Doucement, il replaçait cette mèche de cheveux échappée. Venant la glisser derrière son oreille alors que, la tête baissée, il attendait après son ami. Son temps était libre ─ pour une fois. Coincé dans cette période entre deux projets qui le laissait respirer le temps de quelques soirées, qui le laissait profiter de ce temps pour retrouver ses amis en dehors de ses études et son travail. Il n’était pourtant pas à plaindre. Timide et discret comme il l’était, ce n’était pas si souvent qu’on lui proposait une sortie au bar, de peur de le mettre mal à l’aise. La différence avec Bybe était tellement grande, tellement étrange (( déroutant )).

Son regard se leva rapidement, attiré par un mouvement de foule alors que, de cette même vitesse il fut détourné. Honteux, timide :: il n’avait pas encore l’habitude de ces regards curieux qu’il recevait depuis qu’il s’affirmait dans son style vestimentaire. Quelque peu particulier, mais pourtant relativement correct pour une personne qui étudiait dans le domaine de la mode. Seulement, c’était toujours cette pudeur et les appréhensions qui s'y attachaient qui ressurgissaient le contrôlant alors dans cette discrétion à laquelle il s’était habitué.
Fuyant, perdu mais retrouvé : le regard de Heenim ne manqua pas alors cette silhouette fine et familière. « Baekji ! » Comme un enfant heureux de retrouver un repère vers lequel il pouvait se diriger, vers lequel il pouvait fuir l’inconnu, l’étudiant trotta de quelques pas vers son ami. Sourire aux lèvres et son bras qui se plaça sous celui du garçon pour les rapprocher, les protéger. Heenim avait toujours eu du mal avec le contact physique ─ les autres. Néanmoins, tout changeait dès lors qu’il sentait cette familiarité, de cocon protecteur.

Ce n’était encore que le début. La lune encore timide alors que son contraire venait à peine de fuir. Ils avaient tout leur temps ─ toute la nuit s’il le fallait. Peut-être était-ce là l’occasion pour Heenim de prendre une grande inspiration. Peut-être serait-ce là le moment où il pourrait tenter de s’affirmer, sortir de cette zone de confort où il était si bien pour une rencontre. Les pensées furent bien vite arrêtées par un coup de vent imprévu, les glaçant au passage. « Je savais que j’aurais dû m’attacher les cheveux. » Semi-plaisanterie, semi-agacement. « Viens, on se met au chaud. Je t’offre le verre. » Toujours accroché au bras de son ami, il mena le chemin.
C’était la soirée de tous les essais, celle où tout pouvait se tenter et sûrement que l’alcool serait un acteur de ces folies qui risquaient de se dérouler.

