@Jeong Caïn

C’est que je ne vous présente pas n’importe qui Monsieur Kim.

Cette phrase qu'il vient de prononcer fait écho dans mon esprit et cela me laissa sans voix le temps de quelques courtes secondes. Je me suis alors légèrement tournée vers lui pour croiser son regard et mon cœur en rata presque un battement. Qu'est-ce qu'il lui prend de dire une telle chose en me regardant si sérieusement ? J'essaie de ne pas paraître déstabilisée et détourne le regard avant que mes joues ne décident à me trahir.

Je ne pense pas que vous perdrez des fans, plutôt que vous en gagnerez en ayant une si jolie femme à vos côtés !

Je commence à avoir chaud. Je déglutis légèrement, quelque peu mal à l'aise d'entendre de si gentils compliments à mon égard. C'est bien la première fois qu'une femme avec autant de classe et bonnes manières me décrit comme une si jolie femme. J'essaie cependant de paraître naturelle, la remercie et lui retourne le compliment, touchée. Elle semblait m'apprécier et je me sentais presque nulle de faire semblant juste pour leur tirer des informations avec pour unique but de valider mon diplôme. Je risque un nouveau regard en direction de Caïn et remarque qu'il ne semble pas très à l'aise non plus. Je presse doucement ma main sur son bras comme pour lui donner un peu plus d'assurance et de lui-même, il décide qu'il est temps de lancer LE sujet qui m'a poussé à jouer cette comédie. C'est arrivé si naturellement que le juge ne semble même pas en être surpris. Il parle de cette affaire comme s'il en parlait uniquement à sa femme au détour d'un dîner en tête à tête puisqu'elle lui aurait posé la fameuse question : Comment s'est passé ta journée ?

Et je prends note dans ma tête de tout ce que j'entends. J'ai la chance d'avoir une très bonne mémoire. Je n'arrive pas à croire que je puisse obtenir autant d'information aussi facilement et aussi concrètes. Mes professeurs vont adorer et il est évident que grâce à cet article, je vais pouvoir décrocher mon diplôme tant désiré. J'étais aux anges mais contrôlais ma joie. Je me comportais seulement en femme surprise et impressionnée par les talents de ce juge à traiter ce genre d'affaires. J'étais tellement à fond dans mon rôle que je ne capta presque pas le départ de Caïn. Et pourtant je dus bien m'en rendre compte, contre moi, puisqu'ils revinrent sur ma soit disant relation avec lui dès lors qu'il n'y avait plus rien à dire sur cette affaire très intéressante.

- Nous sommes ravis d'avoir pu vous rencontrer, Mademoiselle Janggok. Il est si rare de voir une si belle femme au bras de...

Je suis surprise de ce qu'il me révèle que mon cerveau s'est déconnecté. Une si belle femme ? Est-ce que cela sous-entend qu'ils le voient régulièrement avec d'autres femmes mais que ces dernières sont moins belles que moi ? J'ignore comment le prendre mais me reconnecte à la réalité lorsque je vois sa femme donner un léger coup de coude discret - que j'ai pourtant remarqué - à son mari.

- C'est la première fois qu'il nous présente une femme comme sa compagne. Nous sommes donc très curieux à votre sujet. Où étiez-vous tout ce temps ? Vous cachait-il ?

J'essaie de rire, légèrement gênée. J'essaie vraiment de me mêler à ce monde dont je ne connais rien pour essayer de me sortir de ce mauvais piège que l'on me tend. Et bien sûr, Caïn n'est plus là pour m'aider à m'en sortir.

- Il m'a présenté à vous lorsqu'il s'est senti prêt à le faire. dis-je, simplement.

- Vous êtes si compréhensive. Il a de la chance d'avoir pu rencontrer une jeune femme telle que vous. Depuis quand, vous fréquentez-vous ?

Je m'attendais à cette question. Je la redoutais même. Ils étaient là, à me regarder en souriant, comme si tout ce que je pouvais leur dire leur ferait plaisir. Comme s'ils étaient ravis d'en savoir plus sur un homme qui ne se confie jamais.

- Nous nous connaissons depuis quelques années maintenant. Mais notre relation a évolué que très récemment. C'est surement pour cette raison qu'il a mis tant de temps à nous faire rencontrer. Caïn est un homme très prévenant.

