Installée sur le bord de ton lit, ton regard voyageait lentement dans la pièce, détaillant l'étagère là, celle où résidaient toutes les figurines que tu n'avais pas prises avec toi. Le coin de tes lèvres se haussa à peine en les observant, les souvenirs s'écrasant par vagues dans tes pensées, les yeux contemplant ensuite le vide. Puis ce bureau. Ce bureau qui avait tant vécu. Tant vu. Ce bureau où tu étais installée pour tes devoir, tes leçons. Mais aussi pour écrire ces longs commentaires. Pour répondre à ces questions. C'était là où tu avais vécu le meilleur mais surtout le pire. Le meilleur n'arrivait même plus à survivre dans cet océan de blessures. Impossible de respirer, là-dedans. Impossible de garder la tête hors de l'eau, là-dedans. Les paumes frôlant tes draps, un soupir courut lentement sur tes lèvres, ton visage se levant, fixant le plafond, la vision trouble. Tu avais tellement de bons souvenirs ici mais tout était toujours emporté par ces moments horribles. Tu ne pouvais pas oublier. Pourtant tu le voulais. Tu voudrais te réveiller un jour et n'avoir aucun souvenir de tout ça. Te réveiller et avoir tout oublié – et retrouver ton insouciance. Retrouver ton envie de vivre, ta joie d'exister. Retrouver la chaleur dans le regard, au bout des doigts.

Un dernier regard vers le bureau, et tu te redressas, attrapant tes affaires, te dirigeant à pas légers dans la salle de bain. La chaleur de la douche détendait tes muscles – mais rien ne semblait pouvoir te détendre le cœur. Une fois séchée et changée, tu allas dans la cuisine, saluant tes parents et ton frère d'une fine esquisse. « On part à quelle heure déjà ? », demandas-tu à ton aîné, les pupilles levées vers lui, brillantes mais si sombres. « Tu veux aussi du jus d'orange ? », l'interrogeas-tu encore, postée devant le frigo ouvert, la bouteille en main, l'agitant délicatement. « On a plus de pommes ? » 

De temps en temps, certains week-ends, Shi Hyun appréciait les passer chez ses parents. Cela lui permettait de les voir un peu puis le plus souvent, Aeri était là elle aussi, donc ça lui faisait plaisir de lui tenir compagnie. Certes, il avait l’occasion de la croiser puis de passer du temps avec elle à la faculté néanmoins ce n’était jamais pareil. Peut-être lui reprocherait-on d’en faire trop, d’être également trop protecteur avec elle, cependant c’était plus fort que lui… Il l’adorait sa petite sœur autant qu’il n’avait jamais été capable de se détacher de la culpabilité de l’avoir abandonnée au moment où elle avait le plus besoin de lui. Et lui souhaitait simplement rattraper tout le temps perdu, il souhaitait la soutenir, l’aider à retrouver ces étincelles qui brillaient dans ses yeux quand elle était plus jeune, retrouver ce sourire sincère qui lui brodait les lèvres, il voulait juste être présent pour elle. Si lui, sa propre famille, ne le faisait pas, alors qui le ferait, hm ? Aeri était la seule devant laquelle Shi Hyun était si doux, la seule à qui il offrait de tendre esquisse dés que son regard se posait sur elle, la seule pour qui il sacrifierait vraiment si cela pouvait permettre à sa petite sœur d’être heureuse à nouveau.

Et aujourd’hui encore, ses lèvres s’étaient naturellement tirées tendrement en la voyant faire son apparition dans la cuisine. « Quand tu seras prête. » Lui l’était, il avait uniquement besoin d’enfiler son sweat ainsi qu’une veste et peut-être aussi de finir son petit-déjeuner. « Je veux bien, s’il te plaît. » Il l’admettait, il était assis et avait un peu la flemme de se lever. « On pourra passer en chercher en même temps si tu veux. On a toute la journée. » Bien qu’il n’avait pas de grandes idées où ils comptaient sortir mais certainement qu’ils improviseraient, ils avaient simplement convenu de se promener en ville. « Il y a un endroit spécial où tu aimerais aller en premier ? » Parce que quand Aeri était concernée, Shi Hyun n’était jamais compliqué, il s’adaptait à elle, du moment que cela lui faisait plaisir. Certes, il n’était pas un grand amateur de shopping et sûrement que si sa cadette souhaitait l’emmener faire les boutiques, elle l’entendrait râler parfois cependant il continuerait de l’accompagner malgré tout et l’aiderait même à choisir ses vêtements. Il était comme ça Shi Hyun, il râlait mais dans le fond, il était content d’être là.