L’esprit de décembre, le froid jaillissant dans la ville du succès ; les lumières parfois aveuglantes qui arborent les rues de la capitale. C’est bientôt noël, mais ce n’est pas ce dont le flocon de neige est le plus excité. Son anniversaire qui pointe le bout de son nez, sa majorité fulgurante, une nouvelle ère qui s’ouvre à lui - mais surtout, un vingt-et-unième anniversaire loin du cocon familial. Un vingt-et-unième mensonge, déblatérer sciemment des mots au contraire de la vérité. Une vie artificielle, montée de toutes pièces ;  nan, ses parents ne l’aimaient pas comme il a osé le dire. Nan, ils ne sont pas dans les affaires - l’un est gérant d’une boutique et l’autre est PDG d’une agence. Riches, ça il le sont. C’est la seule vérité. Au contraire de ce que dit le péché, ses parents avaient le temps de l’aimer et de passer des appels - s’ils en avaient quelque chose à foutre de lui. Peut-être qu’il tente de se convaincre que c’est le cas, qu’ils l’aiment et qu’ils en ont quelque chose à foutre d’une personne qui ne devrait pas exister. L’espoir fait vivre, c’est vrai. Mais tenter de se persuader d’un truc dont le contraire est évident, c’est sûrement maladif. Non. Ses parents ne le recherchent pas. Le lendemain de sa fugue, ils n’ont pas appelé les autorités - c’était plutôt l’inverse. Ils ont soufflé des insultes dans son dos, dans un brin de soulagement. Parce que l’énergumène qui allait à l’encontre de leur croyances avait disparu ; espéraient-ils même qu’il soit mort. Heureusement pour une partie et malheureusement pour l’autre, le péché a été sans abris, traversant des routes jusqu’à un arrêt de bus où il a pu prendre un ticket pour Séoul. Soleil, pluie, neige, vent - il en a vécu. Ça en a sûrement valu le coup, au final. Sacrifier sa jeunesse et une vie simple pour un rêve qui a mené à une aventure remplie d’épreuves incessantes - pour le bonheur. Même s’il a été hébergé chez un fermier pendant un certain long mois, avant qu’il n’entre à EM Label, ça n’enlèvera pas tous ces mois à vivre dehors. Et malgré tout ça, il est là. Toujours vivant. Un bon gros doigt d’honneur à ses parents qui espéraient le contraire. En haut de la pyramide, respecté de tous ; parce que personne ne sait la vérité, au détriment de quelques-uns - ceux qui savent garder un secret. Si la société le savait, il aurait été traîné dans la poussière, tout comme à son cocon familial. Peut-être que c’était trop, de comparer sa ville natale à l’enfer ; puisque Séoul n’était pas le paradis, même si ça pouvait paraître ainsi au départ. Baek Ji ne reste pas con, il a bien vu les réactions lorsqu’on a informé les internautes qu’il n’a aucun diplôme. Ça incite les jeunes à abandonner leur études, qu’ils disaient tous. L’ironie. S’ils connaissaient la vérité, peut-être qu’ils auraient fermé leur gueules. Alors il sait, la réaction qu’ils auront quand ils apprendront qu’il est un homme trans. Il a beau rêver, le flocon de neige sait que son subterfuge ne durera pas aussi longtemps qu’il espère… Et quand ce fameux jour viendra, Han Baek Ji sera la risée de la nation.

Le masque sur le faciès, les pas s’enchaînent ; il a un rendez-vous. Flocon de neige propulsé dans la brise, il ne perd pas de temps. On le remarque, se questionne sur la familiarité de l’humain, on réalise et on pense alors que c’est subitement la meilleure journée de sa vie - les regards, ça l’inquiète pourtant. L’ironie d’être Idol et ne pas supporter d’être le centre de l’attention. La paranoïa suffoque, torture ses tripes alors qu’il tente d’avancer, ça donne de la panique à la matière grise ; l’anxiété twerke sur ses pensées raisonnables. Définitivement, il croit qu’on va le poignarder à tout moment. Crispé, il l’est. Arrivant au coin de rue où ils s’étaient donnés rendez-vous… Son regard se perd, tente de capter son copain de gossip. Pessimiste, pourquoi faut-il que des gens se soient décidés d’être en masse à cet endroit en particulier ? Le fin flocon de neige se retourne à l’entente de son prénom, voix et visage familières ; un sourire aux semblants d’un champ de fleurs vient s’emparer de son visage, baissant le masque qui le cache.

- « Heenim ! », exclame-t-il en retour - voix éclatante. Les pas se dirigent vers les siens, les yeux regardent les siens et son bras accueille le sien. Familiarité avec laquelle il a toujours été confortable, perdant cette soudaine peur du mensonge - d’être à découvert et de se faire marcher dessus. Avec Heenim, ça a toujours été le contraire. Avec lui, il pouvait s’affirmer. Les yeux du flocon se font ronds alors qu’un coup de vent vient lui caresser le corps, déjà frigorifié par le temps hivernal… Un rire lui échappe, se passant une main dans les cheveux pour les replacer. « Ah, merci… Je vais finir congelé si je reste une seconde de plus dehors… », parce qu’il a beau avoir une veste, elle n'est pas réellement adaptée à ce genre de saisons. Le bras accroché à celui de son ami, il s’avance. Les regards croisent ceux des autres, toujours paranoïaque - il a beau être accompagné, ça ne veut pas dire que ça arrêtera une personne dérangée.