Madame Kim semble adorer lorsque j'appelle mon compagnon par son prénom comme s'il était rare que quelqu'un le fasse. J'en viens alors à me demander si je n'ai pas fait de bêtises. Mais quelle femme appellerait son petit ami par son nom de famille, de nos jours ?

- Comptez-vous vous marier ?

J'ai un hoquet de surprise, tellement je ne m'attendais pas à une telle question. Son mari semble lui aussi mal à l'aise et lui murmure d'arrêter cet interrogatoire. Mais elle semble déterminée.

- Toi aussi, tu es curieux. Nous aimerions tant le voir se marier et surtout être invités.

- Je...

Je cherche Caïn du regard et l'aperçois que trop tardivement avec son ami, au loin. Je le regarde un court instant mais il ne semble plus faire attention à ce qu'il peut m'arriver.

- Nous n'en avons pas encore parlé. Je ne peux donc satisfaire votre curiosité, je suis désolée.

Je ris légèrement alors que je regarde de nouveau Madame Kim droit dans les yeux. Elle me saisit soudainement les mains et un nouvel hoquet de surprise me prend.

- Vous ne devez pas perdre espoir. Il finira par vouloir vous épouser, c'est certain. Vous êtes une perle rare, alors n'abandonnez pas !

J'acquiesce doucement comme pour la rassurer et heureusement, son mari finit par la calmer. Je souffle de soulagement intérieurement. Et pour me sortir de ce mauvais pas, je pus compter sur le même. Toujours le même. Mon plus fidèle ami, serveur du jour, qui a vite compris à ma façon d'être que j'étais mal à l'aise... Il s'excusa poliment et prétexta que j'étais appelée et qu'il était chargé de venir me chercher. Je le remercie du transfert du message et m'excuse auprès du couple que je remercie également pour ce bon moment. Ils m'annoncent vouloir me revoir au plus vite et je me contente de leur sourire avant de m'éclipser avec mon ami.

- Tu m'as sauvé la vie !

- Comme toujours... dit-il, en se retenant de rire. Alors, tu as ce qu'il te faut ?

- Encore mieux ! dis-je, en souriant, satisfaite. Et tu as même décroché un rendez-vous !

- Un rendez-vous ? Qu'as-tu fait encore ? Je ne suis pas à vendre comme bon te semble ! Tu me fais le coup à chaque fois !

Je le regarde et lui fais un bisou à travers le vide qui nous sépare en riant légèrement. On commence à s'éloigne du brouhaha pour rejoindre les vestiaires des employés afin que je puisse m'éclipser de cet endroit mais il m'arrête avant que l'on ne s'éloigne de trop. Il me montre alors Caïn et son ami qui ne sont plus si loin.

- Tu ne veux pas aller le remercier ou le saluer avant de partir ?

- Il est occupé et en bonne compagnie. Inutile !

Il m'empêche d'aller plus loin en soupirant et me fait bien comprendre d'un signe de la tête que je dois y aller.

- Très bien, attends-moi. Je reviens vite.

Je me dirige donc vers les deux hommes et lorsque je me retrouve dans leur dos, je tousse légèrement pour leur signaler ma présence et surtout éviter de les surprendre. Qui sait ce qu'ils pourraient être en train de se dire ? Leurs regards se tournent vers moi et alors que j'adresse un petit sourire désolé à l'ami de Caïn, je finis par regarder ce dernier fixement.

- Je vais devoir y aller. Avant que quelqu'un ne se rende compte que... je n'ai rien à faire ici. Merci pour ce que tu as fait. J'ai tout ce qu'il me faut !

@Janggok Hye Mi
Jésus leur répondit: J'ai fait une oeuvre, et vous en êtes tous étonnés. Jean 7:21


Du coin de l’œil il garde son attention fixée sur elle. Elle devrait s’en sortir, non ? Il est nerveux, cette sensation qui lui rappelle quand un de ses amis était monté sur scène pour chanter à l’époque du lycée. Caïn n’était absolument pas au courant de ce talent et jusqu’à ce que les premières notes sortent, il ne savait pas si la foule allait l’acclamer ou s’il allait se taper la honte de sa vie. Cette anxiété, ce doute pour l’autre, il ne l’avait pas oublié. C’était sûrement le sentiment qu’il aimait le moins ressentir. Se mettre dans l’embarras, dans de beaux draps, se ridiculiser, il l’avait fait un tas de fois, ça ne l’avait pas tué. Mais il n’était pas le sujet de son affection. Était-ce que les parents ressentaient pour leurs enfants ?

