On va tourner à droite. “ Il ne faudrait pas que quelqu’un d’autre pique dans leurs réserves. C'est que l’agent qui s’occupe des espaces extérieurs s’n occupe déjà assez à lui tout seul. Elle rentre dans la réserve après avoir mis le code à 4 chiffres. Quelques secondes plus tard, Seorina lève une bâche et se retourne vers Sejun, un sourire amusé sur ses lèvres colorées. “ Alors, tu préfères boire ton vieux champagne ou tu acceptes de m‘accompagner sur quelques shoots de tequila ? “ Puis, elle affiche une grimace surjouée. “ A moins que tu ais peur de ne pas tenir le coup ? Tu sais, les étudiants en médecine ont un sens particulier de la fête. “ C’est qu’elle tend à prendre une voix masculine mais ce n’est pas si simple que prévu de l’imiter.  

Elle pouvait bien le prendre comme un compliment. C’en était un. En quelque sorte. Dans le monde de Se Jun en tout cas.
Et dans son monde, il était tout à fait ok de se la jouer VIP avec un air de petit con sur la tronche. Surtout quand on recevait un compliment en retour. Un vrai. Se Jun avait répondu d’un sourire fier et malicieux, songeant une de plus qu’il n’avait pas de mauvaise rencontre ce soir. Il était simplement content de contourner les règles et s’amuser avec une meuf pas prise de tête. Alors, ouai, il se fichait un peu de voir Queen B, Minaj, Jessi ou il ne savait quelle autre star pour lesquelles il n’éprouvait aucun intérêt. Avait-elle joué dans un film ou une série de zombie ? Non ? Aucun intérêt donc.
« T’sais, pas sûr que je l’aurais suivi ta Queen B. » Contrairement à elle ? Est-ce qu’il lui faisait l’honneur de sa présence ? Bah, il connaissait pas Beyoncé et elle était sûrement dû genre à se prendre trop au sérieux. Seorina, au moins, était cool. Et elle savait éveiller son intérêt en parlant de détours interdits. Se Jun avait toutefois levé un sourcil, intrigué par sa réponse : « Ah ouai ? T’as d’autres trucs cools à me montrer ? » Peut-être qu’à cet instant, son enthousiasme trahissait son jeune âge et l’âme de gamin qu’il se trainait toujours tandis que Seorina , telle une sirène au Pays Imaginaire semblait lui promettre une merveilleuse chasse aux trésors.

Son premier butin fut un soda. Le second, un paquet de chips qu’il avait piqué dans un des cartons désignés par sa comparse. « Ouaip. Un peu déçu mais fallait pas s’attendre à grand-chose ici. » Enfin des paroles sensées. Comme s’il venait à peine de se souvenir qu’il était dans une université. Il était néanmoins empreint d’un optimisme rare, assez pour le noter, concernant la suite de cette aventure. Et puis, le “trésor” ne se trouvait définitivement pas ici.
C’était donc sans hésiter qu’il avait emboité le pas de l’étudiante, ouvrant son soda dans la foulée, un petit ricanement aux bords des lèvres. « J’suis pas une poucave. » Il trempait sûrement plus dans l’illégalité qu’elle par ailleurs… « On célèbre quoi ? » Sa réussite sur scène ? Peu importe, tant qu’il levait un verre rempli d’alcool interdit. Car c’était bien la notion d’interdit qui lui plaisait dans l’histoire, n’étant en réalité par un grand buveur…
Il se trouva distrait sur le trajet, tandis qu’il passait près du terrain de foot. Un sentiment amer vint se mêler à son excitation. Il ne fit aucun commentaire, ni ne mentionna le fait qu’il lui arrivait de jouer ici de temps en temps. Puis, il se rendit compte que Seorina ne menait plus la marche… « Tu fais quoi ? Tu te caches ? » S’il n’avait pas parlé fort, il n’avait pas non plus chuchoté. Il haussa les épaules : « Détends-toi. Plus t’essaies d’être discret, plus t’as l’air suspect. » Ok et donc c’était le moment où elle devait s’inquiéter de ce genre de conseil non ?
Bref. Il suivit sa direction, comprenant qu’il ne cherchait pas simplement trois bières cachées dans un caisson mais qu’ils allaient bien braquer la réserve devant laquelle ils venaient d’arriver. Une lueur de joie pétilla au fond de ses iris sombres. Décidemment, Seorina ne s’arrêtait pas de gagner des points auprès de lui. Il la regarda faire sans remettre en cause leur action : « Comment ça se fait que tu connais le code ? Tu piques souvent dans la réserve ? » Il réprima un petit rire, jubilant silencieusement de la situation. Il emmerdait les règlements, les écoles, les adultes… Et il n’avait plus qu’une envie : relever les plus stupides défis avec sa nouvelle complice : « Merde, tu vas pas trop chialer en perdant à ton propre défi ? » Son insupportable rictus avait retrouvé sa place, la défiant d’un regard tout aussi mutin. Il n’était pourtant pas sûr dû tout de gagner mais son arrogance parlait pour lui. Et, il aussi peut-être la naïveté et la stupidité de croire qu’une fille de son gabarit ne pouvait pas mieux tenir l’alcool que lui.

