La violence mentale de ses pensées qu’il tentait en vain de faire taire. C’était une torture qui durait depuis plusieurs jours à présent. L’idée d’une vague, non de plusieurs vagues, qui s’abattaient sur sa personne qui, jamais, ne le laissait revenir à la surface. Si terrible et si douloureux. D'ordinaire c’était un appel au secours qu’il lançait en direction de Baekji ou de Thiên duyen. Un cri de panique mais surtout de désespoir qu’il poussait sur ses poumons fragiles sans que personne ne puisse l’entendre. Finalement, il était si seul avec ses peurs et incertitudes. Si laissé pour compte car même Bybe ne battait pas un cil pour le garçon. C’était humiliant, alors que du haut de ses vingt-six ans, il n’arrivait pas encore à complètement s’affirmer malgré les airs qu’il se donnait. Coupé de sa famille, proche pourtant de sa chère et tendre sœur, il n’était ni réellement Heenim, ni réellement Bybe. Il n’entrait dans aucune catégorie précise que la société imposait sur la notion de genre. Était-il au moins quelqu’un ? S’il devait jouer sur l’élimination des termes, il se dirait au moins humain. Peut-être fou et bon à enfermer mais il continuait de respirer comme toute personne alors il lui était difficile de comprendre en quoi il était si différent.

Son corps vagabondait dans les couloirs. Sorti de sa cachette d’inspiration et création, il s’était laissé guider entre les murs de l’université sans réel but. C’était comme s’il n’était pas lui-même, perdu dans ses propres pensées si toxiques, si étouffantes. Il enviait son aîné de pouvoir s’affirmer à la fois en tant qu’humain et drag queen, il enviait presque son meilleur ami qui, malgré sa famille problématique continuait d’être lui-même. Ô Heenim ne jouait pas la comédie et avait réussi à s’émanciper de ses démons pourtant, ils revenaient toujours à la charge pendant ses plus faibles instants.

Pauvre être si petit dans un monde aux idées bien trop grandes pour lui. Enfin, il s’était retrouvé devant une salle de classe. Étonnement vide à l’exception d’un seul être. Jeune garçon dont le visage n’était pas si inconnu. Jeune garçon qui avait tout à coup toute son attention. « Désolé, je voulais pas déranger. » Un pas en arrière, son corps hors de la salle alors que ses iris se posaient sur le panneau qui annonçait le secteur. Ne serait-ce pas là un signe ? Une aide qu’il cherchait depuis si longtemps ? C’était comme si le destin venait lui-même frapper à sa porte pour lui annoncer la nouvelle.
Alors, une grand inspiration, puis son pied en avant le fit de nouveau pénétrer la salle. « Je─ Une hésitation, avant une autre. T’es étudiant en psychologie toi aussi ? » Question idiote alors qu’il venait de (( presque )) recevoir l’information.

Ses cours l’ennuyaient légèrement. Ce n’était pas que ça ne l’intéressait pas. Au contraire, il aimait beaucoup ce qu’il y apprenait. Le souci était plus dû au fait qu’il restait assis pendant des heures. Il n’avait plus l’habitude de faire ça. Au lycée c’était le cas, mais après il avait son club de volley, plus tous les entraînements qu’il s’infligeait en plus. Là, il avait bien le club de la Yonsei, mais le niveau n’était pas aussi haut que ce qu’il avait connu jusque là. Geonwoo ne blâmait personne et chacun jouait à son niveau et à son rythme, mais il s’ennuyait quand même. Il regrettait presque d’avoir abandonné le volley à temps plein pour faire des études de psychologie. Seulement, après un an, il ne pouvait pas laisser tomber pour reprendre le sport à haut niveau. Son père trouverait quelque chose à redire et ça l’emmerdait plus qu’autre chose. Alors, il restait dans ce cursus, tentant de ne pas laisser voir qu’il s’emmerdait légèrement autant parce qu’il voulait se prouver qu’il pouvait le faire que parce qu’il n’avait clairement pas envie d’entendre son père lui dire qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour faire autre chose que du volley.

