trois. c'est le nombre de mois qui se sont écoulés depuis cette fameuse soirée de miss & mister de la yonsei. nous étions au mois de mars 2022. je venais d'entamer ma neuvième et dernière année à la fac. les dés étaient pratiquement jetés. beaucoup de choses m'attendaient, dont une place bien gardée à l'hôpital où je travaillais déjà. mais quand on s'appelle seo, la vie n'est pas aussi facile qu'on l'imagine. personne ne le sait, mais mes blagues et sourires à longueur de temps, ne sont simplement qu'une ruse de plus pour me sortir mes problèmes du crâne. quand tout ça ne fonctionne pas, des longueurs à la piscine font généralement la différence. seulement aujourd'hui... aujourd'hui, et pour la première fois de ma vie, rien ne fonctionne. si mon élection en tant que mister de la fac m'a bien flatté mon égo, ce qui m'a, en revanche, fait douter, c'est ce fameux after qui s'est déroulé le même jour. mes émotions ont carrément fait les montagnes russes. l'alcool a aussi joué à ce que je sois encore plus entreprenant que je ne le suis habituellement. mais les souvenirs restent brouillés. je vois le visage souriant de sae hee, un verre à la main, encore plus torchée que lors de notre première rencontre. j'entends la voix de la présidente des goguryeos, les explications avec namsung et les regards en coin d'irie. à plusieurs reprises de la soirée, je me revois lui parler, rire et déconner sur la situation. parler de la team doc, de seorina. de notre dernier bizutage et enfin, d'aliyyah. un sujet qui me paraît de plus en plus tabou, sans que je n'en prenne réellement conscience. d'autres souvenirs me sont revenus les jours qui ont suivi cette... grosse cuite. des jeux de regards, des danses rapprochées, des verres qui n'en finissent plus, et ma main qui s'hasardait dans ses longs cheveux bruns, de temps à autre. il se pourrait bien qu'à un moment, j'étais prêt à l'embrasser. et là, c'est le flou total. je n'ai aucune idée de ce que j'ai fait par la suite. ai-je suivi mes envies folles ou bien me suis-je contenté de ne rien briser ?
les mains appuyées contre le rebord du lavabo, j'observe d'un regard neutre mon reflet dans le miroir. je ne ressemble pas du tout à ce que j'ai l'habitude d'être, à la yonsei. costume noir qui diffère de mes vêtements sportifs et décontractés, des lunettes qui ne servent qu'à faire déco. mais ici, je suis sincèrement en terrain ennemi. mes doigts effleurent mes lèvres et je détourne le regard en soupirant. quelque chose me dit que je ne l'ai pas fait, je ne suis pas allé jusqu'au bout. mais ce n'est pas parce que j'en suis pratiquement certain, que je ne vais pas m'amuser un peu. je suis conscient que de son côté, aliyyah pense que nous avons eu ce type de rapprochement alors pourquoi ne pas en jouer ? c'est ce que j'ai fait pendant ces dernières semaines mais... étrangement, j'ai une impression différente cette fois. je sens qu'elle m'évite. elle m'évite, si bien qu'en sortant des toilettes pour homme de l'entreprise de mon père, et en me dirigeant avec un pas rapide dans les longs couloirs froids du building avec vue sur seoul, je ne m'attendais pas à la voir.

elle est là, en face de moi. mes battements de coeur s'accélèrent tandis que mes yeux derrière leurs verres superficiels, ne peuvent cacher leur surprise. la surprise est grande, si grande qu'aucun son ne trouve la sortie de mes lèvres. une seule question me vient alors en tête : que fait-elle ici ?

outfit + Aliyyah tira nerveusement sur la manche de sa veste – elle n’avait pas encore l’habitude de porter de telles tenues. Même si elle se retrouvait à éviter tant qu’elle pouvait les outfits trop formels, elle ne pouvait pas nier que cela commençait à se montrer de plus en plus nécessaire avec les années qui passaient. Et Ali était prête à faire beaucoup de sacrifices pour le bien-être de la petite clinique de la digital city où elle faisait son nid. D’autant plus depuis qu’elle avait monté avec un collègue ce projet d’aide aux animaux sauvages de la ville. Certes, c’était une belle initiative mais c’était aussi une gouffre financier certain, comme la plupart des programmes de la sorte. Et si certains clients, habitués voire étudiants du campus s’étaient montrés généreux lors de la levée de fonds, cela ne couvrait pas les frais vétérinaires importants de chaque opération et soin que les vétérinaires étaient obligés de faire pour sauver les petites bêtes. C’était ainsi qu’Aliyyah avait eu cette idée de créer un partenariat avec une grande entreprise pharmaceutique – une exclusivité de leurs produits contre des prix ultra réduits, en plus d’une bonne image assurée par le soutien à une initiative de protection animale. Et pour cela, il fallait bien passer par l’étape de la discussion et de la négociation. Perchée sur ses bottines de dix centimètres qui ne font qu’agrandir encore sa grande taille, la jeune vétérinaire chercha son chemin dans les couloirs de verre qui offraient une vue plongeante sur la capitale – de quoi lui donner le vestige. Aujourd’hui, la brune avait eu rendez-vous avec un des représentants de la boîte dont elle avait déjà oublié le nom. Elle sortait satisfaite de cet échange avec l’homme, même si elle se doutait que ce ne serait pas la dernière défense de projet qu’elle aurait à faire dans ces bâtiments. Alors qu’elle déambulait dans les couloirs à la recherche de la sortie, ses iris se posèrent sur une figure familière, bien trop familière. « Elias ? » la question lui échappa alors qu’elle battait énergétiquement des cils. S’il y avait bien quelqu’un qu’elle ne pensait pas croiser ici, c’était bien le nageur. Et sa présence n’était pas synonyme de bonne nouvelles pour Aliyyah. « Je dois y aller. » fit-elle avant de fermer immédiatement la bouche. Non, la jolie brune n’était pas encore prête à confronter Elias depuis l’after du bal. Surtout pas après son échange avec Irie sur le sujet. Ses pas firent volte-face d’eux-mêmes, ne saluant même pas son ami de longue date, fuyant ouvertement la scène avant même que l’acte ne commence. Aliyyah se dirigea en vitesse vers l’ascenseur le plus proche en s’interrogeant sur la présence du nageur ici, c’était totalement improbable. L’étudiante devenait folle, c’était la seule explication. Elle appuya frénétiquement sur le bouton pour appeler l’ascenseur en priant sur le fait que le jeune homme n'avait pas choisi de la suivre. Lorsque l’appareil lui fit enfin l’honneur de s’ouvrir, elle s’engouffra dedans sans plus d’attente. La main sur la poitrine et les paupières, elle soupira de soulagement de ne pas avoir à affronter Elias dans l’immédiat.