Peu importe ce qu’elle avait à célébrer. Au fond, il n’est pas nécessaire d’avoir des excuses pour pouvoir s’amuser et elle a bien l’impression que c’est l’état d’esprit de son nouveau comparse. Quittant alors les vestiaires du festival universitaire, l’américaine se dirige vers le complexe sportif sans lui donner le moindre détail. Il doit avoir son avis sur la question et si la suite des événements ne semble pas l’intéresser, il aura toujours le droit de faire demi-tour. Après tout, ils ne se doivent strictement rien si ce n’est une boisson plus forte. Elle aura de quoi le satisfaire à ce niveau sauf si sa présence est remarquée par les joueurs sur le terrain. Quand on est dans le club de baseball, en plus d’être la fille d’un dirigeant sportif, la jeune femme connaît de nombreux athlètes. Elle a un répertoire téléphonique bien chargé et parfois, cela crée certains désavantages. Ainsi, Seorina se fait toute petite et cherche à se cacher derrière sa silhouette mais apparemment, elle ne semble pas avoir la bonne méthode. “ A t’entendre, on dirait un professionnel. “ C’est souvent les conseils donnés dans les films d’action mais s’ils sont concentrés sur le ballon, ils ne verront pas qu’une nénette essaye de se cacher d’une façon plus ou moins subtile. Néanmoins, la demoiselle décide de suivre les conseils du soi-disant expert.  

A la hauteur de la réserve, elle prend soin de cacher le code de son regard curieux. Si elle apprécie sa compagnie, elle se dit que c’est peut-être un voleur notoire. Son petit doigt l’invite à se méfier légèrement même s’il n’a pas l’air très méchant. Est-ce qu’il mord ? Peut-être. “ Je ne vais pas non plus te raconter tous mes petits secrets. “ Le deal avec le jardinier n’était pas forcément la chose plus excitant à raconter. Elle préfère le laisser imaginer toute situation qui serait susceptible de le divertir. En attendant, Seorina ne tarde pas à mettre la main sur cette bouteille de tequila. Elle affiche un sourire en coin. “ Peut-être que je suis maso. Peut-être que tu es trop confiant aussi. “ Récupérant des verres de shoot, la jeune femme lui en prête un. “ Mais ne compte pas sur moi pour essuyer la morve qui coulera de ton nez. “ C’est qu’elle le traiterait presque comme un gamin. La demoiselle pouffe de rire et tend finalement son shooter vers lui après s’être installée sur une caisse capable de supporter son poids (pour le moment). “ Je te laisse l’occasion de remplir mon verre. Sers équitablement. “ ll lui doit bien d’être aux petits soins pour elle. Elle n’aurait pas normalement eu besoin de lui demander. Elle esquisse un sourire en coin. “ Arrêtons de papoter et passons à l'action ! “   