- « Mh… Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus, qu’est-ce que tu deviens ? », demande-t-il en priorité puisque la vie de son ami était importante à ses yeux. En y pensant, il réalise que ça fait longtemps qu’il n’est pas allé voir un show de son ami ; malheureusement trop pris par son fin emploi du temps.

La facilité qu’il avait d’accueillir son ami. Cette aisance alors que leurs pensées se mélangeaient pour créer une harmonie si belle que ça en devenait indécente. Pourtant, le regard de Heenim fut rapidement retenu par les tissus couvrant ce corps (( si )) maigre. L’hiver avait déjà déposé son voile de glace sur la capitale, c’était évident. Alors pourquoi si peu de couches. Le styliste qu’était Heenim ─ en devenir ─ avait envie d'emmitoufler son ami dans un manteau qui serait bien trop grand pour la personne, mais avec assez de matière chaude pour arrêter ses tremblements. « Tu vas me dire que t’as pas de manteau ? » Légèrement moqueur, il emmenait Baekji jusqu’à l’antre d’un bar qu’il fréquentait souvent, à l’ambiance dansante et la musique légèrement trop élevée empêchant alors quiconque de partir dans de grands débats sans risquer de s’arracher la gorge par la suite. La lumière tamisée masquait les détails de leurs visages alors qu’ils s’installèrent dans un canapé en cuir, au fond du dit-bar. Ils y étaient dans leur monde, perdu dans cette familiarité qu’ils partageaient ─ dans cette amitié. Comme si rien ni personne ne pouvaient les atteindre dans ce fond de salle. « C’est vrai, tu donnes jamais de nouvelles ! » Il était loin de l’animosité et de vrais reproches. Certes le manque de nouvelles de son ami le peinait parfois ─ titillait ses insécurités de la pire des manières. Seulement, il était bien conscient que chacun avait sa vie, son emploi du temps et lui-même était bien souvent très occupé par ses études et ses shows à préparer. « mais tu me connais, je m’occupe comme je peux. Je travaille surtout la plupart du temps. » Peu de sorties donc, car son introversion l’empêchait de rassembler ce groupe d’amis pour, ne serait-ce qu’une soirée. Et quand bien même, il aurait l’occasion, une excuse réussissait toujours à se glisser dans ses paroles pour le retenir dans sa zone de confort. Comme c’était le cas pour Jinkyung, pauvre enfant qui n’était pas si malheureux (( Heenim préférait d’ailleurs l’éviter, même )).

Finalement, ses sorties se limitaient à trois personnes de sa vie, en qui il faisait assez confiance. Assez pour finir dans des états d’ivresse incontrôlés et savoir que rien ne pouvait lui arriver car il était bien entouré. Ses amis proches lui donnaient de l’énergie, l’inconnu et les étrangers la lui volaient. C’étaient là des changements incessants qui, au final, le laissaient vidé plus qu’autre chose. « Tu prends la même chose ? » Une simple phrase, il n’attendit même pas la réponse et il se faufilait déjà entre les corps dansants jusqu’au comptoir. Il évitait le monde, cette foule qui l’angoissait plus que ne le rassurait.
Son aventure se finit pourtant sans encombres et la commande fut passée tout aussi rapidement. Jusqu’au moment où un bras tomba lourdement sur ses épaules. Pris d’un sursaut, Heenim se retourna brusquement et découvrit une jeune femme alcoolisée qui lui soufflait déjà des mots indécents dans l’oreille. « Non,, merci. » Répondit-il rapidement avant d’attraper les verres, payer et fuir jusqu’à son ami. Il devait retrouver cette zone de confort, cette familiarité. Il devait retrouver Baekji et oublier les paroles de la jeune femme. Atroces et tellement déplacées, Heenim n’y était pas habitué. C’était normalement Bybe qui gérait les situations compliquées. C’était elle qui savait comment réagir dans la moindre situation, comment répondre aux personnes trop insistantes. Seulement, paradoxalement, Heenim était loin de lui ressembler.

