Une soirée posée entre potes où chacun laisse au palier de la porte ses petits tracas, aussi bien les problèmes de de la semaine, les tours pisiennes de devoir à rendre, les chagrins de cœur ou les responsabilités qu’on fuit. Le moral n’était pas réellement au rendez-vous, mais le basketteur ne laisse rien transparaître quand il décida d’être des leurs– du moins c’est ce qu’il pense naïvement en confirmant sa présence sur la convo kakaotalk du groupe. Il ne réalise pas qu’entre des moments de rire, son regard tend à parfois fixer le vide, ses sourires s’étirent un peu trop tristement, ou que ses verres s’enchaînent sans laisser aucune réelle saveur. Des échanges silencieux se font parmi ceux qui le connaissent le plus, bien qu’ils ne connaissent pas la raison du mal qui le ronge, ils n’arrivent pas à l’ignorer pour autant. « Viens jouer plutôt que boire, une partie de carte ? », il n’a pas le temps de partager son opinion que les verres lui sont retirés et que des bras l’arrachent de son spot, adossé contre un mur à regarder la petite balle du baby foot faire des allers-retours. Daeul est décontenancé sur l’instant mais se laisse faire, s’il cligne alternativement des yeux, un véritable sourire (bien que malicieux) fend ses lèvres, « Hyuuuuung, tu sais que t’es le meilleur ? », ses bras entourent la nuque du bondinet portant un bonnet vert pour cacher des racines trop voyantes, et avant même qu’il se défende de son agresseur vêtu d’un sweat à capuche de son éternelle collection, un bisou bruyant se fait entendre contre sa joue.

Des rires résonnent, entre gloussement, hurlement, et étouffement. Si son pote tente de l’écarter de toute ses forces, rien n’y fait et le géant lui-même rigole, un grand sourire béat. « P’tain, pourquoi c’toujours moi qui doit m’y coller ? Qui lui a servi autant de verre ? », un cri du cœur théâtral, mais l’exagération le pousse à buter son orteil contre un des pieds de la table. Le brun rit à son tour, avant de s’installer sur le canapé. Tapotant la place libre à côté de la sienne, il piégea le hyung qui tentait de se faufiler en sautillant d’un pied en le faisant tituber sur lui. « Hyung, tu t’es blessé ? Tu veux un bisou magique ? », cette fois-ci, avant même qu’il ne tente quelque chose, une main se plaqua contre son menton. « Arrêtez-le, il est insupportable ! ». Sa victime se dérobe pour s’installer à côté de lui, jurant à chaque exclamation. « Hyung ? » murmura-t-il en se rapprochant de ce dernier, qui le regarda sceptiquement. « Quoi encore ? » rétorqua-t-il car il savait pertinemment qu’un Daeul ivre, était un Daeul encore plus persistant et collant que sobre. S’il ne répondait pas, il allait continuer jusqu’à avoir un retour de sa part. « C’est moi ou tu sens… bon ? ». Une série d’injure manque de le rendre sourd mais il s’esclaffe, sans chercher à retenir le fuyard – sans savoir, que pour se venger, celui-ci remarque son téléphone vibrer. Un sourire inquiétant se dessine sur son visage face au « Noona ». Il prend l’appel en s’éclipsant vers la cuisine.

Une femme comme elle ne devrait pas être prise au piège par un homme aussi inexistant. S’il s’est avéré galant au fil de leur dîner, généreux en termes de compliment, la demoiselle commence à rencontrer des difficultés pour dissimuler son ennui. Elle avait perdu cette fichue manie, développée pendant ses années de mariage. La différence avec son imposteur du soir, c’est que son époux avait en possession ce quelque chose qui éveillait cette lueur dans les iris de la belle : un bon nombre de black cards, confirmant sa richesse et sa puissance. Si elle n’avait pas pu jeter un coup d’oeil à son portefeuille, cet homme ne sent pas le riche en plein nez selon le radar de Jin Hee. Alors, le jeu n’en vaut pas la chandelle mais elle devait tenir le coup jusqu’à la fin de ce repas, histoire d’être un minimum poli et pour pouvoir manger à l’œil. L’étudiante n’a pas eu l’occasion de rentrer dans ce restaurant depuis des siècles. Et puis, elle doit avouer... Elle est plutôt heureuse d’avoir cette robe fraîchement achetée, la rendant encore plus élégante qu’elle ne l’était déjà. Oui, Seo Jin Hee est une belle femme et continuera de l’être avant d’être rattrapée par les années.  