Un sourire narquois accueillit sa remarque. Là où il aurait dû se défendre et démentir tout ce qui pouvait être considéré comme une attitude suspecte et régulière, Se Jun préféra laisser planer le doute. Une lueur amusée et complice dans le regard. Seorina ne savait pas avec qui elle s'était engagée dans cette escapade nocturne… un petit voyou. Pas un grand bandit, toutefois.
Aussi, s'il n'apporta pas d'autres explications, l'étudiante se fit tout aussi mystérieuse en déverrouillant la caverne d'Ali baba. Se Jun songea que c'était de bonne guerre et haussa les épaules. Le simple fait de voler de l'alcool à l'université ce soir le satisfit.
Était-ce néanmoins bien raisonnable de se lancer dans un concours de shot après leur petit braquage ? Absolument pas. L'idée était d'autant plus stupide que le plus jeune n'avait pas la moindre chance de tenir la route … mais c'était sans compter sur son orgueil qui lui soufflait tout un tas de mensonges à l'oreille, le convainquant que, parce que Seorina était une fille, elle devrait forcément moins bien tenir l'alcool que lui…
Quant à la partie sur le sens de la fête des étudiants en médecine… il semblait l'avoir oublié. Il était cuit.
Se Jun attrapa le verre, un air de défi toujours vissé sur la figure. « C'est dommage, t'avais l'air cool comme meuf. Mais t'inquiètes, je viendrai rendre visite à ton honneur quand on l'aura enterré.» Son rictus de merdeux s'élargit. Oh il prenait trop confiance. Bien trop. Il s'installa face à elle et servit comme un bon cadet respectable servirait son aîné, main sous le bras. « T'en fais pas, je vais te battre à la loyale. » Qui avait transformé cette fugue en guerre ? Il était si bête. Plus encore de servir "équitablement" comme avait insisté Seorina, remplissant son verre avec la même quantité. Sa tâche accomplie, il répondit à son sourire par un autre, avant de lever son verre : « Konbae ! » Il entrechoqua leur shot et, sans quitter des yeux son adversaire, avala cul sec. L’alcool lui brûla la gorge et une désagréable sensation vint piquer ses nez. Il dut faire un gros effort pour ne pas afficher une grimace de dégoût, mais ses traits se crispèrent malgré lui. Ce n’était pas très bon… Il avait bu des alcools meilleurs, plus doux… En fait, il s’adonnait rarement à la descente d’alcool pure et il se souvenait pourquoi. Ce qui aurait dû l’inquiéter : s’il tenait peu l’alcool dilué, il ne tiendrait clairement pas trois rounds avec juste de la tequila.
Mais l’idiot ne se démonta pas. Narines dilatées, gorge embrasée, il attrapa la bouteille pour servir un second tour. « Bon, et je gagne quoi à la fin ? Des entrées gratuites pour tes concerts ? » Il n’était pas prêt de gagner quoique ce soit mais la raison avait quitté son corps, fallait croire. « Fais moi rêver ! »