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Ca faisait du bien de revenir chez tes parents. De quitter le dortoir, la pression des cours. De revenir aux sources, d'une certaine façon. Car quand tu venais ici, c'était pour te ressourcer. Te reposer. Pour pouvoir te plonger dans quelque chose d'autre que l'école ou les devoirs. Pour pouvoir penser à d'autres choses. Essayer. Tu finissais toujours par te retrouver perdue dans des souvenirs du passé. Tu finissais toujours par te rappeler. Comme si ta mémoire était trop vive, les mots piquaient encore. La douleur toujours présente, le cœur lourd, tu revivais l'instant au lieu de le survoler. Désagréable. Blessant. T'avais parfois l'impression que tout recommençais, alors que tout était fini. C'était fini, n'est-ce pas ? T'avais parfois cette boule au ventre de te dire que ça pouvait recommencer. Qu'on pourrait revenir s'en prendre à toi – à la rigueur, tu pouvais passer. Mais qu'on pouvait aussi menacer à nouveau ta famille. Tu avais eu tellement peur, à l'époque. Tu avais toujours peur. T'en devenais presque malade. T'en étais devenue totalement cassée.
Cassée de l'intérieur.

Bougeant faiblement le visage, tu jetas un rapide regard vers ta tenue, marmonnant un petit « J'suis prête ». Etais-tu prête ? Théoriquement, oui. Le calme de la maison te manquait déjà. Et tu ne pourrais masquer le bruit, ton frère étant à tes côtés, hors de question de mettre tes écouteurs. Bougeant encore le visage, tu lui servis un verre, avant de ranger la bouteille. Tu attrapas son verre, lui donnant, prenant ensuite le tien pour boire une gorgée. « Oh c'est pas pour moi », déclaras-tu doucement, les sourcils à peine haussés. Tu terminas de boire, rinçant ensuite le verre. « C'est pour le shinigami dans ma chambre », confias-tu, penchée vers lui, la voix basse, avant de te redresser, l'esquisse fine. Allais-tu comprendre la référence ? T'en savais rien – mais tu voulais juste l'embêter un peu. « Non, pas vraiment », dis-tu, songeuse, les prunelles s'égarant. « Il y a un nouveau magasin qui a ouvert », ajoutas-tu, prenant ton téléphone pour le tourner vers lui, la devanture du magasin bien visible – évidemment une boutique spécialisée. Manga, anime, figurines, goodies... tout droits venus du Japon ! « Mais après je sais pas. Peut-être passer à la boutique habituelle », encore une autre concernant les manga ? Non. Pour les dessins cette fois. Tu avais tout le matériel nécessaire mais tu préférais être prudente et acheter en avance. « Tu veux aller quelque part toi ? », lui demandas-tu, le regard posé sur lui – et tu te demandais bien souvent ce que tu ferais sans lui. Rien, probablement. Non. Rien, très certainement. « Si Monsieur est prêt... », petite gestuelle accompagnant les paroles, tu désignas la porte, t'y engouffrant dans un faible son amusé suivit d'un « Allons-y » à peine prononcé. Tu enfilas un gilet, tes chaussures, et tu ouvris la porte d'entrée, une fine grimace déjà présente sur ta frimousse.
Heureusement, Shi Hyun sera avec toi.