Le serveur arrive à hauteur de leur table, une grimace sur le visage. Arquant un sourcil, elle constate que son plateau n’accueille pas les desserts récemment commandés. Apparemment, ils rencontrent un incident en cuisine et il risque d’avoir un retard. Si elle devrait le remercier pour son honnêteté, l’intransigeance de Jin Hee manque de la rendre désagréable. Vu le prestige des locaux, elle ne comprend pas comment on peut commettre une telle erreur et pire encore... Elle réalise qu’elle va devoir l’entendre parler encore un bon moment. Elle pourrait dire la suite de ses récits, tellement ils sont d’un superficiel. La trentenaire se demande tout de même si elle vaut mieux que lui avant de se rappeler ses nombreux progrès... Elle a repris sa vie en mains, a noué des nouvelles relations avec des personnalités bien différentes de la sienne. Si Jin Hee n’est pas certaine d’avoir encore une amitié sincère à son actif, il y a son cadet à qui elle peut accorder un minimum sa confiance. Après tout, il l’avait beaucoup aidé à son retour à l’université et au moins, celui-ci n’a pas le culot de la faire bailler.

Se levant presque subitement, elle invente un prétexte pour prendre l’air. Elle utilise la classique excuse d’une retouche de maquillage avant de guider vers les toilettes. Son téléphone en mains, elle s’étonne à continuer à penser à lui et s’interroge sur leur prochaine rencontre. Mais, elle se sent encore plus ridicule d’avoir fait glisser son doigt sur son nom, lançant un appel par inadvertance. Une première tonalité, puis deux avant qu’elle réalise que le drame (dérangée par une dame qui désire emprunter son mascara, qui essuie un refus à la microseconde près). Maintenant, Jin Hee ne peut plus faire demi-tour, convaincue que le basketteur la rappellerait quelques minutes plus tard. Sûrement plus lié à son côté bienveillant qu’à son plaisir de discuter avec sa Noona. Elle prend les devants quand elle entend un bruit de fond. “ Salut Daeul. Je te dérange ..  “ Pas ? De la musique dont le volume baisse petit à petit pour mieux déceler une voix masculine inconnu au bataillon. “ Oh ? Bonsoir. “ Il s’explique aussitôt. “ C’est un ami de Daeul. Il n’est pas vraiment en état de répondre pour tout dire mais j’ai beaucoup entendu parler de vous. “ Et alors ? Aurait-elle voulu ajouter avec dédain mais son cerveau ne semble pas s’intéresser à qu’une partie de sa réplique. “ J’imagine oui. Qu’est-ce qui se passe avec lui ? “ Il lui raconte le comportement de son ami et surtout de son état alcoolisé. “ Pourquoi vous ne le ramenez pas ? “ Il racle sa gorge. “ Il est têtu comme une mule et puis, il a l’air de vouloir se changer les idées... Mais peut-être qu’il vous écouterait. “ L’ami a un sourire vicieux, se disant que les bisous dont il était victime jusqu’à présent changeront de cible à l’arrivée de l’aînée. C’est que le tableau l’amuse déjà beaucoup tandis que Jin Hee balance le pour et le contre... Peut-être qu’elle pourrait l’aider à son tour et puis, elle est plutôt curieuse de le voir bien que contrariée par leurs stupidités. “ Envoie-moi l’adresse par sms. “ Heureusement, les messages ne seront pas compromettants sauf si le jeune homme s’amuse à enregistrer des brouillons langoureux. En attendant, voilà que la belle doit fuir le pseudo prince charmant. Présentant ses excuses, l’étudiante appelle un taxi pour rejoindre la soirée. Vu ladite urgence, il n’est pas possible de s’arrêter à son appartement pour se changer. Le pote surveille l’extérieur de la fenêtre et affiche un sourire satisfait quand il devine la Noona au loin avec cette tenue beaucoup trop chic. Il aurait peut-être dû noter son numéro de téléphone mais... Personne ne joue pas dans sa ligue ? Il se tourne vers Daeul dans un état ridicule. Le mal étant fait, autant profiter de sa vengeance, quitte à casser le potentiel coup de son copain. “ Daeul, viens par ici. J’ai quelque chose à te montrer. “ La princesse sur son cheval blanc vient d’arriver.  