Mais non, elle se débrouillait parfaitement bien. Il n’aurait pas dit moins d’une femme dont il était tombé amoureux. Après tout, c’est sa force d’esprit qui l’avait attiré.
Ses longs cheveux qui tombaient le long de sa silhouette, cette robe qui la mettait si bien en valeur, sa peau sous cette lumière particulière semblait scintillait (était-elle secrètement un vampire?). Caïn lâcha un soupir.

« Aaah… Cette femme-là je vais l’épouser. »

Hyuk s’étouffa avec son champagne. Un long débat s’ensuivit entre les deux amis et Caïn du empêcher sa compagnie de s’extasier trop bruyamment. Des petites voix pourraient bien finir par arriver aux oreilles de sa douce… qui avait disparu.. Un bruit dans leur dos les firent se retourner.

« Ah Hye Mi, j’ai cru que tu m’avais abandonné. »

Elle lui fit part de son désir de s’en aller.

Hyuk exclama un « Déjà ? ».

Il pencha sa tête d’un air entendu.

« Permets-moi de te raccompagner alors. » lui proposa-t-il.

@Jeong Caïn

Les deux hommes se retournent et je leur souris doucement. Lorsque Caïn s'exprime, je suis surprise et ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire amusé.

- Je ne t'abandonnerais jamais, tu le sais bien !

Je lui offre un doux sourire avec un regard qui en dit long. Je dois toujours jouer mon rôle. D'autant plus qu'il m'a bel et bien présenté comme sa compagne auprès de son ami. Ce dernier semble d'ailleurs surpris du fait que je souhaite partir si vite mais Caïn réagit rapidement. Ce qu'il répond me laissa cependant stupéfaite. Il souhaite m'accompagner. Est-ce bien ce que j'ai entendu ? J'étais profondément touchée mais je ne pouvais le laisser transparaitre sinon cela pourrait être compris étrangement. J'essaie donc de sourire de la même façon qu'auparavant et vais m'accrocher tendrement à son bras.

- Avec plaisir. Tu es si gentil avec moi, jagi !

Je lui fais un grand sourire.

- J'ai de la chance !

Je reste accrochée tendrement et dignement à son bras. Je me tourne ensuite vers son ami et lui offre un joli sourire, à son tour.

- Encore toutes mes félicitations pour aujourd'hui. J'espère que nos chemins se recroiseront. Prenez soin de vous !

Je me tourne une nouvelle fois vers Caïn.

- Je te laisse dire au revoir à tes amis. Je vais rapidement me rafraichir et te rejoins devant.

Je lui offre une petite caresse sur son bras puis m'éloigne après avoir salué respectueusement son ami. Je rejoins le mien qui décide de m'accompagner jusqu'aux vestiaires par lesquels il m'a fait entrer. Il n'y a personne. Tant mieux. Finalement, tout se passe mieux que je ne l'aurais cru au départ. Il se dépêche de me rendre mon sac et mes affaires mais j'ai autre chose en tête. Je le regarde, toute excitée.

- Il m'a demandé de me raccompagner ! Tu te rends compte ? Il a enfin décidé de me conduire quelque part ! Je vais pouvoir monter dans sa voiture !

- Pourquoi es-tu si heureuse pour quelque chose d'aussi banal ?

- Ce n'est pas banal. Pas pour moi. Cela me touche beaucoup qu'il veuille me raccompagner et laisser ses amis derrière lui.

Je le vois soupirer et comprends qu'il ne me comprend pas. Je soupire à mon tour et fais la moue.

- Tu veux bien que je garde cette robe ?

- Je t'ai dit que je devais la rendre. Pourquoi est-ce que cela ne m'étonne pas de toi, finalement ?

- Eh bien, tu me connais par cœur !

