Nouveau sourcil arqué à la déclaration de la jeune fille. Se Jun marque une pause. Une seconde, puis deux et… « Pfff ! » Il ne peut retenir cette expression, l’air rieur, tandis qu’il secoue la tête, vaincu. « Ok ok. » Il serait donc là, pour soutenir Bo Mi et convaincre la propriétaire des lieux de prendre un chien. L’idée le laissa bêtement rêveur, comme s’il était soudain redevenu le gamin innocent qu’il fut à une époque… avant que tout parte en vrille. Il avait eu un chien en ce temps-là… S’en souvenir le submergea d’une telle tristesse qu’il serra subitement les poings et son visage se ferma.
C’était un de ces moments où Se Jun pouvait tout d’un coup se lever et renverser une chaise, claquer la porte et faire trembler les murs. La raison lui aurait appartenu à lui seul, laissant les étrangers à son esprit troublé dans une profonde confusion. Mais ce ne fut pas le cas ce soir. Malgré la colère qui l’avait animé plus tôt, malgré le poids dans son cœur qui l’avait poussé ici, sous la pluie… il était resté là, assis face à elle. Et la présence, la légèreté et la douceur de Bomi n’y étaient certainement pas pour rien.
Elle le faisait même rire. Quelle drôle de fée, elle était. « Je te demande un autographe maintenant ou j'attends encore un peu ? » Bomyleth. Difficile de déterminer s’il préférait ce stupide sobriquet à celui que la jeune fille s’était elle-même choisi et contre lequel il s’était tant de fois battu. Na-Bomb ou Bomyleth, peu importait : il comptait bien remporter le combat !

Aucune pitié tolérée. Et ce même-ci en l’écrasant, l’autographe perdrait sûrement de sa valeur… toutefois, la joueuse se montra plus coriace qu’elle n’en avait l’air et Se Jun, poussé par le désespoir de la faim - et sa mauvaise foi - dû avoir recours à la triche. Un plan diaboliquement ingénieux qu’elle manqua presque de ne pas découvrir. Un rictus triomphale peignait déjà le visage du tricheur, n’attendant pas cette permission pour la réattaquer. « Pas mal, mais ça sera pas suffisant, » commenta-t-il alors que la jeune fille se sauvait de justesse. La bougre était vraiment bonne malgré sa vie volée. Et la supercherie fut dévoilée. Se Jun tenta d’abord un air innocent, particulièrement exagéré qui ne convaincrait personne. « Je vois pas de quoi tu parles Bomyleth. » Mais puisque le mensonge était inutile et qu’elle consentait à perdre dans tout sauf les règles de l’art, Se Jun se permit de la pousser dans le vide pour mettre fin à ses souffrances, un fourbe sourire au bord des lèvres. « Gagné. » Et les scrupules ? Il détailla la perdante abusée et lui adressa une moue entre excuse et amusement : « Quoi ? » Tu sais très bien. « La faim justifie les moyens ? » Abruti. Il lâcha la console et s’affala à moitié sur la table, lui donnant un étonnant air de chien battu. « Allez, steuplait… Je sortirais le chien si tu veux. » Quel étrange deal quand le chien en question n’était même pas en négociation pour la future propriétaire.

Pando

Elle n’a pas le temps de lui répondre. La partie est lancée et il est nécessaire d’être concentrée dès le début. C’est désagréable de l’avouer mais le jeune homme a son petit niveau. Dans tous les cas, Bomi n’aime pas négliger ses adversaires et elle a conscience qu’il possède son petit avantage. La belle a beau jouer à domicile, elle ne peut pas s’empêcher de sourire à cause de leur conversation. Car oui, grâce à ses excellents arguments, Sejun va pouvoir lui donner un coup de main pour avoir un chien. Elle ne peut pas s’empêcher d’être ravie de construire une nouvelle petite famille et d’accueillir un animal à quatre pattes. Il sera toujours plus sympa que certains clients qui se considèrent comme de véritables rois. Bomi n’aime pas l’idée d’être une simple servante bien que ce soit le contenu du pari lancé. Mettre son tablier pour lui cuisiner un semblant de plat... A son avis, Sejun préfère le repas à son autographe et elle le comprend. Même si elle est convaincue qu’il mérite autre chose ce soir. Une défaite cuisante, par exemple.

