Il était pris d’un élan d’inspiration. Ses doigts passaient l’aiguille entre les mailles du tissus si rapidement qu’il était encore étonnant qu’il ne ce soit pas blessé. Maladroit dans la vie, dans ses interactions avec autrui, tout était pourtant différent lorsqu’il était concentré dans la couture. Une passion non camouflée, l’envie de créer au-delà de la simple admiration d’une œuvre. L’envie de voir ces couches de vêtements utilisées et portées ─ voir un public se pavaner avec ses collections avait quelque chose de tellement jouissif. C’était la satisfaction d’une réussite. L’égo qui prenait un coup de positivité en se disant qu’il était capable de plaire via ces tissus assemblés.
Néanmoins, il ne travaillait pas pour ses futures collections ─ celles qui attendaient toujours d’être apposées d’un nom, d’une marque. Bien que ça s’en rapprochait seulement il s’agissait d’un vêtement pour Bybe. Heenim avait été touché par le désir de changement. D’agrandir la garde-robe de son alter égo, de la voir briller de mille feux avec toujours plus de paillettes pour en mettre plein la vue. Elle l’avait demandé et il s’exécutait comme la personne docile qu’il était, répondant à ses propres besoins.

Un dernier coup d’aiguille fut donné. Puis ses dents vinrent déchirer le surplus de fils avant d’observer un peu mieux sa création. Tout tenait en place,, c’était déjà un bon départ et si la robe était encore à l'état de prototype, elle ressortait déjà par sa forme et la matière.
Il était tard et l’université était déjà en partie désertée ; c’était le moment idéal pour ses projets personnels, loin des étudiants, loin des foules et des curieux. Le calme apaisait son esprit et le maintenait concentré ─ et cette obscurité était presque la bienvenue, se contentant d’une petite lampe sur le côté qui lui permettait toutes précisions. Le manque de population lui permettait les essais sans avoir à se cacher. Ainsi, l’étudiant enfilait le tissu après s’être à moitié dénudé. Certes, il n’avait pas la prestance de Bybe mais d’un coup d'œil dans le miroir il pouvait déjà un peu l'apercevoir.

Puis :: la panique. Pris d’un sursaut qui lui fit tomber le téléphone qu’il avait dans la main, le coréen se retourna brusquement. Bybe n’était plus et seule l’angoisse se lisait dans les yeux de l’enfant. Les mots ne sortaient pas, seulement une courbette pour saluer la nouvelle arrivante. Il y avait deux possibilités de réponse de l’inconnu et très honnêtement le styliste préférait en éviter une plus que l’autre. « C’est gênant ─ Je… » Il n’avait pas d’excuse à avoir, il avait toujours assumé ses goûts et son activité de drag queen. Néanmoins son manque d’expérience sociale donnait cette impression de honte de lui-même. « Je ne faisais que ─ » Que pouvait-il dire seulement.