Tu venais de quitter l'agence, jetant quelques regards par-dessus ton épaule pour saluer ton père qui te regardait t'en aller. Ca te faisait presque mal de le laisser là. Ca te faisait mal de rester là, de regarder encore en arrière plutôt que de te concentrer sur ce qu'il y avait devant toi. Ca te faisait mal de ne penser qu'au passé, de fuir ces souvenirs, cette tristesse, cette pauvreté. De fuir l'ombre qu'avait été ton père, de cet embarras de le voir ainsi mais surtout de ce mal qui t'avais pris quand tu le voyais se ruiner la santé et le moral. Ce monde était pourri, tu t'en doutais, tu le savais. Tu l'avais compris après cette discussion avec le directeur de l'agence. Chantage – tu ne pouvais pas partir. Impossible pour toi de relancer ton père dans la misère. De le faire retrouver ses démons, l'alcool. Tu ne voulais plus le voir ainsi. Tu voulais continuer de le voir sourire comme il le faisait en cet instant, le regard si brillant et la mine tellement impeccable. Il était un homme nouveau, changé. T'avais pas le droit de briser ça.

Détournant enfin le regard, tu avanças un peu plus rapidement. Pas que t'étais pressée mais on t'attendait. Un regard sur ta montre et tu plissas le nez, l'angoisse d'être en retard te faisait un signe de la main. Tu accéléras le pas, priant pour arriver au plus vite. Et une fois arrivée, tu soufflas bruyamment, avant d'entrer discrètement, le regard planant dans les alentours. Le coin de tes lèvres se leva doucement en la voyant, juste là-bas. « Coucou », que tu dis, le sourire large et le regard pétillant. « Tu n'as pas attendu trop longtemps, rassure-moi », dis-tu, l'air désolé, une petite grimace au visage. « Tu vas bien ? », tu t'installas calmement, observant rapidement la décoration. « J'ai lu de bons avis sur le net sur cet endroit, j'espère ne pas m'être trompée. Tu étais déjà venue ? », quetu la questionnas, les pupilles intriguées posées sur elle, le sourire ne démordant pas.