Malheureusement pour elle, l’arrivée d’un client bouscule ses objectifs. Pire encore, son camarade décide d’utiliser son absence pour marquer des points. Elle est un peu vexée, la demoiselle. Ce n’est pas qu’elle est naïve. Disons juste que l’étudiante ne le connaît pas encore assez. Elle aurait pensé toucher la corde sensible en boudant mais elle ne peut rien y faire. Kang Se Jun est insensible à ses charmes. Peut-être qu’elle devrait forcer sur les épices pour le pousser à avoir une petite larmichette. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’il ne connaît pas la notion du respect. Elle, qui fait tant de choses pour lui... Il a de la chance que la jeune femme ne se comporte pas une personne intéressée. Si elle est gentille avec les autres, ce n’est pas pour qu’ils se sentent redevables. “ T’as plus le droit de m’appeler Bomyleth maintenant... “ C’est qu’elle aurait pu apprécier ce surnom s’il n’avait pas joué la carte de l’innocent. Elle serre légèrement les dents, oubliant sa tentative désespérée de faire la femme forte. Non, Bomi préfère écarquiller les yeux quand son personnage tombe bêtement dans le vide. Vraiment. Pourquoi ? Comment a-t-elle pu imaginer qu’il puisse faire demi-tour ? Ce n’est pas du jeu, pourrait-elle geindre d’une voix enfantine. “ T’es vicieux. “ Elle fait une grimace et se contente de le regarder s’affaler sur la table. La partie aura été très courte. La pauvre n’a pas eu le temps de s’amuser, sauf si elle réclame un second round. Toutefois, Sejun attire son attention. Non pas à cause de cette petite moue attendrissante, bien qu’à la limite de la tête à claques... Mais, il avance un très bon argument. Une petite lueur d’excitation s’agite dans ses iris. “ Tous les jours où il pleut. T’as l’air de bien aimer la pluie... Et les jours où il fait trop froid aussi ! Mais tu devras faire attention à ce qu’il n'attrape pas la crève. Je ne voudrais pas qu’il tombe malade. “ Un peu comme lui, ce soir. S’il ose réfléchir dans sa petite tête de gros tricheur. Bomi tend la main vers lui, enfin, plutôt son auriculaire pour faire une pinky promise, avant de changer d’avis. Elle lui offre une pichenette bien appliquée sur son front. “ Vendu. “ Elle se lève. “ Des ramyeon, ça te va ? “ Beaucoup trop gentille, pas vrai ? Et elle n’osera même pas à les épicer encore plus. Car oui, elle n’est pas si naïve que ça. Il a besoin de réconfort. C’est évident... Il la remerciera bien un jour.  

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Se Jun a gagné. A la déloyale. Est-ce qu’il est fier ? Peu importe. Il a gagné, c’est tout. Il avait besoin de gagner. Mais il voit bien que ça ne ravie pas son adversaire, à raison. Il observe ses traits boudeurs et il retient un sourire à sa réplique. « T’es fâchée ? » Elle en a tous les droits. Mais il sait aussi que ce n’est pas si grave, que Bomi ne lui en veut pas vraiment. Parce qu’elle est trop gentille. Beaucoup trop pour lui. Et qu’elle a aussi bien le droit de dire qu’il est vicieux. Il rit en silence, sans répondre tout de suite. Il sait, c’est moche ce qu’il a fait. Mais il a faim et il ne pouvait pas perdre ce soir. Juste ce soir.
Alors il s’écroule comme un gosse affamé sur la table et il négocie. Il promet de se racheter. Il promet beaucoup pour cette fille qu’il ne connaît finalement pas tant que ça. Qu’est-ce qu’il sait d’elle ? Qu’elle travaille ici, qu’elle aime les jeux vidéos et les chiens, qu’elle a aussi des passe-temps plus étranges aux téléphones et que ça l’avait un peu inquiétée…. Elle est gentille Bomi. Il espère qu’elle est heureuse. Qu’elle a une jolie vie.
A quoi est-ce qu’il pense ?
Se Jun s’est perdue et la voix de la jeune fille le ramène sur Terre. Elle pose ses conditions. Beaucoup de conditions. Et ça le faire sourire. Et même rire. Toujours ce même soufflement silencieux qui secoue tout juste ses épaules, mais assez pour dire qu’elle est drôle cette fille. « Ouai. Tous les jours quand il pleut. » Il penserait à prendre un parapluie. « On lui achètera un k-way. » Et l’image du chien en ciré jaune l’amuse. Il croise le regard de Bomi et voit ce petit doigt qu’elle lui tend. Il marque une pause. Elle veut sceller une promesse. Mais tandis qu’il amorce un mouvement pour répondre à ce geste enfantin, il reçoit une pichenette et sursaute bêtement. Il se redresse, l’air ahuri. Il ressemble à un chien qu’on vient de gronder alors qu’il est innocent. Il frotte son front, ravale une moue vexée qui s’efface sous un nouveau sourire discret. Il a presque oublié pourquoi il était là. C’était peut-être une pichenette magique.
Il ne dit rien. Ne fait aucun reproche et se satisfait de ce deal. Parce qu’il a tout gagné. La compagnie de Bomi, un chien et des ramyeons. « Cool. Un menu 5 étoiles. » Et il n’est même pas sarcastique. Il se fiche bien que ça ne soit que des ramyeons qu’il aurait pu acheter et manger seul dans une alimentation à 300 mètres. Parce que Bomi va les faire pour lui. Dans sa poitrine, la chaleur se répand déjà… Il a bien fait de venir ici, ce soir.

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