Il sourit et cela me fait sourire aussi. Il accepte finalement que je rentre avec cette robe et m'assure qu'il s'arrangera. Je le remercie, le câline et me dépêche de rejoindre le devant du bâtiment, dans l'espoir d'y voir Caïn. J'espère que rien ne nous empêchera de profiter de ce retour. J'ignore pourquoi je suis si anxieuse, alors qu'il ne s'agit que d'un homme qui me raccompagne chez moi. Mais j'ai hâte !

@Janggok Hye Mi
Jésus leur répondit: J'ai fait une oeuvre, et vous en êtes tous étonnés. Jean 7:21


L'air chaud rentra doucement dans l'embout. Caïn était satisfait des chiffres qui s'affichaient sur l'écran digital. C'était bien beau d'avoir proposé à Hye Mi de la raccompagner mais il avait bu ce soir là. Et après l'accident qui avait failli coûté la vie à la jeune femme, il ne se sentait ni de conduire en état d'ébriété ni d'appeler un conducteur à sa place. La ramener en bus ? Ça aurait fait de lui un bon looser. Heureusement sa dernière flûte de champagne remontait un peu et son ethylotest lui autorisait à prendre le volant en toute sécurité.

La Maybach rugit et se lance dans la nuit... Avant de s'arrêter quelques mètres plus tard devant le bâtiment. Caïn baisse la vitre teintée, et baisse légèrement les lunettes de soleil qu'il a enfilé en vitesse pour l'effet, "Diamonds + and Pearls" se fait entendre dans toute la rue via son autoradio.

"Excusez-moi belle demoiselle, mais avec une si belle robe, vous ne comptez pas prendre le bus tout de même ? Je vous amène quelque part ?"

Oui bon, il a bien failli la raccompagner en bus mais ça aurait au moins eu l'effet d'être un souvenir cocasse.

Une étrange sensation. Comme une réminiscence d'un rêve oublié, d'un acte manqué. Comme s'ils rejouaient le passé. Une appréhension mais les visions cauchemardesques se sont bien éloignés depuis ce temps. Il n'a plus peur. Ils en ont parcouru un bout de chemin depuis. Et lui ? Il est enfin prêt.

"C'est pas que je veux prolongé ce petit jeu de rôle entre nous, même s'il me plaît bien. Mais je t'assure qu'on va devoir faire un petit détour par une station essence histoire que je ne te fasse pas le coup de la panne sèche."

Il jette un oeil du côté passager. Vérifie que la ceinture de sécurité est bien attaché.

"Let's go !'

Et dans un rugissement, la Maybach s'enfonça dans la nuit pas si noire de la très éclairée Séoul.

@Jeong Caïn

Je regardais un peu autour de moi pour être sûre de ne pas passer devant lui et le louper. Je me mordille la lèvre inférieure, ne le voyant pas. Peut-être n'a-t-il pas encore fini de discuter avec son ami. Je décide donc d'arrêter de marcher et stationne devant le bâtiment en attendant patiemment. Je me permets même de regarder le ciel en cette nuit agréable. Je souris légèrement en regardant et comptant quelques étoiles. Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas allongée sur l'herbe d'une plaine pour admirer les étoiles durant des heures.  Mais alors que je me remémorais un passé assez lointain et rempli de nostalgie, j'entends une musique parvenir à mes oreilles. Puis une voix que je connais maintenant par cœur.

- Quelle aimabilité !

Je laisse échapper un léger rire puis ne tarde pas à monter. Je ne voudrais pas que l'on attire l'attention sur nous. Il faut dire que ni sa musique ni sa voiture ne passent inaperçues. Je m'installe et ne tarde pas à mettre ma ceinture. C'est toujours la première chose que je fais, désormais. Trop de mauvais souvenirs sinon. Même si c'est simplement pour discuter que je monte dans une voiture et que nous comptons rester à l'arrêt, il faut que je m'attache. Une fois que c'est fait, je regarde un peu sa voiture puis tourne ma tête dans sa direction. Finalement, il a enfin accepté que je monte dans sa voiture. Et j'espérais réussir à profiter du moment sans me mettre à faire une crise de panique.

- Le coup de la panne est passé de mode, tu fais bien de prévoir un arrêt express à la station.

Je souris, amusée. Il ne tarde pas à démarrer et je regarde alors le paysage défiler. Je me tiens à ma ceinture, pas comme si j'étais flippée, mais plus par précautions. Il va me falloir un petit temps pour être à nouveau détendue comme avant. Je le savais.

