Les joues rougies par le froid mordant de l’hiver, Heenim s’enfonçait dans les rues de la digital city. Chaque pas, chaque mouvement calculé lui permettait d’éviter les passants de la capitale et ainsi restait cloîtré dans son cocon de sérénité. Loin des foules qui l’angoissaient. Loin de la rapidité de la capitale qui l’étouffait. Ses pas, de plus en plus pressés finirent par le porter jusqu’aux portes du dortoir qu’il enfonça dans un geste automatique car répété maintes fois. Le spectacle l’avait épuisé et coincé par le travail qui l’attendait encore il ne pouvait se permettre de traîner. Pas même pour récupérer de quoi se rassasier après ces heures de danse autour d’une barre de pole dance alors qu’il croulait sous le poids de ses vêtements et perruques. Il avait pourtant assuré cette danse, et en était fier. À tel point qu’il pensait bien demander à Thiên Duyên, la prochaine fois qu’il le-a verrait pour filmer l'entraînement et poster la chorégraphie sur son instagram.

Le changement de température le fit frissonner mais il ne pouvait s’arrêter là. Tant qu’il n’était pas à l’abri dans sa chambre, il ne pouvait s’attarder dans les couloirs et risquer de laisser son sac contenant ses tenues traîner. Seulement, le destin était un concept très drôle au final et qui n’avait fini de se moquer de la personne. Pressé, Heenim n’avait pas vu, au détour d’un couloir, un autre étudiant qu’il bouscula sans s’arrêter et sans remarquer que de son sac mal fermé s’était échappé des accessoires de Bybe. Queen qui allait sûrement entrer dans une colère noire si elle savait comment Heenim prenait soin de son matériel lorsqu’elle n’était pas là. Mais ce n’était pas la question pour le moment car l’étudiant continuait son chemin, ignorant de sa faute jusqu’à la porte de sa chambre. Pas une seconde de plus et il s’engouffra dans l’antre familier, zone semi-privée mais surtout protectrice de l’inconnu que représentait l’extérieur pour la personne.
C’était le calme, devant celui-ci un soupir de contentement s’échappa d’entre les lèvres de Heenim qui manqua de se laisser tomber au sol, fatigué. Ce n’était pourtant pas le moment et, au risque d’attendre après son colocataire, il préféra ranger ses affaires le plus tôt possible dans ce carton secret. Pourtant, cette paix fut bien rapidement perturbée par une main toquant à la porte et le coréen qui sursauta. « Oui ? » Question inutile alors qu’il poussait sur ses jambes pour se redresser et atteindre cette maudite porte. Il entrouvrit, espérant que la conversation qui se préparait serait courte et suffisante. « Ra Yoohim… Je peux tu as besoin de quelque chose ? » Des mots prononcés de sa petite voix timide qui caractérisait parfaitement sa personne :: timide.

Le pas un peu traînant, Yoo Him rangeait ses affaires de boxe dans son armoire. Il y avait les vêtements qu'il allait devoir laver et son équipement qu'il ne devait pas laisser traîner pour ne pas déranger ses colocataires. Plus le temps passait, plus la vie en collectivité devenait pesante pour le coréen. Il n'avait, normalement, plus beaucoup de temps à tenir, c'était sa dernière année. Malgré tout, partager son espace et son quotidien avec d'autre restait une source d'anxiété pour lui. Mais après ses études, qu'allait-il faire ? Retourner chez sa mère ? Se prendre son propre appartement ? Là encore, une source d'angoisse. Avec un soupir, il ajouta les vêtements qu'il avait porté pour son entraînement plus tôt dans la soirée à son sac de linge sale et se dirigea vers la laverie du dortoir. Il était tard certes, mais il avait encore des notes à potasser pour son mémoire, il avait largement le temps de faire une lessive.

