Porter cet uniforme pour la dernière fois avait quelque chose de spécial, surréaliste. Il n'allait plus revoir ces couloirs bondés à l'approche de la sonnerie, les camarades qui se rendaient visite de salle en salle quand il le leur était permis, la douce chevelure rosée des sakura le long de l'allée principale au printemps. Toutes ces petites choses allaient lui manquer, alors qu'il n'y prêtait jamais vraiment attention jusque-là. Il profitait, assis en tailleurs sur un banc un peu à l'écart de la foule massée devant les résultats des examens. Il n'y avait pas grand chose à en titrer de toute façon. Avec son nom tout en haut du tableau, il partait à l'université sans l'ombre d'un doute. A vrai dire, il aurait préféré participer aux essais pour décrocher un contrat avec une grande compagnie de lutte, mais ses parents posèrent des conditions : un bon diplôme avant de passer pro.

M. et Mme. Regal étaient tous deux très préoccupés par l'avenir de leur fils unique. Ils étaient bien au courant du talent qu'il possédait en lutte, mais voulaient pas prendre de risques, car le sport était cruel, une blessure pouvait tout ruiner, et la reconversion devenait alors un véritable chemin de croix. De ce fait, Thomas ne pouvait pas leur en vouloir, mais il se disait aussi que passer son temps à l'université était gâcher quelques unes de ses plus belles années, sans compter le fait de voir ses camarades lancer leur carrière dans le milieu.

Le choix de l'université fut un véritable casse-tête. Si le jeune homme n'avait pas été aussi à l'aise avec les langues, il n'aurait jamais été à Yonsei. Bilingue anglais et japonais, il avait choisi le coréen à l'école, et se débrouillait très bien, même si son fort accent le trahissait ainsi que sa grammaire parfois hésitante. Pour contenter ses géniteurs il choisit une bonne université, très réputée mais en Corée, histoire de voir du pays mais aussi pour s'éloigner de sa famille, même si cela signifiait devoir s'éloigner de ses plus proches amis. Certains lançaient bel et bien leur carrière. De son côté, il avait tous les prérequis pour intégrer l'université, il avait même le droit à quelques aides avec son statut d'étudiant sportif de haut niveau.

2020 était synonyme d'une année mouvementée et d'ascenseur émotionnel. Il y eut les jeux olympiques et la médaille à la clé, et le grave accident de son amie d'enfance qui la plongea dans un très long coma. Il était impossible de croire que celle qui l'avait toujours défendu contre ceux qui le maltraitaient pour être un gaijin, qu'il considérait comme étant le personne la plus forte qu'il pusse connaître fusse dans le coma. Il y eut ses longues heures d'attente à l'hôpital, sans autre réponse que le son des moniteurs qui la maintenait en vie. Un immense sentiment d'impuissance l'envahit alors, et ce dernier est toujours présent. Il pense souvent à elle, espérant qu'elle se réveille un jour, il le fallait. Tomoko était sans l'ombre d'un doute la rencontre de sa vie : celle qui lui a fait découvrir la lutte et lui en a transmis la passion, sa meilleure coéquipière dans les stipulations extrêmes, sa plus grande confidente, sa meilleure amie, la meilleure tout simplement. Pas un jour ne passait sans attendre un appel qui le préviendrait de son réveil tant attendu.