Bomi est mal placée pour critiquer le travail d’un professeur. Elle n’a aucune expérience dans ce domaine. Elle rencontre même des difficultés à définir le concept de la pédagogie. Toutefois, elle a été élève et continue de l’être, désormais en tant que jeune adulte. Si elle n’a jamais eu besoin de corriger des copies, elle a pu déterminer les méthodes qui correspondent plus facilement à la majorité des étudiants. Elle n’a pas l’impression que sa charmante professeur puisse réellement l’encourager. Il est évident que celle-ci ne peut pas la féliciter à chaque répétition mais quelques mots pour lui souffler qu’elle est sur la bonne voie n’est pas non plus une atrocité. Alors, elle se retient de soupirer quand Minji trouve le moindre prétexte pour la défendre. A trop se soucier des autres, elle finit par s’oublier et personne ne sera en mesure de lui tendre la main, à son tour. Tout le monde est concentré sur ses propres problèmes. Il faut savoir l’accepter. C’est une fatalité qui rime et qui colle à la peau de l’humanité. Pourtant, c’est bien la jeune femme qui tient à aider son ancienne camarade. Elle non plus ne semble pas posséder la bonne méthodologie, mais elle essaye d’y mettre un peu de cœur. Ce n’est pas si commun dans ces temps modernes. “ Bien sûr. Sinon, ça laisserait penser qu’on aurait aucune marge de progression après avoir obtenu notre diplôme. “ Elle hausse les épaules, appréciant l’idée qu’on puisse se reposer sur elle. Si Bomi pense pouvoir se qualifier de personne mâture, elle reste pourtant une demoiselle plutôt capricieuse et susceptible. Comme quoi. Même elle a encore besoin d’apprendre et c’est clairement tout le mal qu’elle se souhaite. Il est bien vrai qu’elle serait ravie de comprendre le vocabulaire utilisé par son maître de conférence. Malheureusement, cette situation ne couvre pas son erreur. Lâcher un peut-être, c’est certainement la pire idée que Hwang Bomi a pu avoir ces derniers temps. Et pourtant, elle n’est pas connue pour être un génie. Elle ne voit pas comment se rattraper quand elle a cette affreuse impression d’avoir dit la stricte vérité. Sûrement que son avis est trop biaisé quand il est question de sa mère. L’étudiante se tourne vers Minji et réfléchit pendant plusieurs secondes. Que doit-elle répondre ? Elle doit être importante pour sa génitrice. Elle suppose que toutes les mères doivent fonctionner ainsi ? Elle s’inquiète peut-être pour son avenir mais si Bomi pense l’envisager pour sa mère, elles n’ont en aucun cas la bonne méthode pour que leurs filles puissent sourire à la vie. “ J’imagine. Mais pour l’instant, c’est moi qui m’inquiète pour toi. Alors, je ne veux plus entendre de vieilles excuses. ” A t-elle un programme pour la suite de la soirée ? Pas vraiment mais elle ne peut pas envisager une sortie dans les bars ou ailleurs. Quelque chose de plus posé et qui lui permettrait de se divertir ? “ Il y a un nouveau film qui est sorti mercredi dernier. Un ciné, ça ne peut pas refuser, pas vrai ? “ Un film de super héros, par exemple. Ou une reprogrammation de Raiponce. Minji ferait une jolie Raiponce.

