C’était déjà la folie, bien des heures avant le début du premier spectacle de la soirée. Heenim n’était pourtant pas pressé et était même très en avance pour son heure de gloire (( ou plutôt celui de Bybe )). Il avait simplement voulu profiter d’un peu de temps en compagnie de son ami.e Thiên Duyên ─ seulement il priait aussi que Jinkyung ne soit pas non plus dans le coin. Peureux enfant qu’il était réellement, il avait bien compris cette méfiance qu’il percevait dans les regards du coréen et en avait toujours été très mal à l’aise. C’était surtout l’incompréhension de cette haine venant de l’étudiant envers sa personne qui le dérangeait. Il ne le connaissait que très peu au final et n’avait aucun jugement sur sa personne.
Et finalement, tous ses plans étaient annulés alors que tout le monde se dépêchait autour de son être. Même pas le temps pour une salutation et la timidité de Heenim l’empêchait d’interpeller ses collègues les plus proches. Ainsi, il restait donc dans son coin, silencieux à observer les foules et ses mouvements. Ce n’était pas si déplaisant, pas alors qu’il était dans un lieu où il se sentait bien (( pourtant étrange )). L’étudiant n’était que de passage au Neon Milk, le temps de passer de sa personne à celle de Bybe, c’était elle la plus à l’aise entre ces murs, c’était elle qui brillait de mille feux alors qu’il n’était que le corps fragile qui attendait dans un coin.

Il fût bien rapidement sorti de ses pensées par une arrivée. Les yeux de la personne se posèrent sur le garçon. Une connaissance, une amitié pourtant et un sourire apparut sur les lèvres de l’étudiant. « Salut Hyunki. » C’était comme une libération dans cette ignorance qu’il subissait, une main tendue pour lui sortir la tête de l’eau. « Tu donnes plus de nouvelles aussi, donc oui tu m’as manqué. » Presque dans un réflexe, il s’était levé pour prendre son ami entre ses bras. Une étreinte qu’il trouvait méritée alors qu’ils les installa dans une loge vidée. « T’as une sale mine, fatigué ? » Les cernes ne trompaient pas, Heenim les connaissait que trop bien lui-même. Pourtant l’inquiétude subsistait fortement et l’étudiant ne put s’empêcher de replacer une mèche de cheveux pour camoufler cette angoisse qu’il ressentait à la vue de son ami. « Qu’est-ce que tu deviens ? »

L’étreinte était autant justifiée qu’elle était soudaine. Une pulsion qui avait poussé Heenim à la déclarer, une envie ─ ou au contraire un manque. C’était l’instinct qui avait agit et sûrement un peu Bybe qui, doucement tirait encore les ficelles malgré son oubli derrière l’étudiant. Malgré cet effacement qui survenait dès le maquillage retiré. « Exactement, c’est ce que je dis. Si tu veux je te mets un coup de maquillage pour te rendre beau. » Clairement Bybe qui rôdait derrière, non loin sortant ces phrases qui ressemblaient plus à celles exprimées par elle qu’au styliste peureux et timide d’ordinaire.
Libéré de l’étreinte, Heenim s’enquit pour deux chaises et les faire s’installer. Il n’était pas aveugle et voyait bien que derrière ces taquineries, la fatigue était réelle chez son ami. Bien trop réelle et présente que s’en était inquiétant. « T’es toujours occupé, tu devrais faire une pause. » Une pensée qu’il ne pouvait retenir. Une erreur de parcours. Car qui était-il pour donner ce genre de conseils ? Qui était-il alors que, lui-même, passait des nuits entières pour quelques coups d’aiguilles au travers du tissu. Il regretta presque aussitôt ses mots. Ses traits tirés en étaient témoins, de cette gêne qui s’installait en lui. Gêne qui s’accentua face aux paroles de Hyunki, bien que différentes. Sa solitude de l’esprit était un secret qu’il tentait de garder pour lui. Petit précieux qu’il ne voulait partager par peur d’être fortement jugé, voire harcelé. Heenim préférait alors mettre ça sur le dos de la timidité, l’angoisse. Toutes ces émotions étaient réelles et, prisonnier, il ne pouvait s’en défaire. « Ce n’est pas encore mon tour, j’ai le temps avant de commencer à me préparer, même. » Un mensonge qui n’en était pas réellement un mais il préférait taire cette partie sur la perte de soi-même. « Assis-toi, tu seras bien mieux. T’as l’air vraiment fatigué. » Ainsi, il poussa la conversation sur l’autre sujet, peu désireux de rester sous les feux des projecteurs. Un comble alors qu’il y serait dans quelques heures. « T’es sûr ça va ? » Si ce changement de sujet l’arrangeait bien, l’inquiétude n’en était pas moins vraie.

Une pointe de déception qui toucha l’enfant. Rapidement camouflée sur les traits de son visage ; il ne fallait que rien ne s'échappe :: elle ne devait être vue. Puis, l’envie de disparaître, le temps d’une petite seconde ; pourtant l’être faisait tous les efforts du monde pour ne pas se laisser bouffer par cette angoisse qui, jamais ne disparaissait complètement. Sa paranoïa lui rappelait qu’il n’était rien pour les autres. Elle lui soufflait des mots tellement cruels directement dans l’oreille, ressemblant à cette amie dont les paroles n’étaient que poison. Et Heenim l’était déjà beaucoup, empoisonné. Se maquiller n’était jamais une perte de temps pour le coréen, or il savait qu’il en était très certainement différent chez autrui. Alors, les lippes serrées, il se contenta simplement d’un sourire en guise de réponse.

L'avantage cependant, fut que l’inquiétude balaya rapidement cette paranoïa ─ l’angoisse perpétuellement présence :: elle, restait. Le regard que lançait le styliste à cet ami était témoin de ce qu’il ressentait. Des doutes, mais surtout que toutes les questions qu’il se posait silencieusement à la vue de cette tête fatiguée. Assis confortablement l’un à côté de l’autre, le coréen se retint un sursaut alors qu’il sentit cette main sur son genou. Surpris, pourtant habitué ─ étrange.

Puis ce fut l’hécatombe. Comme si un monde venait s’écrouler aux côtés du styliste. Un monde qui, certes, n’était pas le sien mais qui le touchait tout autant. D’un réflexe, il se mouvait ; touché par la peine qu’il découvrait sur les traits de Hyunki. Ses mots résonnaient si fort en Heenim, le toucher un peu trop à son goût mais il retint cette grimace. « Non ce n’est jamais facile. » Tout aurait été trop simple sinon et cette vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. « t’es un homme bien occupé, mais regarde dans quel état ça te met. » Comme poussé par l’instinct, sûrement des restes de l’aîné qu’il était toujours bien que sa sœur cadette se trouvait de l’autre côté de la mer. Heenim se leva pour s’accroupir face au garçon, un main sur le genou pendant que l’autre, tendrement, vint caresser cette joue, forçant Hyunki à le regarder. « c’est difficile, mais c’est ainsi. » Triste réalité d’un monde qui les dépassait tellement. « c’est pour ça qu’on reste entouré d’amis je pense. Ils nous aident à traverser les épreuves et faut que hésiter à se reposer parfois sur eux. » Hypocrite de premier ordre alors que lui-même se laissait bouffer par l’angoisse plutôt que de chercher de l’aide.