Sa petite sœur, son petit trésor, elle était assurément ce qu’il avait de plus cher. Même si Shi Hyun ne l’avouait pas toujours à haute voix ou qu’il râlait énormément, oui, il l’adorait sa cadette. Elle était tout ce qu’il souhaitait protéger, principalement parce que le monde ne lui avait fait aucun cadeau et qu’il se doutait que pour elle plus rien ne serait jamais pareil. Alors il espérait parvenir à lui changer les idées, à rattraper tout ce temps qu’ils avaient perdu tous les deux néanmoins, le garçon n’était pas idiot, il se doutait que cela n’effacerait jamais son entière culpabilité. Cela n’effacerait pas le fait qu’il n’avait pas été là quand elle avait eu le plus besoin de lui. Et non, punir tous ceux qui l’avaient harcelé sur le web n’était pas suffisant pour se faire pardonner ; pas quand après avoir agi de la sorte, il avait fini par se retrouver coincé derrière les barreaux. S’il s’était excusé, ça n’avait pas corrigé les dégâts qui avaient été infligés et il avait toujours regretté cela. Non, il n’avait pas regretté d’avoir attaqué toutes ces personnes qui méritaient d’être punies, cependant il avait regretté de ne pas avoir vu plus loin que ce qu’il avait devant lui, de s’être cru invincible et de ne pas avoir été en mesure de la protéger dignement comme un frère était censé le faire. Du mieux qu’il le pouvait, il se rattrapait et même s’il n’avait pu faire par le passé, il promettait de le faire à présent.

L’un de ses sourcils s’était arqué à la rétorque de sa cadette. Le Shinigami ? C’était quoi ça déjà ? Et surtout cela venait de quel manga ? Oui, Shi Hyun avait encore oublié. Hors Aeri lui parlait de tant de choses qu’il en perdait sérieusement le fil. « Ah ? » Un magasin sur les mangas et les animes certainement, le jeune homme en mettrait sa main à couper. Ce ne serait tellement pas étonnant venant de sa petite sœur toutefois si cela pouvait lui faire plaisir, bien qu’il râlerait probablement, il la suivrait. « Non, pas spécialement. Peut-être passé pour acheter quelques trucs pour mon PC mais à part ça, pas vraiment. » Il irait où elle voulait aller, lui n’avait rien d’urgent à acheter. Un sourire avait orné ses lèvres pour compléter ses mots puis il s’était alors levé à son tour avant de rire doucement à ses gestes. « Monsieur est prêt. » Sur ses mots, il avait marché sur ses talons avant d’enfiler à son tour veste et chaussure. Casques en main, il s’était à son tour faufilé à l’extérieur avant de donner sa protection à la jeune fille puis de poser la sienne sur sa tête. Il n’y avait rien de mieux qu’une petite balade en moto pour commencer la journée. « Tu veux que je t’aide ? » L’avait-il interrogée naturellement, prêt à lui porter un coup de main si jamais elle n’arrivait pas à accrocher son casque.

Le temps passé avec ton frère était toujours précieux. Important. Comme quelque chose que ton cœur te poussait à faire. Que ton âme avait besoin pour se sentir apaisé, au moins un peu. Comme si passer du temps avec lui t'évitait de ressentir le poids du monde, de la vie, de ta vie, sur les épaules. Comme s'il acceptait de prendre un peu de ce poids avec lui pour te permettre de mieux respirer. Le monde ne semblait pas plus beau, plus lumineux. Il était toujours lugubre, et morne. Gris et méchant. Odieux et mal intentionné. Le monde ne changeait pas, il restait le même, tournant dans le même sens. Tu inspirais le même air, pas plus frais, pas moins lourd. Mais ton âme semblait un peu plus en paix, comme au repos. Un soldat qui déposait les armes pendant quelques heures, baissait le bouclier pour simplement observer. Il n'y avait pas grand chose à admirer, si ce n'était la lueur qui brillait dans les pupilles de ton aîné, remplaçant la lune durant la journée, le soleil ne pouvant même pas rivaliser.

Le coin des lèvres finement haussé, tu mimas un petit air malicieux, comme une gamine prête à faire une bêtise. Alors que non. T'en étais loin des bêtises. Loin d'être une gamine. Dans le fond t'aimerais l'être. Retourner à cet âge où tu ne comprenais rien à rien. Tu ne savais pas si ton frère avait compris la référence – tu n'étais pas sûre que ce soit le cas. Ca t'amusait de le taquiner sur le sujet. En douceur, toujours. « On aura le temps d'aller voir de toute façon », articulas-tu lentement. Passer dans le magasin de mangas n'allait pas prendre la journée... quelques heures, tout du moins, mais pas toute la journée. T'allais pas forcer ton frère à rester dans la boutique si ça ne l'intéressait pas. Une simple esquisse aux lèvres, soulevant à peine le coin de tes lèvres avait frôlé ta bouche, son ombre amusé alors que tu quittais la maison, ton frère te suivant. Tu n'observas pas les alentours car il n'y avait rien à voir. Un léger son dans la gorge, tu tentas de mettre le casque comme il le fallait, mimant un « non » de la tête à sa question.. pour finalement te tourner vers lui, le menton un peu relevé et l'index pointant vers le casque. Tu patientas sagement qu'il accroche le casque, le remerciant d'un sourire. Tu grimpas sur l'engin sans attendre, tapotant la place devant toi pour inviter ton frère, un son amusé contre ta bouche, masqué par le casque. « La prochaine fois on pourra faire un tour ailleurs ? », demandas-tu. « Dans les champs ? Ou quelque chose du genre », tu t'accrochas à lui, le serrant doucement. « Il y aurait pas un endroit où on voit mieux la lune, le soir ? Un peu en hauteur ? On pourrait y aller », et ça pourrait t'intéresser, de regarder la lune d'un peu plus près. Tu plaças un peu mieux ton sac, le serrant à nouveau. « Je suis prête », que tu annonças.