Les verres posés, l’étudiant se posa de nouveau sur le canapé, bien trop près de Baekji. Corps qu’il enferma entre ses bras alors qu’il posa sa joue contre celle du garçon. « Merci d’être là. Bouge pas je récupère juste de l’énergie. » Stupide geste affectif mais auquel le coréen tenait beaucoup. « Baekji babe. Et toi, ça va avec ton groupe ? Pas trop fatigué avec tout ce que tu dois faire ? » Il n’avait pas pris la peine de se dégager, de libérer son ami de son étreinte.

L’insolence du froid lui caressait son fin visage, certainement, avait-il oublié de prendre une veste. La précipitation lui ayant effacé cette partie de besoins essentiels, alors que la neige menaçait le glaçant ciel de Séoul. Heureux est-il, de voir ce visage familier parmi tant d’autres ; sa paranoïa a toujours été présente, croit-il qu’on lui veut du mal à la seconde où on le regarde. Aimerait-il passer inaperçu, mais ce n’est jamais possible ; sa célébrité ne le permettrait guère réellement. On reconnaît cette douceur - similarité aux caresses d’une mère. Cette douceur que tout le monde appréciait, souhaitant qu’elle soit conservée jusqu’à la fin des temps. Était-ce une douceur que beaucoup de fans retrouvaient lorsque l’idole était présente ; chavirant plusieurs cœurs, fondant ces cœurs glacés qui n’assument pas d’aimer les douces choses. Retrouver Heenim est certainement réconfortant ; un rire lui échappe à sa moquerie. Sourire adoucissant les traits du visage, le regard rempli d’amour pour une si précieuse amitié. « Je sais que je suis un piètre menteur, mais je n’irais pas jusqu’à dire ça ! », affirmation accompagnée d’un rire léger. Baek Ji n’avait aucune peur en compagnie de son aîné ; avec lui, pouvait-il parler de choses qui choqueraient certains fermés d’esprit. À bas le masque d’idole, n’avait-il pas besoin de penser à son image lorsqu’il était avec lui… Heenim était probablement la dernière des personnes qui le jugerait, s’il se lâchait un peu. Malheureusement, son cœur fait un bond lorsqu’ils entrent dans la salle ; le bar était en quelque sorte rempli. Ok, on respire et on garde son calme. On ne va pas t’agresser. Quelle malheureuse façon de penser, croire qu’on viendrait l’agresser parce qu’il a la fâcheuse idée de respirer. Mais n’est-ce pas ce qu’il était arrivé, avec ce qui lui servait de parents ? Savoir que Baek Ji daignait respirer en leur direction était un péché que l’on devait punir… Les pas se suivent, le flocon de neige tente de ne pas s’y perdre mentalement ; les yeux rivés sur son ami, n’ose-t-il guère croiser le regard de quiconque. Ils se retrouvent assis, sur un canapé assez éloigné de la foule pour que l’idole finisse par descendre en tension. Un soupir s’échappe de ses lèvres rosées, soulagé et désormais calmé. Quel comble pour une idole de détester le contact visuel. « J’espère que tu ne te surmène pas trop… », l’ironie de ses paroles lorsqu’il est le premier à le faire. Mais ça, personne ne devait « le savoir ».

Un simple hochement de tête en guise de réponse, même si son ami s’est déjà retourné pour aller chercher les commandes au comptoir ; un soupir vient s’exprimer dans un monologue euphorique. La joie comble le coréen, bien qu’il baisse son regard sur l’écran de son téléphone, qu’il vient tout juste d’allumer. Jamais n’a-t-il eu l’envie de déposer son regard sur autrui, les gens l’intimident assez. Bien que ce ne sera jamais autant que le fameux leader de son propre groupe ; même si l’on sait que c’est un malheureux malentendu et que Ki Seop est nul autre qu’une personne adorable. Son regard se relève vers son ami, puis sur les verres qu’il dépose sur la table ; Baek Ji éteint l’écran de son téléphone, alors qu’il regardait les actualités sur Twitter puis, les yeux ronds. Sa joue collée à celle de son ami, il fronce légèrement les sourcils dans une confusion instantanée. Rien de bien méchant, au final. « Mhmhh ? », tant bien même le brun pensait que son aîné allait se reculer de l’étreinte, ça durait plus longtemps qu’il ne le pensait. Même si ça ne le dérangeait pas pour autant. « Ehh… Oui, ça va. », car oui, prenait-il même le temps de réfléchir. « Disons que c’est fatiguant, mais je tiens le coup… Oh ! On va même filmer une émission dans une ferme, je sais déjà que Summer va dramatiser sa vie. », Ô non, n’allait-il pas avouer à son cher et tendre ami qu’il se surmenait et qu’il passait la plupart de ses nuits dans les locaux de l’agence pour « vérifier un truc dans la chorégraphie ». Son intuition ou alors sa paranoïa vient lui titiller la curiosité… « Est-ce que ça va ? », il bouge légèrement son visage pour regarder celui d’Heenim. « ...Tu veux prendre une photo ? On immortalise notre retrouvaille, si ça te dis ! », un sourire innocent vient étirer ses lèvres, tandis qu’il lève sa main qui détient son téléphone.