- J'espère que tu ne m'en veux pas de t'avoir fait partir si tôt ? Tu aurais peut-être voulu profiter davantage de ton ami et de sa réussite ?!

Je le regarde de nouveau alors qu'il semble concentré sur le trafic.

@Janggok Hye Mi
Jésus leur répondit: J'ai fait une oeuvre, et vous en êtes tous étonnés. Jean 7:21


Conduire une manuel n’était pas toujours évident pour le côté délicat du passage de vitesse. La circulation séoulienne restait dense même au milieu de la nuit et ses habitants avaient la sale habitude de prendre leur voiture même après quelques bouteilles. Hye Mi en avait payé les frais à une époque pas si lointaine que ça. Alors il s’appliquait. Il était plutôt chanceux d’être bon conducteur. Il aimait les longues balades mécanisées le long des côtes du temps où il vivait encore à Busan. Il voudrait partager cela avec sa passagère, un beau jour, quand la peur aura quitter ses mains qui agrippait la ceinture de sécurité. Ils partiraient faire du camping sauvage sur les plages. Se partager des fruits de mer et une canette de bière sous un ciel étoilé, enveloppés dans leur sac de couchage. Un peu comme dans sa jeunesse allemande, les road-trips en Europe avec ses amis et leurs copines, les soirées arrosées et les bains de minuit, les matins à nager nus dans les lacs et rivières. Oui, l’Allemagne, il aimerait bien lui montrer aussi.

« C’était un ami à mon frère originellement. Il m’a contacté quand ce dernier a disparu et depuis… je ne sais pas, ça passe bien entre nous. Ce qui est sûr c’est qu’il ne m’en voudra pas. Il est bien trop heureux de me voir accompagné ! C’est vraiment un bon ami. »

Pourquoi est-ce qu’il lui racontait tout ça ? Ça n’avait pas particulièrement d’importance et c’était assez privé. Mais il en avait envie. Elle faisait partie d’une de ses rares personnes avec lesquelles il pouvait laisser tomber le masque et les murailles et être une version de lui plus naturel. Derrière les airs excentriques et les folies passagères.

Ils s’arrêtèrent à la station essence.

« Tu veux te dégourdir les jambes ? Que je te ramène quelque chose à grignoter ? »

@Jeong Caïn

J'essayais de me détendre. J'essayais vraiment. Mais d'affreuses scènes me venaient en mémoire. Je n'arrivais pas à les enlever de ma tête et le seul moyen de les arrêter fut de lui parler, finalement. Et alors que ma tête était posée confortablement contre le siège et que je le regardais conduire, je me sentis soudainement en sécurité. Cela m'apaisa instantanément et je souriais doucement. Il ne tarda pas à me répondre. Je l'écoutais, silencieuse. Un silence religieux presque.

Il me parle de son frère si facilement et naturellement tout à coup, que je n'ose rien dire. J'écoute et retiens cependant chaque information. Ainsi, son frère a disparu. Est-il seulement parti vers d'autres horizons ou est-il décédé ? Je n'ose pas poser la question. Et je ne pense pas que ce soit le bon moment pour, de toute façon. Je me contente de me perdre dans ma contemplation. Je le regarde conduire. Je le regarde parler. Et je ne peux m'empêcher de me dire que cet homme est incroyablement beau, séduisant et attrayant. Je sens alors une légère montée de chaleur m'arriver aux joues en prenant conscience de la façon dont je pouvais le regarder. Heureusement, nous nous arrêtons finalement à la station d'essence.

- Hmm ?

Il venait de me poser une question. Ou même deux. Et j'ai du sortir de ma transe subitement pour en prendre conscience. Je me suis légèrement redressée et ai dévié le regard pour ne pas être mal à l'aise.

- Je pense que marcher un peu et prendre l'air me fera du bien. J'essaie de limiter les moments trop longs dans des voitures...

Je me détache et le regarde en souriant, tout à coup.

- Tu veux que je te prenne quelque chose ? Je vais aller me prendre des biscuits ou même une boisson.