Plus rien n’était comme avant, et même s’il essayait de ne pas y prêter attention, il le savait malgré tout. Sa petite sœur n’était plus la fillette qu’il avait connue, à présent elle était marquée par la vie, par les séquelles que ce harcèlement avait laissées sur elle, et à chaque fois qu’il la contemplait, Shi Hyun regrettait. Il regrettait de ne pas avoir été suffisamment à ses côtés, de ne pas l’avoir correctement protégé et de ne pas avoir vu plus tôt les tourments qui la rongeaient. Si on lui avait donné l’opportunité, il aurait préféré être celui qu’on critiquait, celui qu’on pointait du doigt et qu’on moquait, celui qu’on frappait par les mots, celui qui subissait. Assurément que, oui, s’il avait pu tout prendre à la place de sa cadette, il l’aurait fait. Malheureusement ce n’était pas possible, une telle occasion n’existait pas et il ne pouvait pas non plus retourner dans le passé pour tout changer. Il ne pouvait que se tenir à ses côtés maintenant, l’encourager, l’épauler, lui changer les idées et faire de son mieux pour voir renaître l’un de ses véritables sourires au coin des lèvres. Parfois amusé, parfois perplexe de ses remarques, Aeri savait toujours comment l’avoir en beauté et il s’était contenté d’acquiescer sa proposition. Avec elle, Shi Hyun ne se prenait jamais la tête, il faisait comme bon lui semblait, tout ce qui lui plaisait.

Un doux rire s’était échappé de ses lèvres en la voyant galérer avec le casque, lui demandant ainsi silencieusement de le lui attacher, ce que le garçon ne s’était pas laissé prier pour le faire. « Voilà mademoiselle. » Demoiselle qui n’avait pas attendu pour monter sur la moto, après l’avoir remercié, et Shi Hyun l’avait imité quelques instants plus tard, non pas sans lui préciser de bien se tenir. « Je suis partant. On se fera ça la prochaine fois. Des endroits où on voit la lune, je suis certain qu’on peut en trouver plein. » En tout cas, il adorait l’idée ; cela leur apporterait plus de tranquillité, cela les relaxerait. « Alors, allons-y. » A peine avait-il prononcé ses mots qu’il avait fait grogner sa moto, appréciant particulièrement ce son qui lui caressait les tympans et, ensemble, ils avaient pris la route. La liberté, c’était ce qu’il éprouvait à chaque fois qu’il roulait, peu importait où il allait et certainement qu’il ne s’en lasserait jamais.

Sans prêter attention au temps qui s’était écoulé tandis qu’ils circulaient, ils étaient finalement arrivés à leur première destination. Shi Hyun avait directement garé sa moto avant d’en descendre puis de retirer son casque, se concentrant ensuite sur sa petite sœur afin de l’aider à enlever le sien. « Ça va ? » Lui avait-il demandé, s’inquiétant toujours du bien-être de la jeune femme ; s’il avait eu peur ou autre, il préférait le savoir.