Sa vie est une série d’improvisations. Elle ne s’en plaint jamais car elle déteste suivre un programme du début jusqu’à la fin. Si son contrat avec l’université l’avait obligé à se présenter à une certaine heure, elle ne comptait pas se coucher à une heure précise. Qui aurait pensé qu’elle aurait montré la réserve à un jeune inconnu en train de fumer ? Personne mais elle ne s’en inquiète pas pour autant. C’est un petit merdeux, elle l’entend dans sa réplique quand il est question de son honneur. Toutefois, elle ne le considère pas comme une personne dangereuse. De toute façon, elle avait appris quelques prises de self-defense, à utiliser en cas de menaces, depuis qu’un homme louche avait décidé de la suivre après sa soirée au night-club. Se Jun ne ressemblait pas à ce pervers. A voir si elle confirme ses propos après quelques shoots de tequila. “ C’est tout le mal que je te souhaite. “ Il parle beaucoup trop et ça amuse beaucoup l’étudiante, qui affiche un sourire moqueur à son tour. Observant le service digne d’un amateur, elle arque un sourcil d’un air arrogant. Elle va lui mettre la pâtée, c’est évident. C’est écrit dans les lignes mais elle accepte évidemment de trinquer avec lui. Comme le garçon, elle ne le lâche pas du regard alors qu’elle boit son shoot d’une traite. C’est une guerre psychologique qui a lieu dans cette réserve. Toute cette tension ne risque pas d’être retenue par les murs bien longtemps. Seorina lui tend son verre de façon nonchalante. Elle aurait pu faire une remarque sur sa grimace mais elle ne vaut pas mieux que lui. Et puis, elle veut désormais lui faire mordre la poussière. Il est hors de question de le voir déclarer forfait même si cela ne semble pas être dans son tempérament. “ Comme si je ne comptais pas déjà t’offrir les entrées... “ Elle est loin d’être radine mais surtout, elle prend soin d’ajouter. “ En plus, ce n’est pas très marrant comme gain. “ Elle réfléchit. Elle devrait avoir une idée à lui proposer avec tous les défis qu’on peut lui lancer en soirée. Cependant, Seorina ne connaît pas ses limites. Certes, il ne risque pas de gagner mais au cas où... Que pourrait-elle lui donner de plus ? “ Je te donne beaucoup de choses depuis que je t’ai croisé. “ Elle boit son deuxième shoot cul sec avant de l’inviter à l’imiter d’un signe du menton. La sportive croise naturellement ses jambes. “ C’est plutôt à toi de me faire rêver maintenant. “ Elle le gratifie d’un sourire en coin. “ Qu’est-ce que tu peux me donner, Sejun ? “   

Il aurait dû être plus méfiant. Seorina avait définitivement l’air sûr d’elle… mais lui aussi. Pourtant, il savait bien qu’au fond, il n’avait aucune chance ? Pourquoi s’enfoncer dans cette bêtise ? L’orgueil. La connerie. Dans tous les cas, il n’avait pas reculé et servi ce premier shot qui signait le début des hostilités. Malgré la sensation désagréable de l’alcool brûlant sa gorge, il fit de son mieux pour garder une expression assurée tandis qu’il considérait son adversaire, vidant elle aussi son premier verre. Rien ne laissait paraître le moindre signe de faiblesse…
Bah, ce n’était que le premier round. Et bien décidé à aller jusqu’au bout de sa connerie, Se Jun joua même les arrogants, fantasmant déjà sur une récompense qu’il ne verrait assurément jamais. Toutefois, l’étudiante était plus généreuse qu’elle en avait l’air et sa déclaration lui fit arquer un sourcil, dans une agréable surprise. « Ah bon ? » Elle voulait déjà lui offrir des places ? Les traits du garçon s’illuminèrent dans une expression ravie. « Merci, t’es vraiment une fille cool Seorina ! » Exclamation sincère qui laissait transparaître la joie tout aussi franche du sale gosse. Il songea qu’il n’aurait vraiment pas perdu sa soirée, et bien que celle-ci risquait fortement de mal tourner, elle préféra voir le côté positif immédiat. Seorina était une vraie bonne rencontre. Peu importe qu’elle le poussa à réaliser des défis stupides, elle apportait une véritable fraîcheur à sa journée. Même si elle semblait très enclin à vouloir pimenter son jeu…
Elle voulait un gain “plus marrant.” Se Jun l’observa un instant, l’air curieux. Devait-il augmenter la mise ? Il réfléchit mais Seorina interrompit sa réflexion et soulignant un fait. Elle lui donnait beaucoup de choses et lui… Se Jun braqua son regard dans le sien, l’accompagna dans cette deuxième gorgée mortelle et laissa échapper une longue et sèche expiration. Une chaleur malvenue caressait déjà ses tempes. Il sentit comme un danger mais loin d’accuser l’alcool, il fixa plus intensément celle qui réclamait un lot. L’étudiante avait tout l’air d’une femme d’affaire avec cette attitude. Dû genre coriace. Intimidante.
Se Jun renifla, comme pour se donner une contenance. Il ne voulait pas avoir l’air impressionné. Il voulait lui tenir tête. Aussi, tandis qu’il réfléchissait, il remplit de nouveau leur verre. « Qu’est-ce qu’une étudiante aussi talentueuse pourrait vouloir d’un petit voyou comme moi… » Il avait dit ça d’un ton songeur et détaché, comme si ça n’était pas si sérieux. C’était pourtant très réel… Il fouilla ses poches, en sortit son portefeuille, deux sucettes et un paquet de cigarette. Il y avait bien autre chose dans le fond mais il n’était pas encore sûr de lui faire tout à fait confiance pour lui montrer… Ou alors pas encore assez éméché. « Malheureusement, je n’ai pas grand chose sur moi alors… j’imagine que tu pourras choisir un gage ? N’importe quoi. » Vraiment ? Était-il sûr de vouloir lui confier “n’importe quoi” à cette fille ? L’alcool embrouillait déjà ses pensées. Il leva toutefois son verre dans ce même sourire insupportable et ajouta : « Un gage pour le perdant, ça te va ? »