Woo suivait donc les cours et le sien venait de terminer. Il resta à la traîne parce qu’il n’avait plus rien à faire après et qu’il n’avait pas vraiment envie de rentrer dans sa chambre. Jiyong l’y attendrait potentiellement et rien que cette idée lui faisait serrer la mâchoire. Il s’amusait à le rendre fou de rage et jaloux par rapport à Seona, mais une fois ce petit temps de divertissement passé, il n’avait plus rien de drôle à faire et sa chambre devenait presque une angoisse. Il sortit donc quelques cours ainsi que ses devoirs. Il allait les faire ici plutôt que de sortir de la salle et de se rendre dans la bibliothèque. Il ne sut combien de temps il passa dans cette salle à travailler quand il entendit du bruit.

Geonwoo leva la tête pensant que c’était le cours d’après qui arrivait, il fut surpris de ne voir qu’une seule personne. Il fronça les sourcils en entendant l’inconnu s’excuser. « Euh… C’est rien… » dit-il en le regardant reculer pour lire dans quel branche de la fac il se trouvait. Geonwoo fronça encore plus les sourcils et haussa les épaules reprenant le cours de ses devoirs. S’il voulait rester il pouvait. Après tout, il n’était pas lui-même censé se trouver ici. S’il voulait partir, c’était aussi son droit. Il cherchait peut-être un endroit pour étudier seul et la présence de quelqu’un d’autre le dérangeait. Woo ne savait pas mais quand il entendit l’étudiant prendre à nouveau la parole, il releva les yeux de ses notes. « Moi aussi ? ça veut dire que toi aussi ? Pourtant, je t’ai jamais vu ici… » Il ne connaissait pas forcément tous les élèves du cursus psychologique, mais un visage comme le sien, Geonwoo ne l’aurait pas oublié. « Je peux t’aider ? » demanda-t-il avec bienveillance. Peut-être qu’il était juste perdu.

Jamais, de toute sa jeune vie, Heenim n’avait pu apprécier de se dire assez malade pour rencontrer un psychologue ou psychiatre. Bien souvent lié à sa sexualité et la manière dont il s’observait physiquement et mentalement, il ne pouvait se dire malade. Sinon, ne pas être hétérosexuel était la maladie et l’étudiant s’était assez battu pour arrêter ces idées d’une histoire récente et pas totalement terminée. Il avait assez donné en vivant simplement. Supporter une figure parentale qui continuaient, constamment de lui changer les idées, la vision du monde. Appuyant toujours sur le fait qu’il devait être comme ils le désiraient et non comme il était réellement. Fort heureusement, c’était une période révolue, non loin mais déjà laissée derrière lui alors que Heenim avait réussi à sauver sa petite sœur du même sort.

Le problème était donc les restes. Ces traumas qui se faufilaient entre les pensées et idées de la créature, tel du lierre sur les briques d’une maison. Petit à petit ça le détruisait et Bybe fut la solution. Seulement, il s’en sentait tout autant bouffé. Au final, le problème restait présent, simplement différent. Une inspiration, le temps pour les poumons de se gonfler et pour le styliste de ressentir cette vie qui passait dans ses organes, puis son regard, doucement se déposa de nouveau sur le garçon abandonné dans la salle de classe. C’était là un signe, une lumière qui arrivait dans les ténèbres qui entouraient Heenim. Ou simplement celui qui allait le laisser sombrer encore plus et l’y aider. Finalement, il n’était qu’un inconnu et le hasard jouerait ses propres cartes. « Non, je suis étudiant en arts. » Ses yeux, furtivement, évitèrent cette gêne qui s’était installée devant l’incompréhension de ses mots. « Dans la mode plus précisément. » Une information qu’il aurait d’ordinaire jugé inutile car elle révélait déjà beaucoup trop d’informations à son goût. Il tenta un pas en avant, plongeant son corps plus amplement dans cette salle de classe. Enfer ou paradis libérateur. Le destin en jugerait pleinement et Heenim n’en était déjà plus maître.