Il laissa son sac vide sur place une fois le tambour plein et le léger vrombissement de la machine remplissant le silence. Il resta un moment à regarder ses vêtements, un mélange de gris, de noir et de rares couleurs plus claires tourner et s'entremêler dans un mouvement hypnotisant. Ce moment de contemplation lui permis d'arrêter de penser. Littéralement. Pendant ces quelques minutes, il ne pensa strictement à rien, signe de la fatigue qu'il ressentait vis à vis de sa situation de vie. La porte de la résidence qui claqua le ramena à la réalité et il sortit de la laverie pour retourner à son mémoire. Tout en traversant les couloirs, il prit le temps d'envoyer un message à Hye Sun, lui disant qu'il était bien rentré et surtout qu'elle lui manquait. Ils avaient à peine eu le temps de se croiser pour boire un café en début d'après-midi, depuis qu'ils ne vivaient plus sous le même toit, ces moments étaient bien moins récurrents et bien moins spontanés. Les yeux rivés sur l'écran, il n'eut pas le temps de voir l'étudiant qui arrivait en face de lui dans le couloir. Leurs épaules s'entrechoquèrent, faisant sursauter Yoo Him face à ce contact physique inattendu. Il détestait ce genre d’interactions, malheureusement cela faisait partie de la vie en communauté, non ? Il n'eut même pas le temps de s'incliner pour s'excuser, car c'était bien lui qui ne regardait pas où il allait, que l'autre étudiant était déjà parti et le cliquetis d'une porte qu'on referme se fît entendre. Bien. Pour autant, le boxeur ne repartit pas pour sa propre chambre, il ramassa au sol ce qu'il pensait être un drôle de pouch fait de longs poils blonds synthétiques. C'était en fait une perruque, d'une coupe carrée raide et platine, s'il avait eut la référence il aurait presque pensé à Lady Gaga. Au milieu de cette perruque était coincé une sorte de coussin rose chair... Qu'il laissa rapidement retomber au creux des cheveux synthétiques pour ne pas le toucher plus longtemps. Ce n'était pas là avant, enfin, pas à son souvenir, c'était probablement tomber du sac de l'étudiant qu'il avait bousculé (il creusait dans sa mémoire pour se souvenir de son prénom, loin d'être son forte). L'objet en main, il alla frapper à la porte pour lui rendre son déguisement, il devait rentrer de soirée, non ? Le jeune homme ouvrit la porte, et il n'y avait rien de plus gênant que deux personnes terriblement réservées qui devaient commencer une conversation. Cherchant quoi répondre, Yoo Him eut le temps de l'observer et remarqua des traces de maquillage sur son visage mais surtout, des paillettes sur de larges portions de son cou, descendant jusqu'aux clavicules, ce qui le perturba légèrement. « Hum... » Il chercha dans les tréfonds de sa mémoire, cherchant le nom de ce jeune homme, il le connaissait, il le savait, sa mémoire était juste terrible comme toujours. « J'ai trouvé ça. Je pense que c'est à toi. » Il tendit le bras, pressé de se débarrasser de cette livraison étrange. « Et tu as... des... hum... » Il pointa du doigt son propre cou pour indiquer à Heenim (Heenim ! Jung Heenim, c'était ça son nom!) qu'il avait quelque chose. À observer le jeune homme, Yoo Him avait l'impression que ce n'était pas un retour de soirée déguisée, surtout qu'il était un peu tôt pour rentrer de soirée. « Tu devrais faire attention à tes affaires. Ce genre de choses pourraient t'amener des problèmes. » Sa voix grave résonna comme une menace, alors que c'était tout l'inverse, il ne savait juste pas y mettre le ton sans doute trop embarrassé et perturbé par cette interaction.

C’était une épreuve, celle d’ouvrir cette porte qui le protégeait du monde extérieur. Celle de retourner dans une réalité faite d’interactions humaines. C’était épuisant pour sa personne et son mental, d’autant plus lorsque l’angoisse rajoutait une couche pour le couvrir jusqu’à la dernière racine de cheveux. Les respirations plus rapides, moins faciles et moins agréables. Non, il devait bien ouvrir cette porte car le monde n’était pas si terrible au final. Seulement, il était plus fait pour Bybe que pour Heenim. Quelle surprise seulement lorsqu’il découvrit le visage derrière cette porte. Peu connu, assez pour mentionner son prénom, mais pas assez pour calmer ses peurs et ses questionnements. Sa froideur l’avait quelque peu toujours impressionné et lui passait l’envie d’une discussion autour d’un chocolat chaud. Pourtant, il était bien hypocrite de sa part de s’arrêter sur ces a priori, surtout quand il était ce qu’il était.

Sa lèvre inférieure attrapée entre ses dents, l’attente était insoutenable. Or, il semblait évident que si l’un était rongé par la panique, l’autre était pris dans la gêne. Les yeux du coréen glissèrent jusqu’à l’objet que tenait le plus âgé. Quelques secondes avant la réalisation que cette perruque lui était bien trop familière car il s’agissait de la sienne (( ou celle de Bybe ─ )).
Aucun sentiment honteux n’atteignit Heenim. Lui, qui s’affirmait toujours dans ses idées et ses envies. Personne ne pouvait lui retirer ça, pas même ses propres parents et pourtant ils avaient essayé. Pourtant, la manière dont son regard se durcit rapidement ne pouvait passer inaperçu. « Qu’est-ce que tu veux dire pas là ? » Il était pourtant habitué aux remarques et autres mots que certains utilisaient pour le qualifier. Mais l’habitude n’amoindrissait pas la douleur pour autant. « Est-ce que,, tu me menaces là ? » Sa voix s’était légèrement affirmée dans cette colère naissante. Pourtant, son palpitant cognait contre sa cage thoracique, près à exploser car l’angoisse ne cessait d’augmenter. Il ne fallait pas être idiot, il suffisait d’un coup d’œil qui savoir qui se ferait rapidement mettre à terre entre les deux personnes. « Si t’es pas ouvert d’esprit, t’es pas obligé de partager ton opinion. » Plus il s’avançait dans cette colère, plus la panique se multipliait. D’un geste sec, il récupéra ce qu’il avait laissé traîné derrière son passage et ne prit même pas la peine de les glisser dans cette cachette, qu’il les jeta à terre.

C’était frustrant, cette incompréhension constante. Et pourtant, il ne pouvait réellement leur en vouloir si leurs raisons s’écartaient de la simple méchanceté gratuite. « T’es dérangé par quelques paillettes ? Ou c’est parce que je suis un garçon ? Peut-être je le suis pas, c’est ça qui te dérange ? » Bybe prenait légèrement le dessus dans ses paroles alors qu’il se redressait pour adopter une position de supériorité (( il essayait du moins )). Se battre était la dernière chose qu’il désirait surtout car il était assez maigre pour se faire rapidement casser en deux. Néanmoins, il était en droit de défendre ses idées, ce qu’il était. Il était en droit d’exister et ce avec ses passions, hobbies et ce qui, tous les jours, lui mettait un sourire aux lèvres.