Évidemment, qu’il était le petit ami parfait. Minhyuk faisait tout pour cela : s’attirer les bonnes grâces de la gent féminine et essayer de trouver des filles un peu trop naïves qui allaient boire ses paroles comme du petit lait. Il n’était pourtant rien de plus qu’une branche de gui qui s’accrochait à elle, qui lui permettaient, quand il s’y prenait bien, de vivre au-dessus de ses moyens et de ne pas avoir le moindre ressentiment à ce sujet.

Les aimait-il ? Pas du tout. S’en souciait-il ? Encore moins. Minhyuk n’en avait que faire de ce que ses petites manigances pouvaient causer aux demoiselles qu’il fréquentait. Si elles disparaissaient en apprenant qui il était vraiment, si elles s’en rendaient compte, il ne s’en faisait pas : il y avait bien d’autres filles qui n’attendaient rien de plus que de rencontrer le prince charmant, et il était tout à fait prêt pour ça.

Cho Ah était mignonne, en plus. Il ne voyait pas pourquoi il aurait dû s’en inquiéter : elle n’avait pas l’air plus maline que d’autres personnes qu’elle avait pu rencontrer par le passé. Elle semblait totalement sous le charme, et cela faisait jubiler l’étudiant qui n’aurait pas espéré mieux, venant d’une fille comme elle ; c’était cette affection et l’amour qu’elles lui portaient qui changeaient ses copines en de véritables portefeuilles ambulants, et il n’attendait en vérité rien de moins que ça. Celles qui n’avaient pas envie de lui accorder des faveurs pécuniaires ne faisaient pas souvent long feu à ses côtés. Autant dire que son affection et son attention se cultivaient aux gros billets et aux attentions qui avaient une valeur monétaire.

En échange de cet argent, de ces cadeaux, Minhyuk était prêt à s’oublier et endosser n’importe quelle identité. Il était prêt à tout pour un peu de confort. Qu’importe si cela signifiait être assis aux côtés de cette fille et l’écouter parler pendant des heures de sujets inintéressants : il serait toujours prêt à lui répondre et à l’écouter, sauf si, peut-être, une autre occasion plus fructueuse surgissait ailleurs.

Aujourd’hui, Minhyuk allait devoir jouer les bons petits amis devant l’une des amies de Cho Ah et ça, c’était bien une chose qui l’inquiétait un peu plus : certaines personnes étaient terriblement perspicaces. Une chance qu’il eût confiance en ses capacités ! Il était resté sagement aux côtés de la jeune femme alors qu’elle saluait son amie, vers laquelle il n’avait pas manqué de glisser un regard, un petit sourire aux lèvres. « Minhyuk, enchanté. » Il avait regardé aux alentours pour essayer de deviner quel genre de personne Yuri était exactement. Une actrice, ça, il le savait, mais ça ne rendait le jeu que plus difficile. Lui aussi, après tout, était un acteur depuis des années. « D’accord, merci beaucoup. » Il avait attrapé la main de Cho Ah et l’avait tenue quelques instants alors qu’ils s’approchaient d’un canapé, et il l’avait lâchée pour s’y installer alors que Cho Ah commençait à parler. Ah, leur rencontre. Une rencontre tellement fortuite. Lui-même peinait à croire qu’il avait réussi à lui faire avaler ses couleuvres avec une telle facilité, mais il ne s’en plaignait pas. Quand un moment de silence était survenu, il avait reposé les yeux sur Yuri avec un petit sourire. « Cho Ah m’a dit que vous étiez actrice. J’étais un peu intimidé à l’idée de venir. » Et parfaitement dans son rôle, évidemment. Le petit garçon timide qui avait toujours eu du mal à se faire une place et qui avait comme par hasard (et quel heureux hasard) rencontré une fille comme elle, n’était-ce pas merveilleux ? Il devait s’en tenir à son personnage.