« Le truc c’est que… » Une première pause, d’abord une hésitation alors que le regard continuait de fuir, vers les fenêtres. Rêvant d’envolées, lointaines, mais surtout pour disparaître, peut-être entièrement. « Je ne sais pas si j’ai besoin d’aide. » Il retrouvait cet air d’abruti, ce sourire forcé qui lui donnait une expression ridicule sur le visage. Propre au cliché, sa main se perdit dans ses cheveux, ne sachant trop quoi faire avec ses membres. « Je peux m’asseoir ? » Peu désireux de déranger qui que ce soit, il demandait l’autorisation pour la moindre action. Soumission causée par son introversion dont il ne pourrait jamais se débarrasser. Silencieux, il tira néanmoins sur la chaise, lentement, doucement. « Je m’appelle Heenim, enchanté. » Il fallait bien qu’il passe par cette case présentation. Presque gêné de s’introduire dans cet espace qui n’était pas le sien, c’était la moindre des choses.

Pensant être seul au monde, Geonwoo s’était installé comme s’il l'était vraiment. Seulement, il fut coupé dans son élan de réviser ses cours par l’interruption d’un jeune homme dans la salle de classe qu’il occupait. Il fronça les sourcils en voyant l’inconnu et encore plus en écoutant ses excuses. Il n’avait pas besoin de le faire. Après tout, ce n’était pas la salle de classe de Woo. Il n’était là que pour réviser en paix parce qu’il trouvait que c’était trop bruyant à la bibliothèque. Certes, c’était un lieu dédié pour ça, mais le jeune homme ne supportait pas réellement le bruit des clavier d’ordinateur, ou même le bruissement des feuilles ou encore les chuchotements qu’il pouvait entendre. Il avait besoin de calme et de sérénité, ce qu’une salle de classe vide lui procurait. Il ne s’était donc pas attendu à ce quelqu’un vienne et encore moins à ce que la personne lui fasse penser qu’elle faisait des études de psychologie, mais apparemment ce n’était pas le cas.

« Oh je vois ! C’est pas du tout la même chose que la psychologie… Mais j’ai lu un jour que la mode pouvait aider à aller mieux aussi… Donc dans un sens ça se rejoint. » Il ne saurait pas réellement dire où ni même quand il avait lu cet article, mais il se souvenait qu’à l’intérieur, le journaliste parlait de l’effet thérapeuthique que l’achat de vêtements qui nous plaisaient avait. Donc Geonwoo n’avait pas tort quand il disait que ça se rejoignait. Le jeune homme finit par lui proposer son aide. Il ne savait pas réellement ce qu’il cherchait en ces lieux, mais il se disait que s’il pouvait lui apporter une assistance quelconque, il n’hésiterait pas. Par contre, l’inconnu lui hésitait. Il fronça un peu plus les sourcils quand il reprit la parole, haussant les épaules. « Hmm, c’est souvent quand on ne sait pas, qu’on en a besoin. » mentionna-t-il avant de lui sourire. « Vas y assis toi… La salle de classe ne m’appartient pas. » Il avait donc tous les droits de venir et lui tenir compagnie.

Geonwoo apprit ensuite son prénom et son sourire se fit plus tendre et chaleureux. « Enchanté Heenim. Je m’apppelle Geonwoo. » Il le laissa s’installer, toujours avenant avant de lui tendre une feuille et un stylo. « Je suis peut-être pas encore un psychologue diplômé et je ferai sûrement des erreurs parce que j’y connais pas encore grand chose… Je commence juste, désolé. » Il se gratta la nuque de gêne avant de reprendre. « Mais s’il y a une chose que je sais, c’est que si tu n’arrives pas à verbaliser ce qui t’arrive, ce que tu ressens… L’écriture aide… » Geonwoo détourna le regard presque embarrassé de parler de ça. « Donc si tu as besoin de t’épancher sur quelque chose. Tu peux le faire à l’oral ou l’écrit. » Il lui laissait le choix parce qu’après tout, c’était ce qui l’attendait dans ses futures années de psychologie.