Le jeune homme laisse un mystère planer autour de cette personne. Deux possibilités s’offrent à elle : soit il cache une vie riche en émotions, soit il n’a vraiment rien à lui donner. Elle ne cherche aucune idée originale, ayant conscience qu’elle ne lui donne pas grand-chose depuis le début, si ce n’est des activités en rapport avec la musique. Seorina ne connaît ni les motivations, ni les passions de son interlocuteur. Alors, elle lui demande un coup de main pour finaliser les règles du jeu tout en savourant cette boisson alcoolisée assez sauvage, et plutôt traitre. Elle n’a pas intérêt de le sous-estimer si elle veut garder cette bonne figure et cette réputation d’étudiante talentueuse. L’américaine s’esclaffe doucement. Il est bien le premier à la surnommer ainsi. Ce n’est pas dénué de sens mais ses proches ont tendance à utiliser d’autres mots pour la décrire. C’est ce qui arrive quand on est une touche à tout comme Seorina. Elle vogue sur de nombreux domaines, ne voulant pas s’imposer des limites dans une vie déjà beaucoup trop courte. Explorer, tenter de nouvelles choses. Un jour, la demoiselle sautera du haut d’un pont pour un maximum d’adrénaline. Elle reste plutôt sage aujourd’hui mais si le jeune homme lui laisse l’occasion de choisir n’importe quoi, cela risque de déraper. De toute façon, la troisième tournée est déjà en cours de préparation, ce qui est nettement plus excitant que sa proposition. C’est avec un léger soupir qu’elle accepte le deal. “ Vendu. “ Un air pensif est dévoilé par les traits de son charmant visage. “ Tu enchaînes les verres comme si tu avais un train à prendre ou tu cherches juste à m’impressionner ? “ Elle braque son regard sur lui, cherchant la moindre trace de faiblesse. Il a l’air de tenir le coup. Doit-elle se préparer mentalement à subir un gage ? Est-ce qu’il possède une bonne imagination ? Non, ils ont seulement bu trois verres. Il en faut beaucoup plus à Seorina pour l’abattre. “ C’est une bonne tactique pour faire peur à l’adversaire mais crois-moi, tu ne risques pas de me tromper. Je n’ai jamais peur de All in dans les parties de poker. “ Et qui est le roi ou la reine du bluff entre eux deux ? “ Bientôt le mannequin que tu es fera sa plus belle cascade en tombant du podium. Je suis impatiente. “ La tentative d’intimidation continue tandis que Seorina se lève, lui laissant le plaisir d’admirer sa démarche gracieuse, même si ce n’est pas forcément sa plus grande qualité. “ Tu t’intéresses à un sport en particulier ? “ C’est que frapper à l’aide d’une batte de baseball depuis qu’elle est gamine, ne lui a pas donné une souplesse de tonnerre.  