Tu ne pouvais pas critiquer le travail de ta professeure. Madame Park était, en plus, beaucoup plus agréable que les autres. Elle était probablement la seule que tu pouvais considérer comme réellement gentille. Peut-être ta mère lui mettait la pression pour que tu apprennes plus vite et mieux. Peut-être qu'elle se mettait la pression toute seule, elle aussi ? Pour que tu sois la meilleure. T'en savais rien – mais tu savais qu'elle était gentille, Madame Park. Et qu'elle savait t'écouter. Enfin qu'elle écoutait les paroles qui brûlaient tes lèvres et pas celles qu'on pouvait lire dans tes yeux ou dans tes respirations. Tu savais qu'elle faisait attention – à ce que tes doigts soient bien placés, à ce que les notes soient bien jouées et à ce que ton dos soit bien droit. Mais faisait-elle attention aux grimaces qui décoraient ton visage parfois ? A ces larmes qui menaçaient de couler quand la pression semblait être trop forte à gérer ? « C'est pas faux, dit comme ça », chuchotas-tu doucement, songeuse, les sourcils faiblement froncés. Mais pouvais-tu vraiment apprendre à faire ça ? Pouvais-tu vraiment réussir ? T'étais du genre à toujours t'inquiéter. Et pas seulement de tes notes, mais de tout. Tes leçons de piano, tes tenues, ta coiffure. Tu devais être ce que tes parents voulaient de toi, pas vrai ? Tu ne pouvais pas être quelqu'un d'autre. Pas même toi – et il fallait dire que tu la connaissais pas réellement non plus, la vraie Min Ji qui se cachait là, quelque part. Peut-être que tu ne la connaîtras jamais. Et peut-être que personne ne la croisera jamais. Peut-être que ta mère ne savait pas non plus qui était la vraie Min Ji. Peut-être qu'elle non plus ne faisait pas la différence entre sa vie et la tienne. C'était si compliqué, tout ça. Si crève-cœur, aussi. Ta mère t'aimait, n'est-ce pas ? Elle s'inquiétait pour toi, pas vrai ? Tu te mordis la lèvre. « Désolée de t'inquiéter », dis-tu doucement, le sourire fin, attendri. « Mais tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour moi Bomi », même si ça te faisait plaisir. Même si ça te réchauffait le cœur de l'entendre le dire. Tu lui offris un autre sourire, plus ému cette fois. « Merci », ajoutas-tu simplement, supposant que cela valait mieux que tous les mots. « Oh un cinéma.... ça fait longtemps que je n'y suis pas allée », quelle surprise – pas vraiment. Tu fronças un peu les sourcils, tentant de savoir à combien de temps cela pouvait bien remonter. Tu jetas un regard sur ta montre, mauvaise habitude que tu avais, calculant déjà le temps qu'il te faudrait pour regarder le film et rentrer avant de réviser. « Ce sera quel film ? Je ne connais pas du tout les films qui sont sortis récemment », ça non plus, elle ne devait pas être surprise en l'entendant, Bomi. Tu gardas le silence ensuite, la suivant sagement. « Ca me fait plaisir de passer du temps avec toi », dis-tu enfin dans un chuchotement, les pupilles remontant vers elle. « Ca me manque », Bomi aussi, te manquait. Les pommettes un peu rosies, tu baissas le regard, taisant un « Désolée » mais le pensant peut-être un peu trop fort. C'était ta faute, après tout, si vous ne passiez plus de temps ensemble.

Elle aurait aimé être rassurée mais elle ne peut pas comprendre les émotions de sa camarade si celle-ci ne se confie pas. Peut-être qu’il s’agit d’un jour sans, ce qui arrive au commun des mortels. Alors, la jeune femme cherche à relativiser et se contente de sourire. On verra bien de quoi sera fait demain. En attendant, il est désormais temps de se divertir un maximum. S’il n’est pas question de mouiller le maillot en sélectionnant une activité assez sportive, elle propose de voir un film au cinéma. Si en ce moment, les affiches ne sont pas vraiment les plus intéressantes, il y a tout de même des sorties qui arrivent à la rendre curieuse. Alors pourquoi pas ? “ Je n’ai pas eu l’occasion d’y aller depuis un petit moment aussi... Je ne regarde pas assez les bandes-annonces pour ça mais j’ai entendu des bons commentaires sur une nouveauté. “ C’est l’occasion rêvée, et en plus, elles auront la possibilité de manger quelques popcorns. C’est certainement le meilleur argument pour se laisser tenter. “ Ça s’appelle 20th century girl ! Mais on peut regarder les autres films. “ Bomi ne veut pas s’imposer comme elle s’impose depuis qu’elle est rentrée dans la salle de cours. Un changement de programme inattendu et finalement, plutôt plaisant. Certes, la demoiselle voulait surveiller sa camarade mais ce n’est pas pour autant qu’elle n’apprécie pas sa compagnie. A vrai dire, elle se demande si elles ont eu l’occasion d’aller au cinéma ensemble quand elles étaient plus jeunes. Sa mémoire lui répond à la négative. Les deux devaient s’occuper autrement, soit en prenant l’air, soit en se perdant dans des activités qui coûtent moins chères. Elle se met à rougir aux dires de Minji, à la fois touchée et gênée. Elle chuchote à son tour. “ Ça me fait plaisir aussi. “ Elle saisit son bras pour balayer ses excuses qui n’ont pas leur place. “ Peut-être qu’on devrait faire ça plus souvent. On aura qu’à échanger nos numéros, t’en dis quoi ? “ Elle la gratifie d’un clin d’oeil. “ Tu n’auras qu’à m’appeler si tu as besoin. “ En espérant ne pas retomber dans les vieux travers tandis que la devanture du cinéma se présente aux deux comparses.