Il espérait pouvoir se faire apprécier par Yuri. Après tout, il ne connaissait rien d'elle, si ce n'était peut-être la possibilité de rester plus longtemps auprès de Choah. C'était difficile à imaginer, oui, mais la jeune femme se montrait si... généreuse à son égard qu'il ne pouvait pas cracher contre un revenu facile. C'était déjà bien différent de tout ce qu'il avait pu avoir jusqu'alors. Entre les personnes qui se permettaient de lui faire comprendre qu'il en demandait trop et celles qu'il parvenait à berner pour un moment seulement, il n'était pas contre un peu de facilité dans ce monde de brute. Alors, forcément... Il devait se montrer sous son meilleur jour et chercher à être plus convainquant.

Et Choah discutait encore et encore avec Yuri, pour ne pas dire qu'elle était occupée à faire un monologue. Minhyuk n'était pas stupide : lui aussi trouvait cette histoire un peu ennuyeuse, mais il s'efforçait de ne pas le montrer, parce qu'il aurait été vraiment malheureux de laisser penser à la jeune femme qu'il ne s'intéressait pas à elle. Il fallait qu'elle continue à croire qu'il lui était tout dévoué.  « Ça reste quelque chose d'assez remarquable. »Lui n'était qu'un petit étudiant, après tout. Que pouvait-il dire de tout ça, si ce n'était qu'il était intimidé ? Il aimait brosser les gens dans le sens du poil et les mettre en valeur. C'était ainsi qu'il avait séduit Yuri, après tout.

« Des coachs sportifs ? » Il fit mine de regarder son corps pendant un instant, adoptant une attitude embarrassée, comme si les propos avaient réussi à le mettre mal à l'aise, mais qu'il ne souhaitait pas en dire un mot. Son seul regard parti vers Choah. En lui faisant croire qu'elle l'avait offensé, peut-être parviendrait-il à en obtenir davantage d'elle ? Quand Yuri lui adressa la parole à nouveau, il repose les yeux vers elle. « Oh, moi... Je travaille dans une usine de production. » Après tout, ses réseaux en ligne ne mentionnaient rien, il s'efforçait de toujours contrôler l'image qu'il y possédait. Il n'avait pas envie qu'on vienne fouiller dans sa vie, pour des raisons évidentes. Il feignit d'être embêté une fois encore... « À vrai dire, Choah m'aide beaucoup ces derniers temps. C'est difficile, surtout en fin d'année. » Il avait attrapé la main de sa petite amie avant de lui adresser un sourire. Maintenir le contact, toujours. « J'ai vraiment de la chance d'être tombé sur elle. » Puis, il avait laissé passer quelques secondes. « Et vous ? Vous faites quoi, en dehors de l'acting ? »

Ah, il était fatiguant de devoir toujours faire attention à ce qu'il disait ou faisait, mais s'il souhaitait convaincre encore une fois l'amie de l'actrice, Minhyuk n'avait pas le choix. Il avait alors continué son cirque, jusqu'au moment où la jeune femme avait évoqué une nouvelle idée... Cuisiner pendant son temps libre ? Avoir besoin d'un homme fort ? Shit, il ne pouvait pas refuser. « Oh, si je peux aider... » Il n'avait pas tardé à se redresser pour accompagner la jeune femme dans la cuisine, et quand celle-ci avait repris la parole, il s'était contenté de l'observer d'un oeil hagard. Mais de quel droit osait-elle tenir des propos aussi éhontés à son égard ? Il était le premier à se convaincre de son cirque, alors prétendre n'était une fois encore pas bien difficile. « Je pensais que vous étiez son amie ? » Pourquoi ? Parce qu'elle lui tenait des propos relativement méchants à l'égard de la jeune femme, et que lui, de son côté, il n'était qu'un jeune homme tout à fait bienveillant, évidemment. N'en avait-elle pas conscience, pour remettre en cause de cette façon sa bonté et son honnêteté ? Pourtant, derrière son carnaval, Minhyuk bouillonnait déjà d'avoir été démasqué, qui plus est par une actrice. Mais il ne pouvait rien faire pour l'instant. Qui pouvait savoir, après tout, Choah écoutait peut-être à la porte. « J'ai entendu  dire que les meilleurs acteurs sont les personnes avec peu de personnalité. Cela leur permettrait de se mettre à la place des autres plus facilement. » Il reposa les yeux sur elle, un petit sourire aux lèvres. « Mais ça n'a pas l'air d'être votre cas. » Et il persistait, oui. Montrer son embarras n'aurait fait que donner raison à la jeune femme, et il refusait d'admettre qu'il se jouait d'elle aussi facilement.