Et alors que j'attendis sa réponse, mon regard se perdit de nouveau dans le sien. Je me retrouve comme transportée dans un autre monde et ne comprends pas trop ce qu'il m'arrive. Faites qu'il me réponde vite pour que je ne sombre pas davantage. Je crois que je n'aurais pas du boire. Même un peu. Tout s'emmêle.

- Il... Il fait chaud, tu ne trouves pas ?

Est-ce que je viens vraiment de lui demander ça ? La honte...

@Janggok Hye Mi
Jésus leur répondit: J'ai fait une oeuvre, et vous en êtes tous étonnés. Jean 7:21

L’atmosphère avait légèrement changé. Mais quelle en était la raison ? Un silence trop long, une réponse un peu tardive, peu assurée. Deux regards qui se perdent dans le néant de leurs pupilles. Ils s’y reflétaient légèrement. Miroir de l’un et l’autre. Elle avait capturé son regard et refusait de lui rendre ! Dans son champ de vision périphérique, il pouvait voir le rose de ses joues. Pourquoi étaient-elles si roses d’ailleurs ? Il la faisait rougir ? Ses pommettes se mirent aussi à chauffer, comme pour répondre à celle de Hye Mi. Qu’est-ce qu’elle était belle ! Qu’est-ce qu’il avait envie de se pencher, de la prendre dans ses bras, de l’embrasser…

« C’est sûrement le chauffage. » lui répondit-il en lui souriant tendrement.
Il ne l’avait pas mis bien sûr.
« Un café, s’il te plaît. »

Soudain, une pensée fusa à travers son cerveau. Un détail qui lui avait échappé mais qui l’obligea à se détacher de leur concours de regard pour qu’elle ne puisse pas voir le sourire idiot qui se dessinait sur son visage. Il en profita pour sortir de la voiture afin de régler la question de l’essence.

Depuis quand se tutoyaient-ils ? Bien sûr, il l’avait fait pendant toute une soirée mais le whisky avait effacé ce souvenir là. Il s’assura qu’elle était à l’intérieur de la supérette pour sautiller sur place. Il lui en fallait si peu pour être heureux. Il se répéta cette phrase en soupirant dans la nuit noir, et dans ce souffle partait un poids qu’il portait depuis longtemps. Il lui en fallait si peu pour être heureux oui. Près d’elle, le bonheur était toujours si proche. Il ne savait pas si c’était réciproque cependant. La culpabilité le rongeait encore de ne pas l’avoir prise dans sa voiture cette nuit-là. Il avait pu estimé à quel point Hye Mi avait besoin d’une histoire stable, sérieuse. Qu’elle puisse, enfin, qu’ils puissent construire leur confiance perdu (bien que jamais acquise) dans ce qui se nommait la relation romantique. Ça n’avait jamais fait l’ombre d’un doute depuis qu’il l’avait rencontré, c’est ce dont il voulait aussi. Cependant, du haut de ses 32 ans, il n’était pas sûr d’en être capable.

@Jeong Caïn

C'est sûrement le chauffage. Bien sûr. Il avait mis du chauffage. Un café, s'il te plaît. Il souhaite du café. Oh non. C'est sûrement la faute au café. Bien sûr. J'ai eu chaud à cause du café. C'est logique. Une boisson chaude qui me réchauffe et me donne chaud. Et donc il veut du chauffage ? C'est sûrement le café. Du chauffage, s'il te plaît. Je m'arrête de marcher dans les allées de la supérette. Non mais à quoi je pense ? C'est n'importe quoi. On parlait de chauffage et il m'a demandé un café. Rien de plus. Pourquoi est-ce que je me mets dans un tel état ? Mon cœur bat anormalement vite dans ma poitrine alors que je revois son sourire.

J'entends une voix masculine me demander pardon et je reprends alors possession de mon esprit dans le moment présent. Je tousse légèrement et me dépêche de récupérer ce sont j'ai besoin pour lui et pour moi. Un petit paquet de biscuits, une petite bouteille d'eau et un café. Je me dépêche ensuite d'aller à la caisse, encore à moitié perdue dans mes pensées finalement. Il y est toujours. Lui. Sa voix. Son sourire. Tout. Je sens encore une certaine chaleur m'envahir jusqu'à ce que je récupère mes achats et qu'en me retournant pour partir je me rende compte qu'un homme me fixe en souriant étrangement. Je me sens alors affreusement gênée et mal à l'aise. Je me dépêche de sortir de la supérette et de chercher Caïn des yeux. J'ai comme un mauvais pressentiment. Cet homme... Ce regard... On aurait dit celui de cet adolescent le soir où il a bien failli... Un frisson me parcourt. Je commence à avoir peur. Pourquoi est-ce que je panique tout à coup ? J'ai pourtant appris à me défendre. Je pratique des sports de combat. Alors pourquoi est-ce que je me sens tétanisée ?