L’être humain avait toujours fait partie des créatures les plus cruelles de ce monde. Maintenu par des chaînes représentant l’éducation et la cognition ; il n’en restait pas moins vil. Les peurs et les angoisses que partageaient les deux amis, à différents niveaux, étaient ainsi compréhensibles. Bien qu’incomprises. Tous deux perdus dans cette société qui ne laissait aucune place à la faiblesse ─ les grands mangeaient les petits, ils n’avaient d’autres choix que de s’adapter. Sans en changer leur ambitions et rêves. Ils étaient qui ils étaient et personne dans ce pays ne pouvait leur dire le contraire ou les freiner dans cette quête de la recherche de soi. Les foules ou bien les contacts physiques avec les inconnus. Chacun avait son malaise dans cette soirée mais Heenim savait déjà qu’aux côtés de son ami, iel devenait rapidement invincible. Iel était Jung Heenim ─ pas même Bybe, pas cette ombre qu’iel se traînait depuis un long moment :: non.

De cette manière, il était venu trouver refuge. Déposant les verres sur cette insignifiante table devant eux, l’étudiant s’était ensuite précipité dans les bras de Baekji. Une recharge rapide, un moment bienveillant qu’il espérait était réciproque. Il profitait de ce moment comme si, par cette étreinte, le monde était en pause. Un stop grandement apprécié par le coréen qui sentait cette tension grimper rapidement. Il ne bougeait toujours pas ; coincé dans cette position, emprisonnant son ami de cette façon, il assumait son égoïsme de cette envie de profiter de la rassurance qu’apportait la célébrité. Des mots lâchés rapidement et pourtant avec tellement de sincérité ─ sûrement une pointe d’inquiétude fut perdue dans les tons. « tu tiens le coup ? » La surprise libéra Baekji de l’étreinte. Redressé, le dos droit et la mèche recalée derrière son oreille percée, le styliste observa les traits de l’autre avec beaucoup d’attention, prêt à y repérer les moindres signes de surmenage. « l’émission dans la ferme, c’est super ! Je la regarderai à la diffusion et prêt à juger fortement Summer. » petit rire discret alors qu’il était évident que Heenim serait au rendez-vous, bloqué derrière l’écran comme il le fait pour chaque émission dans laquelle son ami apparaît. « mais tu te reposes au moins ? »

Sujet balayé alors que la question lui fut plus ou moins retournée. Heenim répondit d’un simple sourire qui se voulait rassurant puis retrouva sa position initiale. Au final, il était si bien contre Baekji. Il pouvait rester des heures ainsi, à profiter d’un moment de calme avec la tête calée contre son épaule. C’était là qu’il voyait les belles amitiés :: celles où aucun sentiment négatif ne venait perturber ce cocon de paix qui se créait entre eux. « oh oui une photo. poste-là sur instagram et je deviendrai aussi populaire que toi. » Énième plaisanterie de la soirée alors que ce n’était un secret pour personne que Heenim venait à peine de faire son coming out en tant que drag queen sur les réseaux. Peut-être, commençait-il à se demander s’il n’allait pas fusionner ses deux comptes, celui de Bybe et son compte professionnel. Etait-ce trop tôt :: oui. Or, si les inconnus découvraient le vrai visage de Bybe pour la première fois (( mais lequel était le vrai )), peu furent ceux qui avaient fait le lien avec Jung Heenim, styliste débutant ; sûrement car il y était moins populaire. « ou alors je me ferai détester par des millions de fans. hm. » Le dilemme était aussi difficile qu’insouciant. « en fait je vais simplement l’imprimer et la mettre sur le mur de ma chambre, à côté des autres. » Mur si précieux à Heenim pour tous les souvenirs qui s’y trouvaient. Notamment les multiples photos avec la célébrité.