Il y avait tellement de choses que tu voulais dire à Shi Hyun, et en même temps, tu ne disais rien. Tu voulais lui dire de ne pas s'en faire – de ne pas s'en vouloir. Pour toi, ce qu'il s'était passé, le reste. Il avait fait de son mieux et tu ne pourrais jamais lui en vouloir. Comment pourrais-tu lui reprocher de ne pas avoir agi contre quelque chose qu'il ignorait ? T'étais pas de ce genre-là. Au contraire, c'était plus toi qui t'en voulais. Parfois tu te disais que tu n'aurais rien dû dire. Il n'aurait pas eu de soucis ainsi, ton frère. De l'autre côté, tu avais eu tellement peur que tu n'aurais pu faire autrement tout compte fait. Il y avait cependant cette petite voix qui venait toujours te susurrer un douloureux « Et si » alors que tu fermais les yeux pour tenter de dormir – ou alors que tu les ouvrais pour fuir tes cauchemars. Et si tu n'avais rien dit ? Comment serait ta vie aujourd'hui ? Celle de ton frère ? Des autres ? Comment était leur vie ? Tranquille, sans doute. Certain.e.s ne devaient même plus penser à toi. Tout le monde était passé à autre chose – comme si on pouvait oublier s'être moqué.e de quelqu'un ainsi. Tout le monde avait avancé. Sauf toi. Toi t'étais encore coincée. T'avais perdu bien trop de plumes, Aeri.

Le nez quelque peu plissé au rire de ton frère, tu ne dis rien cependant, le remerciant simplement alors qu'il t'aidait, offrant une esquisse discrète. « Merci monsieur », que tu soufflas, te courbant quelque peu, un faible son amusé aux lèvres alors que tu grimpais sur la moto. « Je suppose qu'il faut prendre de la hauteur non ? », tu levas un peu le regard vers le ciel. « Pour en être plus proche... tu as des coins en tête, déjà ? », que tu le questionnas, curieuse. Tu voulais déjà y être. Tu voulais déjà pouvoir l'observer, la regarder, la laisser te bercer de sa lumière. Elle était précieuse, la lune. Tu fis un simple signe ensuite, t'accrochant à lui alors qu'il démarrait, te laissant emporter par cette impression de flottement et de liberté. Impression qui s'estompa avec le temps – qui se stoppa brutalement à l'arrivée. On ne pouvait jamais être totalement libre, pas vrai ? Tu ne pourras jamais l'être. Tu copias ton frère, descendant de la moto non sans tituber quelque peu. « Ca va », que tu dis, le remerciant encore une fois, passant rapidement tes mains dans tes cheveux, soufflant sur la mèche qui vint te chatouiller le nez. « On pourra aussi juste faire un tour en moto, la prochaine fois ? », est-ce que t'en demandais trop ? T'avais parfois la sensation de trop lui en demander, à ton frère. « Enfin seulement si tu peux. Et si tu veux », ajoutas-tu en bougeant les épaules, faussement nonchalante. « Commençons par le début », fis-tu ensuite, indiquant une direction, avançant ensuite et t'assurant que Shi Hyun te suive. « Ca devrait aller vite normalement », murmuras-tu en arrivant, poussant discrètement la porte de la boutique. Un regard émerveillé vint tourner sur les divers objets présents – et soudainement, ton index se leva, pointant une figurine sur ta droite, tes prunelles se posant sur Shi Hyun. « Question : qui est-ce ? », tu levas quelque peu le sourcil, dégainant déjà un quiz alors qu'il n'avait rien demandé. « Tu gagnes un milkshake si tu réponds bien », ou autre chose à boire ou à manger, s'il le voulait. Tu lui offris une esquisse taquine, la frimousse malicieuse, ton index venant cacher le nom de Kuroo, la figurine que tu avais désigné.

A peine sorti à l’extérieur, Shi Hyun n’avait pas hésité à donner un coup de main à sa petite sœur qui avait du mal avec son casque. Le sourire aux lèvres à son remerciement, grimpant également sur sa moto tandis qu’ils discutaient sur un endroit où ils pouvaient voir la lune, une remarque de sa cadette qui ne l’avait pas tant surpris. « Oui, je pense aussi, au moins on la verra bien. » Est-ce qu’il avait des coins en tête, lui qui vagabondait beaucoup, en effet, il en avait déjà quelques-uns « Peut-être ? » Une esquisse en coin dissimulée par son casque, le jeune homme n’avait pas donné plus de détails « Tu verras, ce sera la surprise lorsqu’on ira. » Parce qu’il aimait faire plaisir Aeri, parce qu’il avait envie de prendre soin d’elle et lui remettre ce sourire qu’on lui avait arraché. Il ferait vraiment tout pour elle et s’en voulait toujours de l’avoir abandonnée à cette époque, de ne pas avoir réfléchi deux fois avant de commettre l’irréparable. Hors, ce qui était fait était fait, il ne pouvait pas remonter le temps mais il pouvait essayer de changer l’avenir, de l’embellir ne serait-ce qu’un petit peu… Il savait que sa sœur restait troublée, qu’elle n’était plus cette fillette heureuse d’autrefois, cependant s’il parvenait à réchauffer son cœur quelques fois, lui se démènerait toujours pour le faire et être présent pour elle. Il ne rêvait rien de plus que voir Aeri rayonner de bonheur, oublier ce passé qui l’avait tant meurtri et profiter des belles choses que la vie lui avait offertes.