Une bien stupide idée de se lancer dans ce concours de shot. La chaleur frappait ses tempes et sa gorge semblait garder les traces de chaque gorgée d’alcool. Se Jun était un parfait abruti qui avait fait la connerie de sous-estimer la jeune femme. N’avait-il pas dit lui-même qu’une étudiante en médecine savait faire la fête ? Et lui ? Quel genre de fête faisait-il ?
Des soirées, parfois. Pas si fréquemment. Pas avec ce genre de jeux idiots dont il se savait d’office perdant. L’adrénaline, la bêtise, peu importe ce qui l’avait poussé à accepter et jouer… À présent, le voyou enchainait son troisième verre.
Trop vite ?
Il eut un rictus, entre la grimace et l’amusement. « J’ai pas besoin de t’impressionner pour gagner. » Crédibilité 0. En vérité, il les enchaînait surtout en pensant que plus vite il finissait, moins l’alcool aurait le temps de faire son effet. Encore une belle idiotie. Ce qui ne l’empêcha pas de rire à la suite. Preuve que l’alcool faisait déjà bien trop d'effets. Mais il la trouvait drôle Seorina. Et il s’imagina dans une partie de poker avec elle. Encore fallait-il qu’il apprenne les règles… Y’avait une histoire de suite ou de flunch, il ne savait plus trop. « T’es en train de me dire que t’es une as du poker ? Ou des jeux d’alcool ? » Dans tous les cas, il devait se méfier non. Il passa une main sur son front, se décoiffant légèrement au passage… Mais pas assez pour ne pas avoir l’air d’un mannequin ? Il rit de nouveau en repensant à sa mauvaise déduction. « Ah ouai, carrément mannequin… Tu dis ça parce que j’suis grand ? » Ou BG ? Mais bizarrement, il n’avait pas osé demander. C’était bête, ce n’était qu’une bêtise mais… même alcoolisé, il se montrait plus timide qu’il n’en avait l’air.

Il la regarda se lever et songea qu’elle marchait vraiment bien. Mieux qu’un mannequin. Alors, l’idiot la suivit mais la terre tanguait déjà un peu et il se rattrapa en riant. Il n’était pas tombé, se tenait droit. Il avait juste très chaud. Un long soupir lui échappa. La question, il sembla l’entendre en retard et par réflexe, son regard trouva le terrain de foot qu’ils avaient dépassé plus loin. « Ouai, j’ai fait du foot. » Il aimait toujours ça. Mais c’était compliqué. Son pied shoota dans un ballon imaginaire. « J’suis plutôt bon. » Plus que pour l’alcool. « Et toi ? T’as d’autres talents que la musique ? » Elle était bien foutu Seorina, enfin, du peu qu’il osait la regarder. Elle devait faire un peu de sport aussi… « Au fait… il vient d’où ton accent ? » Ca faisait beaucoup de question mais l’alcool aidait à délier les langues.  

“ Des deux ? “ Une belle menteuse en perspective. Elle a de l’avenir dans le domaine de l’acting mais malheureusement la jeune femme a déjà trop de projets à accomplir pour changer de voie. Joueuse professionnelle de poker ? Elle a eu l’occasion de faire quelques parties avec des amis mais elle aurait trop peur de tomber dans une addiction. C’est le problème de Seorina. Cette dernière ne sait pas faire les choses à moitié. Elle ne se fait pas assez confiance pour se contrôler si elle commence à prendre plaisir à manier les cartes. Et pour finir, elle n’a pas non plus une tolérance à l’alcool aussi importante qu’elle le laisse paraître. C’est un moyen de décourager son adversaire car elle a conscience de son gabarit. Elle risque de finir avec un torticolis à force de devoir lever la tête pour le regarder. Et encore, ils ont fini par s’asseoir, ce qui est un sacré avantage pour la petite. Elle esquisse un léger sourire et répond naturellement. “ Oui en partie. T’as ton petit charme aussi. “ Quoi ? Laissez-la être honnête au bout d’un moment. Elle devrait peut-être faire attention. Les hommes prennent le melon et il ne faudrait pas qu’il s’en vante plus tard.