Tous deux en position, ils prirent cette fameuse selfie, Heenim partageant des expressions chaque fois différentes, de la plus sérieuse à la plus horrible. La session fut rapidement terminée et l’étudiant partagea les siennes aussitôt à son ami avant de profiter d’une gorgée de sa boisson. Le liquide coulant à flots lui faisait du bien, libérait ses pensées. Un coup d'œil et il remarqua les foules autour d’eux, comme s’il se réveillait d’un songe. Il venait de briser cette bulle partagée avec son ami ─ un brusque retour à la réalité. Surtout lorsqu’il aperçut la femme du bar au loin qui lui fit un clin d’œil. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale, puis toute l’attention de Heenim se retourna sur Baekji ; toujours. « C’est quoi cette émission donc ? tout le groupe y sera où juste vous deux ?  » Curieux des activités de son ami, il en avait toujours été ainsi. Comme la chose la plus précieuse au monde :: tant que Baekji était heureux surtout. « faut toujours que tu m’apprennes à danser un jour. » Bybe savait bouger son corps à la (( presque )) perfection, seulement pour ce qui était du styliste, c’était une autre histoire.

Cruelle, tranchante ;; la vie n’avait que cette description aux yeux du jeune coréen. À la recherche de réconfort, pensant que les personnes qui l’avaient mis au monde allaient daigner apaiser ses douleur ─ Idiot a-t-il été, de penser que ce serait le cas. Poignardé, meurtri sous des phrases assassines… La confiance qu’il avait pour ses parents s’est volatilisée, en un instant. Aucun des deux ne prenait sa défense, personne n’en venait à se demander si l’enfant des neiges supportait cette vie qu’on lui infligeait. Son seul échappatoire était la musique, casque sur les oreilles ;; constamment. Au point où les seuls instants où il n’avait pas le casque sur les oreilles était sous la douche ou pour aller dormir ─ et lorsqu’il daignait penser à sa vie et à ses parents, son coeur lui faisait mal. On disait que lorsqu’il pleurait, ce n’était que des crises qu’un enfant immature faisait. Incompris par ceux qu’il aimait, au fond de son âme. C’était douloureux d’apprendre qu’on pensait même à le faire enfermer, parce qu’il n’était pas « normal ». Lorsqu’il tentait d’appeler à l’aide, criait ses sanglots et essayait de se faire comprendre, on y faisait passer pour une crise d’hystérie ─ au point où il se demandait ce qui n’allait pas avec lui-même… Est-ce qu’il n’agissait pas comme un humain devait réagir ? Mais sa douceur restait la même, auprès de ses amis. Personne ne se doutait que ses parents le maltraitaient, gardant tout ça complètement secret. La saturation venait souvent, mais a-t-il toujours eu l’habitude de ne pas commenter son inconfort… Parce qu’il craignait de vivre la même chose qu’avec ses parents. Est-ce pourtant la même chose avec Heenim ? Peut-être. Baekji ne sait pas lui-même ;; il a l’impression d’avoir cette liberté qu’il n’avait pas auparavant, avec lui. C’était sûrement la raison pour laquelle ce dernier considérait la drag queen comme un meilleur ami.

