Non c'était trop pour elle maintenant. L'administration, sa mauvaise foi, son organisation désastreuse et sa paperasse à cinq francs six sous qu'elle avait envie de leur renvoyer au visage. Sauf que la décence prime et elle leur retourne le dernier papier à remplir avec un sourire  tant forcé qu'elle s'en ferait des bleus aux joues si rien que ça y suffisait. Voilà. C'est bon. On y est. On a tout ? Si elle avait su que le statut d'interne en parallèle à la continuité de ses études de médecine était aussi compliqué à justifier auprès des services d'enregistrement de la fac elle serait devenu mascotte publicitaire dans les rues de Myeongdong pour promouvoir les bars à chats. No joke. Grosse remise en cause de tous ses choix de vie. Et elle a bien mérité l'un de ces cafés immondes qu'on te met à disposition dans les distributeurs automatiques, servis dans des gobelets en plastique qui te brûlent les doigts et qui refroidissent encore plus vite que le bout de tes oreilles en plein hiver quand t'as oublié de mettre ton bonnet avant de partir le matin même. Ok seuil de contestation atteint pour aujourd'hui ; à ça de franchir le point de non-retour sur l'échelle de sa contrariété si ce n'était pour l'air frais de l'automne qui l'apaisait, l'aidait à respirer et à se calmer. Elle descend les marches devant le bâtiment principal, traverse le campus d'un pas soutenu et checke les horaires de bus. De l'autre côté, il y a comme une commotion qui semble intéresser tout le monde. Un gars affalé contre sa voiture, les bras croisés et qui sourit avec toute son arrogance... il a l'air vachement mécontent pourtant, pour quelqu'un qui sourit autant. Et puis il y a une fille avec lui. Brune, une silhouette un peu frêle et le dos presque courbé comme lorsque l'on reçoit un sermont. Elle reconnaît Seori et ses sourcils se froncent, délaissant son chemin habituel pour bifurquer d'un air soupçonneux vers ce drôle de petit duo.

@Seong Seo Ri

On avait toujours dit à Seori que sa gentillesse la perdra un jour, et ce n'était pas comme si elle ne le savait pas non plus personnellement, qu'on profitait bien trop facilement de son envie d'aider et de sa naïveté. Elle le savait, mais ça ne l'empêchait pourtant pas de tomber dans le panneau à chaque fois. Seori ne savait pas dire non. Sûrement un jour une vieille dame lui demandera dans la rue si elle pouvait faire don d'un rein, la jeune brunette sera là à peser les options en se disant que si elle demandait c'est qu'elle en avait besoin, qu'il y avait une raison. L'étudiante devait affirmer son caractère, on lui avait dit encore et encore qu'être gentille ne voulait pas dire tout accepter et se laisser faire, elle n'en était clairement pas arrivée à ce stade. Quand l'un de ses aînés dans son cursus lui avait demandé si elle pouvait l'aider un peu plus tôt ce jour-là, Seori avait dit oui naturellement, ça ne devait pas prendre trop de temps après tout, ce n'était pas grand chose, sauf que le garçon avait semblerait-il décidé quand l'acceptation de Seori avait glissé entre ses lèvres que c'était l'occasion de laisser la jeune femme s'occuper de tout. D'absolument tout. Et c'était ainsi que la demoiselle avait fait tant de voyages pour amener cartons et papiers dans les différents endroits donnés par son aîné, elle aurait aimé l'envoyer bouler, avoir le courage de le faire mais elle se contente de sourire, c'était fin et crispé, mal à l'aise quand elle voit les expressions sur le visage de ce dernier à mesure que les minutes passaient. Comme si il n'était pas satisfait, comme si elle ne faisait rien de bien alors que depuis tout à l'heure elle jouait les marionnettes à faire tout ce qu'il demandait alors que lui ne levait pas le petit doigt. Et les mots qu'il crache presque alors, attirant l'attention autour d'eux, froids, insultants, fille inutile et bonne à rien qui font rougir l'étudiante de honte, mais elle n'ose pas, ne dit rien, baissant la tête en espérant qu'il aura bientôt fini de faire ce cinéma devant les autres. « J'ai fait ce que vous avez demandé, qu'est-ce que vous voulez de plus ? » Et quand elle le voit sourire, comme un lion devant sa proie, Seori sent son coeur sombrer dans sa poitrine.