Elle finit par se lever et se dirige vers lui, comme si elle avait une idée derrière la tête. Malgré l’alcool, Seorina a l’intelligence de garder ses distances avec lui. Car, elle a l’impression qu’il n’y a pas de grande différence entre Sejun assis et elle-même debout. C’est dur. Heureusement, le jeune homme parvient à faire fuir ses troubles en rencontrant ses premiers problèmes d’équilibre. Elle affiche un sourire moqueur et se dit qu’ils devraient cesser leurs idioties maintenant. L’objectif n’est pas non plus de se rendre malade et surtout, elle n’a pas envie de laver je ne sais quoi. A défaut, elle profite de ce moment pour apprendre à le connaître. Si Seorina ne va pas non plus lui demander sa pièce d’identité, elle voudrait découvrir ses passions. Il a un terrain d’avance sur elle, maintenant qu’il l’a vu jouer sur scène précédemment. Elle ne s’attendait pas à une maigre démo quand Sejun fait mine de taper dans un ballon. “ T’en fais plus maintenant ? Enfin, t’as arrêté d'en faire en compétition ? “ Pourquoi il dirait qu’il est bon ? Ce mélange passé/présent la perturbe. “ Du baseball. “ Elle jette un coup d’oeil vers l’extérieur avant d’afficher une mine faussement boudeuse. “ Je pensais ne plus avoir d’accent... Aish. “ Seorina est sur Séoul depuis facilement six ans maintenant ? Depuis quand Trump a été élu en président en vérité... Le temps passe si vite, elle ne se rappelle plus la date exacte. “ Je suis née à Boston aux Etats-Unis. Mon père est sud-coréen. Ma mère américaine et j’ai grandi là-bas. “ Elle esquisse un sourire amusé. “ Et le tien ? “ Refermant la bouteille de son propre chef, la jeune femme se tourne vers le beau gosse du jour. “ Et si tu me montrais à quel point t’es doué au foot ? T’es partant ? On peut emprunter leur ballon. “ Difficile de prouver ses compétences dans un tel état, pas vrai ? De toute façon, Seorina est un peu fatiguée elle aussi...a  

Se Jun retint une grimace. Si Seorina ne mentait pas, elle risquait d’être vraiment coriace. Mais peut-être qu’elle bluffait. Il fallait l'espérer… il n’était déjà plus très lucide après son troisième shot - si tant est qu’il l’avait déjà été en étant sobre - mais il continuait de se bercer d’illusion quant à ses chances de gagner ce stupide jeu. Si sa tolérance à l’alcool avait une très petite limite, sa bêtise, elle, n’en connaissait aucune.
On pouvait toutefois difficilement parler de confiance en lui. En tout cas, pas dans tous les domaines. Quand il s’agissait de purs compliments à son sujet, et particulièrement sur son physique, Se Jun pouvait se montrer particulièrement timide. Et quand Seorina releva son “petit charme”, ses pommettes rosirent - en partie à cause de la tequila. Le trouble passa sur ses traits. Pas qu’il s’imaginait moche mais il n’était pas de ceux qui usaient régulièrement de son “petit charme”, par manque d’intérêt sur la question. Il ne répondit pas, parce qu’il ne savait pas s’il devait dire merci ou le retourner le compliment - car il était clair que Seorina avait aussi plus qu’un petit charme.