Sans un mot de plus, ils avaient pris la route, le vent soufflant au fur et à mesure qu’ils roulaient, oubliant probablement tous les deux les tracas qui accaparaient leur esprit habituellement. Lorsque Shi Hyun était sur sa moto, il en oubliait tout, et c’était sûrement la raison pour laquelle il ne s’en séparait jamais ; elle lui apportait tellement. Cette sensation de liberté, elle le transportait, il adorait. Son casque enlevé, il avait aidé sa cadette à faire de même et un autre sourire s’était dessiné au coin de ses lèvres. « Je veux toujours voyons, quelle question. En plus tu demandes à moi qui adore ça, je t’emmène où tu veux et quand tu veux. » Pour elle, il ne cessait jamais d’y songer, il ferait vraiment tout. Le casque en main, ils avaient pris la route après avoir attaché la moto et cet éclat tendre sur son visage ne quittait jamais ses lèvres tandis qu’ils entraient dans le magasin. Parce qu’il aimait voir sa sœur ainsi et que si les moyens lui permettaient, il lui achèterait certainement tout le magasin. Bon peut-être pas tout, l’envie disparaissait étrangement quand sa sœur lui désignait une figurine et lui donnait un quizz, l’obligeant à lever les yeux au ciel. Jamais elle n’arrêtait franchement… Hors, Shi Hyun avait beau ralé, dans le fond ça l’amusait, certainement le pourquoi il avait arboré un sourire taquin à la demande de la jeune fille. « Kuroo ? » Non pas qu’il avait envie d’un milkshake cependant il admettait qu’à chaque fois que Aeri faisait ça, elle réveillait son esprit de compétition et le motiver à vouloir répondre correctement. Sauf qu’il n’était pas certain lui-même de sa réponse, il avait dit un nom qui lui passait par la tête, un nom qui paraissait bien à aller à cette figurine sauf qu’il n’était même pas sur du manga mentionné. Tant pis.

Shi Hyun était toujours présent – tout comme la lune était toujours là. Un regard vers le ciel, la nuit, et tu la voyais. Et tu te sentais apaisée. Comme une présence qui te surplombait et qui te protégeait. Une sœur qui te berçait chaque nuit mais que tu ne pouvais attendre. La différence avec Shi Hyun était là, tu pouvais le serrer dans tes bras et profiter de sa chaleur. Le nez faiblement retroussé, tu murmuras un petit « D'accord ». T'aimais pas spécialement les surprises – mais si elle venait de ton frère, tu supposais qu'elle ne pouvait pas être mauvaise, pas vrai ? Il ne te mettrait pas dans une situation délicate ou qui pourrait te mettre mal à l'aise. Il te connaissait Shi Hyun, il savait comment tu fonctionnais à présent, pas vrai ? Tu étais bien différente de la petite fille que tu avais été, dansant dans la lumière alors qu'aujourd'hui tu te faufilais dans les ombres. Tu avais honte – honte de ce qui avait été dit. Comme si chaque personne que tu croisais pouvait le lire dans tes yeux en y voyant là la vérité. Honte de ce qui avait été fait. Honte pour ce qui était arrivé à ton frère. Tu t'en voulais, pour tout ça mais aussi pour tout le reste. Tu n'aurais pas dû y prêter attention au début. Pire encore tu n'aurais même pas dû commencer tout ça. C'était ta faute, non ? Tu avais légèrement ouvert la porte alors que tu aurais dû la fermer à double tour. Voilà le résultat, aujourd'hui.

