@Eoh Min Jae
« Pas cool », que tu marmonnas, le nez quelque peu retroussé. Tu mimas un air perturbé ensuite alors qu'il te surnommait ainsi, l'observant pendant de longues secondes, toujours dans le silence, l'air à nouveau bougon sur le visage. Ce n'était pas si énorme que ça, quelques mois... pas vrai ? Tu passas tes doigts sur tes joues comme si tu pouvais y capter des signes de l'âge. Tu te rendais compte que le temps était passé, que t'étais plus une gamine mais bien une adulte. Tu te rendais compte que les années étaient passées et t'avais pas avancé, toujours coincée entre les griffes de tes parents. Et tu te laissais alors rêvasser, pensant à Hyun Ki et sa gentillesse et son joli sourire et toutes ces péripéties. « Tu n'es pas objectif », évidemment qu'il te trouvait intéressante, au minimum du moins, il était ton meilleur ami ! Tu te pinças les lèvres à son affirmation suivante, les pupilles contemplant les traits de son visage. Tu savais qu'il n'irait pas te mentir pour te faire plaisir – mais tu ne pouvais pas non plus totalement croire ce qu'il venait de dire. T'étais fade. Sans couleurs. Parce que tu n'avais pas ta propre personnalité ; petit robot programmé par tes parents. Et tu le savais.

Et tout s'illuminait là, quand on te demandait ce que tu voulais, ce que tu aimais. Tu ne savais pas. « J'aime bien... », commenças-tu, les sourcils faiblement froncés comme si réfléchir à tout ça était réellement compliqué. Tu te mordis quelque peu la lèvre, incertaine, hésitante. Tu aimais différentes choses, à différents degrés. Tu aimais apprendre – tu n'aimais pas ce que tu apprenais. Tu aimais l'art, la danse plus précisément – mais tu ne supportais plus le piano. Tu aimais imaginer – mais tu t'empêchais toujours de rêver trop loin. « Est-ce que voyager ça compte ? », même si tu n'avais jamais voyagé. L'idée de voyager te plaisait. Tu savais pas quoi faire de l'information dans son ensemble cela dit. Tu soupiras quelque peu, les épaules basses, désemparée. « Je sais », que tu admis dans une voix basse, presque cassée par le poids de cette conclusion alors que le coin de tes lèvres se levait dans une ombre peinée. Que pouvais-tu y faire de toute façon ? T'étais vouée à mener une vie qui n'était pas la tienne. T'avais déjà perdu tant d'années... A ses paroles, tu baissas quelque peu le regard. C'était ainsi que tu avais toujours vécu – ton bonheur passait après à tel point qu'aujourd'hui tu ne savais même pas ce que c'était réellement, le bonheur. Mais décevoir tes parents était ton cauchemar. Tu n'osais même pas leur avouer que tu n'aimais pas le droit ou le piano. Et tout ça te dépassait. Tout ça t'épuisait – et ça te bouffait de l'intérieur parce que tu contrôlais rien, finalement et tu suivais bêtement ce qu'on te disait. Tu profitais pas, tu vivais pas. T'étais juste une machine qui avançait parce qu'on lui disait de le faire. « Merci beaucoup », que tu soufflas, soulagée, le sourire sincère aux lèvres. Ca allait te rassurer de le voir dans la salle. « J'espère. C'est un morceau compliqué... enfin je le trouve compliqué », tu te mordis un peu la lèvre, songeuse. On te disait qu'il était facile mais tu t'emmêlais toujours les pinceaux vers la fin. T'en avais assez des concours, aussi. Mais que pouvais-tu y faire, encore une fois ?

Ca te rassurait de savoir qu'il était heureux. Plus ou moins. Tu supposais que ne pas être malheureux était une bonne chose... Un rire discret t'échappa alors que tu secouais la tête. « Flatteur », commentas-tu faiblement avant de te désigner de l'index, les sourcils levés, surprise. Tu restas muette, te contentant de le fixer sans rien dire. Tes lèvres bougeaient mais rien ne semblait vouloir s'en échapper – et tu finis par déglutir avec difficulté. Les mots étaient là mais ta gorge se serrait et ton estomac se nouait et tes yeux te brûlaient soudainement. « Je suppose... », dis-tu, plaçant sur ta bouche ce sourire douloureux dont tu avais le secret. « Pourquoi je ne le serais pas, de toute façon », articulas-tu, la voix de plus en plus basse alors que tu baissais le visage, la lèvre inférieure tremblant au passage de ce vilain mensonge. Tu déglutis une nouvelle fois, le regard humide fixé sur tes mains, refusant de redresser la tête pour le moment. « Je suis juste fatiguée. Les cours sont difficiles et les examens arrivent bientôt et les leçons de piano deviennent plus dures et il y a les concours et... », tu t'arrêtas, reprenant ton souffle. Tu devins une nouvelle fois silencieuse, reniflant à peine. « Ca veut pas dire que je suis malheureuse... non ? Je suis juste fatiguée », t'essayais de t'en convaincre mais tu connaissais la réponse. Et Min Jae aussi. Tu baissas à nouveau la tête, honteuse et coupable. « Je vais bien. Tout va bien. C'est... je vais pas te faire perdre ton temps, t'es pas venu pour ça, on devrait... Un film ? Est-ce que tu veux regarder un film ? Ca passera, je suis juste... », fatiguée, oui. Les pupilles s'élevant à nouveau vers lui, tu l'implorais presque en silence – de t'aider, de trouver la solution mais surtout de rester à tes côtés. « Tu restes encore hein ? »