Il ne se vexa pas au rire de la jeune femme. Il titubait mais il n’était pas tombé. Pas de raison de se sentir humilier. Et puisqu’elle ne sembla pas lui demander de reboire, il songea furtivement qu’ils n’étaient peut-être pas obligés de continuer - sans pour autant le formuler, de peur qu’elle prenne ça pour un forfait. L’alcool, toutefois, avait peut-être ce pouvoir de le rendre plus bavard, lui qui était si taiseux. Il n’aimait pas parler de lui mais Seorina alla titiller un sujet sensible et il avait bizarrement envie d’y répondre, comme si le manque était décuplé par les shots. Le foot, ouai, ça lui manquait carrément. Il haussa les épaules en tapant à nouveau dans une balle inexistante : « Non. Enfin, j’suis plus dans une équipe. »
Il avait de bons camarades à l’époque même s’il ne s’entendait pas avec tout le monde…. ce qui lui avait valu son exclusion. « C’est comme ça. » Il n’avait pas dit ça sèchement comme pour couper court à la conversation. Il était juste résigné. Il avait perdu son droit de jouer avec les autres, de faire ce qu’il aimait parce qu’il avait été un con - et qu’il l’était toujours. Au fond, il avait préféré y renoncer plutôt que de remettre en question le foutoir qu’était devenu sa vie.
Il releva un regard curieux tandis que Seorina évoquait son sport à elle. Le baseball ? Il n’y aurait pas pensé. « Ah ouai ? T’en fais depuis longtemps ? » Il tenta de l’imaginer sur un terrain, en tenue, batte à la main. Ça ne lui allait pas si mal. Il songea à cette batte de baseball qu’il avait volée un jour. Lui, il aimait bien l’objet… mais plus pour se défendre en cas d’apocalypse que pour la beauté du sport.

Le baseball n’était pas si incohérent au vu de ce qu’il apprit ensuite. Il sourit, amusé - plus que désolé de lui avoir fait la remarque sur son accent - incapable de se retenir : « Si, il s’entend. Mais c’est cool. » Il le trouvait cool. Ça lui donnait un genre et ça participait à nourrir cette aura naturelle que Seorina dégageait. Elle était donc américaine. Encore plus cool. Les yeux du garçon pétillaient, comme s’il venait de tomber sur un trésor. « Et c’est cool les States ? Genre, comme à la télé ? Ça te manque pas ? » Il était vraiment devenu trop curieux.
« Quoi le mien ? » demanda-t-il en se pointant du doigt, hébété. « J’ai pas d’accent moi ! » Réponse trop premier degré. « J’en ai un ? » Il se posait vraiment la question ? L’alcool…
Il aurait sûrement été préférable qu’ils en restent sur cet échange amical. La suite risquait de ne pas être glorieuse. Mais à sa suggestion, Se jun reporta de nouveaux son attention sur le terrain de foot. Il fit quelques pas comme pour tester son équilibre… La Terre n’était pas très droite mais tant qu’il tenait debout… L’envie de taper dans un ballon semblait plus forte que sa raison. Il se convainquit même qu’il était assez doué pour jouer avec trois shots dans le nez ! « Pourquoi pas. » Il s’assura tout de même qu’il ne connaissait aucun des joueurs présents sur le terrain. Il le faisait toujours, de peur de croiser un ancien camarade… De plus, il préférait poursuivre sa soirée avec Seorina comme unique binôme.

Ils rejoignirent le terrain et Se Jun ralia même les derniers mètres en trottinant, comme pour s’échauffer. Sa démarche était toujours maladroite - et il zigzaguait un peu - mais il estima qu’il parvenait à garder assez de contenance. Il était bien optimiste ce soir…
« Salut. On peut jouer ? » On les accueillit d’abord avec surprise et perplexité. Probablement parce que le festival battait encore son plein et qu’il était étonnant de voir des participants débarquer pour se faire un foot plutôt que d’aller s’amuser à cet évènement gratuit. La petite équipe se laissa toutefois convaincre et Se Jun récupéra le ballon. A peine l’eut-il entre les pieds qu’un sourire puéril apparut sur ses lèvres. Il tenta de jongler un peu mais l’alcool l’obligea à s’y reprendre à deux fois… Mais dès qu’il parvint à enchainer trois jongles, il chercha le regard admiratif de sa camarade.  « Tu veux faire un match ? » Ils pouvaient jouer tous les deux ou s’intégrer à l’équipe. Peu importait… Cela risquait de mal se passer dans tous les cas.