Cette fille semblait bien plus intelligente que son amie, et cela n’était absolument pas pour plaire à Minhyuk qui aurait largement préféré pouvoir obtenir tout ce qu’il voulait sans jamais devoir le réclamer. Mais tant qu’ils étaient là, il allait discuter avec elle et voir ce qu’il pouvait tirer de cet échange, quand bien même il ne semblait pas des plus fructueux pour l’instant. Les doutes que Yuri semblait avoir à son égard étaient tout sauf rassurants, il fallait bien l’avouer. Alors Minhyuk avait continué cette conversation, espérant obtenir des informations bien plus intéressantes que celles qu’il avait à se mettre sous la dent pour l’instant. « Oh, je vois… Je n’étais pas au courant. » Il fronça les sourcils face à des faits aussi accusateurs. Cela n’avait pas grande importance, en vérité, il était lui-même infidèle, après tout. Mais il ne devait pas le montrer. Pas s’il voulait laisser croire à quiconque qu’il aimait sincèrement cette chère Choah. « On se retrouve vite face à des gens qui ne nous estiment pas à notre juste valeur. » Ce qui n’était pas faux, dans le fond. Qui avait dit qu’un ouvrier devait nécessairement être stupide ? Le petit ami de Choah était un garçon brave et habile de ses mains, mais pas stupide pour autant. Il devait s’en tenir à cela. « Des problèmes ? » L’inquiétude dans la voix, il avait continué à le suivre du regard, essayant de discerner le vrai du faux… Un exercice horriblement difficile, face à une actrice. C’était bien la première fois que cela lui arrivait. « Elle ne m’en a pas parlé. » Son regard tomba devant lui, alors qu’il fronçait les sourcils. « Mais toutes ces dépenses ? » Ah, les cadeaux qu’elle lui faisait, ces choses dont il profitait tant… « Il faudra que je lui en parle, elle ne peut pas… Elle ne peut pas faire tout ça pour nous si elle n’en a pas les moyens. » Et si c’était vrai, il trouverait un moyen de la larguer en faisant le moins de vagues possibles. Mais pour l’heure, il mettait un énorme point d’interrogation sur tout ce que pouvais lui dire cette fille.

Cette situation l’agaçait. Minhyuk détestait avoir l’impression d’être passé au crible d’un radar, comme s’il ne pouvait pas bouger. Il préférait largement quand les amies de ses ‘petites amies’ étaient tout aussi niaises et stupides que la principale intéressée, ce qui n’était pas du tout le cas de Yuri, de toute évidence. Alors oui, ses commentaires venaient piquer trop justement, et chaque seconde devenait un véritable supplice alors que la jeune femme lui répondait avec bien trop de justesse. « C’est plus rare, hélas. » Il continua à parler avec elle, essayant de rester concentrer sur ce qu’il disait, pas sur le comportement de cette fille qui avait de toute évidence vu clair dans son jeu au moment même où il avait passé la porte. Mais les murs avaient des oreilles, et si Choah avait la moindre attention pour ce qu’il se passait dans cette cuisine, elle serait au courant, s’il baissait sa garde. Cela ne pouvait arriver. « Il n’y a pas de problème mon cœur, tu peux y aller. » Il l’avait laissée partir, attendant que la porte se referme et d’avoir la confirmation de son départ pour reposer les yeux sur Yuri. Ses paroles étaient limpides comme de l’eau. « Je peux savoir en quoi ça vous regarde, ce qu’il se passe dans notre couple ? » Ah, si l’on pensait qu’il allait directement aborder sa non-sincérité, c’était totalement manquer le coup. Non, il avait bien d’autres choses en tête. « Et ne me dites pas que c’est par amitié, j’ai un peu de mal à croire que vous lui veuillez vraiment du bien. » Et ne se retrouvaient-ils pas étrangement, dans cette logique ? Choah était une personne trop gentille qui se faisait bouffer par les autres, de toute évidence. C’était précisément pour cette raison que Minhyuk s’était intéressé à elle, au départ. Elle était facile à amadouer et ne bronchait pas quand il fallait faire des cadeaux.