Et c’était la raison pour laquelle l’idole a accepté de passer une soirée auprès de son réconfort ;; mélangé à une foule, perdu dans un endroit public. Il n’avait clairement pas l’habitude de se ramener dans un bar, se prêtant plus habituellement au jeu du surmenage. Enlacer ses émotions et les relâcher tandis que son corps s’élance dans une danse ardente. Le flocon de neige passait plus de temps à se laisser transporter par les émotions que de prendre soin de lui. « Oui ! Même si je dois avouer que je DÉ-TESTE aller à la salle. » ; tant bien même Baekji enviait passionnément ses bandmates pour leurs corps joliment sculptés et qu’il tentait de faire les même efforts qu’eux pour avoir le même résultat ;; rien n'enlèvera le fait qu’il déteste la musculation quand il s’agit de lui-même. Le plus jeune se recule légèrement, fin sourire aux lèvres alors qu’il écoute son meilleur ami ─ avait-il tant hâte à ce que ce dernier regarde l’émission et lui fasse part de ses avis. « Mhm ! », qu’il répond simplement à sa dernière question. Intonation positive ;; n’en a-t-il donc pas marre de se mentir à soi-même ? Et le sujet s’étouffe rapidement pour laisser place à une nouvelle question, relevant son mobile pour proposer l’immortalisation de cette précieuse retrouvaille. Le brun finit par rigoler à la remarque de la drag queen, si seulement il en avait la permission… Il aurait sûrement déjà partagé une tonne de photos avec le styliste ;; seulement, son statut d’idole ne le lui permet pas. Il se doutait que les fans ne seraient guère ravis de le voir avec quelqu’un d’autre, déjà qu’ils demandaient à maintes reprises des photos avec les membres du groupe… Parce que les photos qu’ils postent ne sont jamais assez ─ n’est-il même pas au courant de ceux qui se demandent la raison pour laquelle Ki Seop n'apparaît jamais dans les photos du maknae. Et la raison était si idiote, qu’il valait mieux faire comme si de rien n’était. « C’est vrai que les fans du groupe peuvent être intenses parfois… Je n’ose pas imaginer ce que certains oseraient dire ou faire, si tu venais à partager la photo… » ; toujours traumatisé par l’histoire de la sasaeng qui le suivait. Il ne s’en est jamais réellement rétabli, l’inquiétude le prend toujours ;; lorsqu’il sort de son appartement, seul. Feint sourire sur ses lèvres rosées, il secoue son téléphone avec légèreté ;; tandis qu’un clin d'œil vient faire son apparition. « Je chérirai cette photo en secret. », vient-il glisser dans la conversation.

Les photos sont prises ;; plusieurs poses sont effectuées, toujours cette douceur indécente. Le prince des neiges sourit, fait des grimaces pour les photos plus hilarantes. Lorsque c’est terminé, il plonge son regard dans la galerie pour les regarder ;; et trier celles qui ne lui conviennent pas, avant d’y ranger dans le dossier prénommé “Heenim” suivi d’un cœur bleu. L’idole a une galerie - trop - organisée. Éteindre l’écran du mobile, attraper le verre contenant la boisson avant de la délecter ;; rafraîchissant le corps qui ne supportait plus réellement la chaleur commune du bar. « Oh, c’est pour l’émission du groupe…! Tu sais… C’est la même émission où on m’a obligé d’aller dans un endroit soi-disant abandonné, et que j’ai failli chialer ma vie entière en voyant des faux zombies. », un brin de sel dans son intonation de voix explique bel et bien que l’idole ne s’en est absolument pas remis ;; et, qu’il avait un peu honte de ses réactions qu’on pouvait considérer exagérées. Le verre à la main, la paille dans la bouche ;; il vient se rafraîchir de nouveau le corps avant qu’il ne finisse par rire, à la remarque de son meilleur ami. « Mais tu sais déjà danser, Heenim…! », commente-t-il en souriant, innocemment. « Cela dit, je ne suis pas contre te faire apprendre l’une des chorégraphies du groupe… Promis, je ne choisirais pas la plus dure ! », penchant avec légèreté sa tête sur le côté, riant à cette idée. Peut-être que le flocon de neige sera diabolique et choisira la plus difficile des chorégraphies ! Ou pas. Parce que la douceur qu’est le gamin ne lui permettrait pas d’infliger une telle chose à son meilleur ami.