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♡ darling you're different; you've got something they don't. you touched the place in my heart where love runs wild. i want to shine in your eyes, like the stars do.

Il y a des mots qu'elle n'aime pas entendre. Des regards qu'elle n'aime pas voir sur les figures éhontées qui ne se cachent même plus de leurs intimidations à répétition. Lorsque Seori rétorque de sa petite voix, que ses yeux se baissent et que son visage suit le mouvement de la soumission face à son bourreau, c'est la révulsion qui l'anime, sa contrariété que l'on vient titiller et son courroux que l'on vient bousculer. Elle a sa pile de documents sur un bras et quelques bouquins qui ne lui pèsent pas bien lourd ; et elle s'avance à la cadence rythmée et soutenue. Juste à temps pour entendre le tortionnaire achever de jouer avec sa proie lorsqu'il l'interpelle du haut de toute son impudence (répugnant) « Va me chercher un café, idiote. » Et là c'est Miran qui lui tombe dessus, la paume de sa main qui s'abat comme un couperet tout contre sa nuque. La claque. La honte qui se lit sur ses traits et qui se dessine là où tous les regards aux alentours convergent : sur lui, sur elle, sur eux. Les souffles qui s'interrompent— parce que plus personne n'ose parler en ces quelques instants qui semblent hors du temps. Tout le monde attend la suite ; et la suite c'est la brute épaisse qui dévie son regard pour le planter sur Miran et la fusiller d'un regard sombre. « Tu viens d'faire quoi là ? » Sa mâchoire se sert et ses yeux lui crient sa haine. Mais Miran l'ignore et sa silhouette s'oriente d'instinct vers sa cadette. « Il te veut quoi l'idiot du village ? » Et depuis quand Seori traîne-t-elle avec les échecs de la société ?

@Seong Seo Ri

Seori avait envie de se terrer, telle une petite souris dans sa cachette, elle n'aimait pas l'attention que le garçon attirait sur eux, voix grave qu'il utilise à son avantage, carrure imposante qui le rend intimidant, rient à voir avec le sunbae qu'il prétendait être tout à l'heure. Amical, cherchant simplement l'aide de la jeune femme, elle avait été trop gentille, elle aurait dû lui dire dès le départ qu'elle aussi avait son programme à suivre, si seulement elle avait su que les choses se passeraient ainsi. Pinçant les lèvres, elle le laisse continuer, parce que de toute façon il était en plein cinéma, il n'en démordrait pas et elle n'était pas là pour se battre avec lui, elle ne connaissait pas les répliques liées à cette pièce de théâtre qu'il s'est lui-même inventé. Mots qui glissent entre ses lèvres, elle attend Seori, la sentence qui allait tomber, serrant doucement les poings, il prenait un malin plaisir et ça se voyait, mais comme à son habitude, elle baisse la tête. Tout se passe très vite, elle ne regardait pas quand le cri courroucé de son aîné s'entend sûrement à l'autre bout du campus, l'écho d'une claque sur le corps qui résonne aux oreilles de la jeune femme, la brunette écarquille les yeux quand elle voit Miran faire face au malotru. « Unnie ? » Elle souffle, posant ses yeux noisettes sur son amie. L'autre étudiant qui s'insurge à l'insulte, visage rouge de honte ou à cause du coup qu'elle lui avait porté ? Elle ne saurait dire. « Il se plaignait, que je ne sache pas faire la tâche... dont il avait la charge. » Sa phrase se termine en murmure, gênée à l'idée de dénoncer, mais il le méritait, ses doigts jouant nerveusement avec son pull.

@lee mi ran

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