Je vois soudainement Caïn et je me sentirais presque en sécurité si une telle distance ne nous séparait pas. Un regard en arrière me fait craindre à nouveau le pire puisqu'il semble me suivre alors je me mets à courir jusqu'à mon accompagnateur. Et dès lors que j'arrive enfin à ses côtés, je me blottis contre lui. Assez soudainement, je dois bien l'admettre. Je suis tremblante. J'ai vraiment eu peur. Mais à l'instant où j'ai senti son odeur, la peur s'est envolée.

- Je...

Je me rends finalement compte qu'un tel comportement ne peut être que suspect et je m'écarte doucement en espérant qu'il ne cherchera pas à comprendre le pourquoi du comment. J'espère aussi que l'homme est parti. Je n'ose pas vérifier et me contente de sourire doucement à Caïn en lui tendant son café.

- Et voilà pour toi !

@Janggok Hye Mi
Jésus leur répondit: J'ai fait une oeuvre, et vous en êtes tous étonnés. Jean 7:21
Pouvait-on mourir de bonheur ? Sûrement car en cet instant là, son coeur avait définitivement raté quelques battements. L'odeur de son shampoing emplit ses narines si vite qu'elle en gela ses neurones. Le temps qu'il réfléchisse à lui rendre son étreinte, elle l'avait déjà rompu. Il leva un sourcil interrogateur et posa une main rassurante sur son épaule.

"Merci"

Sa main glissa sur son omoplate, il se plaça légèrement derrière elle pour l'inciter à avancer jusqu'à la voiture.

"Allons-y." l'invita-t-il dans un sourire.

Il lui ouvrit sa portière et porta attention à positionner sa main stratégiquement au dessus de sa tête pour éviter qu'elle ne se prenne pas le cadran. On pourrait penser qu'il s'agissait d'un geste purement galant et romantique mais il était en réalité indispensable. Caïn connaissait bien la hauteur de sa voiture mais l'avait appris aux dépends de quelques très légères commotions. En tant que propriétaire et conducteur, il devait s'assurer que ses passagers soient mis à l'abris de TOUT danger. Il repassa devant la voiture pour prendre place au volant, jetant un derrière coup d'oeil au loin. La nuit et son air calme et apaisant lui rendit son regard. Avait-il rêvé ? Au moment où Hye Mi s'était précipitée sur son torse, il aurait juré voir une ombre tourner les talons au loin. En ajoutant à cela la réaction plus qu'inattendue de la jeune femme, son bonheur s'était tout aussi soudainement transformé en une écume d'inquiétude. Cependant elle semblait être calme et composée. Alors peut être avait il rêvé, cependant il avait compris depuis un moment déjà qu'ignorer ce que lui criait ses tripes n'était pas la meilleure des idées.

Il finit sa tasse de café d'une traité et démarra prudemment. Sur le chemin, il fit quelques détours, blâmant le GPS de lui indiquer la direction que trop tard. Il jeta des regards discrets dans son rétroviseur mais personne ne semblait les suivre. Il mit fin à son petit jeu afin de ne pas inquiéter davantage Hye Mi (si du moins elle l'eût été ). Quand ils se retrouvèrent à l'endroit même où le taxi les avait déposé quelques mois auparavant (il avait mystérieusement reconnu l'endroit vu les souvenirs très flous qu'il en avait), il se tourna vers elle et coupa le contact, ne laissant que les lumières intérieures allumées. Ses doigts tapotèrent nerveusement un rythme aléatoire.

"Merci pour ce soir. Je sais que c'est moi qui t'ai rendu service mais merci quand même. J'ai passé un très beau moment."

Il jeta un coup d'œil dans la rue sombre au dehors.

"Ça va aller ?"