L'impression de flotter, la sensation de liberté au bout des doigts ne resta pas bien longtemps et tu aurais aimé la vivre un peu plus longtemps. Tu haussas doucement les épaules, l'esquisse fine sur les lèvres. « Je préfère demander, on sait jamais », susurras-tu doucement, les prunelles remontant lentement vers les siennes. « Peut-être que tu préfères emmener quelqu'un d'autre faire un tour en moto », le taquinas-tu doucement, le sourire légèrement plus grand, une fine étincelle de malice dans le regard. Tu ne voulais pas accaparer Shi Hyun trop longtemps, trop souvent. Il avait d'autres choses à faire, d'autres personnes à voir. Et c'était normal. Il menait sa vie et tu voulais qu'il soit heureux, peu importait ce qu'il faisait. Place à la question maintenant, tu l'observais pendant qu'il réfléchissait, balançant la tête d'un côté et de l'autre comme si tu comptais les secondes. « Nous avons un gagnant », articulas-tu, le désignant de l'index, libérant ainsi le nom sur la figurine, et tu souris discrètement. « On pourra s'arrêter à la boutique plus bas. Ils font de bons milkshake », assuras-tu d'un mouvement du visage, te baladant tranquillement dans la boutique, hésitant parfois, les lèvres pincées. « Elles sont mignonnes ces petites figurines », dis-tu doucement, le regard brillant, t'attardant un peu trop sur elles. L'index allant de gauche à droite tu semblais ne pas savoir laquelle prendre. Une fois le choix fait, tu gardas précieusement la petite boîte entre tes mains avant d'aller payer. « Je reviendrai la prochaine fois pour l'autre », expliquas-tu avant de passer en caisse. « C'est par là pour le milkshake », tu désignas la direction du menton.

Shi Hyun était toujours partant pour faire plaisir à sa petite sœur donc si en plus il s’agissait de tour en moto, comment pouvait-il refuser ? Il se faisait plaisir en lui faisant plaisir, il n’y avait pas meilleure activité puis, surtout, cela lui permettait de passer un moment avec elle. Il avait l’impression d’avoir tant perdu entre son temps en centre de détention et son temps à l’armée, il souhaitait constamment se rattraper, incapable de se défaire de cette culpabilité qui le rongeait. « Même si c’était le cas, je trouverais toujours du temps pour t’emmener toi. » Sincère, malgré la taquinerie de sa cadette, lui ne pouvait s’empêcher d’être honnête. Aeri était plus précieuse que n’importe qui d’autre, il n’y avait personne qui pouvait la remplacer et lui appréciait le temps passé en sa compagnie. Bien qu’il se trouvait toujours confus à chaque fois qu’elle lui faisait une devinette sur les mangas et anime, une passion que lui n’avait pas et dont il ne connaissait pas toujours les réponses. Hors, pour elle, Shi Hyun faisait des efforts et tentait d’apprendre les personnages préférés de la demoiselle ; il lui arrivait même d’en lire parfois, uniquement pour se défaire de cette frustration de ne pas savoir.

Vraisemblablement, pour une fois, sa réponse fut correcte et un sourire fier naquit aussitôt au coin de ses lèvres. Il avait l’impression de jouer sa vie à chaque reprise même si Aeri n’allait pas le frapper s’il se trompait, c’était simplement son esprit compétitif qui le motivait à vouloir bien répondre. « C’est toi qui me l’offres du coup ? Puisque j’ai gagné. » Evidemment, il ne l’obligeait en rien, son ton était même plaisantin à cause de cette situation qui l’amusait quelque peu. En silence, son regard suivit chacun de ses gestes puis, la jeune fille s’avançant avec une seule boîte, Shi Hyun s’empara discrètement de l’autre. Oui, il était le premier à se moquer d’elle et dire qu’elle devrait s’acheter une chambre uniquement pour les entreposer tant y en avait cependant il était également le premier qui ne résistait jamais à lui faire des cadeaux. « Ca c’est pour moi. » Déclara-t-il après que sa sœur eut payé pour son achat avant de lui donner tandis qu’il marchait en direction de leur prochaine destination : les milkshakes. « Tiens. » pas besoin d’attendre pour lui donner, Aeri savait pertinemment que ce bien n’était pas pour son frère mais pour elle et lui savait que cela lui ferait plaisir. Toujours.