Boire n’était pas la solution à sa morosité et il le savait, c’est bien la raison pour laquelle il avait refuser la proposition quand elle lui avait été faite la première fois, mais face aux attaques incessantes de ses amis, des invitations réitérées, il s’est retrouvé à accepter. Panne d’excuses, manque de volonté ferme, incapacité à dire non, il pouvait se reprocher plusieurs choses mais pour le moment, c’était oublié. La petite playlist spotify déroulant en fond couverte par les rires et les discussions, les jeux qui se lançaient, et les verres qui s’enchaînaient, Daeul se sentait mieux. Du moins, l’alcool dans le sang rendait un peu confus ses petits tracas, parce qu’il était incapable de les ressasser, le plus simple pour lui était de dire simplement ce qu’il ressentait spontanément, sur le moment. C’est bien l’absence de filtre qui le différencie du quotidien, tout comme ce côté plus câlin. Assis sur le canapé après que son ami l’ait déserté, à croire que c’était presque volontaire de sa part pour retrouver un peu de quiétude, il regarde tour de jenga se désépaissir et s’allonger fébrilement à chaque tour devant lui - le brin de lucidité restant l’a poussé à refuser de se joindre à la table. S’il masse ses tempes, comme pour retrouver ses esprits, il lève la tête en voyant son hyung revenir, le sourire aux lèvres, et s’installer à nouveau à côté de lui. « Note bien que tu m’en dois une la prochaine fois, un bon repas dans un restaurant de luxe, t’en penses quoi ? » déclare-t-il fièrement devant l’expression dubitative du basketteur. Il n’est pas certain de comprendre, même quand le blondinet, Minho, glisse dans la poche de son sweat son téléphone. « Juste toi et moi ? Eww. », une expression de dégoût étire les traits de Daeul qui met de la distance entre eux – mais au bout de deux secondes, un rire s’échappe de ses lèvres, rire qui se prolonge quand le plus petit en taille l’insulte d’enfoiré.

Si la soirée se poursuit sereinement, Daeul qui discutait tranquillement avec un pote se fait tirer par un Minho tout excité. Il n’a pas le temps de lui demander ce qu’il y a que son hyung rabat la capuche de son sweat (qu’il avait mise car il trouvait qu’il faisait froid), le recoiffe rapidement (brutalement) et lui frappe les joues. S’il cligne les yeux un peu hébété, ne comprenant absolument rien à ce qu’il lui, qu’il se laisse tirer jusqu’à la porte, toute expression disparait de son visage lorsqu’il la voit. Pétrifié en statut de sel comme les malheureux face à Médusa, les seuls choses qui fonctionnent encore chez lui ce sont ses cils, et son cœur qui tambourine. Parce qu’il en a oublié comment respirer, il tousse et plaque aussitôt sa main contre sa bouche. « Noona ! » s’exclama-t-il soudainement, la prenant dans ses bras un moment, nichant sa tête contre sa nuque, avant de lever les bras subitement et se tourner vers son ami. « Hyuuuuung ! Je crois que j’ai vraiment trop bu, je crois que je viens de voir ma Noona et on dirait la vraie... elle sent aussi bon qu’elle ! ».